27 mars 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/07029

Pôle 6 - Chambre 9

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 27 MARS 2024



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07029 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE2N



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09921



APPELANT



Monsieur [J] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034



INTIMEE



Association L'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA FORMATIO N PROFESSIONNELLE DANS LES TRANSPORTS (AFT)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-michel MIR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseiller



Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE



ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 25 avril 1989, M. [J] [I] a été engagé en qualité d'assistant en recherches pédagogiques par l'association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT), la relation contractuelle s'étant poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1991, l'intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur des relations institutionnelles et des études (statut cadre). L'association AFT emploie habituellement au moins 11 salariés et applique l'accord collectif d'entreprise sur le statut collectif de l'AFT en date du 30 novembre 2017.



Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 27 décembre 2017, à un entretien préalable fixé au 15 janvier 2018, M. [I] a été licencié pour faute grave suivant courrier recommandé du 18 janvier 2018.



Contestant le bien-fondé de son licenciement et s'estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [I] a saisi la juridiction prud'homale le 28 décembre 2018.



Par jugement du 9 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a :



' débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes,



' débouté l'association AFT de sa demande reconventionnelle,



' condamné M. [I] au paiement des entiers dépens.



Par déclaration du 30 juillet 2021, M. [I] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 9 juillet 2021.



M. [I] a remis au greffe et notifié ses conclusions d'appelant le 27 octobre 2021.



L'association AFT a remis au greffe et notifié ses conclusions d'intimée le 26 janvier 2022.



Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 janvier 2024, M. [I] demande à la cour de :



' infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,



' constater la prescription des faits invoqués dans la lettre de licenciement et, subsidiairement, l'absence de faute grave,



' dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,



' constater qu'il a été victime de harcèlement moral,



' débouter l'association AFT de ses demandes, fins et conclusions,



' condamner l'association AFT à lui payer les sommes suivantes :

' 76 614,88 euros à titre d'indemnité de licenciement,

' 19 544,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 954,44 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

' 252 758,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et harcèlement moral,



' dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,



' ordonner l'exécution provisoire sur la totalité des sommes en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,



' ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

' condamner l'association AFT au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



L'instruction a été clôturée le 9 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 janvier 2024.



Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 janvier 2024, l'association AFT demande à la cour de :



' révoquer l'ordonnance de clôture intervenue le 9 janvier 2024,



' confirmer le jugement en toutes ses dispositions,



' débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes,



' condamner M. [I] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



A l'audience du 10 janvier 2024, avant le déroulement des débats, à la demande de l'association AFT et avec l'accord de M. [I], l'ordonnance de clôture rendue le 9 janvier 2024 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.




MOTIFS



Sur la rupture du contrat de travail



L'appelant fait valoir que les faits allégués à son encontre sont prescrits et que le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre, fondé sur des motifs fallacieux et des allégations mensongères, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.



L'association intimée réplique que le licenciement pour faute grave de l'appelant est parfaitement justifié compte tenu de la dissimulation volontaire par ce dernier de l'étendue et de l'avancement du nouveau programme devant remplacer le programme Objectif CO2, des conséquences particulièrement graves de son comportement sur le fonctionnement de l'association ainsi que des propos inappropriés également tenus par l'intéressé. Elle conclut par ailleurs à l'absence de toute prescription des faits fautifs.



Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instructions qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



En application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.



La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le salarié licencié pour faute grave n'ayant pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.



L'employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.



En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :



« ['] Vous occupez le poste de Directeur des Relations Institutionnelles et des Etudes depuis plusieurs années.



A ce titre, vous êtes notamment chargé de contribuer au développement des relations auprès des ministères, des administrations publiques, des partenaires sociaux et entreprises et à ce titre de piloter le développement des études et projets innovants au sein de l'AFT.



Un des éléments dont vous aviez la responsabilité était le Programme Objectif CO2. Il s'agissait d'un programme qui est arrivé à échéance le 31 décembre 2017 et n'a à ce jour pas encore été reconduit. Ce programme avait pour objectif d'accompagner au plus près les transporteurs routiers dans une démarche de progrès et de performance énergétique.



Le Programme Objectif CO2 faisait intervenir de nombreux pilotes et acteurs. Ce programme était conçu en partenariat par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, l'ADEME et les organisations professionnelles du transport routier (FNTR, FNTV, OTRE, TLF et UNOSTRA), l'AFT intervenait en tant que gestionnaire et la société Total en tant que financeur.



Le rôle de l'AFT en tant que gestionnaire du programme consistait à sensibiliser et accompagner les entreprises du transport pour la charte et le Label C02. Elle était à ce titre chargée de gérer le budget de ce programme d'un montant de 3,6 millions d'euros. 11 salariés au sein de 1'AFT étaient affectés à temps plein sur le programme et plusieurs autres personnes à temps partiel, ce qui représentait 16,3 ETP.



Au-delà de l'action menée dans le programme objectif C02, il convenait que 1'AFT puisse, dans des conditions à déterminer, avoir de nouveau un rôle de gestionnaire dans un programme différent, envisagé pour la période 2018-2020. Il vous appartenait de travailler à la poursuite du rôle de l'AFT dans le nouveau programme.



