25 avril 2024
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 21/04365

2ème chambre section A

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/04365 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIWU



NA



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS

02 novembre 2021 RG :20/00303



[Y]



C/



[A]









































Grosse délivrée

le

à Me Levetti

Me Volle Tupin











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de CARPENTRAS en date du 02 Novembre 2021, N°20/00303



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, et M. André LIEGEON, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre

Madame Virginie HUET, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller



GREFFIER :



Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision



DÉBATS :



A l'audience publique du 27 Février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Avril 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.



APPELANT :



Monsieur [I] [D] [Y]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5] Pays Bas

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représenté par Me Régis LEVETTI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS



INTIMÉ :



Monsieur [E] [V] [P] [A]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représenté par Me Isabelle VOLLE TUPIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES





ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 16 Mars 2023



ARRÊT :



Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 25 Avril 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour






EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



M. [A] a acquis le 29 juin 2015 une maison de ville ancienne, restaurée, de plusieurs niveaux et agrémentée d'un jardin au sud avec piscine situé à [Localité 7] (Vaucluse), dont la façade donne sur la [Adresse 3], et ce afin de s'y domicilier mais également de pouvoir la louer en période estivale.

Mitoyen par le côté Est de cette maison, se trouve l'immeuble de M. [Y] qui en avait fait l'acquisition le 17 février 2014 aux fins d'y créer un fonds de commerce sous l'enseigne « La Mousse gourmande ». Accolée à son immeuble, se trouve une courette, mitoyenne du jardin et de la maison de M. [A], et qui est utilisée par les consommateurs du fonds de commerce.

Considérant que la simple activité de brassage de bières initiale, s'était progressivement transformée en un véritable « pub » avec organisation régulière de soirées musicales, et utilisation habituelle de la terrasse pour permettre la restauration de sa clientèle, lui occasionnant d'intolérables nuisances sonores, olfactives et visuelles, M. [A] a cité M. [Y] à comparaître devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Carpentras pour obtenir une mesure d'expertise judiciaire et que soit interdit à M. [Y] d'utiliser sa terrasse dans le cadre de la consommation, vente de boissons et espaces fumeurs tant que l'avis de l'expert ne sera pas connu.

Par ordonnance en date du 27 juin 2018, le juge des référés du tribunal de Carpentras a ordonné une expertise en commettant M. [T] pour y procéder et a fait défense à M. [Y] d'utiliser à des fins commerciales et ventes de boissons la terrasse et l'espace fumeur de son établissement, chaque jour au-delà de 22 heures, et ce à compter de la décision rendue, sous astreinte de 800 euros par infraction constatée.

L'expert a déposé son rapport définitif le 28 mai 2019.

Saisi de nouveau par M. [A] pour statuer sur la fermeture de l'établissement jusqu'aux travaux de mise en conformité pour faire cesser les troubles anormaux de voisinage, le juge des référés, par une ordonnance du 20 novembre 2019, s'est déclaré incompétent au profit du juge du fond.

Sur la base du rapport d'expertise judiciaire, M. [A], a alors, par acte du 16 mars 2020, assigné M. [Y] à comparaître devant le tribunal judiciaire de Carpentras aux fins d'obtenir la fin des nuisances reprochées par, à titre principal, la fermeture de l'établissement commercial et, subsidiairement, l'interdiction d'utiliser la terrasse et la pose d'un extracteur de fumée réglementaire, ainsi que le paiement de diverses sommes en réparation de ses préjudices.



Le tribunal judiciaire de Carpentras, par jugement contradictoire du 4 novembre 2021, a :

- Déclaré M. [Y] responsable de troubles anormaux de voisinage, olfactifs et sonores au préjudice de M. [A],

- Ordonné à M. [Y] de procéder à l'installation dans son établissement de [Localité 7] d'un conduit d'extraction en inox au-dessus de la génoise en respectant la réglementation applicable, notamment quant à la distance avec les fenêtres de la propriété [A] et ce dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 05 mois, délai au-delà duquel il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de l'exécution compétent,

- Ordonné à M. [Y] de procéder à la fermeture à la clientèle de la terrasse de son établissement de [Localité 7] à compter de 21 heures jusqu'à ce qu'il justifie à M. [A] de la réalisation des travaux préconisés par l'expert tenant à la couverture de la terrasse avec un isolement global minimal de 30 dB, au besoin éclairé zénithalement avec ouvertures fixes, et ce dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat, 

- Interdit à M. [Y] de diffuser toute musique tant à l'intérieur que sur la terrasse de son établissement de [Localité 7] à compter de 21 heures jusqu'à ce qu'il justifie auprès de M. [A] de la réalisation d'une étude d'impact acoustique réalisée par une entreprise habilitée et de tous les travaux en découlant, le tout conformément aux dispositions des articles R 571-25 et suivants du Code de l'environnement et des textes pris pour leur application et ce dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat, 

- Ordonné à M. [Y] de prévenir et faire cesser tout tapage nocturne occasionné par la clientèle de son établissement de [Localité 7] aux abords de celui-ci dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat,

- Condamné M. [Y] à payer, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis, à M. [A], pris en son nom personnel, la somme de 7000 euros et en tant que représentant sa fille mineure, la somme de 3000 euros,

- Condamné M. [Y] aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire,

- Autorisé Me Volle Tupin à les recouvrer selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,





- Condamné M. [Y] à payer à M. [A] une indemnité de 3500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toutes les autres demandes.



Sur le trouble anormal de voisinage

Le tribunal considère qu'il ressort des pièces versées aux débats que l'activité commerciale de brasseur de M. [Y] a évolué depuis l'acquisition de sa maison par son voisin M. [A], vers un bar à bière, de jour comme de nuit, 5 jours par semaine, une restauration terrasse, l'organisation régulière de concerts et de soirées festives, ce qui est très éloigné de l'activité initiale autorisée, et entraîne un afflux de clients qui restent longtemps au sein de l'établissement pour fumer, boire, se restaurer et écouter de la musique.

Il juge que M. [Y] ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation dès lors que l'activité initiale de celui-ci ne s'est pas poursuivie dans les mêmes conditions et qu'au surplus le niveau de bruit, constaté par expertise, excède le niveau limite admissible de bruit défini par la réglementation, en violation des articles R. 1334-31 du code de la santé publique, R. 571-25 du code de l'environnement et de l'article 2 de l'arrêté préfectoral de Vaucluse du 4 août 2004.

Le tribunal, analysant la nature des troubles dénoncés par M. [A] au regard notamment de l'expertise judiciaire, des conclusions de l'expert acousticien de M. [Y], des rapports de police et mains courantes depuis le printemps 2016, des courriers réitérés du maire de [Localité 7], des constats d'huissiers de 2018 et 2019 et des différentes attestations de voisins limitrophes qui confirment les conclusions de l'expert quant à la persistance des nuisances sonores et olfactives, et relevant que lesdits troubles se déroulent dans un quartier paisible d'habitations de la commune de [Localité 7], dans une rue sans autre commerce, et qu'ils n'ont pas été réduits, retient l'existence de troubles anormaux de voisinage tant sonores qu'olfactifs dont la responsabilité incombe à M. [Y].

Les premiers juges indiquent qu'en effet les préconisations de l'expert pour réduire le niveau sonore de l'exploitation du débit de boisson, soit la pose d'un limiteur de puissance acoustique, la réalisation d'un sas d'entrée pour éviter les ponts phoniques lors des entrées-sorties, la couverture de la cour avec un isolement global minimal de 30 dB éventuellement éclairée avec des ouvertures fixes, la pose d'un extracteur de fumée (coin fumeur) générant un niveau global inférieur à 30 dB(A) et sans dépassement réglementaire et alors que les parties s'étaient accordées sur ces mesures techniques, n'ont pas été suivies d'effets, le sas d'entrée posé n'étant qu'un simple rideau et M. [Y] considérant les autres travaux comme trop onéreux pour sa trésorerie (attestation de son expert-comptable).

