28 mars 2024
Cour d'appel de Caen
RG n° 22/03059

2ème chambre sociale

Texte de la décision

AFFAIRE : N° RG 22/03059

N° Portalis DBVC-V-B7G-HDSO

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire d'Alençon en date du 08 Novembre 2022 - RG n°











COUR D'APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRÊT DU 28 MARS 2024





APPELANT :



Monsieur [M] [J]

[Adresse 1]



Représenté par Me Saliha HARIR, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me MARIN, avocat au barreau de COUTANCES





INTIMEES :



S.A.S. [2]

[Adresse 3]



Représentée par Me SABLÉ, avocat au barreau d'ALENCON



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ORNE

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par M. [K], mandaté







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,



DEBATS : A l'audience publique du 15 février 2024



GREFFIER : Mme GOULARD



ARRÊT prononcé publiquement le 28 mars 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier







La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [M] [J] d'un jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Alençon dans un litige l'opposant à la société [2] en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.






FAITS et PROCEDURE





Le 26 novembre 2018, la société [2] (la société) a établi une déclaration d'accident du travail concernant son salarié, M. [M] [J], dans les termes suivants:

'date : 16 11 2018 heure 12 00

Activité de la victime lors de l'accident : assemblage charpente

Nature de l'accident : le morceau de ferraille est tombé sur son pied

Objet dont la contact a blessé la victime : morceau de charpente en ferraille

Siège des lésions : pied gauche

Nature des lésions : fracture cheville G'.



Le certificat médical initial du 16 novembre 2018 mentionne une fracture de la malléole interne du pied gauche et une contusion du genou gauche et du poignet gauche.



Par décision du 29 novembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne (la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.



Le 26 mars 2019, M. [J] a saisi la caisse afin de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.



En l'absence de conciliation, il a saisi le tribunal de grande instance d'Alençon par requête du 1er août 2019 afin de faire reconnaître la faute inexcusable de la société [2].



La caisse a déclaré l'état de santé de M. [J] consolidé à la date du 23 février 2021 avec un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 10 %.



Par jugement du 23 juillet 2021, le tribunal de grande instance d'Alençon, devenu tribunal judiciaire, a :

- dit que l'accident dont a été victime M. [J] le 16 novembre 2018 est dû à la faute inexcusable de la société

- fixé au maximum légal la majoration de la rente allouée à M. [J]

- dit que la majoration de la rente suivra le taux d'IPP en cas d'aggravation de l'état de santé de M. [J]

- avant-dire droit sur la liquidation des préjudices de M. [J], ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur [Y]

- alloué à M. [J] la somme de 2000 euros à titre de provision, qui lui sera versée directement par la caisse, laquelle en récupérera le montant auprès de l'employeur en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale

- condamné la société [2] au remboursement de toutes les sommes avancées par la caisse à l'occasion de la procédure

- ordonné l'exécution provisoire

- condamné la société à payer à M. [J] une indemnité de procédure de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné le renvoi à l'audience du 21 janvier 2022.



Le docteur [Y] a déposé son rapport le 29 avril 2022.



Par jugement du 8 novembre 2022, le tribunal judiciaire d'Alençon a :

- alloué à M. [J] en réparation des préjudices subis du fait de l'accident du travail du 16 novembre 2018, étant précisé que la date de consolidation a été définitivement fixée au '12 février 2015', les sommes suivantes, qui porteront intérêt au taux légal à compter du 26 mars 2019 :

* la somme de 3000 euros au titre des souffrances physiques et morales

* la somme de 2500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire











* la somme de 4996,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

* la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de 'promotion professionnelle'

* la somme de 1350 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne avant consolidation

- débouté M. [J] de sa demande relative au préjudice d'agrément

- déclaré la présente décision opposable à la caisse

- dit que les sommes dues seront versées directement à M. [J] par la caisse après déduction des provisions éventuellement versées

- dit que la caisse en récupérera le montant auprès de la société, employeur de M. [J], condamnée à lui rembourser les sommes avancées en application des dispositions de l'article L. 452-2 et suivants du code de la sécurité sociale

- condamné la société à payer à M. [J] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société aux dépens de la procédure

- ordonné l'exécution provisoire.