Toutefois, comme vous le saviez, l'intervention de l'AFT en tant que gestionnaire était conditionnée à la définition de son rôle, de la nature, du niveau et de l'étendue de ses obligations.



Compte tenu de l'importance du programme pour l'AFT sur le plan politique, stratégique, budgétaire et humain, il était évident que les conditions de cet engagement ne pouvaient être réalisées qu'en lien régulier et étroit et en accord avec la Direction Générale de l'AFT, et en concertation avec les Services concernés de l'AFT.



En premier lieu, nous rappelons que la nécessité de réaliser des points réguliers sur l'avancement de ce projet vous a été spécifiquement demandée à plusieurs reprises et a été renouvelée par écrit en juin 2017. Comme rappelé, cette information avait notamment pour objectif de permettre à la Direction de I'AFT de prendre toute la mesure des perspectives de conclusion d'un nouveau programme et de son contenu, tel que cela pouvait ou pourrait ressortir de vos échanges - et de ceux de vos collaborateurs - avec l'ADEME et la DGITM.



A plusieurs reprises nous avons été dans l'obligation de vous relancer pour obtenir cette information qui restait en tout état de cause toujours très succincte.



Vous mainteniez lors de nos différents points que les objectifs du nouveau programme n'étaient pas alors clairement définis et que vous étiez en attente d'éléments complémentaires de la part de vos interlocuteurs au sein de l'ADEME et de la DGITM.



Au cours d'une réunion du mois de juillet 2017 avec un collaborateur de l'ADEME, il m'a été donné comme indication probable la conclusion d'un nouveau programme C02 dans des proportions et avec des ambitions élargies.



Vous nous avez confirmé ce point dans une note de synthèse que je vous ai explicitement demandé de m'adresser en tout début du mois de septembre 2017. Vous souligniez toutefois que le contour de l'intervention de l'AFT restait encore particulièrement incertain et que vous étiez dans l'incapacité de présenter à la Direction de l'AFT un budget prévisionnel et un prévisionnel de l'allocation des ressources nécessaires.



Aussi, compte tenu de l'échéance du 31 décembre 2017, des conséquences associées, de l'incertitude sur la poursuite et du fait de votre absence en arrêt maladie, nous avons pris des mesures temporaires pour tenter de suivre le dossier, dont la demande à Monsieur [C] [Z], votre adjoint, d'assurer votre intérim sur tous les autres sujets. S'agissant du programme CO2, Monsieur [Z] était confronté à de fortes difficultés.



Etant précisé que bien qu'étant votre adjoint, Monsieur [C] [Z] avait une connaissance très succincte et superficielle du dossier que vous gériez en direct avec les collaborateurs du Programme Objectif CO2 de l'AFT que vous aviez désignés et avec lesquels il lui était particulièrement difficile d'obtenir des informations du fait de vos man'uvres diverses visant à éviter qu'une autre personne puisse intervenir sur ce dossier.



Monsieur [Z] a dû vous remplacer dans l'urgence à une réunion avec l'ADEME et la DGITM sur le projet de renouvellement du Programme Objectif CO2, réunion qui s'est tenue le 15 novembre 2017, puisqu'après un retour d'absence pour arrêt maladie le 30 octobre 2017, vous étiez à nouveau arrêté le 14 novembre 2017.



Lors de cette réunion, il a été indiqué à Monsieur [C] [Z] les grandes lignes suivantes :



- La redéfinition du périmètre du programme Objectif C02 2018-2020 pour les Transporteurs était déjà actée et qu'il était élargi aux commissionnaires et aux chargeurs ;



- L'AFT était pressentie comme étant le seul gestionnaire et devait prendre en compte par elle-même la question des chargeurs et des commissionnaires ;



- Le Programme s'appelait le Programme EVE ;



- Plus encore le Ministère et l'ADEME avaient d'ores et déjà pu travailler sur un projet de dimensionnement en termes financiers et de ressources humaines, suite à de multiples échanges et propositions depuis plusieurs mois de collaborateurs de l'AFT désignés par vous-même. Ce point nous a effectivement été confirmé ;



- Il était également acté que l'engagement de l'AFT impliquerait de travailler sur la poursuite, à son niveau, du programme à horizon 2021 dans le cadre d'une suppression totale ou partielle

des financements des Certificats d'Economie d'Energie (CEE).



Le 28 novembre 2017, Monsieur [C] [Z] a reçu, en prolongement des principes énoncés le 15 novembre 2017, un email de la DGITM dans lequel il était demandé à l'AFT de produire avant le 8 décembre une réponse à un projet complet de cahier des charges pour le Programme EVE afin de pouvoir évaluer sa capacité à devenir gestionnaire du Programme EVE.



