23 avril 2024
Cour d'appel de Besançon
RG n° 22/01725

1ère Chambre

Texte de la décision

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

FD/FA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/01725 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ESHJ





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 23 AVRIL 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 10 novembre 2021 - RG N°21/00197 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS LE SAUNIER

Code affaire : 91Z - Demande relative à d'autres droits d'enregistrement ou assimilés





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.



M. Cédric SAUNIER et Mme Anne-Sophie WILLM, conseillers.



Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.





DEBATS :



L'affaire a été examinée en audience publique du 13 février 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et Mme Florence DOMENEGO, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.





L'affaire oppose :





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTS





Monsieur [D] [Y]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 5], de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Elodie CHESNEAU, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représenté par Me Louis-Augustin JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant



Madame [G] [E] [Y]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 4], de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]



Représentée par Me Elodie CHESNEAU, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Louis-Augustin JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant





ET :



INTIMÉE





ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES Poursuites et diligences de la Directrice Régionale des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône

[Adresse 6]



Représentée par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE







ARRÊT :





- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.






*************







FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :



M. [D] [Y] et Mme [G] [E] épouse [Y] ont mentionné sur leur déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des années 2009 et 2010 avoir souscrit au capital de la SAS Finarea Gold et ont bénéficié, au titre de ces mêmes années, d'une part, de la réduction d'impôt prévue en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts (CGI) au titre de la souscription directe au capital de PME, montant ouvrant droit à une réduction d'ISF de 75% des versements plafonnée à 50 000 euros, et d'autre part, de l'exonération d'ISF au titre de l'année 2010 prévue par l'article 885 I ter du CGI.



L'administration fiscale a cependant remis en cause la réduction et l'exonération d'ISF dont les époux [Y] avaient bénéficié, au motif que la SAS Finarea Gold n'était pas animatrice de groupe lors des exercices fiscaux concernés, et leur a adressé le 21 décembre 2012 une proposition de rectification qu'elle a maintenue, en suite de leurs observations, dans son courrier du 26 avril 2013.



Les impositions subséquentes ont été mises en recouvrement le 16 août 2013 pour un montant total de 58 400 euros pour l'année 2009 et de 56 280 euros pour l'année 2010.



Contestant le bien fondé des redressements opérés, M. et Mme [Y] ont formé un recours contentieux et en suite de son rejet, ont saisi le 12 mars 2017 le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier, devenu tribunal judiciaire, lequel a, dans son jugement du 10 novembre 2021 :

- débouté les époux [Y] de leur demande de nullité de la procédure fiscale diligentée à leur encontre et de leur demande subséquente de décharge des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010 ;



- débouté les époux [Y] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les époux [Y] aux entiers dépens.



Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :

- que l'administration fiscale s'était fondée tant sur le contrôle sur pièces des déclarations ISF des époux [Y] que sur le contrôle externe de la SAS Finarea Gold, dont les époux [Y], en leur qualité d'actionnaires, étaient parfaitement informés du fonctionnement, notamment quant à son rôle d'animation, sa participation au groupe et ses filiales ;

- que les époux [Y] avaient ainsi été informés de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels l'administration s'appuyait pour motiver les rectifications, et mis dans la possibilité d'en demander la communication ;

- que l'administration fiscale avait ainsi respecté les dispositions de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales et le principe du contradictoire ;

- que l'administration fiscale avait respecté le principe de loyauté, les époux [Y] ne pouvant se prévaloir ni de l'absence de rectification fiscale en suite du contrôle de la SAS Finarea Gold, à défaut pour les motifs des points sur lesquels le contrôle avait porté d'être connus, ni sur les réponses ministérielles invoquées, la loi TEPA n°2007-1223, qui avait crée une réduction d'ISF, étant intervenue le 21 août 2007, soit postérieurement ;

- que l'administration avait également respecté l'obligation de motivation, ayant répondu aux observations présentées par les époux [Y] et que la proposition de rectification répondait aux exigences de forme prévues aux articles L 57 et L 76 B ou L 80 A du livre des procédures fiscales ;

