28 mars 2024
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 22/01680

Chbre Sociale Prud'Hommes

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 28 MARS 2024



N° RG 22/01680 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HC2R



[X] [H], [G] [W]

C/ Fondation FONDATION DU BOCAGE agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.







Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 08 Septembre 2022, RG F 20/00108



Appelante



Mme [X] [H], [G] [W]

née le 28 Août 1978 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Carole MARQUIS de la SELARL BJA, avocat au barreau d'ANNECY



Intimée



FONDATION DU BOCAGE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Marie-françoise TARRAZI de la SELARL QUARTESE SOCIAL, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de CHAMBERY



COMPOSITION DE LA COUR :



Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 18 janvier 2024 par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente de la Chambre Sociale, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Cyril GUYAT, conseiller, assisté de Monsieur Bertrand ASSAILLY, greffier, à l'appel des causes, dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré.

Et lors du délibéré par :

Madame Valéry CHARBONNIER, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,




********



Exposé du litige :



Mme [X] [W] exerce en qualité d'enseignante (fonctionnaire) affecté au Lycée privé [6] de [Localité 4] et a en parallèle été embauchée par plusieurs contrat à durée déterminée par la Fondation du Bocage en qualité de chargée de communication depuis 2009.



Mme [W] a été embauchée en contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 2017 par la Fondation du bocage en qualité de chargée de communication et de relations extérieures au sein du Lycée [6] de [Localité 4] sans période d'essai à temps partiel (6 heures par semaine).



La convention collective applicable est la convention collective nationale des personnels des établissements agricoles privés.



Du 29 novembre 2019 au 8 mars 2020, Mme [X] [W] a fait l'objet d'un arrêt maladie.



Par courrier du 9 janvier 2020, Mme [W] a sollicité la Fondation du bocage et le 15 janvier 2020, du Ministère de l'agriculture, une demande de congé « article 31 » à compter du 9 janvier 2020 et a indiqué souhaiter quitter son poste d'enseignante pour exercer les fonctions de chargée de mission dans le cadre d'un projet Erasmus à temps plein pour le compte de l'Université de [8] à [Localité 5].

L'université [8] lui ayant adressé une promesse d'embauche le 10 janvier 2020.



Par arrêté du 3 février 2020, Mme [W] a finalement été placée pour la période du 9 mars 2020 au 31 août 2021 en disponibilité pour élever son enfant de moins de 8 ans dans le cadre de son emploi d'enseignante (fonctionnaire).



Le 16 mars 2020, la salariée a été convoquée à un entretien préalable pour le 25 mars 2020.



Mme [X] [W] a été licenciée pour faute le 30 mars 2020.



Par requête du 23 juillet 2020, Mme [X] [W] a saisi le Conseil de prud'hommes de Chambéry aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement, dire qu'elle a été victime de harcèlement moral, que l'employeur a manqué au respect de son obligation de sécurité et obtenir les indemnités afférentes.



Par jugement du 8 septembre 2022, le Conseil de prud'hommes de Chambéry a :


Dit et jugé que le licenciement de Madame [X] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse

Dit et jugé qu'il n'y a pas eu de harcèlement moral, ni de manquement à l'obligation de sécurité

Débouté Mme [X] [W] de l'ensemble de ses demandes

Condamné Mme [X] [W] à payer à la Fondation du Bocage la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.




Par déclaration au RPVA du 23 septembre 2022, Mme [X] [W] a interjeté appel de cette décision.



Par conclusions du 12 septembre 2023, Mme [X] [W] demande à la cour d'appel de :


Juger que la moyenne des salaires bruts de Mme [X] [W] sur les trois derniers mois est égale à la somme de 830,39 euros bruts,

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 8 septembre 2022 en toutes ses dispositions.

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 8 septembre 2022 en ce qu'il a dit et jugé qu'il n'y a pas eu de harcèlement moral.

Statuant à nouveau, Juger que le harcèlement moral est établi, ou à tout le moins l'exécution déloyale du contrat de travail de Mme [X] [W].

En conséquence, Condamner la Fondation du Bocage à verser à Mme [X] [W] la somme de 10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou à tout le moins exécution déloyale du contrat de travail.







Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 8 septembre 2022 en ce qu'il a dit et jugé qu'il n'y a pas eu de manquement à l'obligation de sécurité.

Statuant à nouveau, Juger que la violation de l'obligation de sécurité est établie.

En conséquence, Condamner la Fondation du Bocage à verser à Mme [X] [W] la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité.




Sur le licenciement :


Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 8 septembre 2022 en ce qu'il a débouté Mme [X] [W] de ses demandes au titre du licenciement.

Statuant à nouveau, à titre principal, Juger que le licenciement de Mme [X] [W] est nul en application des dispositions des articles L.1152-1, L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail.

En conséquence, Condamner la Fondation du Bocage à verser à Mme [X] [W] la somme de 4982,34 euros nets, soit 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.




À titre subsidiaire


Si votre Cour devait écarter la nullité du licenciement, Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 8 septembre 2022 en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [X] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau, Juger que le licenciement de Mme [X] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, Condamner la Fondation du Bocage à verser à Mme [X] [W] la somme de 4982,34 euros nets, soit 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.




Sur les autres demandes :


Ordonner à la Fondation du Bocage la remise à Mme [X] [W] des documents de rupture rectifiés (reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation Pôle Emploi), sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document calculée à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Juger que la Cour se réserve le droit de liquider l'astreinte.

Juger que les sommes allouées à Mme [X] [W] porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la demande conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code Civil.

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 8 septembre 2022 en ce qu'il a condamné Mme [X] [W] à payer à la Fondation du Bocage la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et en ce qu'il a condamné Mme [X] [W] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau, Condamner la Fondation du Bocage à verser à Mme [X] [W] la somme de 3000 euros nets au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais de première instance et d'appel.

Condamner la Fondation du Bocage aux entiers dépens.

Rejeter toutes demandes et prétentions adverses.




Par conclusions en réponse du 6 septembre 2023, la Fondation du Bocage demande à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement de première instance

- Débouter Mme [X] [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

- Condamner Mme [X] [W] à payer à la Fondation du Bocage la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 décembre 2023.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.


SUR QUOI :



Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement :



Moyens des parties :



La salariée soutient qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral depuis l'arrivée du nouveau directeur, M.[B], en août 2019 à l'origine d'un burn-out et de la dégradation de son état de santé rendant son licenciement nul.



Elle expose les faits suivants au titre du harcèlement moral :

- Le directeur dénigrerait son travail et sa personne y compris en conseil d'administration et en réunion du personnel, et

- Le directeur la discréditait suggérant qu'elle avait obtenu son poste et son salaire uniquement grâce à son père qui était l'ancien directeur de la Fondation et remettant en cause ses compétences,

- Le directeur la stigmatisait et la pointait du doigt devant le personnel (inaccessibilité du compte du lycée, suspicion relative à son arrêt de travail)

- Il cherchait à l'écarter et l'isoler de manière à ce qu'elle démissionne (organisation d'une réunion sur la communication à destination des enseignants sans l'en informer, pression pour qu'elle démissionne, mise à l'écart du recrutement du poste de responsable de communication à temps plein sans lui proposer),