Ce cahier des charges comprenait notamment l'obligation pour l'AFT :



- D'indiquer précisément les effectifs en cohérence avec le nouveau dimensionnement du programme, et de prendre des engagements sur le sujet ;



- D'intégrer, dans les actions de 1'AFT en tant que gestionnaire, au même niveau, les commissionnaires et les chargeurs ;



- D'établir les axes de réflexion qu'elle entendait développer pour permettre à l'horizon 2021 un fonctionnement pérenne du programme, sans toutefois disposer des ressources financières issues des CEE ;



Par cet email, la Direction de l'AFT a découvert l'existence de ce cahier des charges et de son contenu. Il était donc particulièrement difficile pour l'AFT de répondre à un tel cahier des charges, qui plus est dans un laps de temps aussi court (10 jours) pour un programme complexe aux contours complètement modifiés par rapport au Programme Objectif CO2.



A aucun moment et malgré votre connaissance du dossier et de son avancement, vous n'avez fait part à la Direction de l'AFT du contenu ou de la portée exacte du travail de l'équipe du Programme Objectif C02, de l'existence de ce cahier des charges et de ce qui était attendu de l'AFT si elle était gestionnaire du projet. Nous avons eu depuis confirmation que des budgets prévisionnels ainsi que des projets de simulations en termes de ressources humaines avaient été préparés par l'équipe du Programme Objectif C02 de l'AFT dont vous aviez la charge et ce, dès l'été 2017.



Pourtant, il vous avait été rappelé à de nombreuses reprises la nécessité d'intégrer très étroitement la Direction de l'AFT sur un sujet aussi sensible et stratégique que le renouvellement du Programme Objectif CO2. Manifestement vous n'avez nullement tenu compte de nos consignes sur le sujet. A titre d'exemple, et alors que cela y avait toute sa place, ce sujet n'a jamais été explicité en détail lors des différentes réunions du CCA (Comité Consultatif de l'AFT, réunissant de façon à priori hebdomadaire les responsables et directeurs de services) au cours de 1'année 2017, ni lors de nos points hebdomadaires en bilatéral.



Vous connaissiez pourtant l'importance du renouvellement du Programme Objectif C02 pour l'AFT. Le fait que vous ayez sciemment caché le contenu et la portée de vos échanges sur le programme avec vos interlocuteurs constitue une faute grave, compte tenu de vos fonctions de Directeur des Relations Institutionnelles et des Etudes.



Nous constatons également que le comportement anormal précité au titre du Programme Objectif CO2 est malheureusement conforme à votre attitude générale tendant à faire fi des processus les plus élémentaires et des consignes, notamment en matière de :



- Frais s'agissant de prestataires intervenant dans le programme objectif CO2 ;

- Promotion de collaborateurs sous votre responsabilité sans obtenir l'aval préalable de la Direction ;

- Compte-rendu précis sur votre activité.



Au cours des derniers mois, j'ai d'ailleurs eu à vous rappeler personnellement à l'ordre, notamment en août et septembre 2017 sur plusieurs de ces sujets.



Nous avons également regretté que vous ayez insisté pour obtenir l'embauche d'un collaborateur aux conditions les plus avantageuses alors que cette personne figurait parmi vos connaissances les plus fidèles et que vous n'avez jamais pris la peine de nous informer de ce lien qui vous unit à cette dernière. Un tel comportement est en inadéquation avec votre statut de Directeur de l'AFT et rappelle votre propension à conserver pour vous certaines informations pourtant sensibles ou cruciales pour l'AFT.



Par ailleurs au troisième trimestre 2017, vous persistiez à ne pas intégrer la Direction de l'AFT dans l'organisation des séminaires des Délégations Régionales malgré mes remarques.



Force est de constater que vous avez conservé cette attitude individualiste et de rétention d'informations essentielles, attitude totalement incompatible avec l'exercice de fonctions à responsabilité au sein de l'AFT.



En deuxième lieu, au-delà de la faute évidente que constitue cette abstention délibérée d'informer la Direction de l'étendue et de l'avancement du nouveau programme C02, votre comportement a et pourrait encore avoir des conséquences néfastes sur le fonctionnement de 1'AFT.



En effet, votre rétention d'information au titre du Programme EVE :



- Pose un problème de légitimité sur l'engagement de l'AFT, organisme professionnel de Transport Routier, dans une démarche qui nécessitait une décision du Conseil d'Administration compte tenu de la nouvelle configuration du programme réunissant les Transporteurs et les clients de ceux-ci, les Chargeurs ;



- Pose difficulté quant à la possibilité pour l'AFT de disposer dans les meilleures conditions des

ressources humaines pour mener à bien le programme EVE dans son acceptation actuelle.

En effet, l'AFT n'a pas pu conserver les salariés en CDD intervenant sur le Programme Objectif CO2 dont le contrat venait à expiration au 31 décembre 2017, faute de visibilité sur le renouvellement du programme.