Ils précisent que l'expert acousticien de M. [Y], bien que critique sur la manière dont ont été réalisées par l'expert judiciaire les mesures de décibels, aboutit en partie aux mêmes résultats que ce dernier en conseillant à son client la fermeture immédiate de la terrasse extérieure au public, convenant que la couverture de la cour et l'abandon de la diffusion de musique amplifiée mettront fin aux désordres.





Ils énoncent que, selon l'expert, la modification du conduit de fumée au-dessus de la génoise pour faire cesser les nuisances olfactives n'est que provisoire et ne répond pas aux dispositions de l'article 63-1 du règlement sanitaire de Vaucluse prévoyant que l'air extrait des cuisines doit être rejeté à au moins 8 mètres de toute fenêtre.

Ils considèrent que l'efficacité d'un vigile sur la rue pour réduire les nuisances n'a pas été démontrée, que concernant la pose d'un limitateur de pression acoustique par coupure électrique, aucune étude d'impact préalable et obligatoire n'a été effectuée pour savoir si ce limitateur sera efficace, et que les attestations versées aux débats par M. [Y] émanant de voisins affirmant ne pas être dérangés par des bruits, sont insuffisantes à contredire les conclusions de l'expert judiciaire.



Sur la cessation du trouble anormal de voisinage

Afin de faire cesser les nuisances olfactives, le tribunal décide d'ordonner sous astreinte la pose du conduit d'extraction en inox au-dessus de la génoise en respectant la règlementation applicable, notamment quant à la distance avec les fenêtres de la propriété [A].

Par ailleurs, pour faire cesser les nuisances sonores dans l'établissement, il ordonne sous astreinte la fermeture de la terrasse à la clientèle à compter de 21 heures et ce jusqu'à ce que M. [Y] justifie à M. [A] de la réalisation des travaux préconisés par l'expert, soit la couverture de la terrasse avec un isolement global minimal de 30 dB, au besoin éclairé zénithalement avec ouvertures fixes, et interdit sous astreinte la diffusion de toute musique tant à l'intérieur que sur la terrasse de l'établissement à compter de 21 heures jusqu'à ce que M. [Y] justifie auprès de M. [A] de la réalisation d'une étude d'impact acoustique réalisée par une entreprise habilitée et de tous les travaux en découlant, le tout conformément aux dispositions des articles R. 571-25 et suivants du code de l'environnement et des textes pris pour leur application.

Enfin, pour faire cesser les nuisances sonores à l'extérieur de l'établissement, le tribunal indique que l'expert a noté que la fermeture de la terrasse conduisait la clientèle à sortir de l'établissement pour provoquer des nuisances sonores dans la rue, préjudiciables au fonds [A], qu'il préconise la réalisation d'un espace fumeur intérieur ventilé, fermé sur l'extérieur, disposant d'un système d'aération en toiture basse vitesse avec pièges à sons, étant précisé que la création de cet espace obéit à une réglementation contraignante et que toute consommation dans ce lieu serait prohibée. N'ayant pas la certitude que cet espace serait utilisé par la clientèle qui pourrait préférer continuer à se déplacer sur la rue, et M. [Y] étant responsable de sa clientèle, le tribunal décide de condamner ce dernier à prévenir et faire cesser tout tapage nocturne occasionné par la clientèle de son établissement aux abords de celui-ci sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat.



Sur les préjudices

Les premiers juges ont considéré que la responsabilité civile de M. [Y] en sa qualité de propriétaire devait être engagée dans la mesure où à cause du bruit des clients sur la terrasse, de l'extracteur d'air et des odeurs émanant des cuisines du restaurant, M. [A] ne peut jouir pleinement de son jardin et de ses chambres, les fenêtres des deux chambres donnant directement sur la terrasse et la rue, et le jardin étant mitoyen de la terrasse. En revanche, le tribunal juge que le préjudice de jouissance relatif à une absence ou à une diminution des locations estivales n'est pas justifié et que le préjudice moral sera indemnisé comme un préjudice de jouissance depuis 2016, faisant observer que le seul certificat médical produit concernant M. [A] n'établit pas de lien entre le trouble panique évoqué et les nuisances de voisinage.

 

M. [Y] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions par déclaration au greffe en date du 8 décembre 2021.



Par requête en date du 15 février 2022, M.  [Y] a saisi le premier président de la cour d'appel de Nîmes d'une demande de de suspension de l'exécution provisoire ordonnée par le jugement dont appel, laquelle demande a été rejetée par ordonnance en date du 25 mars 2022.

M. [E] [A] a saisi le conseiller de la mise en état pour aux termes de conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 31 mai 2022 et le 12 septembre 2022, demander de dire et juger nulle la déclaration d'appel en raison d'un jugement inexistant outre, à titre subsidiaire, la radiation de l'affaire du rôle sur le fondement des dispositions des articles 514 et 526 du code de procédure civile eu égard à l'absence d'exécution du jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire. 



Par ordonnance du 11 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a :

- débouté M. [E] [A] de sa demande de nullité de la déclaration d'appel,

- débouté M. [E] [A] de sa demande de radiation,

- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'incident seront joints au fond.

 

Par ordonnance du 20 décembre 2022, la clôture de la procédure a été fixée au 16 mars 2023, l'affaire a été appelée à l'audience du 11 avril 2023, renvoyée à l'audience du 7 novembre 2023, puis déplacée à l'audience du 27 février 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 25 avril 2024.

 

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2023, M. [Y], appelant, demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation, 

Vu les dispositions de l'article L421-9 du code de l'urbanisme,

Vu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence,

- recevoir l'appel interjeté par Monsieur [I] [Y] du jugement rendu le 4 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Carpentras,

- le dire juste et bien fondé,

- réformer le jugement rendu le 4 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Carpentras en ce qu'il a :

« * déclaré M. [Y] responsable de troubles anormaux de voisinage, olfactifs et sonores au préjudice de M. [A],

* ordonné à M. [Y] de procéder à l'installation dans son établissement de [Localité 7] d'un conduit d'extraction en inox au-dessus de la génoise en respectant la réglementation applicable, notamment quant à la distance avec les fenêtres de la propriété [A] et ce dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 05 mois, délai au-delà duquel il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de l'exécution compétent,

* ordonné à M. [Y] de procéder à la fermeture à la clientèle de la terrasse de son établissement de [Localité 7] à compter de 21 heures jusqu'à ce qu'il justifie à M. [A] de la réalisation des travaux préconisés par l'expert tenant à la couverture de la terrasse avec un isolement global minimal de 30 dB, au besoin éclairé zénithalement avec ouvertures fixes, et ce dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat,

* interdit à M. [Y] de diffuser toute musique tant à l'intérieur que sur la terrasse de son établissement de [Localité 7] à compter de 21 heures jusqu'à ce qu'il justifie auprès de M. [A] de la réalisation d'une étude d'impact acoustique réalisée par une entreprise habilitée et de tous les travaux en découlant, le tout conformément aux dispositions des articles R 571-25 et suivants du Code de l'environnement et des textes pris pour leur application et ce dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat,

* ordonné à M. [Y] de prévenir et faire cesser tout tapage nocturne occasionné par la clientèle de son établissement de [Localité 7] aux abords de celui-ci dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat,

* condamné M. [Y] à payer, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis, à M. [A], pris en son nom personnel, la somme de 7000 euros et en tant que représentant sa fille mineure, la somme de 3000 euros,

