28 mars 2024
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 19/00620

3e chambre civile

Texte de la décision

ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 28 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00620 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N7YF





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 DECEMBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS / FRANCE

N° RG 16/02235





APPELANT :



Monsieur [N] [L]

né le 20 avril 1967 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Josy-Jean BOUSQUET, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me Fanny LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



Madame [K] [O]

née le 20 Mars 1954 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Karine MASSON, avocat au barreau de BEZIERS substitué par Me Emmanuelle CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/002393 du 27/03/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

















Ordonnance de clôture du 21 Août 2023



COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère, chargée du rapport.





Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère



Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA



ARRET :



- contradictoire ;



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier






* * * *



EXPOSE DU LITIGE



Le 16 décembre 2005, Madame [K] [O] a acquis des droits indivis dans le cadre d'une licitation à hauteur de 18/32ème sur l'immeuble sis [Adresse 2] cadastrée section BR n°[Cadastre 1], d'une contenance de 96 centiares. Sur la façade nord, deux fenêtres se trouvent au premier étage de l'immeuble permettant d'ajourer les chambres de la maison.



En 2015, Monsieur [N] [L], voisin de Madame [O], a obtenu un permis de construire afin de démolir une ancienne remise sans étage et de lancer la construction d'un nouvel ouvrage avec extension de plusieurs étages. Ce dernier a érigé une façade devant une des fenêtres de la maison de Madame [K] [O].



Par procès-verbal d'huissier de justice du 27 octobre 2015 a été constatée la présence d'un nouveau mur construit à 22,5 cm d'une des fenêtres de Madame [O].



Sur assignation de Madame [K] [O], par jugement en date du 27 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Béziers a notamment :

- dit que Monsieur [L] a commis un trouble anormal du voisinage aux dépens de Madame [O] ;

- condamné Monsieur [L] à payer à Madame [O] la somme de 20 000 euros en réparation de ce préjudice ;

- condamné Monsieur [L] à payer à Madame [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [L] aux dépens compte tenu de la loi sur l'aide juridictionnelle accordée à la demanderesse.



Par déclaration en date du 25 janvier 2019, Monsieur [L] a interjeté appel de ce jugement, l'acte d'appel précisant les chefs de jugement critiqués.



Par ses conclusions enregistrées au greffe le 7 août 2023, Monsieur [L] sollicite l'infirmation de la décision entreprise. Il demande à la cour de déclarer la procédure nulle et de nul effet. Au fond, il sollicite de voir débouter Madame [O] de l'intégralité de ses demandes, de la voir condamner à supprimer les fenêtres indûment ouvertes ayant une vue directe sur son fond sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et de la voir condamner à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. A titre subsidiaire, il demande à la cour de condamner Madame [O] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble anormal du voisinage. En tout état de cause, il sollicite de voir condamner Madame [O] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de maître [H] [R] aux offres et affirmations de droit.



Par ses enregistrées au greffe le 27 juillet 2023, Madame [O] sollicite de voir confirmer purement et simplement le jugement du tribunal de grande instance de Béziers, sauf à voir fixer le montant de la condamnation de Monsieur [L] au titre des dommages et intérêts à la somme de 25 000 euros. En tout état de cause, elle demande à la cour de voir condamner Monsieur [L] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 21 août 2023.



Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.




MOTIFS



Sur la demande de nullité



Monsieur [L] demande, en appel comme en première instance, de voir « déclarer la procédure nulle et de nul effet » à défaut de tentative de résolution amiable du litige préalablement à l'assignation.



Le tribunal a rejeté cette demande, considérant que la conciliation ou médiation ne s'avéraient en l'espèce pas opportunes.



Conformément à l'article 56 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable (avant le 1er janvier 2020), l'obligation de préciser dans l'assignation les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n'est assortie d'aucune sanction.



Par ailleurs, l'article 127 du code de procédure civile dispose que : « S'il n'est pas justifié, lors de l'introduction de l'instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation ».



Il résulte de la combinaison de ces textes que l'absence de diligences entreprises pour résoudre amiablement le litige en amont de l'assignation n'entraîne pas la nullité de cette dernière, et qu'elle offre tout au plus aux juges la possibilité de proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.



En l'espèce, le premier juge n'a pas estimé cette médiation opportune et la médiation, ordonnée dans le cadre de la procédure d'appel par le conseiller de la mise en état a échoué.