- Il a informé faussement le personnel de son départ lors d'une réunion



L'employeur conteste tout harcèlement moral et soutient pour sa part que Mme [W] était même peu en relation avec M. [B] du fait de son poste d'enseignante et de chargée de communication en télétravail, qu'elle a été placée en arrêt de travail en novembre 2019 alors qu'il est arrivé en août 2019. Il affirme que les demandes relatives au motif de son arrêt de travail n'ont été faites que pour planifier ou non son remplacement et afin d'en mesurer la durée étant donné que la salariée renouvelait régulièrement son arrêt pour de courtes durées et que le directeur n'a tenté de la joindre qu'une seule fois sur son adresse mail personnelle étant donné qu'elle n'était pas joignable sur ses adresses professionnelles du fait de son arrêt, et qu'il s'agissait d'une urgence car il avait besoin des codes d'accès des réseaux sociaux. Il conteste avoir incité la salariée à démissionner lors de leur entretien de janvier 2020, ni l'avoir dénigrée, les attestations que la salariée fournit en ce sens émanant d'anciens salariés qui ont tous deux, été licenciés et avec lesquels la Fondation est en litige, ce qui retire toute force probante à leurs témoignages. L'employeur fait valoir que le fait d'annoncer sa démission n'a rien d'offensant et découle simplement de sa mise en disponibilité. La Fondation du Bocage n'a jamais entendu remplacer la salariée en recrutant une personne en temps plein, mais souhaitait renforcer son équipe et la salariée ne démontre pas avoir subi les remarques déplacées quant à son lien familial avec l'ancien directeur. La réunion à laquelle elle prétend ne pas avoir été conviée, lui avait été notifiée par mail tout comme aux autres participants et le poste de chargée de mission à temps plein ne lui a pas été proposé en raison de sa demande de disponibilité pour travailler auprès de l'université [8] à [Localité 3], près de son domicile et de sa fille, et en considération de ses plaintes concernant les trajets entre son domicile situé [Localité 3] et le lycée situé à [Localité 5]. La salariée n'a même pas postulé au poste alors que la date limite se plaçait après son arrêt maladie et son profil n'était pas celui d'une professionnelle de la communication mais d'une enseignante se chargeant d'une mission de communication. L'employeur conclut enfin que le burn-out invoqué n'est pas crédible puisque les premiers griefs à l'encontre de M. [B] datent du 14 janvier 2020 alors que son arrêt maladie date du 29 novembre 2019 et que la posture de la salariée n'a pour but que de masquer ses manquements professionnels.



Sur ce,



Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.



Suivants les dispositions de l'article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en 'uvre de ses fonctions.



Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.



Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.



En application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.



Sur la matérialité des faits allégués par Mme [W] au titre du harcèlement moral :



Mme [W] verse aux débats les attestations de :



- M. [Z], qui indique qu'en qualité de directeur des maisons d'enfants du bocage, il a participé à des réunions du bureau et de conseil d'administration de la Fondation du bocage depuis septembre 2015 à son licenciement en février 2020 et a été le témoin direct des déclarations de M. [B] et des administratifs membres du bureau (président et vice-président) relatives à l'emploi de chargée de communication de Mme [W].

Il explique que « dès sa prise de fonction, M. [S] [B] n'a eu de cesse de s'offusquer dans ces instances ainsi qu'en réunion de CODIR... des conditions contractuelles extrêmement avantageuses soi-disant concédés à Mme [W] par l'ancien directeur général, M. [L] [W] en fonction de 2015 à 2019. « M. [S] [B] prétend ainsi que le temps de travail de Mme [W] dépasse la durée légale hebdomadaire de travail, des modifications indiciaires dont elle bénéficie porte son salaire horaire à un niveau supérieur à celui de la directrice adjointe du lycée, la clause autorisant d'effectuer des tâches de communication du dissident télétravail est plus que suspecte et lui paraît injustifiée, celle-ci ayant pour seul objet de favoriser la vie personnelle de Mme [W]. Ces conditions ayant été obtenues à la faveur du lien de parenté de Mme [W] avec l'ancien directeur général, son père. » « Sur la foi de ce qui précède, Monsieur [S] [B] a fait de la rupture de ce contrat d'objectif qui a systématiquement été évoqué à chacune des réunions de bureau ainsi dès la réunion du 14 octobre, puis du 10 décembre du 17 février 2020, la situation de Mme [W] est évoquée et qu'est souvent utilisé le terme de « la fille [W] ».

M. [Z] témoigne également que M.[B] a annoncé son intention de recevoir rapidement Mme [W] pour obtenir sa démission pour la fin de l'année scolaire 2019/2020. Que selon lui « Mme [W] n'aurait pas d'autre choix que d'accepter afin d'éviter tout scandale entachant par exemple réputation de son père » ; qu'il s'est vanté par ailleurs de disposer en tant que chef d'établissement de moyens de pression comme par exemple « supprimer d'un coup de crayon les heures supplémentaires attribuées à Mme [W] ». « Lors de la réunion du conseil d'administration du 11 février 2020, M. [B] a présenté « son rapport d'étonnement » sur la forme d'un plan d'action pour l'ensemble des activités de la fondation qui prévoyait notamment le recrutement d'un chargé de communication avec un budget prévisionnel de 45 K€/an les trois axes de travail(Lycée, Fondation et Communication) été exposé comme moyen de financement du poste par l'utilisation des legs reçus... et d'autre part une économie substantielle liée à la future rupture du contrat de travail de Mme [W] évaluait grossièrement à 15 K€. Lors de la réunion du bureau qui a précédé ce conseil d'administration, il fut acté de donner un blanc-seing au directeur général pour mettre un terme aux fonctions de chargé de communication de Mme [W]. Il fut également évalué le risque prud'homal comme « faible », en effet un membre du bureau connaissant bien le réseau de l'enseignement agricole privé a rappelé que Mme [W] a par le passé à deux reprises assignées son employeur aux prud'hommes et perdus tous ces procès. »