Or, l'AFT a découvert le 28 novembre 2017 que le gestionnaire du programme EVE devrait mettre à disposition 30,4 ETP. Cela constituerait donc une croissance particulièrement importante des effectifs de 1'AFT et un très fort accroissement du nombre d'ETP affectés au Programme Objectif CO2 en 2017. Etant rappelé que si l'AFT était finalement retenue comme

gestionnaire, ces nombreux recrutements devraient être réalisés très rapidement ;



- N'a pas permis pas à l'AFT de présenter dans les meilleures conditions un cahier des charges

complet puisqu'il lui a été demandé de proposer en moins de 10 jours des axes de financement du programme au-delà de 2020, même en l'absence du financement des CEE.

Etant rappelé que le budget du programme EVE serait d'environ 13,4 millions d'euros sur trois ans contre 3,6 millions sur deux ans pour le Programme Objectif CO2 ayant pris fin en 2017.



Votre comportement a donc eu de graves conséquences pour l'AFT qui ont été préjudiciables à son fonctionnement. A ce jour, il est encore difficile de mesurer l'étendue complète de ces conséquences puisque l'AFT est toujours, à ce jour, en négociation sur le programme EVE.



Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la gestion de l'ensemble des impératifs de la négociation du renouvellement du programme EVE vous dépassait et aurait dû vous conduire, comme nous vous l'avions expressément demandé, à associer étroitement la Direction de l'AFT - et au-delà le Conseil d'administration -sur le projet de renouvellement de ce programme.



En troisième et dernier lieu, nous déplorons que vous soyez à l'initiative de propos remettant en cause de manière injustifiée la ligne de conduite de l'AFT, ce qui fragilise la position de la Direction Générale.



Ces propos sont d'autant plus inacceptables que j'ai tenté de vous assister de manière récurrente et plus particulièrement au cours des derniers mois en vous déchargeant au profit de votre adjoint [C] [Z] et en tentant de cadrer plus précisément l'exercice de vos missions et que vous avez pu compter sur ma compréhension et ma disponibilité.



Enfin, vous n'avez pas hésité à demander à vos collaborateurs intervenant sur le Programme Objectif C02 de ne traiter qu'avec vous alors même que vous étiez en arrêt maladie, vous conduisant à intervenir à distance malgré votre arrêt maladie. Pourtant Madame [F] [V], DRH, avait attiré votre attention, à la fin du mois de septembre 2017 sur le fait que vous ne deviez pas continuer à consulter vos emails pendant vos arrêts-maladie.



A cela s'ajoute le fait que nous avons constaté qu'un nombre important des emails contenus dans votre boîte email professionnelle a été supprimé au cours du dernier trimestre. Après investigation, seul le titulaire du compte, c'est-à-dire vous-même, a pu procéder à cette suppression massive d'emaíls professionnels. Cela a mis l'AFT en grande difficulté pendant votre absence, s'agissant d'assurer la continuité du suivi du programme C02 en rendant par exemple encore plus compliquée la préparation dans l'urgence d'une réponse au cahier des charges complet reçu le 28 novembre 2017.



Ces man'uvres viennent aggraver votre comportement fautif précédemment décrit et sont symptomatiques de votre refus d'associer la Direction Générale et les autres Directions aux programmes qui vous sont confiés.



Dans ces condition et compte tenu de l'ensemble des éléments précités, nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave. [...] »



S'agissant de la prescription, si l'appelant affirme que seuls pourraient lui être reprochés des faits fautifs antérieurs au 11 septembre 2017 compte tenu des arrêts de travail pour maladie dont il a bénéficié par la suite, outre le fait que l'intéressé, qui était uniquement en arrêt de travail pour maladie, n'a pas été déchargé de ses fonctions à compter du 11 septembre 2017, il apparaît également que ce dernier a repris son travail le 30 octobre 2017, qu'il a fait l'objet d'une visite médicale de reprise le 6 novembre 2017 aux termes de laquelle il a été déclaré apte à la reprise de son poste et qu'il a participé au conseil de coordination de l'AFT du 7 novembre 2017 avant de faire l'objet d'une nouvelle période d'arrêts de travail pour maladie à compter du 14 novembre 2017.



Dès lors, compte tenu d'une convocation à entretien préalable du 27 décembre 2017, étant en toute hypothèse rappelé que l'employeur peut sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature, il apparaît qu'aucune prescription des faits fautifs ne peut être retenue en l'espèce.



S'agissant du principal grief relatif à la dissimulation volontaire par l'appelant de l'étendue et de l'avancement du nouveau programme devant remplacer le programme objectif CO2, au vu des éléments versés aux débats par l'association intimée et mises à part ses seules affirmations de principe dans le cadre de ses conclusions ainsi que celles de différents membres de la direction de l'association (président délégué général, secrétaire exécutif, directeur du département de l'action professionnelle, directrice des ressources humaines, directeur administratif et financier, directeur adjoint du département des études et des projets, directeur adjoint à la communication) se limitant manifestement à reprendre les propres affirmations de leur employeur et dont les déclarations ne sont, en tout état de cause, pas suffisamment étayées ou corroborées, il sera tout d'abord relevé que l'existence d'une volonté manifeste et délibérée de l'appelant de dissimuler à son employeur l'étendue et l'avancement du nouveau programme (EVE) devant remplacer le programme objectif CO2 devant prendre fin au 31 décembre 2017 n'est pas caractérisée en l'espèce.



