28 mars 2024
Cour d'appel de Dijon
RG n° 22/00574

Chambre sociale

Texte de la décision

S.A.R.L. LES PARADIS DE JULES ET JULIETTE





C/



[E] [P] NÉE [U]

































C.C.C le 28/03/24 à



-Me GOULLERET





Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 28/03/24 à:



-Me DELAVICTOIRE







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 28 MARS 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00574 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GAJB



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, décision attaquée en date du 07 Juillet 2022, enregistrée sous le n° F 20/00206







APPELANTE :



S.A.R.L. LES PARADIS DE JULES ET JULIETTE

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Elsa GOULLERET de la SELARL ESTEVE GOULLERET NICOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON





INTIMÉE :



[E] [P] NÉE [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Isabelle-Marie DELAVICTOIRE de la SCP GAVIGNET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substituée par Maître Anouchka LARUE, avocat au barreau de DIJON





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :



Olivier MANSION, président de chambre,

Fabienne RAYON, présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,



ARRÊT : rendu contradictoirement,



PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




EXPOSÉ DU LITIGE :



Mme [P] (la salariée) a été engagée le 19 février 2015 par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de puériculture par la société Les paradis de Jules et Juliette (l'employeur).

Elle a été licenciée le 8 novembre 2019 pour faute grave.



Estimant ce licenciement infondé, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 7 juillet 2022, a annulé un avertissement, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes dont un rappel d'heures supplémentaires.



L'employeur a interjeté appel le 3 août 2022.

Il conclut à l'infirmation du jugement, au rejet des demandes adverses et sollicite le paiement de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.



La salariée demande la confirmation partielle du jugement sauf à obtenir le paiement des sommes de :

- 7 644,15 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 100 € de dommages et intérêts pour préjudice moral en raison de l'annulation de l'avertissement du 14 octobre 2019,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance sous astreinte de 50 € par jour de retard, de

d'un certificat de travail, d'un reçu de solde de tout compte, d'une attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de paie au titre de la période de préavis.

A titre subsidiaire, si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, il est demandé de confirmer le jugement sur l'indemnité compensatrice de préavis et celle de licenciement.



Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 2 février et 2 mai 2023.






MOTIFS :



Sur l'avertissement du 14 octobre 2019 :



L'avertissement précité reproche à la salariée d'être arrivée le 14 octobre 2019 en retard d'une heure, soit à 9 heures 15 au lieu de 8 heures 15, alors que le planning communiqué le 10 octobre prévoyait une prise de poste à 8 heures 15 et de ne pas l'avoir informé de l'existence d'un obstacle sur ce point.

La salariée demande l'annulation de cette sanction.

Elle précise que la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 prévoit que la planning prévisionnel mensuel doit être notifié au moins 7 jours avant le 1er jour d'exécution et que le changement d'horaire obéit à un délai de prévenance au minimum de trois jours sauf urgence et que le contrat de travail vise la communication d'un planning d'heures toutes les deux semaines.



Il convient de relever que l'employeur n'apporte pas la preuve de la communication des plannings et donc de l'heure de début du travail

selon les stipulations du contrat de travail mais, au contraire, la salariée établit que pour la semaine du 14 au 18 octobre 2019, elle n'a reçu le planning que le 10 octobre 2019 par mail de Mme [M] (pièce n°10).

Dès lors, il importe peu que la salariée ait été disponible ou non à 8 heures 15, dès lors que le planning n'a pas été régulièrement communiqué.

De même, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens soulevés par la salariée puisque l'irrégularité relevée dans la communication en temps utile du planning fait obstacle à toit reproche sur le non-respect de celui-ci par la salariée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a annulé cet avertissement mais aussi en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral dès lors que ce préjudice allégué n'est nullement démontré faute de preuve en ce sens.





Sur le rappel d'heures supplémentaires :



La salariée rappelle que le bulletin de salaire de septembre 2019 comporte 14 heures supplémentaires et que ces heures ont supprimées par la suite en indiquant sur le bulletin de salaire d'octobre 2019 que des repos compensateurs ont été pris les 8, 9 et 16 octobre 2019 alors que la récupération doit être prévue à l'avance ce qui n'a pas été le cas pour les 9 et 16 octobre, d'où une demande de paiement de 175,22 euros outre les congés payés afférents.

L'employeur répond que la mention de 14 heures est erronée, que le solde des heures supplémentaires était de 24,29 heures et que les repos pris pendant quatre jours a entraîné un solde négatif de 3,71 heures.



Ici, il appartient à l'employeur de démontrer le respect des stipulations de la convention collective ou, à défaut, de l'article L. 3121-39 du code du travail et des dispositions supplétives prévues aux articles D. 3121-18 et suivants du code du travail.

L'article 14.1 de l'accord du 13 octobre 2016 annexé à la convention collective précitée stipule que : '14.1. Solde de compteur positif :

Pour les salariés à temps plein dans le cas où le solde du compteur est positif, c'est-à-dire qu'il dépasse la durée annuelle de 1 607 heures, les heures au-delà de 1 607 heures constituent des heures supplémentaires.

Pour les salariés à temps partiel, dans le cas où le solde du compteur est positif, c'est-à-dire qu'il dépasse la durée annuelle fixée dans le contrat et dans la limite d'un tiers de la durée du travail, les heures complémentaires accomplies au-delà de ce seuil donnent lieu à une majoration de salaire conformément aux dispositions légales en vigueur.