- Mme [E] ayant assumé des fonctions d'enseignante puis de responsable de maison au sein de la Fondation du bocage, atteste qu'elle a collaboré en 2018 et 2019 avec Mme [W] et qu'en tant que chargée de communication, cette dernière faisait en sorte d'associer l'équipe du lycée à son travail et cela semblait porter ses fruits.

Elle indique avoir demandé à M. [B] s'il était envisageable d'étendre les fonctions de chargée de communication du lycée de Mme [W] à la formation continue mais que ce dernier a répondu qu'il n'y avait pas de modifications à apporter et qu'elle pouvait s'adresser à Mme [W] en ajoutant qu' « elle fera bien ce qu'on lui demandera ».

Mme [E] précise que le 10 décembre 2019 lors de la deuxième rencontre du nouveau conseil de direction, mis en place par M. [B], la nouvelle composition « excluait la chargée de communication » alors qu'il a été proposé aux membres de choisir un nouveau nom pour le lycée. L'absence de Mme [W] dans ce type de démarche ayant interpellé et certains membres du comité ayant d'ailleurs interrogé le directeur pour savoir s'il ne serait pas judicieux de réaliser cette démarche avec Mme [W] mais la réunion a suivi son cours.

Elle témoigne également que lors d'un passage dans le bureau de M. [B], celui-ci l'a interrogée sur ses rapports avec Mme [W] cherchant à savoir s'il était en contact régulier avec elle... elle était en arrêt maladie et il a insisté pour savoir si elle avait un moyen de la contacter car il cherchait à obtenir les codes d'accès aux réseaux sociaux du lycée en vain. Mme [E] lui a dit qu'elle préférait ne pas être dérangée ; il a indiqué que l'arrêt étant probablement tant personnel que professionnel et que dans tous les cas, elle n'était pas joignable et que de faute de communication, le travail des collègues n'étaient pas valorisés et qu'ils étaient inquiets.

Lors de la réunion plénière du 13 décembre 2019, M. [B] a demandé à l'assemblée s'il y avait un volontaire pour reprendre la responsabilité des réseaux sociaux car il ne pouvait pas savoir jusqu'à quand Mme [W] serait absente précisant que si son arrêt de travail se finissait prochainement et qu'il serait sans doute prolongé. Le 31 janvier 2020, M. [B] a convoqué une réunion plénière exceptionnelle pour annoncer des recrutements importants dont un chargé de communication à temps plein. Certains collègues se sont étonnés et ont demandé si ce poste s'additionnait à celui de Mme [W] et il a répondu qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, qu'il n'y aurait pas de dépenses supplémentaires que Mme [W] était « de toute façon sur la tangente » et il a précisé que le chargé de communication pourrait prendre ses fonctions avant la fin de l'année scolaire en cours.

Lors d'un atelier travail du 21 janvier 2020, Mme [W] n'a pas été associé à ces travaux sur la réflexion sur l'identité de l'établissement et la politique de communication la plus appropriée pour la fondation, ni mentionnée, ni destinataire mise en copie des échanges de mails concernant cette réunion.







- Mme [D] épouse [A], enseignante, loue les qualités professionnelles de Mme [W] et témoigne que lors d'une réunion plénière d'information organisée par le directeur le 31 janvier 2020 alors que Mme [W] était en arrêt maladie, elle a appris que la Fondation cherchait un chargé de communication à temps plein, les tournures de phrases employées par M. [B] lui laissant à penser que Mme [W] avait démissionné de son poste.