La cour ne peut au contraire que constater à la lecture des différentes pièces produites en réplique par l'appelant que ce dernier n'a jamais cessé de faire état, dans le cadre notamment de multiples comptes rendus d'activité directement adressés au président délégué général de l'association (M. [X]), de l'ensemble des éléments d'information alors en sa possession concernant l'avancement ainsi que l'étendue du nouveau programme, ainsi que cela résulte notamment des envois suivants :

' note hebdomadaire du 16 décembre 2016,

' point hebdomadaire du 3 mars 2017,

' point hebdomadaire du 27 mars 2017,

' point hebdomadaire du 28 avril 2017,

' point hebdomadaire du 22 mai 2017,

' point hebdomadaire du 26 mai 2017,

' point hebdomadaire du 6 juin 2017,

' point hebdomadaire du 9 juin 2017,

' mail adressé M. [X] le 13 juin 2017,

' point hebdomadaire du 19 juin 2017,

' point hebdomadaire du 13 juillet 2017 auquel était joint le compte rendu de la réunion du 24 mai 2017 du comité de pilotage national du programme objectif CO2, ledit compte rendu (validé avec retard, ce qui explique le décalage de sa date d'envoi) faisant expressément état des nouvelles démarches susceptibles d'être intégrées dans le nouveau programme devant être mis en oeuvre à partir de 2018,

' mail adressé M. [X] le 28 juillet 2017 en réponse à ses notes des 24 et 26 juillet 2017,

' différents échanges de mails avec M. [X] entre le 24 août et le 4 septembre 2017 concernant l'application des directives et instructions de la direction dont il ressort que l'appelant n'a jamais refusé de répondre aux demandes de sa hiérarchie ou d'établir les comptes rendus sollicités,

' note hebdomadaire du 1er septembre 2017 faisant expressément état de l'existence des deux options envisagées concernant la poursuite du programme, note à laquelle était jointe le projet d'accord de partenariat ADEME/AFT pour la période 2017-2019 dont l'article 2 (actions et engagements) détaillait un engagement n°4 relatif aux actions à mener dans le cadre du nouveau programme CEE,

' mails adressés à M. [X] les 2 et 5 septembre 2017 en réponse à son relevé de décisions du 28 aôut 2017,

' point de situation du 11 septembre 2017 auquel était jointe la note de travail du 8 septembre 2017 relative au programme objectif CO2 comprenant notamment un état d'avancement du projet à septembre 2017 ainsi qu'un point de situation relatif au renouvellement du programme pour la période 2018-2020, soulignant que les discussions entre les directions des ministères concernés (DGEC/DGITM) et l'ADEME étaient toujours en cours, les seuls éléments mis à la disposition de l'AFT sur l'avancement des négociations étant le compte rendu précité du comité de pilotage du 24 mai 2017 et le projet de renouvellement de la convention ADEME/AFT.



Il sera de surcroît relevé à la lecture du mail du 27 juillet 2017 de M. [B] (chef de service adjoint du service Transports et Mobilité de l'ADEME) que le président de l'AFT (M. [X]) avait personnellement rencontré le président de l'ADEME ainsi que M. [B] au cours du mois de juillet 2017 afin de faire un point sur l'avancement des discussions concernant le nouveau programme CEE, qu'il lui avait alors été fait part du sentiment très positif de l'ADEME, de l'Etat et des organisations professionnelles quant à la qualité de l'équipe de l'AFT (comprenant l'appelant, Mme [G] [U] ainsi que les différents chargés de mission) travaillant sur le programme objectif CO2 et que l'ADEME avait insisté sur la nécessité de reconduire cette même équipe pour le futur programme, ce qui était un argument central pour la reconduction de l'AFT en tant que gestionnaire du programme CEE.



Il sera également observé que suite aux arrêts de travail pour maladie dont a bénéficié l'appelant à compter du 11 septembre 2017, M. [Z], adjoint de l'appelant à la direction des relations institutionnelles et des études (DRIE) devant assurer l'intérim de ce dernier durant son absence, a été régulièrement tenu informé par les membres de l'équipe de l'appelant de l'ensemble des éléments disponibles concernant l'avancement du nouveau programme, l'intéressé (qui avait eu connaissance du compte rendu du comité de pilotage du 24 mai 2017 dès le 18 août 2017) ayant lui-même pu échanger avec M. [B] de l'ADEME dès le 6 octobre 2017 avant d'en faire un compte rendu exhaustif à M. [X], compte rendu aux termes duquel il soulignait lui-même que le nouveau programme CEE était toujours en cours de discussion au sein des cabinets ministériels concernés. Il sera de même constaté que M. [Z] a parfaitement été en mesure de préparer des matrices budgétaires relatives au périmètre de la DRIE (en ce compris le programme objectif CO2) puis de présenter le budget de la DRIE (estimation 2017 et projection 2018) le 27 octobre 2017, et ce notamment à partir des éléments fournis par les autres collaborateurs du service, étant noté de ce chef que la seule impression écran du contenu de la clé USB d'un collaborateur du service, laquelle fait uniquement mention du nom des documents y étant stockés, ne permet pas d'établir que l'appelant aurait fait préparer des budgets confidentiels ne devant pas être communiqués à la direction concernant le nouveau programme.