Par déclaration du 6 décembre 2022, M. [J] a formé appel du jugement du 8 novembre 2022.



Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 7 novembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, M. [J] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Alençon

- allouer à M. [J] les sommes suivantes au titre de l'indemnisation de ses préjudices complémentaires :

* souffrances endurées : 5 000 euros

* préjudice esthétique temporaire : 4 000 euros

* préjudice d'agrément : 6 000 euros

* perte de possibilité de promotion professionnelle : 17 000 euros

* déficit fonctionnel temporaire : 4 996, 50 euros

* tierce personne temporaire : 1 350 euros

- dire que la caisse fera l'avance de ces sommes à M. [J], sous le bénéfice de son action récursoire contre l'employeur

- condamner l'employeur à payer une somme complémentaire de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance

- dire qu'en vertu de l'article 1153-1 du code civil, l'ensemble des sommes portera intérêt au taux légal à compter de la demande en faute inexcusable présentée à la caisse.



Selon conclusions reçues au greffe le 15 décembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 8 novembre 2022 du tribunal judiciaire d'Alençon et statuant à nouveau,

- allouer à M. [J] au titre de l'indemnisation de ses préjudices complémentaires, les sommes suivantes :

* souffrances endurées : 3 000 euros

* préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

* déficit fonctionnel temporaire : 3 477,50 euros

* tierce personne temporaire : 1 350 euros

- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes formulées en cause d'appel à l'encontre de la société

- déduire des sommes allouées l'indemnité provisionnelle de 2000 euros versée à M. [J]

- condamner M. [J] à payer à la société la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions reçues au greffe le 2 février 2024 et soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu son action récursoire pour toutes les sommes dont elle sera tenue de faire l'avance à l'encontre de l'employeur la société, déduction faite de la provision de 2 000 euros

















- confirmer le jugement sur les montants alloués au titre de l'indemnisation du préjudice fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément

- infirmer le jugement et rejeter la demande d'indemnisation de la perte de chance de promotion professionnelle

à titre subsidiaire,

- si par extraordinaire, la cour devait infirmer le jugement et faire droit à la demande de M. [J] quant au préjudice d'agrément, cette dernière devra être ramenée à de plus justes proportions, afin de tenir compte des sommes habituellement allouées par les juridictions dans des cas similaires

- si par extraordinaire, la cour devait infirmer le jugement sur la demande relative à la perte ou à la diminution de promotion professionnelle, il est sollicité la confirmation de la somme de 10 000 euros et non 17 000 euros comme demandés.



Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.






SUR CE, LA COUR





L'article L 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que : 'indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

(...)

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'



En outre, par décision du 18 juin 2010 n° 2010-8 QPC, le Conseil constitutionnel a décidé que : 'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L 452-3 ne sauraient sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que les victimes ou leurs ayants droit puissent devant les mêmes juridictions demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV.'



Il en résulte qu'en plus des postes de préjudices limitativement énumérés par l'article L 452-3, la victime est bien fondée à demander à son employeur devant la juridiction de sécurité sociale notamment, la réparation du préjudice sexuel, du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice d'assistance par une tierce personne avant consolidation.



En revanche, l'assistance par une tierce personne après consolidation est indemnisée dans les conditions de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale de telle sorte que ce préjudice est couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale. Ce dommage ne peut en conséquence donner droit à indemnisation sur le fondement de l'article L 452-3 du même code.



En l'espèce, par jugement du 23 juillet 2021, le tribunal judiciaire a dit que l'accident du travail dont M. [J] a été victime le 16 novembre 2018 est dû à la faute inexcusable de la société [2].



M. [J] est donc bien fondé à demander devant la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation de ses préjudices dans les conditions et limites précédemment rappelées.

