- que la procédure était régulière et que sur le fond, le redressement était fondé dès lors que la SAS Finarea Gold n'était pas en 2009 et en 2010 animatrice de groupe comme le conditionnait l'octroi des réductions fiscales litigieuses ;

- qu'en effet, la première participation des époux [Y] à la SAS Finarea Gold avait été versée entre le 16 juin 2008 et le 15 juin 2009, soit avant que celle-ci n'entre dans le capital de la société Artalep, de sorte qu'à l'époque de cette premiere participation, la société Finarea Gold ne pouvait recevoir la qualité de holding animatrice ;

- qu'au moment du second versement des époux [Y] en 2010, la société Finarea Gold ne pouvait revendiquer la qualité de holding, dès lors qu'au 1er janvier 2010, date d'appréciation des conditions prévues à l'article 885 I ter du code général des impôts, son actif n'était pas majoritairement composé de participations, ce qui résultait du bilan clos au 30 juin 2010.



Par déclaration du 10 novembre 2022, M.et Mme [Y] ont relevé appel de cette décision.



Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par RPVA le 22 janvier 2024, les appelants demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de nullité de la procédure fiscale diligentée à leur égard, de leur demande subséquente de décharge des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010 et de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a condamné les demandeurs aux entiers dépens ;

- confirmer à titre principal qu'ils se sont assurés dans la limite de leurs moyens que la société holding Finarea Gold était animatrice de son groupe et que l'administration ne rapporte pas la preuve contraire ;

- dire à titre subsidiaire que la procédure est frappée d'irrégularités substantielles en la forme, en violation ensemble ou alternativement des dispositions des articles L. 55, L. 57, L. 80 A, L. 80 B du LPF, et 350 terdecies annexe III au CGI ;

- dire à titre infiniment subsidiaire que l'administration n'est pas fondée à reprendre la réduction d'impôt régulièrement obtenue par le contribuable de bonne foi qui a respecté à la lettre toutes ses obligations déclaratives issues de l'article 299 septies annexe III au CGI et commentées par la doctrine administrative BOI 7-S-3-08 § 239 ;

- infirmer en conséquence le rejet de la demande de décharge des rappels d'ISF des années 2009 et 2010 ;

- prononcer la décharge des rappels d'ISF au titre des années 2009 et 2010 ;

- condamner l' Administration des finances publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du Département des Bouches du Rhône, à leur régler la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner l'Administration des finances publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du Département des Bouches du Rhône, aux entiers dépens.



A l'appui, les appelants font principalement valoir que :

- la société Finarea Gold est animatrice de son groupe et que l'administration ne rapporte pas la preuve contraire ;

- que subsidiairement, la procédure mise en 'uvre par l'administration est irrégulière dès lors qu'elle viole l'obligation d'information et de communication des pièces sur lesquelles elle a déterminé le redressement ; qu'elle a également omis de répliquer à leurs observations et de mentionner le fondement légal du droit de reprise ; qu'elle a au surplus méconnu les garanties contre les changements de position de l'administration, en écartant les réponses ministérielles intervenues dans des situations similaires [O] et [M] et en ajoutant une condition supplémentaire relative à la vérification préalable du caractère animateur de la société Finarea Gold, sans pour autant remettre en cause l'attestation de souscription émise par cette société ;

- que très subsidiairement, l'administration n'est pas fondée à reprendre la réduction d'impôt régulièrement acquise par le contribuable de bonne foi qui a respecté ses obligations déclaratives issues de l'article 299 septies annexe III au CGI et commentées par la doctrine administrative.



Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 29 janvier 2024, la Direction générale des finances publiques demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- confirmer la régularité de la procédure de rappel ;

- confirmer la décision de rejet du 1er février 2017 ;

- rejeter toutes les demandes de Mme [G] [E] épouse [Y] et de M. [D] [Y]

- les condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens, avec autorisation de les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



L'intimée soutient que les époux [Y] ont été pleinement informés des pièces ayant conduit à la rectification fiscale ; que ces dernières leur ont été communiquées à leur demande et ont pu être discutées par ces derniers, également actionnaires de la SAS ; que les principes du contradictoire, de loyauté et de motivation ont été respectés ; que la procédure suivie est en conséquence parfaitement régulière ; qu'elle est au surplus bien fondée à défaut pour la SAS Finarea Gold d'avoir rempli en 2009 et en 2010 un rôle de holding animatrice, lui permettant de bénéficier de la réduction d'ISF en 2009 et de l'exonération d'ISF en 2010.



Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.






MOTIFS DE LA DÉCISION :



I - Sur la régularité de la procédure de redressement :



- au titre du principe du contradictoire et de la loyauté :



En application de l'article L 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.



Par ailleurs, l'article L 76 B du même livre impose à l'administration d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L 57 ou de la notification prévue à l'article L 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande.



Au cas présent, les appelants font grief au premier juge d'avoir déclaré régulière la procédure de rectification alors même qu'elle méconnaît les obligations d'information et de communication des pièces exploitées et l'obligation de motivation prévues par les articles susvisés.



Contrairement à ce qu'allèguent les appelants, la proposition de rectification adressée le 21 décembre 2012 aux époux [Y] mentionne bien les dispositions tant légales que doctrinales applicables au litige ainsi que la jurisprudence afférente et expose précisément les éléments fondant sa décision, qu'ils résultent du contrôle de la société Finarea Gold opéré distinctement ou des pièces relatives à la situation personnelle des contribuables concernés.



Cette proposition remplit en conséquence l'exigence de motivation imposée par l'article L 57 du livre des procédures fiscales susvisé, permettant aux contribuables d'exercer leurs droits de contestation et de défense, ce que ces derniers ont pu faire en l'espèce, comme en témoignent les observations détaillées qu'ils ont formulées et la communication des pièces qu'ils ont sollicitées et obtenues dans le courrier en réponse du 14 juin 2013. .



Les époux [Y] ont ainsi été destinataires, par l'intermédiaire de M. [J], président de la SAS Finarea Gold qu'ils avaient désigné comme leur mandataire dans la procédure fiscale litigieuse, du bilan de la SAS, du contrat d'animation, du rapport du président du 14 octobre 2009 et du règlement intérieur du GIE Finarea Services, auxquels la proposition de rectification faisait référence et qui fondaient cette dernière.



Si les époux [Y] soutiennent que l'administration se serait appuyée sur d'autres éléments et se prévalent en ce sens de son courrier du 26 avril 2013 précisant 'que la rectification fait suite à un contrôle sur pièces des déclarations d'ISF et ne se fonde pas uniquement sur des éléments recueillis dans le cadre du contrôle de la SAS Finarea Gold dont il est associé, mais également sur des informations légales et financières accessibles au public, telles que la composition du bilan, les rapports de gestion', une telle argumentation est cependant dénuée de pertinence dès lors que lesdits éléments, à savoir bilan et rapport de gestion du président du 14 octobre 2009, ont été expressément communiqués aux contribuables.



Il s'en déduit que les époux [Y] ont été pleinement informés et sans aucune équivoque de l'origine précise et de la nature exhaustive des documents sur lesquels l'administration fondait la proposition de rectification, quand bien même aucune liste desdits documents n'a été mentionnée, une telle mention n'étant aucunement imposée par l'article L 76 B susvisé.



Ces derniers ont également été placés dans la 'mesure de pouvoir se retourner vers les personnes au niveau desquelles l'administration avait obtenu les pièces fondant l'imposition', dont l'une d'entre elles avait été spécifiquement choisie par les contribuables pour les représenter dès le début de la procédure.



En aucune façon, il n'appartenait à l'administration de leur communiquer l'entier dossier de vérification concernant la société Finarea Gold dès lors que cette procédure de vérification de comptabilité portait sur une entité juridique, un objet et d'éventuelles conséquences différentes. Tout autant est inopérant le moyen selon lequel la SAS n'aurait fait l'objet d'aucun redressement personnel ou que les autres associés de la SAS Finarea Gold n'auraient pas bénéficié d'un traitement identique, en l'absence de connaissance des situations fiscales ainsi contrôlées.