Suite à son retour d'arrêt maladie à compter du 30 octobre 2017 et à la visite médicale de reprise du 6 novembre 2017, l'appelant a lui-même pu faire un nouveau point sur le programme objectif CO2 lors du conseil de consultation de l'AFT (CCA) du 7 novembre 2017, le président de l'AFT ayant pour sa part rappelé la possibilité d'un élargissement du programme et les conséquences que cela pourrait engendrer pour l'AFT.



La cour relève en outre qu'il résulte des différents éléments produits que l'information relative à la décision effective du ministre de la transition écologique ainsi que du ministre des transports concernant la poursuite du dispositif pour la période 2018-2020 avec une extension de son champ d'application à de nouveaux acteurs de la chaîne logistique, n'a finalement été portée à la connaissance de l'appelant que suivant mail du 10 novembre 2017 lui ayant été adressé par le chef de bureau (M. [H]) de la DGITM du ministère des transports, ce dernier soulignant alors que « l'appréciation du travail réalisé sous votre coordination et celle de Mme [U], l'atteinte des objectifs fixés dans le cadre de la convention actuelle et la capacité de l'AFT à être immédiatement opérationnelle nous amène, avec l'ADEME, à pressentir l'AFT comme gestionnaire du futur programme adossé à une nouvelle génération de Certificats d'Economie d'Energie », un premier échange technique sur le contenu et les modalités de fonctionnement du prochain programme étant prévu le 15 novembre 2017, l'appelant ayant retransmis à sa direction le mail précité dès le 13 novembre 2017 en indiquant au président de l'association qu'il lui rendrait compte du rendez-vous prévu le 15 novembre.



Compte tenu du souhait manifesté par le président de l'association que les mesures prises en l'absence de l'appelant soient maintenues pour assurer la continuité du service ainsi que la finalisation des dossiers et eu égard par ailleurs à la nouvelle période d'arrêts de travail pour maladie de l'appelant à compter du 14 novembre 2017, il apparaît que c'est effectivement M. [Z] qui s'est rendu à la réunion précitée du 15 novembre puis qui a directement géré le processus de candidature de l'AFT concernant la gestion du nouveau programme ainsi que cela résulte des échanges de mails des 28 novembre et 8 décembre 2017, étant relevé que les « premiers éléments de cadrage pour la période 2018-2020 » relatifs au nouveau programme d'engagements volontaires énergie environnement des acteurs du transport et de la logistique (programme EVE) n'ont effectivement été transmis à M. [Z] (ainsi qu'à l'appelant) que le 28 novembre 2017 après avoir été arrêtés le 24 novembre 2017 ainsi que cela résulte de la date mentionnée sur le document, de sorte qu'il ne peut sérieusement être soutenu que l'appelant aurait été informé du contenu de ce « cahier des charges » à une date antérieure et qu'il aurait délibérément choisi d'en garder le secret pour des motifs pour le moins inexplicables alors qu'il n'avait manifestement aucun intérêt, sauf à nuire à sa propre carrière, à compromettre ainsi les chances de l'AFT de se voir confier la gestion du nouveau programme.



Il s'en déduit qu'il ne peut être reproché à l'appelant de ne pas avoir transmis à sa direction des éléments qui ne pouvaient manifestement pas être en sa possession en ce qu'ils n'avaient pas encore été arrêtés et validés par les ministères concernés ainsi que l'ADEME, étant observé que le délai restreint de réponse posé par le mail du 28 novembre 2017 demandant à l'AFT de transmettre ses propositions organisationnelles ainsi que leurs traductions budgétaires pour le 8 décembre suivant, ne résulte pas d'un manquement de l'appelant à ses obligations mais de la seule volonté de rapidité des organismes administratifs en charge du dossier qui souhaitaient alors pouvoir signer la nouvelle convention dès le mois de mars 2018.



Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour retient qu'outre l'absence de toute volonté dissimulatrice de la part de l'appelant, ce dernier justifie également avoir systématiquement transmis au président de l'AFT l'ensemble des éléments dont il avait alors connaissance, et ce avec toute la diligence attendue d'un cadre de son niveau hiérarchique et dans le respect des directives et consignes de la direction de l'association, le caractère tardif de la transmission des informations concernant le nouveau projet EVE résultant d'une prise de décision ministérielle n'étant intervenue que le 10 novembre 2017 et ne pouvant aucunement être imputé à un quelconque manquement de l'appelant à ses obligations. Il en va de même s'agissant de la décision finale des entités précitées de ne pas confier la gestion du nouveau projet à l'AFT, survenue en avril 2018, soit à une date largement postérieure au licenciement de l'appelant, et ce alors que certaines organisations professionnelles du transport avaient fait part de leur opposition à ce que le futur programme soit géré par l'AFT ainsi que de leur souhait qu'il soit directement porté par l'ADEME, les conséquences négatives en matière de budget et d'emploi pour l'AFT résultant de l'absence de reconduction quant à la gestion du programme ne pouvant ainsi nullement être imputées à l'appelant.