I / Sur la liquidation des préjudices



Le rapport d'expertise judiciaire rappelle qu'à son admission à l'hôpital le 16 novembre 2018, jour de son accident, M. [J] présentait une fracture non déplacée de la malléole interne de la cheville gauche ainsi qu'une contusion simple du poignet gauche et du genou gauche. Une immobilisation plâtrée simple de la malléole a été prescrite pour une durée de 45 jours. M. [J] a été autorisé à quitter l'hôpital le jour même avec un traitement antalgique, associé à un traitement journalier préventif des thromboses veineuses profondes par injection sous-cutanée d'Innohep.



Le 31 décembre 2018, le plâtre a été retiré. Par la suite, M. [J] a continué de présenter des douleurs permanentes justifiant un traitement antalgique et l'utilisation de cannes anglaises.



À la date de l'examen par l'expert, le 23 février 2022, M. [J] ne présentait aucun signe d'algodystrophie active, ni d'amyotrophie des quadriceps ou des mollets.



La date de consolidation est fixée au 23 février 2021. Le taux d'IPP fixé par la caisse s'élève à 10 %.



À la date de consolidation, M. [J] était âgé de 37 ans.



Sur le besoin d'assistance en tierce personne temporaire



Ce poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne.



Il est évalué en considération des besoins et non au regard de la justification de la dépense.



Ce chef de préjudice n'a pas à être réduit en cas de recours à un membre de la famille, ni subordonné à la production de justificatifs de dépenses effectives.



Le taux horaire peut varier pour la tierce personne en fonction du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne.



En l'espèce, M. [J], la société et la caisse concluent à la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 1350 euros.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à M. [J] la somme de 1350 euros au titre de l'assistance tierce personne temporaire.



Sur la perte de possibilités de promotion professionnelle



Il appartient au salarié d'établir qu'il aurait eu au jour de l'accident de sérieuses chances de promotion professionnelle.



Il est constant qu'à la date de son accident le 16 novembre 2018, M. [J] était salarié de la société dans le cadre d'un contrat à durée déterminée (CDD).



M. [J] affirme que la société s'était engagée à l'embaucher dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée (CDI) au terme de son CDD et que du fait de son accident, il a perdu cette possibilité de promotion professionnelle.



Comme le rappelle l'appelant, il est exact que le tribunal a relevé qu'il existait une promesse d'embauche à l'issue du CDD. Le jugement précise en effet :'la société [2] déclare notamment à l'audience avoir fait la promesse d'une embauche à son salarié préalablement à l'accident dont il a été victime'.















Par ailleurs, M. [J] produit un document du 6 novembre 2018 signé du président de la société, qui indique qu'il s'engage à 'embaucher M. [J] à la fin de son CDD qui se termine le 14 décembre 2018'.



La société ne conteste pas avoir fait la promesse d'embaucher M. [J] en CDI à l'issue de son CDD, mais affirme que le poste proposé aurait été identique à celui déjà occupé dans le cadre du CDD de telle sorte qu'il n'existe aucune perte de possibilités de promotion professionnelle.



Elle ajoute que M. [J] a été condamné par jugement du tribunal correctionnel du 24 juillet 2018 à une peine d'emprisonnement ferme et qu'il ne démontre pas que 'la perte de faculté d'obtenir une promotion professionnelle relève bien de son état de santé .. et non pas de sa situation pénale faisant obstacle à la poursuite d'une activité salariée'. Elle en déduit qu'il n'est pas justifié de la perte de possibilités d'obtenir une promotion professionnelle.



Tout d'abord, contrairement à ce qu'affirme la société, la perte de la possibilité d'obtenir un CDI constitue une perte de possibilité d'obtenir une promotion professionnelle. En effet, le CDI comporte de nombreux avantages par rapport au CDD. Le CDI offre une stabilité que n'offre pas le CDD qui est nécessairement limité dans le temps. Le CDI permet en conséquence au salarié de cumuler une ancienneté plus importante que celle qu'il aurait dans le cadre d'un CDD. Par ailleurs, le salarié en CDI bénéficie de protections légales lors de la rupture du contrat, protections que n'offre pas le CDD qui prend fin au terme convenu.