Au surplus, si les époux [Y] soutiennent que l'administration aurait dû leur produire les 'documents relatifs aux missions d'accompagnement stratégique et notamment les documents normalisés du plan d'action annuel', les 'documents relatifs aux missions de mise en place et de réalisation du contrôle de gestion et notamment les reportings mensuels simplifiés et trimestriels', 'le contrat de gérant de participation' et 'le compte de résultat ou le tableau d'affectation du résultat', il ne résulte cependant pas de la proposition de rectification du 21 décembre 2012 et des courriers de réponse aux observations des 26 avril et 14 juin 2013, que l'administration ait eu spécifiquement connaissance de tels documents ou qu'à les supposer en sa possession, elle se soit appuyée sur ces derniers pour caractériser le non-respect des conditions d'octroi de la réduction d'ISF et de son exonération.



L'administration ne doit en effet communication que des pièces sur lesquelles elle se fonde pour opérer un redressement et dont le contribuable, qui n'en est ni l'auteur ni le destinataire, n'a pas eu connaissance (Cass com 10 avril 2019 n° 17-15.819). En aucune façon, il ne lui appartient de mettre à disposition des contribuables les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à établir que l'impôt n'est pas dû. (Cass com - 20 septembre 2023 n° 21-24.879).



Enfin, M. et Mme [Y] ont pu régulièrement exercer leurs droits de la défense et présenter des observations particulièrement détaillées sur la proposition de rectification elle-même, y compris au visa des éléments issus du contrôle de la SAS Finarea Gold invoqués par l'administration, étant observé que ces observations ont été transmises au surplus sous la signature de M. [L] [J], président de la SAS Finarea Gold.



Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'administration a répondu de manière précise et circonstanciée à l'ensemble des moyens qu'ils ont formulés dans leurs courriers des 26 avril et 14 juin 2013, respectant ainsi les dispositions de l'article L 57 susvisé. Quand bien même l'administration n'a pas expressément visé les instructions publiées aux BOI 5-C-1-07 et 5-F-6-10, cette dernière a cependant examiné les arguments développés par les contribuables relatifs 'à l'animation des sociétés dans lesquelles la SAS a investi', sans omettre 'un moyen essentiel de droit relatif à la doctrine administrative' et sans méconnaître le droit de réponse auquel elle était tenue.



La procédure suivie a donc respecté les principes du contradictoire, de motivation et de loyauté auxquels l'administration était tenue.



Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de redressement au regard des articles L 57 et L 76 B du livre des procédures fiscales et plus généralement des droits de la défense sera écarté.





- au titre du fondement légal du droit de reprise :



Les appelants font grief au premier juge d'avoir déclaré régulière la procédure alors que la proposition de rectification ne mentionne pas le fondement légal de l'impôt rectifié et qu'au surplus, aucune base légale ne permet de déchoir un contribuable de bonne foi du bénéfice d'une réduction d'impôt dûment obtenue à raison d'une attestation régulière de souscription.



Comme l'a cependant rappelé à raison le premier juge, la proposition de rectification vise expressément l'article 885-0 V bis du CGI, fixant le principe d'une réduction de l'ISF à hauteur de 75% des versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu'il prévoit, et l'article 885 I ter du CGI, fixant le principe d'exonération de l'ISF, dans leur rédaction en vigueur lors des deux exercices fiscaux concernés, de telle sorte que les contribuables étaient informés de l'impôt sur lequel la rectification était opérée, ainsi que de la cause et des conséquences de la rectification (Cass com 7 avril 2009 n° 08-13.401) et qu'ils étaient de ce fait parfaitement 'en faculté de vérifier la légalité des droits réclamés'.