- Mme [J], enseignante loue également les qualités professionnelles de Mme [W] et témoigne avoir été étonnée d'apprendre par M. [B] le 31 janvier 2020, lors d'une réunion, qu'un recrutement allait avoir lieu pour un poste à temps plein de chargé de communication alors que Mme [W] était en arrêt maladie à cette date. Elle explique qu'un collègue a posé la question de savoir si Mme [W] avait démissionné et que M. [B] a répondu qu'elle était en disponibilité. Début avril, il a envoyé un mail à tous les établissements disant qu'elle quittait ses fonctions de chargé de communication. Même information dans le compte rendu du CSE du 4 mai 2020. Cela laissant à penser qu'elle avait démissionné.



- Mme [V], enseignante loue également les qualités professionnelles de Mme [W] et témoigne avoir été surprise d'apprendre par le directeur le 31 janvier 2020 lors d'une réunion de tout le lycée qu'elle souhaitait partir du lycée et qu'à cette occasion une personne extérieure allait être recrutée à plein temps pour gérer la communication du dossier de la fondation. Le 9 mars 2020, Mme [W] a adressé un mail à tout le lycée précisant que son congé-maladie était terminé et qu'elle assumerait de nouveau la communication du lycée. Le 8 avril 2020, ils ont tous reçus un mail de notre direction indiquant que Mme [W] cessait ses fonctions de responsable de communication.



- Des attestations d'autres enseignants attestant du professionnalisme de Mme [W] (Mme [F], M. [T]).



- Le Procès-Verbal du conseil d'administration de la Fondation du bocage du 11 février 2020 qui évoque non un renforcement de moyens, c'est-à-dire un recrutement en plus du poste de Mme [W] mais un renforcement des moyens existants pour mieux faire connaître le projet pédagogique, n'excluant donc pas que le poste viendrait en remplacement de celui occupé à temps partiel par Mme [W] comme conclu par la Fondation du bocage.



- Le Procès-Verbal de la réunion du CSE du 10 janvier 2020 transmis au personnel de la Fondation du bocage dans lequel est évoqué le fait que l'accès au compte Facebook n'est plus accessible « la professionnelle en arrêt ayant les codes d'accès ».



- La justification de la transmission par SMS le 10 janvier 2020 18H40 à « [Y] [N]. » des codes des différents réseaux sociaux par Mme [W] sur demande et des échanges de indiquant que les ensiegnants du lycée et « tout le monde » tente d'obtenir les codes d'accès des pages Facebook et Tweeter du Lycée mais dont les dates des messages précédents ne figurent pas., Mme [W] indiquant « sur le principe, il aurait fallu se préoccuper de ça avant et d'autre part tout repose sur une seule personne ça montre bien la pression qu'on me met et le défaut dans l'organisation . je vais chez le médecin. Je te rappelle plus tard »



- Un mail du 10 janvier 2020 à 18H53 de Mme [W] à M. [B] par sa boite personnelle, intitulé « demande de congé article 31 » dans lequel elle indique avoir déjà transmis à [Y] les identifiants et mots de passe du compte Facebook, Twitter et Instagram et les lui rappelle et indique ne pas avoir consulté sa messagerie professionnelle et son téléphone professionnel pendant son arrêt maladie.



- Des SMS d'une collègue (« [U] [M] ») qui explique à Mme [W] que M. [B] « essaie de lui tirer les vers du nez idem pour [R]... j'ai répondu que je n'étais pas en contact avec toi »... pour savoir « qu'elles sont les raisons de son arrêt parce qu'avec des arrêts reconduits comme ça, je ne trouve personne pour remplacer [X][W]... de temps en temps des piques sont lancés sur la com. ».





Le seul fait que deux attestant (Mme [E] et M.[Z]) ont fait l'objet d'un licenciement et intenté une action prud'homale à l'encontre de la Fondation du bocage ne suffit pas à démontrer la fausseté de leurs attestations par ailleurs détaillées et Mme [D] épouse [A] n'était présente que lors de la réunion du 31 janvier 2020 et non lors des réunions précédentes évoquées par M. [Z].