Il sera donc retenu que la perte de la possibilité d'obtenir un CDI constitue la perte d'une possibilité d'obtenir une promotion professionnelle.



Ensuite, le jugement pénal susvisé ne prononce aucune interdiction d'exercer une profession particulière. Les faits reprochés à M. [J], violences conjugales et violences/rébellion à l'égard des agents de police judiciaire n'ont aucun lien avec son activité professionnelle d'ouvrier du bâtiment. La peine de quatre mois ferme prononcée par le tribunal avait déjà été exécutée avant que la société ne s'engage à embaucher M. [J] en CDI à l'issue de son CDD. En effet, le jugement pénal rappelle que M. [J] a été incarcéré à compter du 4 juillet 2018, soit plus de quatre mois avant que l'employeur ne signe la promesse d'embauche en CDI.



Les éléments avancés par la société relatifs à la condamnation pénale de M. [J] sont donc sans emport sur la perte de la possibilité d'obtenir un CDI.



Compte tenu de ces observations, il est établi que M. [J] a subi une perte de possibilités de promotion professionnelle en raison de son accident du travail.



Eu égard à l'âge de M. [J] au moment où il aurait dû bénéficier du CDI, de la nature de l'emploi qui lui aurait été offert, c'est à dire le même que celui précédemment occupé en CDD, mais bénéficiant des avantages attachés au CDI, ce préjudice sera évalué à 7 000 euros.



Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a évalué ce poste à 10 000 euros et statuant à nouveau, la perte de possibilités de promotion professionnelle sera évaluée à 7 000 euros.



Sur le déficit fonctionnel temporaire



Ce poste a pour objet d'indemniser le préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique jusqu'à la date de consolidation. Ce préjudice intègre notamment la privation temporaire des activités privées et d'agrément.



Il résulte du rapport d'expertise que les périodes de déficit fonctionnel temporaire (DFT) sont les suivantes :

- DFT de 100 % : 1 jour

- DFT de 50 % : 45 jours

- DFT de 25 % : 253 jours

- DFT de 15 % : 532 jours.















M. [J] était âgé de 35 ans au moment de l'accident et de 37 ans à la date de consolidation.



Compte tenu de ces observations, il convient d'évaluer le DFT de 100 % à hauteur de 25 euros par jour et non à 30 euros tels que retenus par les premiers juges.



Par voie d'infirmation, le préjudice de DFT de M. [J] sera donc évalué comme suit:

- 25 euros x 1 jour = 25 euros

- 25 euros x 50 % x 45 jours = 562,50 euros

- 25 euros x 25 % x 253 jours = 1581,25 euros

- 25 euros x 15 % x 532 jours = 1995 euros

soit un total de : 4163,75 euros.



Sur les souffrances endurées



Ce poste indemnise les souffrances physiques et morales subies par la victime jusqu'à la date de consolidation.



L'expert a évalué ce poste de préjudice à 2,5 sur une échelle de 7. Il convient de prendre en compte les souffrances initiales, les douleurs persistantes ainsi que les périodes de soin.



Ce poste de préjudice sera évalué à hauteur de 3000 euros. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.



Sur le préjudice esthétique temporaire



Ce poste indemnise l'altération physique de la victime consécutive aux lésions subies jusqu'à la date de consolidation.



L'expert a évalué ce poste de préjudice à 2 sur une échelle de 1 à 7 se fondant sur l'utilisation de deux cannes anglaises pour se déplacer.



Il sera rappelé que le poste est un poste de préjudice temporaire, c'est à dire limité à la période antérieure à la consolidation, soit environ 2 ans et demi dans le cas présent.



Compte tenu de ces éléments, par voie d'infirmation, il convient de fixer le préjudice esthétique temporaire à 1500 euros.



Sur le préjudice d'agrément



Le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité physique ou de loisirs. Ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure.



Il appartient à la victime de démontrer qu'elle pratiquait antérieurement et régulièrement une activité spécifique de loisirs et qu'elle ne peut plus le faire ou qu'elle est limitée dans cette activité.



