28 mars 2024
Cour d'appel de Caen
RG n° 22/01193

2ème Chambre civile

Texte de la décision

AFFAIRE : N° RG 22/01193 



ARRÊT N°



NLG





ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce d'ALENCON en date du 15 Février 2022

RG n° 2019002229





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 28 MARS 2024







APPELANTE :



ALLIANZ IARD

N° SIRET : 542 110 291

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée et assistée de Me Christophe SOURON, avocat au barreau de CAEN







INTIMEE :



S.A.R.L. CHARPENTE CENOMANE

N° SIRET : 401 704 010

[Adresse 5]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN,

Assistée de Me Pierre LANDRY, avocat au barreau du MANS







DEBATS : A l'audience publique du 1er février 2024, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré



GREFFIER : Mme LE GALL, greffier



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame EMILY, Président de Chambre,

M. GOUARIN, Conseiller,

Mme DELAUBIER, Conseillère,





ARRET prononcé publiquement le 28 mars 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier




*



* *



FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS



La SARL Charpente Cenomane exerce l'activité de charpente, couverture, zinguerie, négoce de tous matériaux s'y rapportant et plus généralement toutes activités de bâtiment y compris tous travaux d'études, d'assistance technique et de formation.



Cette société a souscrit un contrat d'assurance 'Réalisateur d'ouvrage de construction' auprès de la SA Allianz IARD n°33233023 devenu n°48980560 à la suite d'un avenant signé par les parties le 25 septembre 2014.



La société Charpente Cenomane s'est vu attribuer le lot de charpente de travaux publics du chantier de réhabilitation d'un centre équestre situé à [Localité 3], sous la maîtrise d'ouvrage du syndicat intercommunal de la Passée. Le chantier a été ouvert le 15 novembre 2008.



A la suite de l'apparition de désordres, une première expertise judiciaire a été ordonnée par décision du président de tribunal administratif de Caen du 22 avril 2010, l'expert ayant été déposé le 20 juin 2011.



Le 22 octobre 2012, la charpente et les bâtiments se sont écroulés.



Le 20 février 2014, une nouvelle expertise judiciaire a été ordonnée et un nouveau rapport a été déposé le 28 octobre 2015.



Par jugement du 24 octobre 2018, le tribunal administratif de Caen a, notamment, condamné la société Charpente Cenomane à payer à la commune de [Localité 3] Normandie la somme de 81.367,27 euros TTC correspondant au 10 % du montant total du préjudice.



En exécution de cette décision, le Centre des finances publiques a pratiqué, le 8 mars 2021, une saisie administrative à tiers détenteur à l'encontre de la société Charpente Cenomane pour la somme totale de 84.462,80 euros, laquelle a été fructueuse.



Suivant acte d'huissier du 25 novembre 2020, la société Charpente Cenomane a fait assigner son assureur devant le tribunal de commerce d'Alençon aux fins, notamment, de voir condamner ce dernier à la garantir de toutes condamnations en principal, frais et accessoires prononcées à son égard par le tribunal administratif de Caen dans son jugement du 16 novembre 2018.



Cette affaire a été jointe à celle ouverte devant le tribunal de commerce de Nanterre, renvoyée pour compétence devant le tribunal de commerce d'Alençon par jugement du 29 janvier 2021 de cette juridiction.



Par jugement réputé contradictoire du 15 février 2022, le tribunal de commerce d'Alençon a :

- dit que la société Charpente Cenomane est recevable en sa demande,

- dit que la société Allianz IARD est condamnée à garantir la société Charpente Cenomane au titre des conditions générales et les conditions particulières du contrat d'assurance n°48980560,

- condamné la société Allianz IARD à payer à la société Charpente Cenoma la somme de 80.514,21 euros au titre de la condamnation du tribunal administratif de Caen du 16 novembre 2018 déduction faite des pénalités et de la franchise, augmentée des intérêts de droit à compter du 10 mars 2021 et ce jusqu'à parfait paiement,

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

- autorisé l'application de l'article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de la société Charpente Cenomane,

- condamné la société Allianz IARD à payer à la société Charpente Cenomane la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens comprenant les frais de greffe liquidés à la somme de 63,36 euros,

- ordonné l'exécution provisoire sur la somme de 40.000 euros.



Selon déclaration du 11 mai 2022, la société Allianz IARD a interjeté appel de cette décision.



