28 mars 2024
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 22/00118

2ème Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 28 Mars 2024



N° RG 22/00118 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G4T4



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 18 Novembre 2021, RG 19/00743



Appelante



S.A. PACIFICA, dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal



Représentée par la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON





Intimées



Mme [J] [Z], demeurant [Adresse 2]



sans avocat constitué



L'INSTITUT NATIONAL [5], dont le siège social est sis [Adresse 1]

pris en la personne de son représentant légal



Représenté par la SELARL MLB AVOCATS, avocat au barreau de CHAMBERY



L'AGENT COMPTABLE DE L'INSTITUT NATIONAL [5], dont le siège social est sis [Adresse 1] - pris en la personne de son représentant légal



sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-



COMPOSITION DE LA COUR :



Lors de l'audience publique des débats, tenue le 09 janvier 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

Et lors du délibéré, par :



- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente



- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,



- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,




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EXPOSÉ DU LITIGE



Le 6 juin 2014, Mme [J] [Z], en qualité d'agent à l'Institut national [5] de [Localité 4], a été victime d'un accident au sein de l'établissement causé par la bousculade d'un élève, M. [L] [K], lequel était assuré auprès de la SA Pacifica.



Blessée à l'épaule droite, Mme [Z] a souffert de plusieurs arrêts de travail. A la suite d'une intervention chirurgicale en mars 2016, cette dernière a pu reprendre son activité à mi-temps thérapeutique en septembre 2016 puis à temps plein à compter de septembre 2017.



L'Institut national [5] de [Localité 4], établissement public national à caractère administratif, en sa qualité d'employeur et de tiers payeur, a pris en charge les frais et dépenses relatives à l'accident et notamment le coût du maintien des salaires ainsi que les dépenses de santé.



Consécutivement, le 21 décembre 2017, l'Institut national [5] de [Localité 4] a émis 4 états exécutoires à l'encontre de la SA Pacifica pour un montant cumulé de 134 462,71 euros soit :




le titre n°233 pour un montant de 19 376,90 euros correspondant aux frais de l'année 2014,

le titre n°234 pour un montant de 53 047,09 euros correspondant aux frais de l'année 2015,

le titre n°235 pour un montant de 48 628,98 euros correspondant aux frais de l'année 2016,

le titre n°236 pour un montant de 13 409,74 euros correspondant aux frais de l'année 2017.




Postérieurement, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 mars 2018, l'Institut national [5] de [Localité 4] a mis en demeure la SA Pacifica de lui régler la somme de 134 462,71 euros.



Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 mai 2018, l'agent comptable de l'Institut national [5] de [Localité 4] a notifié à la SA Pacifica l'acte de saisie de créance simplifiée portant sur la somme précitée.



Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 septembre 2018, la SA Pacifica a formé opposition sur les états exécutoires des titres n°233 à 236, du 21 décembre 2017, auprès de l'agent comptable de l'Institut national [5] de [Localité 4].



Puis, par acte du 20 novembre 2018, la SA Pacifica a fait assigner l'Institut national [5] de [Localité 4] et Mme [Z] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry en vue d'obtenir le bénéfice d'une expertise médicale laquelle a été ordonnée par ordonnance du 19 février 2019, l'expert judiciaire missionné à cet effet ayant ultérieurement déposé son rapport le 1er novembre 2019.



Parallèlement, par acte du 16 avril 2019, la SA Pacifica a fait assigner l'Institut national [5] de [Localité 4], Mme [Z] et l'agent comptable de l'Institut national [5] de [Localité 4] devant le tribunal de grande instance aux fins de faire déclarer recevable l'opposition formée à l'encontre des titres de recettes n°233 à 236 et d'obtenir, à titre principal, l'annulation ces derniers.



Par jugement contradictoire du 18 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry a :



- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la SA Pacifica aux fins d'opposition aux titres de recette n°233, 234, 235 et 236 émis le 21 décembre 2017 par l'Institut national [5] de [Localité 4],

- débouté la SA Pacifica de l'ensemble de ses demandes subséquentes,

- condamné la SA Pacifica à payer à l'Institut national [5] de [Localité 4] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SA Pacifica de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la SA Pacifica aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.



Par acte du 6 janvier 2022, la SA Pacifica a interjeté appel de la décision (procédure RG n°22/00026.



Par acte du 21 janvier 2022, la SA Pacifica a régularisé une seconde déclaration d'appel (procédure RG n°22/00118). Les deux procédure ont été jointes sous les références RG n°22/00118.



Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA Pacifica demande à la cour de :



- déclarer recevable l'appel interjeté par la SA Pacifica,



Y faisant droit,



- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :


a déclaré irrecevable comme étant prescrite son action aux fins d'opposition aux titres de recette n°233, 234, 235 et 236 émis par l'Institut national [5] de [Localité 4] le 21 décembre 2017,

l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes subséquentes,

condamné à payer à l'Institut national [5] de [Localité 4] la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles,

l'a condamné aux entiers dépens, ce y compris les frais d'expertise judiciaire,




Par voie de conséquence, statuer à nouveau,

- déclarer recevable l'action engagée par elle,

-constater que la créance dont se prévaut l'Institut national [5] de [Localité 4] à son encontre en sa qualité d'assureur de M. [K] n'est en aucun cas justifiée, l'imputabilité des arrêts de travail de Mme [Z] à l'accident survenu le 6 juin 2014 n'étant pas établie,

- constater que les titres n°233, 234, 235 et 236 sont dépourvus de leur base de liquidation,

- annuler les titres de recettes émis par l'agent comptable de l'Institut national [5] de [Localité 4] le 21 décembre 2017 sous les n°233, 234, 235 et 236 pour un montant global de 134 462,71 euros,

- annuler dans le même temps, le rejet du recours préalable exercé par elle auprès de l'Institut national [5] de [Localité 4] et l'agent Comptable de l'Institut national [5] de [Localité 4] le 10 septembre 2018,

- débouter l'Institut national [5] de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner l'Institut national [5] de [Localité 4] aux entiers dépens de l'instance, ceux-ci distraits au profit de Me [M] ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



*



Les déclarations d'appel et les conclusions d'appelante ont été signifiées les :




10 février et 14 avril 2022 à Mme [Z],

17 février et 13 avril 2022 à l'Institut national [5] de [Localité 4],

17 février et 13 avril 2022 à l'agent comptable de l'Institut national [5] de [Localité 4].




L'Institut national [5] de [Localité 4] s'est constitué par acte notifié le 21 janvier 2022 sans toutefois notifier d'écritures au soutien de ses intérêts.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2023.




MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article R.421-1 du code de la justice administrative prévoit que la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.



Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle.



Le délai prévu au premier alinéa n'est pas applicable à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat.



Selon l'article R.421-5 du même code, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.



En l'espèce, il échet de rappeler que la compétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur la contestation élevée par la SA Pacifica n'a pas été contestée en ce que la créance fondant les titres délivrés à son encontre, née de la réparation d'un dommage corporel, détermine la compétence du tribunal judiciaire.



Il s'avère par ailleurs constant que les 4 états exécutoires ont été émis le 21 décembre 2017 et que la preuve de leur notification n'est pas rapportée. Aussi, le délai de contestation visé à l'article R.421-1 du code de la justice administrative ne peut avoir commencé à courir avant la mise en demeure de payer, se rapportant aux titres susvisés, notifiée à la SA Pacifica par lettre recommandée avec demande d'avis de réception distribuée le 28 mars 2018.



Toutefois, faute de mention des délais et voies de recours pour contester lesdits états, cette mise en demeure ne saurait emporter obligation pour le débiteur, à peine d'irrecevabilité, de contester les titres dont l'administration se prévaut dans le délai visé à l'article R.421-1.



Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que la date de notification recommandée de la mise en demeure se rapportant aux états contestés faisait partir le délai raisonnable (jurisprudence CE 9 mars 2018, req. n°401386) dont dispose la SA Pacifica pour introduire son recours, étant précisé que ce délai 'ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance'.



Dans ce délai, il est justifié par la SA Pacifica du fait qu'elle a adressé à l'agent comptable de l'Institut national [5] de [Localité 4] et au directeur de l'Institut, par son conseil, au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception postées le 6 septembre 2018, une opposition aux titres de recettes établis sous les références n°233/2017, 234/2017, 235/2017 et 236/2017.



Conformément à l'article L.411-2 du code des relations entre le public et l'administration rappelle, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai.



Or, il s'avère patent, aux termes des courriers, que la contestation élevée par les lettres recommandées du 6 septembre 2018 s'entend d'une contestation contentieuse, relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, et n'a pas la nature d'un recours gracieux ou hiérarchique lesquels, exercés dans le délai du recours contentieux, auraient été susceptibles d'interrompre le délai raisonnable d'un an au cours duquel il appartenait à la SA Pacifica de faire délivrer son assignation.



De même, le premier juge a justement rappelé que l'article 118 du décret 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, ne s'appliquait aucunement à la gestion budgétaire des établissements public à caractère administratif.



Il s'en déduit nécessairement que, faute d'exercice d'un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai d'un an à compter de la délivrance de la mise en demeure de payer (notifiée à la SA Pacifica par lettre recommandée avec demande d'avis de réception distribuée le 28 mars 2018), l'assignation devant le tribunal judiciaire de Chambéry, par acte du 16 avril 2019, en opposition aux titres de recette émis à son encontre, s'avérait tardive.



Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la décision déférée ayant déclaré prescrite l'action de la SA Pacifica en contestation des titres de recette n°233, 234, 235 et 236 émis le 21 décembre 2017 par l'Institut national [5] de [Localité 4].



La SA Pacifica, qui succombe en son appel, est condamnée aux dépens.



PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par défaut,



Confirme la décision déférée,



Y ajoutant,



Déboute la SA Pacifica de l'intégralité de ses demandes,



Condamne la SA Pacifica aux dépens d'appel.



Ainsi prononcé publiquement le 28 mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.



La Greffière La Présidente

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