M. [J] soutient qu'il pratiquait le football avant son accident, et ce à titre de loisir.



Il se fonde sur le rapport d'expertise qui d'après lui retient un préjudice d'agrément pour la pratique du football. Il explique qu'il ne bénéficie pas de licence sportive dans la mesure où il pratiquait ce sport 'dans son quartier'.



Toutefois, l'expert n'indique pas que M. [J] subit un préjudice d'agrément, mais précise seulement : 'Monsieur [J] n'aurait pas pu reprendre le football en raison des douleurs présentées au niveau de la cheville gauche'. Le docteur [Y] se réfère donc uniquement aux allégations de M. [J].















M. [J] ne produit par ailleurs aucune pièce démontrant qu'il pratiquait le football à titre de loisirs avant son accident.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément.



Sur les intérêts



L'article 1231-7 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose qu' en cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.



M. [J] demande que les indemnités qui lui sont allouées portent intérêts au taux légal à compter de la demande de faute inexcusable.



Toutefois, aucun élément n'est allégué au soutien de cette demande.



Il sera donc dit que les sommes allouées produiront intérêts à compter du présent arrêt à l'exception des indemnités allouées au titre de la tierce personne et des souffrances endurées qui produiront intérêts à compter du jugement puisque le jugement est confirmé sur ces deux postes de préjudices.



Sur le paiement des indemnités et le recours de la caisse



L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.



Le jugement a fixé des indemnités d'un montant différent de ceux retenus en cause d'appel. Il convient donc de l'infirmer en ce qu'il a dit que les sommes allouées en première instance seront payées par la caisse à M. [J] et qu'elle en récupérera le montant auprès de l'employeur.



Statuant à nouveau, il convient de dire que les sommes allouées à M. [J] au titre de ses préjudices lui seront versées directement par la caisse après déduction des provisions éventuellement versées et que la caisse en récupérera le montant auprès de la société.



II / Sur les dépens et frais irrépétibles



Le jugement déféré qui a liquidé les préjudices consécutifs à la faute inexcusable sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer les dépens et à régler une indemnité au titre des frais irrépétibles.



Il sera précisé que les dépens de première instance mis à la charge de l'employeur comprennent les frais d'expertise judiciaire.



En revanche, M. [J] qui a formé appel principal, succombe intégralement en cause d'appel puisque les sommes qui lui sont allouées par la cour sont inférieures ou égales à celles allouées en première instance.



Eu égard à cette succombance, il sera condamné aux dépens d'appel.



Enfin, il est équitable de débouter la société et M. [J], chacun, de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

















PAR CES MOTIFS





La cour,





Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- alloué à M. [J] la somme de 1350 euros au titre de l'assistance tierce personne temporaire et 3000 euros au titre des souffrances endurées

- débouté M. [J] de sa demande d'indemnisation du préjudice d'agrément

- condamné la société [2] aux dépens

- condamné la société [2] à payer à M. [J] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire;



Infirme le jugement pour le surplus ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Alloue à M. [J] les sommes suivantes au titre de ses préjudices :

* perte de possibilité de promotion professionnelle : 7 000 euros

* déficit fonctionnel temporaire : 4163,75 euros

* préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros ;



Dit que ces trois indemnités produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;



Dit que les indemnités allouées au titre de la tierce personne temporaire et des souffrances endurées produiront intérêts au taux légal à compter du jugement déféré ;



Dit que les différentes indemnités allouées à M. [J] lui seront versées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne après déduction des provisions éventuellement versées ;



Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne récupérera le montant des sommes dont elle est tenue de faire l'avance auprès de la société [2] dans le cadre de son action récursoire ;



Précise que les dépens de première instance mis à la charge de la société [2] comprennent les frais d'expertise judiciaire ;



Condamne M. [J] aux dépens d'appel ;



Déboute la société [2] et M. [J], chacun, de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LE PRESIDENT











E. GOULARD C. CHAUX

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