28 mars 2024
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 22/01800

Chbre Sociale Prud'Hommes

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 28 MARS 2024



N° RG 22/01800 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HDJS



Association LADAPT HAUTE SAVOIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège



C/ [Y] [A]

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNEMASSE en date du 27 Septembre 2022, RG F 21/00143



APPELANTE :



Association LADAPT HAUTE SAVOIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Estelle MARTINET de la SELARL FIDULIS AVOCAT, avocat au barreau de LYON - Représentant : Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de CHAMBERY



INTIMEE :



Madame [Y] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Audrey GUICHARD, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 16 Janvier 2024, devant Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, qui s'est chargé(e) du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Mme Sophie MESSA, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

et lors du délibéré :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,




********



Exposé du litige':



Mme [Y] [A] a été engagée par l'association Ladapt Haute-Savoie en qualité de neuropsychologue en contrat à durée indéterminée à compter du 30 octobre 2017.



L'Association Ladapt Haute-Savoie a pour objet l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées et compte plus de 10 salariés.



Par courrier du 11 mars 2021, Mme [Y] [A] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 19 mars 2021 et sa mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée.



Par courrier du 26 mars 2021, Mme [Y] [A] a été licenciée pour faute grave.



Mme [Y] [A] a saisi le conseil des prud'hommes d'Annemasse, en date du'21 octobre 2021 aux fins de contester son licenciement pour faute grave, obtenir des indemnités afférentes et des rappels de salaire au titre d' heures supplémentaires.



Par jugement du'27 septembre 2022, le conseil des prud'hommes d'Annemasse, a :

- Fixé le salaire moyen de Mme [A] servant au calcul de ses droits à la somme de 2 756,43 euros bruts

- Dit que le licenciement pour faute grave notifié à Mme [A] le 26 mars 2021 est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Condamné LADAPT SAMSAH [Localité 4] à payer à Mme [A] les sommes suivantes :

* 2 584,15 euros au titre de l'indemnité de licenciement

* 1168,59 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire injustifiée outre 117 euros au titre des congés payés afférents

* 11 025,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 102 euros au titre des congés payés afférents

* 8 269,29 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance

- Condamné LADAPT SAMSAH [Localité 4] à rectifier les documents de fin de contrat en tenant compte de la décision à intervenir sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30 ème jour de la notification de la décision

- Débouté LADAPT SAMSAH [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.



La décision a été notifiée aux parties et Mme [Y] [A] en a interjeté appel par le Réseau privé virtuel des avocats en date du'17 octobre 2022.



Par conclusions du 7 septembre 2023, l'association Ladapt Haute-Savoie demande à la cour d'appel de':

- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Annemasse du 27 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;



Et, en conséquence :

A titre principal :

- Juger que le licenciement de Mme [A] repose sur une faute grave ;

- La Débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- Ordonner le remboursement à l'association LADAPT HAUTE SAVOIE des sommes que la salariée a indûment perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement soit la somme totale de 12 992,59€ nets



A titre subsidiaire :

- Juger que le licenciement de Mme [A] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- La débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Rectifier le montant de l'indemnité de licenciement indument versé (2485.18€ nets et non 2584.15€ nets) et le montant de l'indemnité compensatrice de préavis indûment versé (10 565,04€ bruts et non 11 025,72€, outre les congés payés) et Ordonner le remboursement des reliquats y afférents



En tout état de cause:



- Condamner Mme [A] à régler la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner Mme [A] aux entiers dépens.





Par conclusions du'7 novembre 2023, Mme [Y] [A] demande à la cour d'appel de':

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :

- Fixé le salaire moyen de Madame [A] servant au calcul de ses droits à la somme de 2 756,43 euros bruts

- Dit que le licenciement pour faute grave notifié à Madame [A] le 26 mars 2021 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamné LADAPT SAMSAH [Localité 4] à payer à Madame [A] les sommes suivantes :

* 2 584,15 euros au titre de l'indemnité de licenciement

* 1168,59 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire injustifiée outre 117 euros au titre des congés payés afférents

* 11 025,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 102 euros au titre des congés payés afférents

* 8 269,29 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance

- Condamné LADAPT SAMSAH [Localité 4] à rectifier les documents de fin de contrat en tenant compte de la décision à intervenir sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30 ème jour de la notification de la décision

- Débouté LADAPT SAMSAH [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions



Y ajoutant :



- Condamné LADAPT SAMSAH [Localité 4] à payer à Madame [A] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel outre les dépens de l'instance

- Débouté LADAPT SAMSAH [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions



L'ordonnance de clôture a été rendue le'21 décembre 2023.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.