S'agissant des autres griefs allégués à l'encontre de l'appelant afférents aux frais des prestataires intervenant dans le programme objectif CO2, à la promotion de collaborateurs sous sa responsabilité sans obtenir l'aval préalable de la direction, à l'existence de propos remettant en cause de manière injustifiée la ligne de conduite de l'AFT ainsi qu'à l'existence d'une demande à ses collaborateurs de ne traiter qu'avec lui concernant le projet même pendant son absence pour maladie, il apparaît que ceux-ci ne reposent pas sur des faits concrets et vérifiables mais sur les seules affirmations de membres de la direction de l'association n'étant corroroborées par aucune autre pièce versée aux débats, étant de surcroît noté que les mails de l'appelant versés aux débats font en toute hypothèse toujours état de propos courtois, respectueux et dénués de tout caractère excessif. Il en va de même s'agissant du grief relatif à la suppression alléguée de mails de sa boîte professionnelle, le procès-verbal de constat produit par l'employeur permettant uniquement de relever que les mails sont toujours présents sur le serveur et retrouvables par simple recherche par mots clés, et non que les courriels litigieux auraient été délibérément effacés, et ce alors qu'il apparaît que l'employeur produit lui-même un certain nombre de mails émanant de l'appelant dans le cadre du présent litige.



Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur ne rapportant pas la preuve, qui lui incombe, de l'existence de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise, le licenciement prononcé à l'encontre de l'intéressé étant de surcroît manifestement injustifié, la cour retient que le licenciement litigieux est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement.



Sur le harcèlement moral



Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



Il résulte par ailleurs de l'article L. 1154-1 du code du travail que, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



En l'espèce, l'appelant, qui indique avoir subi de la part de la direction de l'association un harcèlement psychologique permanent depuis le mois de mai 2017 jusqu'à son licenciement, ce harcèlement, destiné à le contraindre à la démission, s'étant notamment traduit par les mesures vexatoires que l'intimée n'a cessé de prendre à son égard, en lui retirant notamment certaines de ses attributions et en particulier le pilotage du projet Tremplin, puis le projet Objectif CO2 en dépit de son aptitude à reprendre son travail, en dénigrant son travail, en invoquant de faux prétextes pour l'humilier, en le mettant à l'écart et en lui refusant de participer à des événements extérieurs, produit les mêmes éléments que ceux relatifs à la contestation du bien-fondé de son licenciement pour faute grave ainsi que des avis d'arrêt de travail pour maladie afférents à la période du 11 septembre au 27 octobre 2017 faisant notamment état de l'existence d'une souffrance au travail (certificat du 16 octobre 2017) puis à nouveau à compter du 14 novembre 2017 pour une souffrance au travail, un épisode dépressif majeur (EDM) ainsi qu'un état dépressif réactionnel.



Concernant les affirmations de l'appelant afférentes au retrait du pilotage du projet Tremplin, à l'invocation de faux prétextes pour l'humilier et au refus de la direction de le laisser participer à des événements extérieurs, il apparaît que celles-ci ne résultent que des seules allégations du salarié qui, soit ne produit pas d'élément pour les corroborer, si ce n'est ses propres mails reprenant ses seules déclarations, soit produit des mails étant sans rapport avec ses allégations, de sorte que lesdits éléments ne sont ainsi pas établis dans leur matérialité.



Concernant les autres éléments précités, il apparaît que le salarié présente des éléments de fait, qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.



L'association intimée se limitant principalement en réplique à contester les affirmations de l'appelant et à critiquer les pièces produites par ce dernier en soulignant que l'intéressé n'avait jamais invoqué la moindre situation de harcèlement moral avant l'introduction de la présente instance et qu'il ne justifie pas d'un lien entre la dégradation de son état de santé et les conditions de travail qu'il décrit, la cour retient que l'employeur ne démontre pas, mises à part ses seules affirmations de principe et en l'absence de production en réplique d'éléments de preuve suffisants de nature à les corroborer, que les agissements litigieux susvisés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que les différentes décisions précitées étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