Il ressort de l'analyse des éléments chronologiques versés aux débats M. [B] a d'abord tenté d'obtenir de Mme [W] pendant son arrêt maladie en décembre 2019 par le biais sa boite mail professionnelle qu'elle lui donne, pour le bon fonctionnement du service, les codes d'accès et les identifiants permettant de gérer la communication du lycée par l'intermédiaire des réseaux sociaux, dont elle était la seule détentrice, et qu'elle n'a pas répondu à cette demande. Mme [W] n'a communiqué ces identifiants qu'à l'occasion d'une demande de « [Y] [N] » le 10 janvier 2020 à 18H40 après plusieurs échanges dont on ignore les dates, puis uniquement quelques minutes plus tard par mail à M. [B] indiquant les « avoir déjà transmis à [Y] », et le jour même de la réunion du CSE au cours de laquelle M. [B] a été interrogé sur la nécessité d'accéder aux réseaux sociaux et à sa réponse concernant son impossibilité d'obtenir les identifiants, « la professionnelle en arrêt ayant les codes d'accès ». Il n'en ressort donc pas comme conclu par Mme [W] sa stigmatisation devant le personnel s'agissant de l'impossibilité d'accéder au compter Facebook, mais un simple constat en réponse aux questions posées lors du CSE et par les autres membres du personnels, M. [B] ayant tenté d'obtenir les identifiants par les moyens légaux et Mme [W] ayant l'obligation de permettre la continuité du service dans le cadre de l'exécution loyale de son contrat de travail. Ce fait n'est pas établi.



Si l'existence d'un litige prud'hommal n'exclut pas la prise en compte des attestations versées aux débats de M. [Z] et de Mme [E], la cour relève que seul M. [Z] fait état dans son attestation du dénigrement du travail et de la personne de Mme [W] de manière récurrente en conseils d'administration et en réunions du personnel, et que le directeur la discréditait suggérant qu'elle avait obtenu son poste et son salaire uniquement grâce à son père qui était l'ancien directeur de la Fondation en remettant en cause ses compétences, et l'appelant « la fille [W] ». Aucun autre élément objectif ou ressortant des autres attestations versées aux débats ne permettant d'établir ce dénigrement, la seule remarque de « elle fera bien ce qu'on lui demandera » évoquée par Mme [E] ne permettant pas de confirmer les faits de dénigrement dénoncés. Ces faits ne sont pas établis.



S'agissant de l'isolement subi, il ressort des éléments versés aux débats que Mme [W] a été effectivement invitée à la réunion du 24 septembre 2019 par mail à l'instar de l'ensemble du personnel par mail auquel était joint le planning de la réunion contrairement à ce qu'elle conclut. Ce fait n'est donc pas établi.



Sur le fait conclu que M. [B] ait insisté à plusieurs reprises lors de l'entretien du 14 janvier 2020 pour qu'elle démissionne, Mme [W] ne verse que son propre courrier adressé à M. [B] le relatant, insuffisant à le démontrer. La remarque de M. [B] relatée par Mme [E] répondant à une question sur le financement du recrutement d'un chargé de communication à temps plein, que Mme [W] était « de toute façon sur la tangente » peut évoquer l'intention en cours de celle-ci de prendre une disponibilité et ne démontre pas que M. [B] faisait pression sur Mme [W] pour qu'elle démissionne. La seule attestation subjective M. [Z] qui témoigne de la volonté de M. [B] de mettre fin au contrat de travail de Mme [W] étant par conséquent insuffisamment probante. Ce fait n'est pas établi.



Sur la mise à l'écart de Mme [W] du recrutement de chargé de communication à temps plein, il n'est pas contesté par l'employeur que ce poste à temps plein n'ait pas été proposé à Mme [W] dont la création est annoncée lors de la réunion plénière du 31 janvier 2020. Ce fait est établi.



Sur le grief de la fausse information de son départ au personnel, il ressort des différentes attestations versées aux débats que la direction a informé l'ensemble du personnel par mail du 8 avril 2020, que Mme [W] cessait ses fonctions de responsable, soit postérieurement à son licenciement du 30 mars 2020. Il est également attesté (Mme [J]) que sur la question de la démission éventuelle de Mme [W] le 31 janvier 2020 , M. [B] a répondu que la salariée était en disponibilité. Le seul fait que lorsqu' elle a appris que la Fondation cherchait un chargé de communication à temps plein, Mme [A] a interprété « les tournures de phrases employées par M. [B] » en une annonce de démission de Mme [W] ne suffit pas à démontrer que celui-ci aurait faussement annoncé cette démission compte tenu des éléments contradictoires susvisés. Ce fait n'est pas établi.