SUR QUOI':



Sur le bien-fondé du licenciement :



Moyens des parties :



Aux termes de la lettre de licenciement pour faute grave en date du 26 mars 2021, l'employeur reproche à Mme [A]': « la mise en danger d'un bénéficiaire dans le cadre de l'accompagnement réalisé par LADAPT, portant atteinte à notre obligation de protection et à notre image externe ; un comportement incorrect vis-à-vis de vos collègues de travail et de votre hiérarchie ».



L'association Ladapt Haute-Savoie estime le licenciement de Mme [A] pour faute grave légitime et expose que contrairement à ce que conclut Mme [A], le climat n'était pas dégradé et que ni les élus ni le médecin du travail n'ont saisi la direction concernant le management de Mme [W] supérieure hiérarchique de Mme [A]'; qu'en revenche en cours de collaboration, il est apparu à de multiples reprises que Mme [A] rencontrait des difficultés majeures à établir des relations constructives et sereines avec certains de ses collègues de travail, en prenant régulièrement des décisions seule sans concertation, en manquant de flexibilité et en allant jusqu'à adopter un comportement agressif. La direction a dû intervenir et organiser des entretiens rapprochés avec la salariée afin de lui demander de modifier son comportement et d'adopter à l'égard de l'équipe pluridisciplinaire une relation davantage dans l'écoute et la collaboration. Toutefois malgré les alertes et demandes clairement identifiées de la direction, la salariée n'a pas tenu compte de ces recommandations. Le travail en équipe a été rendu impossible et des décisions parfois divergentes ont été prises au détriment des bénéficiaires. Il n'a pas été décidé de lui confier davantage de responsabilité en la désignant référente comme elle le soutient, mais il a été simplement décidé de mettre en place des référents bénéficiaires pour chaque professionnel et cette décision a concerné toutes les équipes et non seulement la salariée et uniquement pour trois bénéficiaires. De plus quand un professionnel est désigné référent, cela ne signifie pas qu'il est le seul à gérer l'accompagnement du bénéficiaire, et il peut y avoir plusieurs professionnels en charge de l'accompagnement.



L'employeur affirme également n'avoir jamais été saisi ni par le CHSCT ni par Mme [N] (élue), ni par le médecin du travail concernant Mme [A] or, toutes les réunions ont été maintenues en visioconférence pendant la crise sanitaire.



S'agissant des faits qui lui sont reprochés, elle accompagnait un résident âgé de 36 ans souffrant d'une très grave tumeur au cerveau et dont l'espérance de vie est très limitée en l'absence de toute opération chirurgicale possible. Sa prise en charge est inscrite comme tous les autres bénéficiaires dans le cadre d'un document individuel de prise en charge et de deux projets d'accompagnement personnalisé afin de l'aider à vivre le mieux possible à son domicile en lui évitant le plus possible la souffrance et la douleur générée par sa très grande fatigabilité. Contrairement à ce que la salariée allègue, aucun projet d'accompagnement personnalisé n'a été signé le 16 février 2021, seul le projet d'accompagnement du 9 mars 2021 était en application. S'il y a bien eu une réunion d'équipe le 16 février 2021, elle n'a pas donné lieu à l'établissement d'un nouveau projet d'accompagnement personnel personnalisé et encore moins l'accord du médecin pour que la salariée intervienne seule et que l'ergothérapeute cesse toute intervention. Or le 2 mars 2021, la responsable de service a été interpellée par le Docteur [S] qui trouvait anormal que seule Mme [A] soit positionnée sur l'axe fatigue du patient et non l'ergothérapeute. Or, il n'avait jamais été convenu de la laisser intervenir seule comme bon lui semblait et encore moins pour faire des tests expérimentaux et décider de l'intervention ou non de l'ergothérapeute. Cette demande de la salariée a été réalisée sans concertation, sans information et en totale contradiction avec les préconisations médicales. Un neuropsychologue ne pouvant décider seul d'aller à l'encontre d'une préconisation émanant d'un médecin. Cette démarche unilatérale et non concertée avait en réalité pour objectif de laisser la personne à l'état brut de sa fatigue c'est-à-dire sans moyens de compensation afin que la salariée soit en mesure de faire des tests pour son mémoire en cours de rédaction pour sa formation universitaire. Elle n'a jamais demandé expressément à l'équipe la suppression de l'intervention de l'ergothérapeute ne serait-ce que temporairement car elle connaissait la réponse défavorable qui lui serait donnée par le médecin. Compte tenu de la gravité de l'événement, le directeur de l'établissement a demandé la prise en charge immédiate de l'usager par un ergothérapeute et signalé ces faits auprès de l'ARS.