* condamné M. [Y] aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire,

* autorisé Me Volle Tupin à les recouvrer selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

* condamné M. [Y] à payer à M. [A] une indemnité de 3500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* rejeté toutes les autres demandes. »





Statuant à nouveau,

- juger que l'installation de l'activité commerciale de Monsieur [I] [Y] remplit les conditions d'antériorité et de préexistence à l'acquisition par Monsieur [A] de son immeuble, au sens des dispositions de l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation,

en conséquence,

- débouter Monsieur [A] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en application des dispositions de l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation,

- juger que Monsieur [I] [Y] bénéficie au terme de l'article précité d'une exonération de responsabilité au regard des troubles anormaux de voisinage non établis,

- juger que Monsieur [A] n'est pas recevable, en l'état de son acquisition postérieure et de sa parfaite connaissance de l'état d'exploitation du bar appartenant à Monsieur [I] [Y], à venir solliciter l'indemnisation relative aux troubles susceptibles de découler de ladite exploitation,

- juger que le rapport d'expertise judiciaire [T] n'a pas permis le respect du principe du contradictoire édicté par l'article 16 du code de procédure civile et la jurisprudence en découlant,

- juger que Monsieur [T] n'a pas permis aux parties de discuter contradictoirement des critiques formulées à l'encontre de ses procédés de mesure et de la réglementation évoquée dans son rapport,

en conséquence,

- juger nul et non opposable le rapport d'expertise [T],

à titre infiniment subsidiaire,

- juger que les mesures du rapport d'expertise [T] ne sont pas susceptibles d'établir un quelconque trouble anormal de voisinage en l'état des mesures prises,

- juger que Monsieur [A] n'établit aucun préjudice d'exploitation, de jouissance ou moral,

- débouter en conséquence Monsieur [A] de l'intégralité de ses demandes à ce titre,

- condamner Monsieur [A] au paiement de la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Sur le trouble anormal de voisinage allégué

L'appelant reproche notamment aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte du fait que M. [A] a acquis un immeuble à usage d'habitation qu'il a transformé en une exploitation commerciale de chambre d'hôte postérieurement à la création de son entreprise et d'avoir analysé la situation en se plaçant du point de vue d'un particulier qui subirait des nuisances résultant d'une activité commerciale alors qu'il convient d'examiner celle-ci dans le cadre d'un rapport entre deux activités commerciales à but lucratif à l'aune des dispositions de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation qui exonère sous certaines conditions l'auteur des dommages allégués de toute responsabilité au titre des troubles anormaux de voisinage en raison de l'antériorité de son occupation. Il soutient essentiellement que :

- son activité commerciale est antérieure à l'acquisition par M. [A] de sa maison à usage d'habitation le 29 juin 2015 ; que ce dernier savait pertinemment que celle-ci jouxtait le bar à bières puisque cette acquisition comprenait un mur mitoyen séparant les deux propriétés ;

- il n'y a eu aucune modification de son activité, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, au regard des pièces versées aux débats, notamment de la notice explicative annexée à sa demande de permis de construire déposée le 3 octobre 2013 démontrant que la cour intérieure, son accessibilité et son utilisation par les clients de la brasserie étaient connues depuis l'origine ; que l'importance de son activité est établie par le livre comptable de la caisse du mois de mai 2015, soit antérieurement à l'acquisition par M. [A] de son bien immobilier, lequel était parfaitement informé de la situation, ayant fréquenté son bar-brasserie afin de se renseigner sur cet établissement avant sa propre acquisition, et l'antériorité de son installation étant également établie par l'expert judiciaire, de sorte que M. [A] ne peut se plaindre d'un trouble anormal de voisinage ;

- son activité remplit toutes les conditions légales et est conforme à la règlementation en vigueur ;

- il résulte de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation que l'antériorité de l'installation concerne les personnes exploitant des activités notamment commerciales, que les activités doivent s'être poursuivies dans les mêmes conditions que celles qui existaient au moment de l'installation de la victime du trouble et que l'exercice de l'activité commerciale en question doit être conforme au règlement ; que tel est le cas en l'espèce, de sorte qu'il peut être exonéré de toute responsabilité au titre des troubles anormaux de voisinage.

Par ailleurs, M. [Y] critique le jugement en ce qu'il a éludé les attestations qu'il a produites émanant de voisins indiquant que son établissement ne génère aucun trouble anormal de voisinage et privilégié la seule plainte de M. [A]. 

Il prétend que l'action de M. [A] a été introduite dans le souci de maintenir son activité lucrative qui a été créée postérieurement à la sienne, que c'est donc bien deux activités lucratives et commerciales quelle que soit leur forme d'exploitation qui doivent être évaluées dans l'antériorité de leur installation respective ; que M. [A] ne saurait solliciter une indemnisation au titre des troubles anormaux de voisinage, ayant par ailleurs invoqué en première instance la baisse du chiffre d'affaires sans verser aux débats de documents comptables alors que son activité était florissante comme en témoigne le nombre de compliments élogieux effectués au cours de l'été 2019 par sa clientèle. En outre, il fait observer que s'il y avait eu un impact sur son activité commerciale, M. [A] aurait demandé une indemnisation conséquente alors qu'il s'est contenté de solliciter un préjudice moral, ce qui pose une difficulté d'ordre juridique quant à l'indemnisation d'un trouble.

Sur la critique du rapport d'expertise de M. [T], 

M. [Y] reproche aux premiers juges d'avoir homologué la première partie des conclusions de l'expert sans avoir tenu compte des critiques émises à leur égard.

Il rappelle que selon la jurisprudence la nullité du rapport est encourue dès lors que les investigations effectuées de manière non contradictoire ont pu avoir des conséquences sur l'appréciation des causes des désordres, l'étendue des réparations à accomplir et la détermination des responsabilités et que tel est le cas en l'espèce.

Il sollicite ainsi la nullité du rapport d'expertise au regard des circonstances non contradictoires des mesures effectuées, de leur caractère inapproprié à la réglementation en vigueur, de l'absence de réponse par l'expert judiciaire de manière contradictoire aux critiques qu'il a formulées, assisté de son conseil technique acousticien. Il précise que l'expert a réalisé ses mesures sans qu'aucune fenêtre de l'habitation de l'immeuble de M. [A] ne soit fermée, alors que le taux d'émergence doit être calculé dans différentes situations, sans tenir compte du bruit ambiant existant compte tenu de l'activité de chambre d'hôte de M. [A] et sous le seul contrôle de celui-ci, en violation de l'article 16 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il fait valoir que les conclusions de l'expert ne pourraient être retenues au regard des critiques qui ont été formulées à leur égard et auxquelles aucune réponse n'a été apportée ; plus précisément, que les mesures de nuisances sonores ne sont pas recevables dès lors que l'expert n'a pas tenu compte de la propre activité de M. [A] générant nécessairement des nuisances sonores et en tout état de cause un bruit ambiant à comparer aux bruits résiduels ; qu'aucune demande relative aux nuisances olfactives ne saurait prospérer dans la mesure où son activité ne concerne que des assiettes froides et où il est indiqué par M. [A] que seul le conduit de fumée a été modifié, aucun élément contraire n'étant versé aux débats ; que concernant les nuisances visuelles, M. [A] avait formulé une demande en première instance au sujet d'un climatiseur extérieur sur lequel un cache a désormais été positionné et que s'il réitérait sa demande en cause d'appel, il n'apporte aucun élément de preuve.