Quand bien même l'article L 885-0 V bis ne prévoit pas expressément la faculté de reprise au titre des souscriptions au capital initial ou des augmentations de capital des sociétés à la différence des souscriptions en FIP-FCPI, cette 'reprise' est cependant conforme aux dispositions de l'article L 55 du code des procédures fiscales, lequel autorise de manière générale l'administration à procéder à 'des rectifications' lorsqu'elle constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues au titre du code général des impôts, sauf à respecter pour ce faire la procédure instituée aux articles L 57 à L 61 A du même code, ce qui a été le cas en l'espèce.





Aucun texte supplémentaire n'impose à l'administration de mentionner dans la proposition de rectification la faculté de déchéance ou la disposition légale l'autorisant à reprendre une réduction d'impôt régulièrement obtenue, contrairement à ce que soutiennent les appelants qui revendiquent à tort l'application par analogie des dispositions de l'article 1115 du CGI, sans aucun lien avec le présent litige.



La rectification opérée par l'administration repose donc bien sur un fondement légal que cette dernière pouvait invoquer, quand bien même les contribuables étaient de bonne foi.



Ce moyen sera en conséquence écarté.





- au titre de la garantie contre les changements de l'administration :



Les appelants font grief au premier juge d'avoir déclaré recevable la procédure alors qu'ils ont rempli leurs obligations déclaratives ; que l'attestation délivrée par la SAS Finarea Gold ouvre bien droit aux réductions et exonérations d'ISF ; que l'absence de contestation de cette attestation s'oppose à toute rectification à leur niveau et que la réduction d'impôt ne peut en conséquence leur être reprise compte-tenu de leur bonne foi.



Comme le rappelle cependant à raison l'administration, quand bien même l'attestation émise par la SAS Finarea Gold n'a pas été contestée ou qu'aucune amende n'a été infligée à la société sur le fondement de l'article 1740 A du CGI, le simple fait que les conditions prévues à l'article L 885-0 V bis du code général des impôts soient réunies ne confère au contribuable aucun droit à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend, fût-il de bonne foi. (Cass Com 3 mars 2021 n° 20-11.839)



L'administration demeure toujours recevable à examiner, au-delà des conditions de forme, la réunion des conditions de fond permettant l'application du dispositif d'exonération ou de réduction de l'ISF, sans que ce contrôle, opéré certes a posteriori, ne constitue un comportement déloyal de sa part.



L'état individuel établi par la SAS Finarea Gold, qui ne confère à son détenteur aucun droit à un avantage fiscal quand bien même il serait produit en toute bonne foi, ne s'imposait pas en conséquence à l'administration qui pouvait en contester le bien fondé, sans remettre en cause la position préalablement adoptée dans les situations particulières de Messieurs [O] et [M], lesquelles ne concernent pas un texte fiscal au sens de dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales et se rapportent au surplus à un contexte différent de celui du litige, impliquant l'impôt sur le revenu et les réductions générées par les dons aux associations.



Tout autant, si les appelants soutiennent que l'absence d'application de toute amende à la SAS Finarea Gold constitue une reconnaissance implicite du caractère animateur de la société et illustre l'inégalité manifeste de traitement fiscal des contribuables, une telle argumentation n'est cependant étayée d'aucune pièce permettant de remettre en cause la régularité du contrôle opéré au regard des déclarations ISF des époux [Y] et de démontrer la partialité de l'administration laquelle a simplement estimé à l'issue de ses opérations de contrôle de la SAS que 'celles-ci ne donnaient lieu à aucun rappel d'impôts' et n'a de fait pris aucune position formelle ni interprété un texte fiscal au sens des articles L 80 A et L 80 B du livre des procédures fiscales.



Si les appelants soulèvent également l'incompétence territoriale des agents au visa de l'article 350 terdecies annexe III du CGI, une telle argumentation ne concerne que la procédure diligentée à l'encontre de la SAS elle-même et s'avère en conséquence sans aucun emport sur le présent litige, lequel ne concerne que la déclaration d'ISF d'un de ses actionnaires. Est également totalement inopérant l'argument selon lequel les époux [Y] auraient dû 'bénéficier des recours hiérarchiques à caractère obligatoire en cas de vérification de comptabilité', quand bien même ces derniers s'estiment victimes du contrôle fiscal externe de la SAS Finarea Gold.