Mme [A] conteste avoir mis en danger un bénéficiaire en demandant à l'ergothérapeute de ne pas intervenir dans le cadre du projet d'accompagnement personnalisé.



Elle soutient d'une part que le projet d'accompagnement personnalisé en vigueur au moment des faits était celui du 16 février 2021 validé par l'ensemble de l'équipe afin de gérer les priorités sans surcharger le patient de rendez-vous. La version du 9 mars 2021 signée par le patient n'est pas celle décidée en équipe le 16 février, elle a été modifiée par Mme [W] de façon concertée. Si le PAP du 16 février 2021 n'a visiblement pas été enregistré dans le logiciel médiateam, il a néanmoins bien été établi et validé en équipe le jour même.



Elle soutient d'autres part, avoir parfaitement respecté le projet d'accompagnement validé en réunion d'équipe et n'a pas interdit à l'ergothérapeute d'aider le patient sur la gestion de sa fatigue mais lui a conseillé d'attendre qu'elle ait pu réaliser ses tests en lien avec la fatigue comme convenu à la réunion du 16 février et il est faux de soutenir que l'intervention de l'ergothérapeute est toujours apparue comme une nécessité, une obligation. Ces évaluations n'ont jamais été des tests expérimentaux et sont celles transmises et recommandées par la formation de psychologue spécialisée en neuropsychologie reconnue au niveau national.



Elle conteste également avoir adopté des comportements incorrects vis-à-vis de ses collègues de travail et de sa hiérarchie.



Sur ce,



Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires.



En l'espèce, il est constant que Mme [A] occupe au sein de l'association Ladapt Haute-Savoie les fonctions de neuropsychologue (statut cadre) et qu'aux termes de sa fiche de fonction, elle a pour mission l'analyse du fonctionnement cognitif, l'évaluation des conséquences des lésions cérébrales, l'identification des déficits et des handicaps, la prise en charge thérapeutique et éducative des déficits, en vue d'une réinsertion sociale, familiale et/ou professionnels. Ces actions concourant à des actions de dépistage, de diagnostic et éventuellement de traitement. Elle réalise et rédige des bilans neuropsychologiques de fin de rééducation, effectue des restitutions adaptées aux personnes, participe aux réunions (anamnèse, synthèse, réunion de service etc.) et à l'élaboration des projets d'accompagnement personnalisé.



Sur les difficultés à travailler avec ses collègues, l'association Ladapt Haute-Savoie produit':



-Le compte rendu d'entretien du 22 juillet 2019 intitulé «'expression de difficultés au travail de Mme [A]'» (adressé par courrier à Mme [A] le 29 juillet 2019)'organisé à la suite de l'expression par Mme [A] à plusieurs reprises de difficultés dans le cadre de son travail, reprochant aux membres de l'équipe (Mesdames [V], [D], [O] et [J]) de l'ignorer voire de l'exclure ou de la harceler et des difficultés à trouver sa place dans l'accompagnement des bénéficiaires du fait de la non prise en compte par certains collègues ( notamment Mme [E]) de l'apport de la neuropsychologie dans les PAP.



Aux termes de ce compte-rendu, la salariée indique qu'elle se sentait mieux depuis le départ de certains salariés et l'arrivée de la nouvelle équipe de direction. Toutefois Mme [W] fait état d'un incident lors d'une réunion se retrouvant être un règlement de compte brutal envers Mme [E] de la part de Mme [A] et Mme [A] s'en excuse et informe que cela n'était pas prémédité. Il est évoqué la nécessité pour Mme [A] de travailler sur la forme quand elle s'exprime en réunion ou avec un collègue et d'être vigilante dans sa prise de parole qui peut parfois freiner le déroulement d'une discussion.