Très subsidiairement, sur les mesures pouvant faire cesser le trouble anormal de voisinage allégué, il fait valoir que :

* selon la jurisprudence, il convient non pas d'interdire radicalement une activité conforme à la réglementation, cette sanction étant excessive et disproportionnée pour les troubles réellement subis, mais de cantonner cette activité dans les limites acceptables propres à faire cesser l'éventuelle anormalité de troubles constatés ; qu'en l'espèce, les premiers juges ont ordonné des astreintes disproportionnées pour faire cesser les nuisances alléguées alors qu'ils n'ont pas tenu compte du fait que concernant les nuisances olfactives, il avait lui-même placé le conduit d'extraction, que concernant les nuisances sonores, un limitateur de bruit d'émergence sonore a été proposé, que concernant les nuisances sonores à l'extérieur de l'établissement, il avait engagé un vigile pour expliquer aux personnes sortant de l'établissement la nécessité de rester discrètes et que le maintien de la décision avec la possibilité pour M. [A] avec quelque moyen de preuve que ce soit de faire constater « une infraction » et de le faire condamner à 1 000 € par infraction est inapplicable en ce qu'elle ferait peser sur lui la responsabilité de gérer le domaine public alors même que deux autres établissements de boissons se trouvent à proximité du sien et sont aussi susceptibles d'engendrer des troubles ;

* à titre subsidiaire, les mesures visant à faire cesser le trouble prétendument établi éventuellement retenues par la cour devraient être particulièrement limitées afin de ne pas le conduire à cesser son activité, comme cela serait le cas en lui imposant de couvrir totalement sa terrasse ce qui engendrerait un coût trop important ou d'arrêter son activité à 22 heures alors qu'il travaille à partir de 20 heures, que la reprise de l'exploitation des débits de boissons est extrêmement modérée après la pandémie de Covid 19 ; que le bar est fermé le dimanche et le lundi et que les clients apprécient les terrasses et la fermeture de « La Mousse gourmande » à 22 heures 30, comme il s'y était engagé, ce qui était raisonnable compte tenu de la réglementation de l'ouverture qui prévoit 1 heure l'hiver et 1 heure 30 l'été, n'étant donc pas en infraction avec la réglementation.

Sur les préjudices allégués par M. [A], il soutient que les premiers juges se sont contredits, ayant considéré que les nuisances prétendument subies n'avaient pas d'impact sur l'activité de M. [A] mais ayant retenu un préjudice moral tout en relevant qu'il ne ressortait pas du certificat médical produit un lien entre le trouble panique évoqué et les nuisances de voisinage ; que M. [A] ne rapporte pas la preuve de ses préjudices, de sorte qu'il sera débouté de ses demandes à ce titre.

En réplique aux conclusions de l'intimé, il fait valoir que :

- M. [A] ne saurait soutenir que les attestations qu'il produit ne sont pas probantes à la différence des siennes alors qu'il est peu probable que les attestations de la quasi intégralité des témoins et clients indiquant que des mesures ont été prises pour limiter le niveau sonore et fermer la terrasse extérieure soient de pure complaisance et qu'il ressort de leur lecture attentive que les clients se plaignent du peu d'ambiance et de la limitation du niveau sonore ; qu'il n'a jamais fait l'objet de verbalisation ; qu'il ne peut être tenu d'assurer l'ordre public dans la rue de Notre Dame, d'autant qu'il s'agit d'une rue passante et non d'une rue tranquille comme le prétend l'intimé ;

- contrairement à ce qu'énonce l'intimé, la pièce n°14 constituée d'un courrier de son précédent conseil n'est pas de nature à affirmer qu'il a accepté le rapport préliminaire de l'expert dans la mesure où il comporte un quatrième dire lui communiquant l'analyse technique de son expert conseil, M. [B], concernant les conditions des campagnes des mesures réalisées dans son établissement et habitation, le priant d'en tirer toutes conclusions utiles ;

- il ressort des attestations de ses locataires qui habitent dans l'immeuble litigieux qu'ils ne souffrent d'aucune nuisance.



En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, M. [A], intimé, demande à la cour de :

- débouter Monsieur [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre principal : 

Vu les articles 901, 54 2°, 54 3° et 57 al. (sic) du code de procédure civile

- constater que l'appel formé par Monsieur [Y] à l'encontre d'un jugement inexistant fait grief à Monsieur [A],

- dire et juger nulle la déclaration d'appel, 

à titre subsidiaire :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- condamner Monsieur [Y] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L'intimé fait essentiellement valoir que :

à titre principal, M. [Y] a interjeté appel d'un jugement rendu le 2 novembre 2021, alors que le jugement du tribunal judiciaire de Carpentras est daté du 4 novembre 2021 ; que l'erreur portant sur la date d'un jugement est une nullité pour vice de forme et que le fait d'être attrait devant la cour en vertu d'une décision inexistante lui cause incontestablement un grief, de sorte que la déclaration d'appel de M. [Y] qui porte sur un jugement inexistant est nulle ;

à titre subsidiaire, sur le fond :

- sur les dispositions de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation,

M. [Y] ne peut se prévaloir de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation dès lors que, selon une jurisprudence constante, l'auteur d'un trouble ne peut exciper de l'antériorité de son installation pour s'exonérer de sa responsabilité pour troubles de voisinage qu'à condition qu'il respecte les dispositions législatives et règlementaires en vigueur et que l'activité se soit poursuivie dans les mêmes conditions, étant rappelé qu'il suffit que l'une seule de ces conditions fasse défaut pour que l'exploitant soit déchu de son droit d'antériorité ou qu'il ne puisse s'en prévaloir ; que, par conséquent, l'exploitant ne peut invoquer ledit article lorsque le niveau de bruit, constaté par expertise, excède le niveau limite admissible de bruit, défini par la règlementation ou lorsqu'il existe un accroissement des nuisances sonores postérieurement à l'installation du voisin ; qu'en l'espèce, d'une part, l'appelant viole les dispositions des articles R. 1334-31 et suivants du code de la santé publique, R. 571-25 et suivants du code de l'environnement, de l'article 2 de l'arrêté préfectoral de Vaucluse du 4 août 2004 et de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte qu'il ne respecte pas les dispositions législatives et réglementaires et que, d'autre part, les pièces versées aux débats révèlent que l'activité commerciale initiale de dégustation de bières fabriquées sur place de M. [Y] a évolué, depuis l'acquisition de sa maison, vers un bar à bière, de jour comme de nuit, cinq jours par semaine, une restauration en terrasse, la diffusion de musique amplifiée, l'organisation régulière de concerts et de soirées festives, l'expert judiciaire ayant relevé un accroissement des nuisances postérieurement à son installation comme l'a rappelé le maire de la commune dans un courrier et l'a reconnu l'expert acousticien de M. [Y], M. [B], le 3 mai 2019, de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point ;

- sur les troubles de voisinage,

il a dû renoncer à son activité de location depuis 3 ans à cause des nuisances générées par le bar à bières ; que contrairement à ce qu'énonce M. [Y], il n'exerce pas d'activité commerciale de chambre d'hôte et qu'il n'a jamais invoqué une baisse de son chiffre d'affaires en première instance ; que l'exploitation de fonds de commerce de M. [Y] génère de graves nuisances sonores (musique, allées et venues et stationnement de la clientèle dans la cour mitoyenne de son jardin, et des conversations, rires, chants, etc'dans la rue sous les fenêtres de ses chambres à coucher), olfactives (odeurs de cuisine, friture, et odeurs de cigarettes provenant de la clientèle installée sur la terrasse et dans la rue) et visuelles (installation d'un conduit d'extraction des fumées donnant directement sur sa propriété), créant un trouble anormal de voisinage dont il rapporte la preuve en produisant aux débats :