Il sera ainsi notamment relevé qu'alors que l'appelant avait repris son travail le 30 octobre 2017, qu'il avait fait l'objet d'un avis médical d'aptitude à son poste le 6 novembre 2017, qu'il avait participé au conseil de coordination de l'AFT du 7 novembre 2017 et qu'il était dès lors à même de reprendre la gestion du programme objectif CO2, son directeur adjoint (M. [Z]) ayant uniquement assuré l'intérim pendant son absence ainsi que l'indiquait elle-même l'intimée, il résulte cependant du compte rendu de la réunion du CAA du 7 novembre 2017 ainsi que des mails des 13 et 14 novembre 2017, que le président de l'association lui a indiqué que les mesures prises en son absence seraient maintenues pour assurer la continuité du service et la finalisation des dossiers, qu'il souhaitait que les dossiers soient traités de bout en bout par la même personne pour plus de cohérence et d'efficacité et qu'il convenait de conforter certains collaborateurs dans leur fonction dont M. [Z] qui occupait désormais pleinement son rôle d'adjoint, l'appelant ayant été placé en arrêt de travail pour maladie dès le 14 novembre 2017 à la suite de la confirmation de ces décisions, ce qui permet de retenir l'existence d'un lien entre les conditions de travail de l'intéressé et la dégradation de son état de santé. Il apparaît ainsi que cette nouvelle organisation s'analysait manifestement comme un retrait du pilotage du projet ainsi qu'une mise à l'écart, celle-ci résultant également du fait que l'appelant n'était plus destinataire des différents mails afférents au programme et qu'il avait en outre été demandé aux collaborateurs de son service de ne plus le contacter, lesdits agissements excédant la seule recherche d'efficacité et de continuité du service ou le souci de préserver la santé de l'appelant.



Il sera enfin observé que les agissements litigieux excédaient également le simple exercice légitime par l'employeur de son pouvoir de direction et d'organisation, et ce s'agissant notamment des différents mails adressés à l'appelant par le président de l'association relativement au respect des procédures et méthodes, alors qu'il résulte des développements précédents que le salarié justifie avoir systématiquement transmis au président de l'AFT l'ensemble des éléments dont il avait alors connaissance concernant la gestion du programme objectif CO2 ainsi que son renouvellement, et ce avec toute la diligence attendue d'un cadre de son niveau hiérarchique et dans le respect des directives et consignes de la direction de l'association, les mails précités concernant le rappel des directives et procédures applicables s'analysant comme un dénigrement du travail accompli par l'appelant dans ce cadre.



Par conséquent, la cour retient, par infirmation du jugement, que l'existence d'agissements de harcèlement moral est caractérisée en l'espèce, l'appelant s'abstenant cependant de formuler une demande de dommages-intérêts spécifique de ce chef et ne formant qu'une demande de dommages-intérêts globale au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que du harcèlement moral qui sera examinée ultérieurement.



Sur les conséquences financières de la rupture



En application des dispositions des articles L. 1234-1 et suivants ainsi que R. 1234-1 et suivants du code du travail outre celles de l'accord collectif d'entreprise sur le statut collectif de l'AFT en date du 30 novembre 2017, la cour accorde à l'appelant, compte tenu d'une rémunération de référence de 8 425,28 euros et dans les limites de sa demande, une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 19 544,46 euros (correspondant à un préavis d'une durée de 3 mois) outre 1 954,44 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement. Il lui sera également alloué une indemnité légale de licenciement d'un montant de 74 423,31 euros, et ce par infirmation du jugement.



En application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 (l'appelant n'ayant pas formulé de demandes afférentes à la nullité du licenciement pour harcèlement moral), eu égard à l'ancienneté dans l'entreprise (28 ans et 9 mois), à l'âge du salarié (57 ans) et à sa rémunération de référence précitée (8 425,28 euros) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, l'intéressé justifiant avoir été inscrit en continu sur la liste des demandeurs d'emploi à tout le moins jusqu'au 29 juillet 2020 avant de bénéficier d'un nouveau contrat de travail à compter du 1er octobre 2020, la cour, à qui il appartient seulement d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par les dispositions précitées du code du travail (soit en l'espèce entre 3 mois et 19,5 mois de salaire brut), lui accorde la somme de 130 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour harcèlement moral, et ce par infirmation du jugement.



Sur les autres demandes



En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.



La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.



Selon l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner à l'employeur fautif de rembourser à France Travail (anciennement Pôle Emploi) les indemnités de chômage versées au salarié du jour de la rupture au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités.



En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur sera condamné à payer au salarié la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel, et ce par infirmation du jugement.



Il n'y a pas lieu de statuer sur l'exécution provisoire, ladite demande étant sans objet en cause d'appel.



L'employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance, et ce par infirmation du jugement, ainsi que ceux d'appel.



PAR CES MOTIFS



La Cour,



Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté l'association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Dit le licenciement prononcé à l'encontre de M. [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;



Condamne l'association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT) à payer à M. [I] les sommes suivantes :



' 19 544,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 954,44 euros au titre des congés payés y afférents,

' 74 423,31 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 130 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour harcèlement moral ;



Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT) de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;



Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil ;



Ordonne à l'association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT) de rembourser à France Travail (anciennement Pôle Emploi) les indemnités de chômage versées à M. [I] du jour de la rupture au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités ;



Condamne l'association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT) à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel ;



Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'exécution provisoire ;



Déboute M. [I] du surplus de ses demandes ;



Déboute l'association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT) de ses demandes reconventionnelles ;



Condamne l'association pour le développement de la formation professionnelle dans les transports (AFT) aux dépens de première instance et d'appel.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

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