S'agissant des deux faits établis, il est justifié que Mme [W] cherchait en réalité à connaitre la raison de l'arrêt de travail de Mme [W] afin de pouvoir envisager un remplacement pour assurer la continuité du service et son remplacement.



S'agissant du nouveau poste de chargé de communication à temps complet, si Mme [W] avait effectivement informé l'ancien directeur , M. [W], lors de son entretien professionnel du 18 janvier 2019, soit un an avant, qu'elle était candidate à un éventuel poste de communication à temps plein s'il était créé, elle avait depuis manifesté de manière auprès du nouveau directeur sa volonté d'être placée en disponibilité aux fins d'occuper un suivie poste d'enseignant à l'université de [8] et effectué les démarches à cette fin avant finalement d'opter pour une disponibilité pour élever son enfant de moins de 8 ans. Ces démarches pouvant valablement laisser à penser qu'elle n'était plus candidate à un poste à temps complet au sein de la Fondation du bocage et enfin elle ne justifie pas avoir tenté de postuler sur ce poste publié le 26 février, à son retour d'arrêt maladie le 9 mars 2020, la fin de dépôt des candidatures étant fixée au 20 mars 2020.



Il ne résulte ainsi pas de l'examen de ces deux faits établis susvisés pris dans leur ensemble, des éléments précis, concordants et répétés permettant de présumer que la Fondation du bocage a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral et il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts et la demande de nullité de licenciement à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.



Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :



Moyens des parties :



Mme [W] sollicite des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sur les mêmes moyens de faits évoqués au titre du harcèlement moral.



La Fondation du bocage conteste les faits évoqués par la salariée.



Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.



En l'espèce, seuls deux faits susvisés ont été établis et jugés justifiés par l'employeur sans qu'ils puissent constituer une exécution déloyale du contrat de travail. La demande de dommages et intérêts de Mme [W] à ce titre doit être rejetée.





Sur la violation de l'obligation légale de sécurité et le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement :



Moyens des parties :



Mme [W] soutient au visa de l'article L. 4121-1 et l'article L. 4121-2 du code du travail que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité ayant pour conséquence le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement. Elle expose que :

- L'employeur n'a pas organisé de visite médicale de reprise après son arrêt de travail et le texte sur lequel se défend la Fondation ne lui octroie qu'un délai mais ne l'exonère pas de sa responsabilité d'organiser une visite. Aucun licenciement pour faute n'étant possible sans visite de reprise.

- La Fondation ne l'a pas protégée des agissements de M. [B] alors mêmes qu'ils étaient témoins de ses agissements étant donné qu'il agissait pendant les réunions.



La Fondation du bocage soutient pour sa part qu'au moment où l'arrêt de travail de Mme [X] [W] s'est terminé, elle était dans l'incapacité d'organiser une visite médicale de reprise en raison de la pandémie et qu'il s'agit d'un cas de force majeure et qu'elle ne pouvait pas suspendre la procédure de licenciement jusqu'au rétablissement de la situation sanitaire. Elle fait également valoir qu il n'y avait aucun risque pour la salariée qui ne travaillait qu'en télétravail 6 heures par semaine, l'absence de visite médicale n'a pas pu lui être préjudiciable.

La Fondation du bocage conteste par ailleurs les agissements allégués de M. [B] à son encontre.



Sur ce,



Vu l'article L. 4121-1 et l'article L. 4121-2 du code du travail,



En application des dispositions de l'article L.4624-31 du code du travail, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail.



Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail, qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.



En l'espèce, il n'est pas contesté que l'arrêt de travail de Mme [W] a pris fin le 8 mars 2020 et que l'employeur aurait dû saisir le service de santé au travail pour une organisation d'une visite de reprise au plus tard 8 jours après cette reprise, soit le 16 mars 2020. Le confinement lié à la pandémie COVID 19 a débuté le 17 mars 2020 et l'employeur ne justifie pas avoir tenté d'organiser la visite médicale de reprise de Mme [W] avant cette date et qu'elle ait était rendue impossible en raison de la pandémie.