* le rapport d'expertise de M. [T] du 28 mai 2019 qui démontre le non-respect des dispositions des articles R. 1334-31 et suivants du code de la santé publique, R. 571-25 et suivants du code de l'environnement, de l'article 2 de l'arrêté préfectoral de Vaucluse du 4 août 2004 et de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'expert ayant constaté le dépassement du niveau limite admissible de bruit défini par la règlementation, rendant inutilisables ses chambres sur jardin jusqu'à 22 heures et les pièces donnant sur la rue de 22 heures à 1 heure du matin ;

* les courriers des 17 mai 2016 et 18 mai 2018 du maire de la commune rappelant que M. [Y] est en infraction avec les dispositions des articles L.1311-1 et suivants du code de la santé publique ;

* les constats d'huissier des 6 et 21 avril 2018, 12 juin 2019, 29 avril et 13 mai 2022 faisant état de l'existence d'odeurs de friture et de cuisine provenant du conduit installé sur la façade sud-ouest de l'immeuble de M. [Y] et donnant directement sur sa propriété, de l'occupation de la cour et de la rue par la clientèle de M. [Y], devant son établissement et sous les fenêtres des chambres de sa maison, des relevés sonores générant un son allant jusqu'à 75 dB(A) provenant des bruits et sons de voix de la terrasse du bar ;

* les nombreuses mains courantes et les rapports des services de la police municipale ;

* les plaintes des locataires et occupants concernant le bruit, les odeurs de friture, les odeurs de cigarettes empêchant de profiter du jardin et de la piscine, et de dormir ;

* les témoignages des voisins se plaignant également du bruit, des odeurs de friture et des odeurs de cigarettes, faisant observer que M. [Y], quant à lui, a versé aux débats deux attestations de témoignage non probantes et irrégulières en la forme au regard de l'article 202, alinéas 2 et 4, du code de procédure civile en ce qu'elles ne sont pas datées, ne précisent pas la profession de leurs auteurs, les liens de collaboration, ni l'état de subordination qui unissent leurs auteurs à M. [Y] et en ce qu'elles sont strictement identiques, rédigées de la même main (écriture identique), vagues et imprécises, de sorte qu'elles seront écartées par la cour et qu'en tout état de cause, ces témoins ne contestent pas l'existence des nuisances générées par « La Mousse gourmande », prétendant seulement qu'elles ne les dérangent pas ;

* les annonces de soirées concert notamment le vendredi 17 mars 2023 (lendemain de la clôture) de 17 heures à 1 heure du matin avec au menu, notamment, des frites maison ;

*un certificat médical justifiant les troubles constatés sur l'état de santé de M. [A] et de sa fille ;

- sur le rapport d'expertise,

* M. [Y] se plaint à tort de ce que l'expert a effectué une partie de sa mission en sa seule présence alors que, comme rappelé dans son rapport, il était tenu de procéder à des mesures inopinées des nuisances sonores en période nocturne et que c'est à juste titre qu'il n'a pas été informé de la présence de l'expert ;

* M. [Y] prétend que l'expert judiciaire n'a pas tenu compte des avis techniques déposés par son expert acousticien technicien, M. [B], le 3 mai 2019, alors que dans la mesure où ces déclarations sont rédigées comme suit : « Nous n'avons pas d'observation à formuler sur le rapport préliminaire de Monsieur [T] (') Nous convenons que la couverture de la cour et l'abandon de diffusion de musique amplifiée mettront fin aux désordres », incontestablement, elles constituent l'aveu de l'existence de nuisances sonores.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIFS :



Sur la nullité de la déclaration d'appel :



L'intimé soutient que M. [Y] a interjeté appel d'un jugement rendu le 2 novembre 2021, alors que le jugement du tribunal judiciaire de Carpentras est daté du 4 novembre 2021, que l'erreur portant sur la date d'un jugement est une nullité pour vice de forme et que le fait d'être attrait devant la cour en vertu d'une décision inexistante lui cause incontestablement un grief, de sorte que la déclaration d'appel de M. [Y] qui porte sur un jugement inexistant est nulle.

La cour rappelle que M. [A] a préalablement saisi le conseiller de mise en état de la question de la nullité de la déclaration d'appel et que par ordonnance en date du 11 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a débouté M. [E] [A] de sa demande de nullité de la déclaration d'appel.



Cette ordonnance n'a pas été en application des dispositions de l'article 916 du code de procédure civile déférée à la cour si bien qu'elle est aujourd'hui définitive et M. [A] n'est pas recevable à solliciter à nouveau devant la présente cour statuant au fond que soit prononcée la nullité de la déclaration d'appel.

 

Sur la nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. [T] :



Pour la première fois devant la cour d'appel, M. [Y] sollicite la nullité du rapport d'expertise judiciaire déposé par M. [T] aux motifs :

- que l'expert a réalisé les mesures sans qu'aucune des fenêtres de l'habitation de M. [A] ne soit fermée,

-que la plupart des mesures ont été réalisées hors la présence de M. [Y],

-que les mesures ont été diligentées sans tenir compte du bruit ambiant existant compte tenu de l'activité de chambre d'hôte de M. [A].

La cour rappelle en premier lieu que les formalités exigées en matière d'expertise dont l'inobservation peut entrainer la nullité du rapport d'expertise sont prescrites par l'article 276 du code de procédure civile et concernent pour l'essentiel le respect du contradictoire par l'expert et l'examen de l'ensemble des pièces qui lui sont soumises.



En l'espèce il est soutenu par l'appelant que l'expert n'aurait pas respecté le principe du contradictoire car il a réalisé la plupart des mesures dans la maison de M. [A], hors la présence de M. [Y].



Il ressort de la lecture du rapport d'expertise que M. [T] a réalisé du 16 au 18 mars 2019 aux environs de 22 heures une campagne de mesure dans la chambre du 1er étage, sur cour et jardin, de la maison de M. [A] et du 21 au 23 mars 2019 toujours aux environs de 22 heures une campagne de mesure dans la chambre du 1er étage, sur rue, de la maison de M. [A].



Il est exact que ces campagnes de mesures ont eu lieu hors la présence de M [Y] et ce en réponse aux chefs de mission confiés à l'expert, le juge des référés ayant demandé expressément à l'expert de « procéder à des mesures inopinées des nuisances sonores en période nocturnes », ce qui suppose de ne pas prévenir l'exploitant du commerce mis en cause dans les nuisances.



Le principe du contradictoire a toutefois été respecté par l'expert judiciaire puisque les comptes-rendus rendant compte des conditions de réalisation des contrôles et des résultats ont bien été communiqués à l'ensemble des parties et en particulier à M [Y] qui a eu la possibilité de faire des observations et des dires.



L'appelant reproche ensuite à l'expert la façon dont les contrôles ont été réalisés à savoir fenêtres ouvertes ce qui peut amener à des critiques pertinentes sur les conclusions expertales mais ne saurait entrainer la nullité du rapport d'expertise.



De la même façon M. [Y] reproche à l'expert de ne pas avoir tenu compte du bruit ambiant généré par l'activité de chambre d'hôtes exercée par M. [A], cette critique même à la supposer pertinente ne peut entrainer la nullité du rapport d'expertise.



La cour ajoute que l'expert judiciaire a répondu aux dires des parties et a pris en considération les observations de M. [B], expert en acoustique, requis par M. [Y] et rappelle qu'une analyse différente de pièces, et des conclusions divergentes d'un expert à l'autre ne peuvent suffire à justifier que la nullité d'une expertise soit ordonnée, le juge étant en capacité dans le cadre du débat judiciaire d'apprécier l'ensemble des éléments qui lui sont soumis à savoir le rapport d'expertise judiciaire et les éléments de preuve produits par chacune des parties.



Par conséquent au vu de l'ensemble de ces éléments, M. [Y] sera débouté de sa demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire.