Par dernières conclusions du 8 janvier 2024, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de débouter la société Charpente Cenomane de toutes ses demandes.



Subsidiairement, elle demande à la cour de dire et juger qu'une condamnation à son encontre ne pourrait intervenir que sous déduction du montant des pénalités de retard de 748,59 euros et de la franchise contractuelle de 3.200 euros, de débouter l'intimée de toutes ses demandes et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 4.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de son conseil.



Par dernières conclusions du 2 novembre 2022, la société Charpente Cenomane, outre des demandes de 'juger' et 'déclarer' ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour de rejeter l'appel de la société Allianz IARD, de le déclarer irrecevable et en tout cas non fondé, de confirmer le jugement attaqué et de condamner l'appelante au paiement de la somme de 6.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.



La mise en état a été clôturée le 17 janvier 2024.



A l'audience de plaidoiries, la cour a invité l'appelante à communiquer en délibéré au plus tard le 8 février 2024 une copie en couleur des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par l'intimée.



Le 12 février 2024, l'appelante a communiqué le document en cause.



Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.






MOTIFS



1. Sur la mobilisation des garanties



L'appelante fait grief au tribunal de l'avoir condamnée à garantir la société Charpente Cenomane, alors, d'une part, que la garantie A n'est pas applicable dès lors que les dommages en cause ne sont pas survenus de manière fortuite et soudaine, l'effondrement de l'ouvrage étant dû aux désordres affectant la conception et la réalisation de sa toiture relevés par l'expert judiciaire, d'autre part, que la garantie B ne peut davantage être mobilisée compte tenu de l'exclusion de garantie prévue au 6) du paragraphe 3.5 du chapitre 3 des conditions générales de la police, applicable à la garantie B et opposable à l'assuré en vertu de l'avenant conclu entre les parties, selon laquelle ne sont pas garantis les dommages résultant de tout arrêt de travaux et survenant après l'expiration d'un délai de 30 jours ayant pour point de départ la date de cessation d'activité du chantier, laquelle clause est rédigée en termes très apparents et est formelle et limitée à une hypothèse précise.



En réplique, la société Charpente Cenomane soutient d'abord que la garantie B est applicable aux dommages matériels et immatériels causés à autrui, y compris aux clients, dans l'exercice de l'activité professionnelle, que l'exclusion de garantie prévue à l'article 3.5.1 (6) des conditions générales ne lui est pas opposable en l'absence de signature de ces conditions générales, en ce que cette clause ne figure pas en caractères très apparents, en ce qu'elle n'est ni formelle ni limitée et qu'elle a pour effet de vider la garantie de sa substance.



Elle fait valoir que les conditions d'application de la clause d'exclusion de garantie opposée par l'assureur ne sont pas réunies, dès lors que les dommages litigieux ne résultent pas de l'arrêt des travaux mais d'un défaut de conception et de désordres affectant la toiture antérieurs à l'arrêt du chantier.



L'intimée soutient ensuite que la garantie A applicable aux dommages matériels à l'ouvrage et aux biens sur le chantier peut être mobilisée, cette garantie s'appliquant en cas d'effondrement ou de menace grave et imminente d'effondrement et la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur n'étant pas applicable pour les motifs précédents.



Enfin, la société Charpente Cenomane affirme que, lors de la tentative d'élaboration d'un protocole d'accord la société Equad, mandataire de l'assureur, a reconnu la garantie de ce dernier au titre de la garantie A pour les dommages matériels et au titre de la garantie B pour les dommages immatériels consécutifs.



Contrairement à ce que soutient l'intimée, l'éventuelle reconnaissance de garantie émanant de l'expert mandaté par l'assureur dans le cadre de pourparlers transactionnels infructueux ne saurait constituer un aveu judiciaire.



S'agissant de la garantie A portant sur les 'dommages matériels à votre ouvrage et aux biens sur chantiers avant réception', le paragraphe 2.1 des conditions générales du contrat d'assurance en cause stipule :

'Dès lors que les dommages surviennent de façon fortuite et soudaine, nous garantissons :

a) le remboursement du coût des réparations affectant des travaux que vous avez réalisés en cas de dommages matériels :

- à l'ouvrage objet de votre marché et non réceptionné par le maître de l'ouvrage,

- à l'ouvrage provisoire prévu à ce marché ou nécessaire à son exécution.