Ce moyen sera en conséquence écarté.





Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré régulière la procédure de rectification des époux [Y].





II - Sur le bien fondé de la rectification :



En application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts applicable à la date des souscriptions aux augmentations de capital en cause, le redevable peut, dans la limite de 50 000 euros, imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l'exercice de l'activité, à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, ainsi qu'au titre de souscriptions dans les mêmes conditions de titres participatifs dans des sociétés coopératives ouvrières de production définies par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 ou dans d'autres sociétés coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.



De telles dispositions sont applicables aux souscriptions directes au capital d'une société opérationnelle en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expension, ou de la souscription au capital d'une société ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles, dite société holding interposée.



Le bulletin officiel des impôts n° 41 du 11 avril 2008 référencé 7 S-3-08 a par ailleurs admis le bénéfice de ce dispositif pour les investissements réalisés dans des sociétés holding ne correspondant pas au caractère interposé susvisé mais qui assurent de manière effective un rôle d'animation de groupe de sociétés, selon le point 26 du bulletin précité ainsi libellé :

'Il est précisé que l'activité financière des sociétés holding les exclut normalement du champ d'application de la réduction. Toutefois, pour l'application de ce dispositif, il convient d'assimiler les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés ayant une activité opérationnelle, si toutes les autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur sont par ailleurs satisfaites.

Sont des sociétés holding animatrices les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations :

- participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales ;

- et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (cf. DB 7 S 3323 n°16 et suivants) ;

Ces sociétés holding animatrices s'opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de la réduction d'impôt en tant que simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier.'



Au cas présent, les appelants font grief au premier juge de les avoir exclus du bénéfice de la réduction fiscale de 75 % au motif que lors des deux participations des époux [Y] au capital de la SAS Finarea Gold en juin 2009 et février 2010, cette société ne pouvait recevoir la qualité de holding rémunératrice comme l'imposaient les dispositions susvisées.



Contrairement à ce qu'invoquent les appelants, la régularité apparente de l'attestation de la SAS Finarea Gold est insuffisante pour leur permettre de se prévaloir, au seul constat de cette dernière et de son obligation de remise en vertu de l'article 299 septies de l'annexe III du code général des impôts dans sa version applicable au litige, de la réduction d'impôt visée à l'article L 885-0 V bis du CGI et il relevait au contraire des obligations de l'administration fiscale de vérifier l'éligibilité des époux [Y] au dispositif dont ils sollicitaient le bénéfice.



S'il n'est pas contesté en l'état que la SAS Finarea Gold est une société holding non interposée et qu'elle relève à ce titre du dispositif élargi admis par le bulletin officiel des impôts n° 41 du 11 avril 2008 référencé 7 S-3-08 et constituant un exception au principe légal d'exclusion des sociétés holding posé par l'article 885-0 V bis I - 1 - b, il appartient au contribuable qui l'invoque de prouver le rôle d'animation effective de la holding en cause. (Cass com 21 juin 2011 n° 10-19.770 ; Cass com 3 mars 2021 n° 19-21.161).







Or, les époux [Y] échouent à démontrer que lors de l'exercice fiscal 2009, la SAS Finarea Gold, qui avait été constituée le 7 avril 2009 en suite de la scission de la société Finarea Demeter, animait les sociétés du groupe, en définissant et imposant une politique de groupe, en participant activement à la gestion des filiales, en fournissant des services spécifiques aux filiales et en opérant un véritable contrôle de ces dernières.



En effet, si pour en justifier, les époux [Y] se prévalent de rescrits [F] et [B], un contribuable ne peut cependant se prévaloir, pour son cas personnel, de l'appréciation d'une situation de fait concernant d'autres contribuables (Conseil d'Etat- 15 janvier 1982 n° 22923) sauf s'il a participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation (Conseil d'Etat 17 juin 1996 n° 145595), ce qui n'est pas le cas en l'espèce dans ces deux affaires distinctes.