Sur le trouble anormal de voisinage :



Il est constant que la théorie des troubles anormaux du voisinage reposant sur « le principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » a désormais un fondement autonome, à savoir que ce régime de responsabilité est « objectif », c'est-à-dire qu'il ne repose pas sur la preuve d'un comportement fautif de l'auteur du dommage, et que seul compte l'existence d'un trouble excédant la gêne normalement attendue dans le cadre de relations de voisinage, ceci étant apprécié par les juges in abstracto, en tenant compte de la gravité et de la continuité du trouble et in concreto, en tenant compte de la situation particulière de la prétendue victime et de la relation certaine et directe entre l'activité en cause et le trouble anormal causé.

En outre, selon les dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation applicable au présent litige (devenu l'article L 113-8), l'auteur d'un trouble de voisinage ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'à la double condition : qu'il respecte les dispositions législatives et réglementaires en vigueur et que son activité se soit poursuivie dans les mêmes conditions.

En l'espèce M. [A] se plaint de nuisances olfactives et sonores anormales générées par l'activité du commerce exploité par son voisin M. [Y] lequel revendique l'antériorité.

Il ressort la chronologie suivante des pièces versées aux débats :

-par acte en date du 17 février 2014 M. [Y] a acquis sur la commune de [Localité 7] au [Adresse 3], une maison d'habitation avec entrepôt et cour, bien pour lequel il a obtenu le 4 décembre 2014 un arrêté du maire de [Localité 7] l'autorisant à entreprendre des travaux pour l'aménagement d'une brasserie artisanale avec vente et dégustation sur place de bières,

-le 8 janvier 2016 M. [Y] a conclu un bail commercial avec la société JAF portant sur une partie de son bien immobilier désigné dans le bail comme « une grande salle » avec comme affectation des lieux loués à « l'activité de fabrication de bières et commercialisation exclusive de la production aux particuliers et professionnels »,

-le 9 décembre 2016 une modification est enregistrée sur le certificat d'inscription au Répertoire des Entreprises et des Etablissements avec la mention comme activité principale : « Débits de boissons »

-le 21 mars 2018 l'extrait à jour du Kbis au nom de M. [Y] mentionne à la rubrique activité(s) exercée(s) : « Débit de boisson (licence 3) à consommer sur place ou à emporter »,

-le 15 juillet 2019 l'extrait à jour du Kbis au nom de M. [Y] mentionne à la rubrique activité(s) exercée(s) : « Tout type de restauration, débit de boisson à consommer sur place ou à emporter ».

Par ailleurs le rapport d'expertise qui n'est pas critiqué sur ce point rend compte lors des visites des lieux en particulier de ce que la salle principale dispose d'une sonorisation avec quatre enceintes pour la diffusion de la musique, et de l'existence d'une cuisine permettant de faire une restauration chaude légère.

Il ressort en outre de la lecture des rapports d'intervention de la police municipale de [Localité 7] et des fiches de mains courantes établies entre juin 2016 et mai 2018, au nombre de treize, que durant cette période les agents de la police municipale ont constaté à cette période la présence de nombreux clients en soirée à l'intérieur de l'établissement comme dans la cour avec la diffusion de musique et l'organisation ponctuelle de concets, laquelle organisation ressort également des nombreuses communications faites sur les sites internet et les réseaux sociaux par le fonds de commerce de M. [Y].

Enfin cette évolution de l'activité du commerce en cause ressort du courrier rédigé le 18 mai 2018 par la maire de [Localité 7] qui écrit notamment : « Le projet initial de M. [Y] qui était la fabrication, la vente et la dégustation de bière devait permettre de conserver une quiétude du quartier, l'évolution vers le bar à bière présente des résultats qui l'oppose ».

C'est donc à juste titre que les premiers juges considérant qu'il était démontré que l'activité commerciale initiale de M. [Y] de fabrication, dégustation et vente de bières artisanales avait évolué depuis l'acquisition de sa maison le 29 juin 2015 par son voisin, M. [A], vers un bar à bière de jour comme de nuit, plusieurs jours par semaine, à l'intérieur comme en terrasse, avec une restauration légère et l'organisation régulière de soirées musicales ou de concerts, ont retenu que M. [R] ne pouvait donc revendiquer l'antériorité de son activité par rapport à l'acquisition par M. [A] de son habitation.



Il en résulte que dans la mesure où les conditions posées par l'article L 112-16 ancien du code de la construction et de l'urbanisme pour son application sont cumulatives, et qu'il est rapporté la preuve de ce que l'activité initiale de M. [Y] ne s'est pas poursuivie dans les mêmes conditions, ce dernier ne peut donc se prévaloir des dispositions de l'article précité pour s'exonérer de sa responsabilité comme retenu par le jugement déféré.

Les juges de première instance ont pertinemment rappelé les dispositions de l'article R 1334-33 du code de la santé publique, qui définit en particulier l'émergence globale, l'émergence spectrale et fixe les valeurs limites de l'émergence globale.

Pour accomplir sa mission l'expert judiciaire a procédé à des mesures dans la chambre de l'habitation de M. [A] située au 1er étage et donnant sur le jardin de la maison et sur la cour de M [Y] d'où il en est résulté avant comme après 22 heures une activité sonore ( bruit des discussions de la clientèle dans la cour, bruit de musique amplifiée et de discussions dans le bar porte fermée, bruit des équipements techniques) avec des niveaux de dépassement des maximales autorisées se situant entre 11 et 25 dB(A) et à des mesures dans la chambre de l'habitation de M. [A] située au 1er étage et donnant sur la rue, d'où il en est résulté après 22 heures une activité sonore ( bruit des discussions de la clientèle dans la rue) avec des niveaux de dépassement des maximales autorisées se situant entre 11 et 37 dB(A) et contre 6 maximales.

Si M. [Y] critique le résultat de ces mesures aux motifs qu'elles ont été réalisées fenêtres ouvertes et sans tenir compte du bruit ambiant existant compte tenu de l'activité de chambre d'hôte de M. [A], il apparait toutefois que l'expert en acoustique M. [B], requis par M. [Y], conclut qu'il n'a pas d'observations à formuler sur le pré-rapport d'expertise judiciaire à l'exception de la valeur du bruit résiduel retenu et la cour ajoute que les mesures réalisées par M. [B] sont par ailleurs discutables dans la mesure où il a été demandé à M. [Y] de ne pas utiliser la cour de son établissement, de tenir la porte fermée et de ne pas avoir une activité sonore de 85 DbA.

La réalité et la persistance des nuisances ressortent également de trois constats d'huissier établis le 6 avril 2018, le 21 avril 2018 et le 12 juin 2019 qui :

- pour le premier permet de relever au moyen d'un sonomètre-decibelmètre, entre 22 heures et 22 heures 30, depuis la terrasse de la maison [A], à environ 2 mètres du mur séparatif avec la terrasse de l'établissement de M. [Y], un niveau sonore moyen allant de 35 à 70 décibels, constitué par les bruits et sons de voix provenant de la terrasse du débit de boisson,

- pour le second permet de relever au moyen d'un sonomètre-decibelmètre, entre 22 heures et 22 heures 30, depuis le salon de la maison [A], à environ 8 mètres du mur séparatif avec la terrasse de l'établissement de M. [Y], un niveau sonore moyen allant de 52 à 57 décibels fenêtre ouverte et de 40 à 47 décibels fenêtre fermée, constitué par les bruits et sons de voix provenant de la terrasse du débit de boisson, depuis la chambre située Sud-Est 2ème étage de la maison de M. [A], un niveau sonore de 62 à 75 décibels, fenêtre ouverte, depuis la chambre située Sud-Ouest au 1er étage, un niveau sonore entre 37 et 41 décibels, fenêtre ouverte et depuis la chambre située Sud-Est 1er étage, un niveau sonore entre 63 et 73 décibels, fenêtre ouverte et entre 40 et 48 décibels, fenêtre fermée, avec la précision que le niveau sonore est constitué par les bruits et sons de voix provenant de la terrasse du débit de boisson,

-pour le troisième permet à l'huissier de justice de constater sur le téléphone portable de M. [A], la présence de plusieurs photographies prises le vendredi 7 juin 2019 aux environs de 20 heures montrant plus d'une dizaine de personnes attablée sur la terrasse de l'établissement de M. [Y] et que la porte donnant depuis l'intérieur de l'établissement à la terrasse est ouverte.