Les dispositions de l'ordonnance N° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoyant la prorogation des délais pendant la période d'urgence sanitaire du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 n'avaient pas pour objet de dispenser l'employeur de remplir ses obligations en matière de visite médicale et de lui permettre de licencier Mme [W] pendant la suspension de son contrat de travail en l'absence de faute grave, mais de prolonger le délai pour organiser la visite de reprise. L'employeur ne démontre pas l'impossibilité alléguée de conserver Mme [W] dans ses effectifs jusqu'à l'organisation de la visite médicale de reprise.



Le contrat de travail de Mme [W] était donc toujours suspendu au moment de son licenciement non fondé par l'employeur sur l'existence d'une faute grave. Par conséquent le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse par voie d'infirmation du jugement déféré.



Toutefois Mme [W] ne justifie du préjudice résultant du défaut d'organisation de sa visite médicale de reprise ni des manquements de son employeurs qui ont été jugés non établis et doit être par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.



En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ce texte.



Or, Mme [W] qui disposait d'une ancienneté au service de son employeur de plus de 3 années en qualité de chargée de communication, peut par application des dispositions précitées, prétendre à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 4 mois de salaire.

Aux termes de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (l'OIT), si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Les dispositions susvisées de l'article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Selon le Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail, le terme "adéquat" visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Or, la cour relève, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il en ressort, d'une part, que les dispositions susvisées des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi, d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail. Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail étant de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT. Il résulte de ces constatations que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée. Il n'y a donc pas lieu d'en écarter les dispositions.

S'agissant des dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, également invoquées par la salariée pour voir écartée l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, il résulte des dispositions de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en 'uvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application selon les modalités prévues par l'annexe de la Charte et l'article I de la partie V de la charte, consacré à la "mise en 'uvre des engagements souscrits", dont les Etats parties ont réservé le contrôle au seul système spécifique prévu par l'annexe de la Charte. Il en résulte que les dispositions de la Charte sociale européenne, dont l'article 24, n'ont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, et que le moyen tiré de l'article 24 ne peut avoir pour effet d'écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Il apparaît enfin qu'une réparation comprise entre d'un mois de salaire, par application des dispositions précitées de l'article L. 1235-3 du code du travail, constitue une réparation adéquate du préjudice et appropriée à la situation d'espèce telle qu'elle ressort des pièces produites aux débats par l'appelante.

Par conséquent les dispositions de l'article L. 1235-3 code du travail sont applicables aux faits d'espèce.



Mme [W] indique avoir été licenciée pendant sa période de disponibilité mais justifie avoir travaillé en qualité d'agent contractuel au sein de l'Université [8] à temps complet du 9 mars 2020 au 31 octobre 2021, alors qu'elle était placée du 9 mars 2020 au 31 août 2021en disponibilité pour élever son enfant de moins de 8 ans dans le cadre de son emploi d'enseignante (fonctionnaire) et qu'elle a été licenciée de son poste de chargée de communication le 16 mars 2020. Elle justifie également de la poursuite de son activité à 50 % jusqu'au 31 octobre 2022. Elle a également perçu l'ARE pour la période du 1er janvier 2022 au 14 décembre 2022. Sa situation professionnelle n'est pas actualisée.



Il convient dès lors de condamner la Fondation du bocage à lui verser la somme de 2491,17 € (3 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Sur les documents de rupture :

Il convient d'ordonner à la Fondation du bocage de remettre à Mme [W], un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales, conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision. La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de d'infirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.



La Fondation du bocage , partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à Mme [W] la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé qu'il n'y a pas eu de harcèlement moral, ni de manquement à l'obligation de sécurité

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

DIT que le licenciement de Mme [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,



CONDAMNE la Fondation du bocage à lui payer la somme de 2491,17 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,



DIT que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

ORDONNE à la Fondation du bocage de remettre à Mme [W] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales et conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision,

REJETE la demande d'astreinte,

CONDAMNE la Fondation du bocage à payer la somme de 2000 € à Mme [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la Fondation du bocage aux dépens de l'instance.



Ainsi prononcé publiquement le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier Le Président

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