Il est précisé que la garantie s'applique également en cas de menace grave et imminente d'effondrement, c'est-à-dire d'écroulement total ou partiel des ouvrages de fondation, d'ossature, de clos (à l'exception de leurs parties mobiles) et de couvert.'

b) le remboursement du coût de remplacement ou de remise en état des biens sur chantiers ayant subi un dommage matériel ;

c) les frais accessoires rendus nécessaires pour permettre la réparation, la reconstruction ou le remplacement des biens endommagés objet de la garantie, notamment frais de déblaiement, de déplacement de biens meubles, de transport.



Contrairement à ce que soutient l'intimée, il résulte de la rédaction de cette clause que les dommages ne sont garantis en cas d'effondrement comme en cas de risque d'effondrement qu'à la condition que ces dommages surviennent de façon fortuite et soudaine, condition commune aux deux hypothèses.



Or il ressort des deux rapports d'expertise judiciaire déposés dans le cadre de la procédure suivie devant le tribunal administratif de Caen (pièces n°7 et 8 intimée) que l'effondrement, le 22 octobre 2012, de la charpente du manège du centre équestre est survenu non pas de manière fortuite, c'est-à-dire imprévue, mais en raison des désordres affectant la conception et la réalisation de la toiture, en partie imputables à la société Charpente Cenomane.



C'est donc à juste titre que le tribunal a écarté l'application de la garantie A.



Concernant la garantie B portant sur la 'responsabilité civile de votre entreprise', le paragraphe 3.3 des conditions générales du contrat d'assurance prévoit :

'Nous vous garantissons contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir en raison de dommages corporels, matériels et immatériels causés à autrui, y compris à vos clients, par vous-même ou du fait de vos sous-traitants (') dans l'exercice de(s) activité(s) professionnelle(s) déclarée(s) aux dispositions particulières, y compris dans les cas exceptionnels de vente ou de location des biens mobiliers servant à l'exploitation de votre entreprise. 

La garantie de ces dommages s'applique, quelle que soit la nature de la responsabilité civile engagée et pour toutes les causes et tous les événements, sous réserve des cas expressément écartés aux § 3.4 et 3.5.'



Le paragraphe 3.5 stipule :

'Outre les cas d'exclusion prévus aux § 3.4, 0.2 et 9.3, nous ne garantissons pas :

3.5.1 Pour l'ensemble des dommages :

(...)

6 les dommages résultant de tout arrêt de travaux (à l'exclusion de celui dû soit aux congés payés, soit aux intempéries, tel que défini à l'article 2 de la loi du 21 octobre 1946, sous réserve que toutes les mesures de protection pouvant être prises aient été exécutées) et survenant après l'expiration d'un délai de 30 jours ayant pour point de départ la date de cessation d'activité du chantier.'



Cependant, la connaissance et l'acceptation des conditions générales et particulières conditionnent leur opposabilité à l'assuré.



Or, en l'espèce, la société Charpente Cenomane soutient à juste titre que cette clause d'exclusion de garantie ne lui est pas opposable, dès lors que l'assureur ne produit que des conditions générales et particulières non signées par l'assuré (pièces n°2 et 3 appelante) et que l'avenant communiqué, signé par les parties le 25 septembre 2014, ne prend effet qu'à compter du 17 septembre 2014 et ne mentionne pas la connaissance par l'assuré des conditions générales et particulières du contrat (pièce n°4 appelante), de sorte qu'il n'est pas établi que les conditions générales et particulières de la police mentionnant les conditions, limitations et exclusions de garantie ont été remises à la société Charpente Cenomane avant la survenance du dommage litigieux, le 22 octobre 2012.



N'est pas discutée la somme de 80.514,21 euros retenue par le tribunal après déduction de la franchise de 3.200 euros et de la somme de 748,59 euros au titre des pénalités de retard due par la société Charpente Cenomane.



À ces motifs, le jugement entrepris sera donc confirmé.



2. Sur les demandes accessoires



Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.



La société Allianz IARD, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à payer à la société Charpente Cenomane la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,





Confirme le jugement entrepris ;



Y ajoutant,



Condamne la SA Allianz IARD aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Pierre Landry, membre de la SCP Pierre Landry avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à la SARL Charpente Cenomane la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Rejette la demande d'indemnité de procédure formée par la SA Allianz IARD.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT











N. LE GALL F. EMILY

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