Dans ces conditions, la nullité de la procédure n'est pas encourue et le jugement sera confirmé.



Sur le trouble anormal du voisinage causé à Madame [O]



Le tribunal a retenu l'existence d'un trouble anormal de voisinage, l'immeuble de Madame [O] subissant une perte de luminosité de la chambre et une perte de valeur économique du bien. Il a estimé que le trouble anormal pouvait être réparé par l'allocation d'une indemnité d'un montant de 20 000 euros.



Monsieur [L] conteste l'existence d'un trouble indemnisable au profit de Madame [O]. Pour lui, le trouble n'est pas anormal car l'immeuble litigieux se situe sur une zone urbaine ayant vocation à accueillir de nouvelles constructions et que la perte de luminosité est mineure. Il ajoute que la fenêtre litigieuse a été créée par Madame [O] qui dispose depuis d'une vue directe sur le fonds voisin. Il soutient de plus que le préjudice n'est pas constitué dans la mesure où la pièce subissant une simple perte de luminosité, et non d'ensoleillement, ressemble plus à un débarras qu'à une chambre. Il souligne en outre que Madame [O] ne démontre pas que la construction n'est pas conforme au permis de construire.



S'il n'est pas possible de déterminer à quelle date la fenêtre litigieuse a été créée, les attestations se contredisant sur ce point (pièces 10 à 12 de l'appelant et pièce 8 de l'intimée), il est en revanche certain que cet état de fait préexistait à la construction entreprise par Monsieur [L] et que ce dernier n'a pu ignorer que le mur qu'il projetait d'édifier se situait en partie devant la fenêtre d'une pièce de la maison de Madame [O], peu important la destination de cette dernière, susceptible d'évoluer à travers le temps.



Par ailleurs, les procès-verbaux de constat (pièce 3 de l'intimée et pièce 9 de l'appelant) laissent clairement apparaître que le mur construit par Monsieur [L] juste devant la fenêtre de la maison de Madame [O] (22,5 cm) obstrue en partie la vue depuis celle-ci, et entraîne nécessairement sinon une perte d'ensoleillement (fenêtre située au nord) à tout le moins une perte de luminosité conséquente.

Ces pertes de vue et de luminosité sont en l'espèce constitutives d'un trouble anormal de voisinage eu égard à leur ampleur (obstruction de la vue et de la luminosité sur les deux tiers environ de la surface de la fenêtre) et à leurs conséquences inéluctables sur la valeur vénale du bien de Madame [O], et ce en dépit de ce que les immeubles se situent en zone urbaine, cet état de fait n'excluant pas par principe l'existence de troubles anormaux de voisinage, et de la conformité des travaux au permis de construire, qui n'est pas contestée en l'espèce.



Dans ces conditions, le jugement sera confirmé.



Sur le trouble anormal de voisinage causé à Monsieur [L]



Le tribunal a considéré que Monsieur [L] ne justifiait pas de l'existence d'un trouble anormal, compte tenu de la disposition des lieux.



Monsieur [L] persiste néanmoins à soutenir qu'il a respecté son permis de construire et que Madame [O] est seule responsable de son préjudice en raison du non-respect par elle des dispositions concernant des vues droites.



Il n'est pas contestable au vu des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux de constat versés aux débats, que les fenêtres de la maison de Madame [O] donnent directement sur le fonds appartenant à Monsieur [L], même si, les attestations versées aux débats se contredisant, il n'est pas possible de déterminer à quelle date les deux fenêtres litigieuses ont été construites et par qui.



Toutefois, le préjudice de Monsieur [L] n'est pas démontré, eu égard à la configuration des lieux et notamment à la hauteur des fenêtres de la maison de Madame [O].



Dans ces conditions, le jugement sera confirmé.



Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive



Monsieur [L] succombant en ses prétentions, la procédure initiée par Madame [O] ne peut être considérée comme abusive.



Le jugement sera confirmé.



Sur les demandes accessoires



Eu égard à l'issue du litige, le jugement sera confirmé.



Monsieur [L], succombant, sera condamné aux dépens d'appel, avec distraction au profit des avocats de la cause, et à payer à Madame [O] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, par arrêt contradictoire,



Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Béziers ;



Y ajoutant,



Condamne Monsieur [N] [L] à payer à Madame [K] [O] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne Monsieur [N] [L] aux dépens d'appel, avec distraction au profit des avocats de la cause.





le greffier le président

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