La réalité des nuisances est aussi corroborée par les rapports et les mains courantes établis par les services de la police municipale de [Localité 7], intervenus à plus de dix reprises à la requête de M. [A] en 2016, 2017 et 2018 et qui ont constaté à chacune de leurs interventions en soirée (entre 21 heures et 23 heures) au domicile de M. [A] un bruit continu de brouhaha, ou de musique en provenance de l'établissement voisin tant depuis l'intérieur avec un accès ouvert sur la cour, soit depuis ladite cour, ainsi qu'en provenance de la rue dans laquelle se trouvent aussi des clients de l'établissement.

Ces faits sont également corroborés par le maire de la commune de [Localité 7] dans ses courriers du 17 mai 2016 et du 18 mai 2018 qui rappelle en particulier que les services de la police municipale ont constaté depuis le 29 avril 2016 d'importantes nuisances sonores provenant de la cour extérieure de l'établissement de M. [Y], qu'il a été demandé à ce dernier de faire les aménagements nécessaires pour faire cesser les nuisances, mais que ces tentatives de règlements amiables n'ont abouti à aucune solution pérenne.

Enfin M. [A] produit aux débats de nombreuses attestations soit de voisins, soit de personnes ayant séjourné chez lui qui confirment la réalité des nuisances sonores et olfactives et leur persistance.

M. [Y] produit lui aussi aux débats plusieurs attestations émanant de riverains ou de clients de son établissement qui attestent pour la première catégorie ne pas être gênés par les bruits en provenance du commerce de M. [Y] qui ne sont pas supérieurs à ceux pouvant exister lors de soirées se déroulant dans le village, et pour la seconde catégorie que si l'ambiance dans l'établissement a toujours été festive elle n'a jamais dégénéré.

Toutefois ces seules attestations ne peuvent sérieusement remettre en cause l'ensemble des pièces produites par l'intimé et le rapport d'expertise judiciaire lesquels rendent compte clairement de nuisances répétées et excessives.

La cour ajoute que si M. [Y] soutient que son commerce ne génère pas plus de bruit que ceux situés dans le même quartier il n'en rapporte pas la preuve suffisante, cet argument ne ressortant que de quelques déclarations, qui sont contredites par les écrits du maire de la commune qui y évoque « la quiétude du quartier » et observation faite que la vue aérienne (pièce 9 de l'appelant) ne permet pas d'apprécier la nature et l'activité des commerces existants dans le même quartier.

Par ailleurs le fait que la plupart des constats et relevés aient eu lieu fenêtres ouvertes n'enlèvent pas à ces constatations et relevés leur pertinence pour caractériser un trouble anormal du voisinage, dans la mesure où M. [A] est bien fondé à vouloir jouir de son bien tout en pouvant profiter de son extérieur et en laissant ses fenêtres ouvertes ce d'autant que son habitation se situe dans le Sud de la France et dans la mesure où les procès-verbaux de constat mettent en évidence l'existence de nuisances sonores fenêtres de l'habitation fermées.

La cour relève enfin que le fait que M. [A] ait pu au début de son installation à [Localité 7] fréquenter l'établissement de M. [Y] est sans incidence dans la mesure où il a été démontré et retenu que l'activité de ce dernier avait connu une évolution significative, tout comme est également sans incidence pour caractériser le trouble anormal de voisinage le fait que M. [A] ait mis en location meublée à des fins touristiques son habitation.

En dernier lieu en ce qui concerne les mesures mises en place pour faire cesser les nuisances, les premiers juges contrairement à ce que soutient l'appelant, ont bien pris connaissance de la pose d'un limitateur de bruit, mais ont pertinemment relevé que si M. [Y] produit aux débats une facture en date du 30 octobre 2019 de pose d'un limitateur acoustique par coupure électrique, aucune étude d'impact n'est produite, pour permettre d'apprécier l'efficacité de ce dispositif.

Cette étude d'impact n'est pas plus produite en appel.

Les premiers juges ont aussi contrairement à ce qu'allègue M. [Y] pris en compte le fait que ce dernier avait pu employer un vigile pour réduire les nuisances sonores, mais que non seulement il n'était pas démontré la pérennité de cette embauche, pas plus qu'il n'était démontré son efficacité.

En appel M. [Y] ne démontre pas, ni ne soutient que l'emploi d'un vigile serait toujours actuel et évoque au contraire cette situation au passé et il ne rapporte pas plus qu'en première instance la preuve de l'efficacité d'une telle mesure.

Il ressort même au contraire de trois nouveaux procès-verbaux de constat établis le 29 avril et 13 mai 2022, le 1er et 3 septembre 2022, et le 17 mars 2023, après 20 heures, que les nuisances sonores perdurent tant en provenance de la terrasse de l'établissement de M. [Y] avec des relevés jusqu'à 72 décibels qu'en provenance de la rue devant l'établissement où se regroupent plusieurs clients.

En ce qui concerne les nuisances olfactives M. [A] se plaint d'odeurs de fritures et produit à l'appui de cette plainte des attestations rédigées par des occupants de sa maison.

Si M. [Y] affirme avoir une activité de restauration restreinte, concernant exclusivement des assiettes froides, il a déjà été exposé que l'expert a relevé que la cuisine de l'établissement de M. [Y] était équipée pour faire de la restauration chaude légère.

L'expert a également conclu que l'actuel conduit d'extraction des fumées ne permettait pas d'éviter les nuisances olfactives et qu'un extracteur de fumée réglementaire devait être posé.

Contrairement à ce que prétend l'appelant, le tribunal de première instance a tenu compte du fait que M. [Y] avait modifié le conduit d'extraction en le rehaussant, mais suivant les préconisations expertales il a considéré que cette solution n'était que provisoire.

En appel M. [Y] ne démontre pas que le rehaussement de son conduit d'extraction soit une mesure efficace et M. [A], rapporte, lui, la preuve contraire en produisant les trois nouveaux constats des 29 avril et 13 mai 2022, 1er et 3 septembre 2022, et 17 mars 2023, qui font état pour les deux premiers d'odeurs de friture et de cuisine en provenance du conduit et nettement perceptibles depuis le jardin de M. [A] et pour le troisième de ce que le conduit d'extraction est toujours égal à l'identique des précédentes constatations.

Ces longs développements permettent de retenir que, comme considéré par le jugement entrepris, il est démontré des troubles répétés et graves dépassant les inconvénients normaux du voisinage auxquels on peut légitimement s'attendre dans une petite commune rurale et dans un quartier calme.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré M. [Y] responsable de troubles anormaux de voisinage au préjudice de M. [A].

Sur les mesures pour faire cesser le trouble anormal :

Concernant les nuisances olfactives il a déjà été relevé que seule la pose d'un conduit d'extraction des fumées au-dessus de la génoise en respectant la réglementation applicable notamment au regard de la distance à respecter quant aux fenêtres de l'habitation de M. [A] est une solution pérenne et il a déjà été répondu que la seule modification opérée par M [Y] à ce jour n'est qu'une solution provisoire.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné à M. [Y] de procéder à l'installation dans son établissement de [Localité 7] d'un conduit d'extraction en inox au-dessus de la génoise en respectant la réglementation applicable, notamment quant à la distance avec les fenêtres de la propriété [A] et ce dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 05 mois, délai au-delà duquel il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de l'exécution compétent, une astreinte provisoire étant nécessaire en raison de la persistance du trouble.