-Le courrier adressé par l'association Ladapt Haute-Savoie à Mme [A] le 30 janvier 2020 qui fait suite à son entretien du 13 janvier 2020 ayant pour objectif de «'reprendre certains points avec elle sur son comportement'» et rappelle celui de juillet 2019, pointe «'son comportement non respectable'», son comportement par rapport aux décisions prises par sa direction et le fait qu'elle semble parfois ne pas accepter d'autres avis que les siens et de vouloir poursuivre à sa manière, 'un comportement immature' face à sa responsable de service en ne lui permettant plus et en l'évitant, Mme [A] indiquant que ce comportement était volontaire afin de lui montrer son mécontentement sur la manière dont Mme [W] l'avais repris sur certaines situations en réunions. L'association Ladapt Haute-Savoie lui rappelant que Mme [W] est sa supérieure hiérarchique et qu'elle se doit de ramener le calme lors de la réunion et qu'il est satisfait de son travail et reconnait ses qualités professionnelles mais que son comportement et son relationnel compliqué vont à l'encontre de l'esprit d'équipe attendu. L'employeur lui demande de revoir son attitude et d'adopter un comportement relationnel plus professionnel sous peine de sanction.



-L'attestation de Mme [P], psychologue au sein de l'association Ladapt Haute-Savoie, qui relate le mécontentement de certains bénéficiaires ( noms donnés de mars 2019 à février 2020) concernant les interventions de Mme [A], qui les «'infantilise'», leur fait subir des interrogatoires, se font «'engueuler'» quand ils notent mal les rendez-vous et ne souhaitent plus être suivis par elle.



Il n'est par ailleurs pas contesté par la salariée qu'un nouvel entretien s'est tenu le 11 février 2020 pour évoquer le ton autoritaire qu'elle aurait utilisé lors de la réunion du 10 février 2020, le fait qu'elle ne parle plus depuis octobre 2019 à l'une de ses collègues de travail (Mme [P]) qui ne veut plus travailler avec elle, faute selon elle d'avoir été associée à la journée mondiale de l'AVC, et qu'elle fasse barrage à Mme [K] dans l'élaboration de cette journée au point que celle-ci voulait cesser le projet (neuropsychologue).



Il ressort ainsi des éléments susvisés que Mme [A] a été alertée à plusieurs reprises par l'association Ladapt Haute-Savoie que son comportement professionnel avec ses collègues de travail et dans le cadre de son travail en équipe n'était pas satisfaisant, ses collègues s'en plaignant et Mme [A] reconnaissant avoir des relations difficiles avec certains de ses collègues jusqu'à refuser d'adresser la parole à certains d'entre eux.



Les attestations versées par la salariée, de Mme [T], M. [U] et M. [C] qui ont travaillé avec elle au sein d'autres structures que l'association Ladapt Haute-Savoie, ne sont pas pertinentes pour attester de son comportement durant la relation de travail litigieuse.



Mme [M] a été embauchée en qualité d'assistante sociale en contrat à durée déterminée et n'a travaillé que trois mois avec Mme [A], un temps insuffisant pour juger «'qu'elle n'a jamais mis en péril ni l'accompagnement de nos bénéficiaires, ni l'équilibre du service, ni le respect dû aux autres personnels du service'» et elle n'exerçait pas des fonctions «'médicales et paramédicales'» pouvant entrer en «'concurrence'» avec les postions et décisions de Mme [A], neuropsychologue'; Il en est de même de Mme [X], conseillère en économie sociale et familiale, qui a quitté la structure en octobre 2020, qui relate le sentiment de Mme [A] qui «'ne pouvait parfois pas être elle-même et défendre ses idées en raison de certains professionnels malveillants au sein de l'équipe...'».



Enfin, M. [R], ergothérapeute a démissionné 9 mois avant le licenciement de Mme [A] et s'exprime de manière vague et subjective et sans lien avec les faits reprochés à Mme [A], sur la qualité des relations avec la direction, le contrôle, les méthodes non pertinentes de management, n'ouvrant pas droit à un avis différent, qui l'auraient conduit à la démission. Cette attestation n'étant par conséquent pas non plus pertinente dans le présent litige.