Chaque heure supplémentaire ou complémentaire est traitée conformément aux dispositions conventionnelles et légales en vigueur au plus tard sur le bulletin de paie correspondant au mois suivant la clôture de la période d'annualisation.

Toutefois, le salarié peut demander de remplacer en tout ou partie le paiement majoré de ces heures par un repos équivalent majoré dans les mêmes conditions que les heures majorées, octroyé dans les conditions suivantes : le repos doit être pris dans un délai maximum de 6 mois, par journée entière ou demi-journée. Les heures majorées sont ramenées à un nombre de jours suivant la règle du 26e de la durée mensuelle de référence. L'employeur et le salarié fixent d'un commun accord les modalités et la date du repos convenu. A défaut d'accord entre les parties, la moitié des jours de repos acquis est prise à l'initiative du salarié, et l'autre moitié à l'initiative de l'employeur, en une ou plusieurs fois et en respectant un délai de prévenance de deux semaines. Dans ce cas, les heures correspondantes récupérées en repos n'entrent pas dans les compteurs tels que détaillés dans la notice explicative. (1)'.

Il en résulte que les heures supplémentaires peuvent être prises sous la forme d'un repos compensateur selon des modalités arrêtées d'un commun accord et, à défaut, en respectant un délai de prévenance de deux semaines par chaque partie pour la moitié des jours de repos acquis.

Ici, si la salariée admet avoir récupéré une partie des heures le 8 octobre dans une proportion non indiquée, force est de constater que pour les deux autres jours restant, l'employeur ne démontre pas avoir respecté le délai de deux semaines.

Le préjudice qui résulte de la prise forcée de jours compensateurs doit être indemnisé par des dommages et intérêts et non par un rappel d'heures supplémentaires.

Ces dommages et intérêts seront fixés à la somme de 193,07 euros.





Sur le licenciement :



1°) Il appartient à l'employeur qui s'en prévaut à l'appui du licenciement de démontrer la faute grave alléguée.



Ici, la lettre de licenciement reproche à la salariée une faute grave consistant à ne pas s'être présentée à son poste le 17 octobre 2019 à 5 heures 45, mais trois heures et demie après, sans en avertir l'employeur, et sans refus exprimé de sa part après réception du planning le 10 octobre.

La salariée conteste cette faute en indiquant qu'elle a refusé de signer un avenant du 9 octobre 2019 qui tendait à contractualiser des horaires de travail qui ne lui convenaient pas et alors que l'employeur connaissait ses contraintes personnelles le matin pour s'occuper de sa fille, ce qui avait conduit jusqu'à là à l'exercice de son activité professionnelle sur les horaires de fermeture de la crèche, le soir.

Les attestations de Mmes [B], [X] et [I] permettent de retenir qu'il était convenu que la salariée travaille le soir.

Le changement de cette organisation et selon un planning transmis tardivement comme retenu ci-avant ne permettent pas de retenir que le retard de trois et demie le 17 octobre 2019 caractérise une faute grave ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il accorde à la salariée une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.



La salariée demande une augmentation du montant des dommages et intérêts accordés au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard d'une ancienneté de quatre années entières, d'un salaire mensuel de référence de 1 528,83 euros et du barème prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail pour une entreprise de moins de 11 salariés, le montant des dommages et intérêts sera évalué à 6 100 euros, ce qui implique la confirmation du jugement.





Sur les autres demandes :



1°) Dès lors que les parties s'accordent sur la somme due par l'employeur à hauteur de 258,47 euros et les congés payés afférents, le jugement sera confirmé sur ce point.



2°) Le jugement sera confirmé sur la remise des documents réclamés par la salarié, sauf à préciser que cette remise se fera sans astreinte.



3°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'employeur et le condamne à payer à la salarié la somme de 1 500 €.



L'employeur supportera les dépens d'appel, étant précisé que les dispositions de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution prévoient la répartition des frais d'exécution forcée et de recouvrement entre le créancier et le débiteur et le recours au juge chargé de l'exécution dans certains cas et qu'il n'appartient pas au juge du fond de mettre à la charge de l'un ce que la loi a prévu de mettre à la charge de l'autre.





PAR CES MOTIFS :



La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :



- Confirme le jugement du 7 juillet 2022 sauf en ce qu'il condamne la société Les paradis de Jules et Juliette à payer à Mme [P] les sommes de 175,52 euros et 17,55 euros au titre des heures supplémentaires et en ce qu'il ordonne la remise de certains documents sous astreinte ;



Statuant à nouveau sur ces chefs :



- Condamne la société Les paradis de Jules et Juliette à payer à Mme [P] la somme de 193,07 euros à tire de dommages et intérêts en raison de la prise de jours de repos compensateur sans son consentement ;



- Dit que la remise des documents par la société Les paradis de Jules et Juliette et tel que listés dans le jugement précité se fera sans astreinte ;



Y ajoutant :



- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Les paradis de Jules et Juliette et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 1500 euros ;



- Condamne la société Les paradis de Jules et Juliette aux dépens d'appel sans y inclure les frais éventuels d'exécution ;







Le greffier Le président





Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.