Au surplus, les époux [Y] ne produisent aucun document permettant d'établir l'animation revendiquée de la SAS Finarea Gold lors des deux souscriptions litigieuses en juin 2019 et février 2010.



Au contraire, les vérifications faites par l'administration mettent en exergue que lors de la première souscription du 15 juin 2009, la SAS Finarea Gold n'avait réalisé aucun investissement de telle sorte qu'elle ne détenait à cette date aucune filiale, excluant de facto qu'elle remplisse la condition d'animation imposée par le BOI susvisé et qu'elle puisse en conséquence se prévaloir de l'avantage fiscal sur l'investissement au capital de sociétés ainsi opéré pour l'exercice 2009. (Cass com du 3 mars 2021 n°19-21.161).



Il en est de même pour l'investissement opéré en février 2010, les époux [Y] ne démontrant pas plus qu'à cette date et alors que la SAS Finarea Gold avait souscrit au capital de la société Atalep le 3 juillet 2009 pour un montant de 450 000 euros, elle ait rempli une fonction opérationnelle.



La SAS Finarea Gold n'était en effet qu'un actionnaire minoritaire sans poids politique, dès lors que son investissement ne représentait que 34,8 % du capital et que selon le propre rapport du président de la SAS Finarea Gold du 14 septembre 2009, les deux dirigeants historiques, propriétaires des 65,2 % du capital restant, demeuraient d'une part maîtres de leur affaire qui reposait entièrement sur leur personnalité, leur expérience et leur implication personnelle, et qu'ils imposaient d'autre part à leur actionnaire minoritaire la stratégie opérationnelle.



Le bilan de l'exercice clos le 30 juin 2010 montre par ailleurs un actif brut constitué de moins de 90 % en titres de participations et d'un chiffre d'affaire limité de de 41 004 euros, pour une société qui se décrit au demeurant dans son attestation non pas comme une société opérationnelle, mais comme une société dont l'objet est'à titre principal la gestion et l'animation sur toutes formes et par tous moyens appropriés, de participations prises dans les sociétés éligibles au dispositif de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 dite loi TEPA' et qui ne dispose d'aucun salarié ou matériel.



Le pacte d'associés distingue enfin les investisseurs (SAS Finarea Gold) des entrepreneurs (associés historiques), ne conférant à la SAS Finarea Gold un droit de véto que concernant les engagements financiers d'une certaine importance. Enfin, la convention d'animation limite le rôle de la SAS Finarea Gold à des missions de conseil stratégique, ainsi qu'à la mise en place et à la réalisation de contrôle de gestion, missions insuffisantes pour caractériser à elles seules une animation effective de la société Artalep.



La SAS Finarea Gold ne remplissait donc pas la condition préalable de 'holding animatrice' requise pour permettre aux époux [Y] de bénéficier pour les exercices fiscaux 2019 et 2010 de la réduction fiscale de l'ISF prévue à l'article L 885-0 V bis et de l'exonération prévue à l'article 885 I ter du CGI, dont les conditions d'application relevaient des mêmes exigences que celles posées à l'article L 885-0 V bis.





C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté les époux [Y] de leur demande de décharge des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2009 et 2010.





Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.



Parties perdantes, M. [D] [Y] et Mme [G] [E] épouse [Y] seront condamnés aux dépens et déboutés de leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils seront également condamnés à payer à la Direction générale des finances publiques la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.







PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :



- Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier du 10 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;



- Condamne M. [D] [Y] et Mme [G] [E] épouse [Y] in solidum aux dépens d'appel avec autorisation donnée à la SELARL Lagarrigue, avocate, de les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



- Et vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [D] [Y] et Mme [G] [E] épouse [Y] in solidum à payer à Direction générale des finances publiques de Provence-Alpes - Côte d'Azur la somme de 3 000 euros et les déboute de leur demande présentée sur le même fondement.









Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.





Le greffier, Le président,

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