Toutefois, il ressort des différents élements susvisés la salariée avait d'ores et déjà était reçu un avertissement lors des entretiens pour les faits reprochés par l'employeur qui avait dès lors épuisé son pouvoir de sanction à ce titre. Ce grief ne peut dons pas pêtre retenu.



Sur le grief relatif à la situation de M. [B]':



Il est produit aux débats s'agissant de ce bénéficiaire, le DIPC du 13 septembre 2020, les PAP des 9 mars 2021 et 28 septembre 2021.



Le PAP signé du 9 mars 2021 prévoit l'intervention de Mme [A] et de Mme [G], ergothérapeute dans le cadre de la réalisation d'un bilan fatigue et des répercussions au quotidien et pour une réadaptation afin de connaitre au mieux les limites du bénéficiaire avec pour objectif de comprendre les changements cognitifs et comportementaux.



Aucun PAP daté du 16 février 2021 n'est produit aux débats.



Il n'est pas contesté que le 16 février 2021, s'est tenue une réunion de concertation d'équipe concernant la situation de M. [B] en présence de Mme [P], Mme [I], Mme [G], Mme [A] et le Dr [S] , Mme [W].



Mme [W], supérieure hiérarchique et responsable de service, atteste avoir été interpellée par le Dr [S] le 2 mars 2021 sur l'absence d'intervention de Mme [G], ergothérapeute sur l'axe fatigue de M. [B] et sur le fait que Mme [A] intervienne seule, alors que lors de la réunion du 16 février 2021 en présence de Mme [P], Mme [I], Mme [G], Mme [A] et le Dr [S], Mme [W], avait abordé la nécessité qu'il y ait un ergothérapeute qui intervienne en binôme avec Mme [A] sur l'axe fatigue.

Elle indique avoir reçu Mme [G] qui lui a expliqué que Mme [A] lui avait demandé de ne pas intervenir car elle voulait que M. [B] soit vierge de tout conseil afin d'être à l'état brut au niveau de la fatigue car elle l'avait pris comme sujet pour son mémoire. Elle ne voulait pas qu'elle lui donne de pistes sinon cela aurait faussé les tests qu'elle devait faire. Mme [W] indique avoir dès lors prévenu Mme [I], coordonnatrice du projet et convenu de modifier le projet de PAP présenté et signé par M. [B]le 9 mars.



Le Dr [S] atteste que lors de la réunion du 16 février 2021, des axes ont été définis sur lesquels M'. [B] souhaitait être accompagné, soit la fatigabilité, M. [B] souffrant d'une tumeur cérébrale. Elle indique que Mme [A] a dit vouloir s'occuper seule de cet axe et qu'elle a alors indiqué que la fatigabilité en oncologie était l'affaire de tous et que sa prise en charge ne pouvait reposer sur une seule personne. En aucun cas la neuropsychologue ne pouvant se charger seule de cette prise en soin. Comme personne n'avait réagi, à la sortie du projet d'accompagnement, elle a fait part de son étonnement à la cheffe de service, Mme [W]. Cette dernière avait enquêté et lui avait dit «' Mme [G] ergothérapeute a lâché le morceau, Mme [A] veut utiliser M. [B] comme sujet de mémoire dans le cadre du DU qu'elle passe et souhaite que personne intervienne avant qu'elle ait eu sa formation sur la fatigabilité car elle souhaite avoir M. [B] à l'état brut'».



Toutefois Mme [G], ergothérapeute, atteste dans le cadre de deux attestations produites par Mme [A] que «'à la lecture des conclusions adressées à Mme [A], j'ai pu constater que certains propos échangés lors de mon entretien avec Mme [W] ont été déformés. Je tiens à préciser que même si le PAP n'a été signé que le 9 mars 2021, il a bien été rédigé en équipe le 16 février 2021. A l'époque la procédure était que le projet rédigé en équipe à une date précise était ensuite présenté au bénéficiaire. C'est uniquement à ce moment-là qu'il pouvait être modifié...'»,