Concernant les nuisances sonores, il a déjà été démontré que M. [Y] ne rapportait pas la preuve que les solutions par lui mises en place en l'occurrence l'installation d'un limitateur de bruit et l'emploi ponctuel d'un vigile étaient de nature à mettre fin aux troubles de façon pérenne et il ressort comme ci-dessus exposé des derniers procès-verbaux de constat que les nuisances sonores persistent avec la même intensité et la même répétition.

L'expert judiciaire a préconisé en particulier la couverture de la terrasse selon certaines caractéristiques définies dans le rapport d'expertise, solution à laquelle M. [Y] avait acquiescé dans le cadre des opérations d'expertise, et solution que son propre expert en acoustique n'avait pas remise en cause.

Il est toutefois constant que M [Y] n'a pas procédé à ces travaux au motif que le coût engendré par ces travaux ne serait pas supportable pour sa trésorerie, toutefois la seule production d'une attestation en date du 3 février 2022 de M. [J] expert-comptable du commerce de M. [Y] se limitant à indiquer que les travaux de couverture de la terrasse évalués sur devis à la somme de 48 288,50 euros HT ne pourront compte tenu de la trésorerie n'être financés qu'à l'aide d'un prêt bancaire est insuffisante à considérer que M. [Y] est dans l'impossibilité de réaliser lesdits travaux notamment en ce qu'il n'est pas donné d'élément sur la trésorerie de l'entreprise, seul le chiffre d'affaires TTC étant communiqué et en ce qu'il n'est pas rapporté la moindre preuve de ce que M [Y] a entrepris des démarches pour arriver à financer lesdits travaux.





Dans l'attente de la réalisation et de la justification de ces travaux les premiers juges ont ordonné à M. [Y] sous astreinte de procéder à la fermeture de sa terrasse à la clientèle à compter de 21 heures, cette mesure étant nécessaire pour faire cesser le trouble anormal de voisinage.

M. [Y] critique cette décision en faisant valoir qu'une telle restriction de son activité le contraignant à fermer sa terrasse à la clientèle dès 21 heures alors qu'il n'ouvre son établissement que 5 jours sur sept et alors que les établissements du même type recevant du public comme lui peuvent être ouverts au-delà de 21 heures, porte atteinte à son exploitation et à la pérennité de son activité.

Toutefois M [Y] ne peut être bien fondé à invoquer la situation des autres commerces de la commune dans la mesure où la décision prise par le tribunal est justifiée en raison du trouble anormal causé par l'activité de M. [Y] lequel ne démontre pas ni même ne soutient que d'autres établissements qui engendreraient les mêmes nuisances sonores que lui ne seraient pas soumis aux mêmes contraintes.

Par ailleurs M [Y] invoque que cette restriction d'ouverture de sa terrasse, qui lui est imposée par la décision du 4 novembre 2021, nuirait à son activité, mais il ne le démontre pas puisque les seuls chiffres comptables produits, à savoir le chiffre d'affaires HT pour les années 2019/2020 2020/2021 et 2021/2022, démontrent au contraire une évolution positive du chiffre d'affaires comme le mentionne son expert-comptable dans l'attestation du 3 février 2022.

Le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu'il a interdit à M. [Y] de diffuser toute musique tant à l'intérieur que sur la terrasse de son établissement de [Localité 7] à compter de 21 heures jusqu'à ce qu'il justifie auprès de M. [A] de la réalisation d'une étude d'impact acoustique réalisée par une entreprise habilitée et de tous les travaux en découlant, le tout conformément aux dispositions des articles R 571-25 et suivants du Code de l'environnement et des textes pris pour leur application et ce dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat, une astreinte provisoire étant nécessaire en raison de l'ancienneté et de la persistance du trouble.



En revanche la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a ordonné à M. [Y] de prévenir et faire cesser tout tapage nocturne occasionné par la clientèle de son établissement de [Localité 7] aux abords de celui-ci dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat.

En effet s'il a été constaté l'existence de nuisances sonores en provenance de la rue en raison de la présence dans celle-ci de clients de l'établissement de M. [Y] et plus particulièrement après les heures de fermeture de l'espace extérieur de l'établissement, force est de constater que M. [Y] n'est pas titulaire d'un pouvoir de police sur la voie publique, pouvoir qui n'appartient qu'aux personnes chargées d'une mission de service public, si bien que M. [Y] qui n'a pas d'autorité légale sur les personnes même s'il s'agit de clients se trouvant dans la rue, ne peut être condamné, à prévenir et à faire cesser tout tapage nocturne qui serait occasionné par la clientèle de son établissement sur la voie publique.

Le jugement déféré sera donc infirmé en cette disposition.



Sur la réparation des préjudices :



En première instance M. [A] a sollicité l'indemnisation d'un préjudice de jouissance à hauteur de 25 000 euros en invoquant une absence ou une diminution des locations estivales, demande que les premiers juges ont rejetées à défaut de justificatifs.

M. [A] ne critique pas devant la cour cette disposition.

Les premiers juges ont en revanche alloué à M. [A] une somme globale de 10 000 euros en considérant que sa demande au titre d'un préjudice moral devait s'analyser en un préjudice de jouissance pour lui-même et sa fille mineure.

M. [Y] critique cette indemnisation en exposant que les premiers juges se contredisent et évaluent l'indemnisation allouée sur la base d'aucun élément.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'y a pas de contradiction entre le fait de débouter M. [A] de sa demande de réparation pour l'absence ou la diminution des locations estivales et le fait de retenir qu'il a bien à titre personnel ainsi que sa famille subi un préjudice de jouissance lequel ressort en particulier des mains courantes de la police municipale qui a constaté à chacune de ses interventions les nuisances sonores subies, nuisances empêchant une utilisation normale du jardin de l'habitation et rendant aussi difficile le sommeil dans les chambres de la maison en particulier pour des enfants.

C'est ensuite en application de leur pouvoir souverain d'appréciation que les juges de première instance ont en particulier, compte tenu de la durée des troubles anormaux de voisinage, fixé l'indemnisation pouvant réparer le préjudice subi à la somme totale de 10 000 euros.

Le jugement dont appel sera donc confirmé sur ce point.



Sur les demandes accessoires :



La décision entreprise sera également confirmée en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Enfin M. [Y] succombant en son appel sera condamné à payer à M. [A] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de la procédure d'appel.



PAR CES MOTIFS,



La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,



Dit que M. [E] [A] n'est pas recevable à solliciter à nouveau devant la présente la cour que soit prononcée la nullité de la déclaration d'appel ;



Déboute M. [I] [D] [Y] de sa demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire ;



Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Carpentras, sauf en ce qu'il a ordonné à M. [Y] de prévenir et faire cesser tout tapage nocturne occasionné par la clientèle de son établissement de [Localité 7] aux abords de celui-ci dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat ;



S'y substituant sur ce point et y ajoutant,



Déboute M. [E] [A] de la demande de voir condamner M. [I] [D] [Y] à prévenir et faire cesser tout tapage nocturne occasionné par la clientèle de son établissement de [Localité 7] aux abords de celui-ci dès la signification de la présente décision sous astreinte provisoire journalière de 1000 euros par infraction constatée par tout moyen probatoire adéquat ;



Condamne M. [I] [D] [Y] à payer à M. [E] [A] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne M. [I] [D] [Y] aux dépens exposés dans le cadre de la procédure



Arrêt signé par la présidente et par la greffière.



LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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