Elle relate également que «'l'équipe a retenu 4 axes d'accompagnement auxquels elle n'était pas associée pour l'instant. La priorité a été donnée aux interventions de la neuropsychologue (pour les bilans et la gestion de la fatigue) de la psychologue (prise en charge du Monsieur et sa femme) et de l'équipe médicale (coordination). Ce PAP validé par l'ensemble de l'équipe a été décidé court (6 mois) afin de gérer les priorités sans surcharger ce Monsieur de rdvs A noter que la version du PAP signé par Monsieur [B] le 9 mars 2021 n'est pas celle décidée en équipe le 16 février. Ce PAP a été modifié en ma présence par Mme [W] et non concerté avec l'ensemble de l'équipe'». Elle précise que «'Mme [A] ne m'a pas interdit d'aider Monsieur [B] sur la gestion de sa fatigue mais m'a conseillé d'attendre qu'elle ait pu réaliser ses test en lien avec la fatigue 'comme convenu dans la réunion PAP du 16 février) ...'»



Il en ressort que lors de la réunion du 16 février 2021, il était acquis par Mme [G] ergothérapeute comme intégré au PAP à signer par le bénéficiaire, que son intervention ne se ferait qu'après celle de Mme [A]. La simple remarque susvisée du Dr [S] et à laquelle, le praticien l'admet, (''personne n'a réagi...''), ne peut être assimilée aux termes de la lettre de licenciement à «'une décision commune et validée en réunion'» que Mme [A] n'aurait volontairement pas respectée.



Le PAP signé le 9 mars 2021 a ensuite intégré une intervention coordonnée qui n'avait pas été prévue en réunion d'équipe le 16 février, à la suite d'une discussion entre Mme [W] et le Dr [S] en désaccord avec la position de l'équipe et sans concertation. Il ne peut dès lors être reproché à Mme [A] d'avoir mis en 'uvre son intervention sans se coordonner avec l'ergothérapeute qui ne devait intervenir que par la suite.



Ce grief n'est pas établi.



Il convient dès lors de juger que les griefs reprochés n'étant pas établis, le licenciement de Mme [A] est sans cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement déféré.



En application des dispositions de l'article L.'1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ce texte.



Or, Mme [A] qui disposait d'une ancienneté au service de son employeur de plus de trois ans peut par application des dispositions précitées, prétendre à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 4 mois de salaire. Elle justifie bénéficier le 10 cotobre 2021 de l'allocation retour à l'emploi mais ne justifie ni de sa recherche d'emploi, ni de sa situation actualisée depuis cette date.

Il convient dès lors de condamner l'association Ladapt Haute-Savoie par voie de confirmation du jugement déféré, à lui verser les sommes suivantes':

* 8269,29 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois de salaires),

* 2584,15 € d'indemnité de licenciement

* 11025,72 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 1102 € de congés payés afférents

* 1168,59 € de rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire



Sur les demandes accessoires':



Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.



L'association Ladapt Haute-Savoie, partie perdante qui sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à Mme [A] la somme de 2500 € au titre de ses frais irrépétibles.



PAR CES MOTIFS':



La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,



CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':

- Fixé le salaire moyen de Mme [A] servant au calcul de ses droits à la somme de 2 756,43 euros bruts

- Dit que le licenciement pour faute grave notifié à Mme [A] le 26 mars 2021 est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Condamné l'association Ladapt Haute-Savoie à payer à Mme [A] T les sommes suivantes :

* 2 584,15 euros au titre de l'indemnité de licenciement

* 1168,59 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire injustifiée outre 117 euros au titre des congés payés afférents

* 11 025,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 102 euros au titre des congés payés afférents

* 8 269,29 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance

- Condamné l'association Ladapt Haute-Savoie à rectifier les documents de fin de contrat en tenant compte de la décision à intervenir

- Débouté l'association Ladapt Haute-Savoie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.



L'INFIRME pour le surplus,



STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,



DEBOUTE Mme [A] de sa demande d'astreinte s'agissant de la demande de rectification des documents de fin de contrat de travail,



Y ajoutant,



CONDAMNE l'association Ladapt Haute-Savoie à Mme [A] payer la somme de 2500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



CONDAMNE l'association Ladapt Haute-Savoie aux dépens en cause d'appel.



Ainsi prononcé publiquement le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry Charbonnier, Présidente, et Monsieur Bertrand Assailly, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier La Présidente

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