27 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-17.078

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00367

Texte de la décision

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mars 2024




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 367 F-D

Pourvoi n° T 22-17.078




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MARS 2024

M. [D] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-17.078 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant à la société Tenotel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 28 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 31 mars 2022), M. [H] a été engagé en qualité de directeur d'hôtels par la société Tenotel à compter du 1er juin 2015, au statut cadre. Son contrat de travail, soumis à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, incluait un forfait annuel en jours.

2. Le salarié a saisi le 9 juillet 2018 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

3. Par lettre du 22 novembre 2018, il a notifié à son employeur sa démission, en lui reprochant différents manquements à ses obligations contractuelles. Il a sollicité du conseil de prud'hommes la requalification de cette démission en prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail s'analysait en une démission, de le débouter de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes, et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'en retenant que ''M. [P] indique dans l'email du 8 novembre 2016 que « aucune augmentation de salaire n'a jamais été discutée en CODIR » (comité de direction), et notamment pas celle invoquée par M. [H], de sorte qu'il apparaît que seule une décision de cette instance aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur en ce sens'', quand il ressortait de ce courriel, qu'à l'exception d'un cas dans sa région, aucune augmentation de salaire n'a jamais été discutée au niveau du comité de direction (CODIR), de sorte que cet organe ne décidait pas des augmentations de salaire, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui est faite, dénaturé les termes et la portée ;

2°/ qu'en retenant que seule une décision du comité de direction aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur d'augmenter le salaire, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que seule une décision du comité de direction aurait pu constituer un engagement de la part de l'employeur en vue de l'augmentation des salaires, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Sous le couvert de griefs non fondés de dénaturation d'un courriel et de violations de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a retenu que le salarié n'apportait pas la démonstration de l'existence d'un engagement ferme de son employeur quant à une augmentation de son salaire fixe.

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de condamner le salarié à payer à l'employeur une certaine somme à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis

Énoncé des moyens

6. Par le deuxième moyen, le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'employeur est tenu d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; qu'un entretien d'évaluation et de performance qui a pour seul objet d'évaluer les performances du salarié ne constitue pas un tel entretien ; qu'en retenant que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail ou l'amplitude de ses horaires n'a donné à aucune remarque, après avoir constaté que seul un entretien d'évaluation et de performance avait été organisé, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-60 et L.3121-65 du même code dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997 ;

2°/ en toute hypothèse qu'en retenant que ''l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquelles le rythme de travail de M. [H] ou l'amplitude de ses horaires n'a donné lieu à aucune remarque particulière de sa part'' et que ''la SAS Tenotel a bien mis en place des entretiens annuels ayant pour objet de faire le bilan de l'année écoulée et d'acter les perspectives de l'année à venir'', quand il ressortait des comptes- rendus d'entretiens produits par l'employeur qu'ils n'avaient eu lieu qu'en 2014 et en 2016 et qu'aucune partie de ceux-ci n'était dédiée à aborder la charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui en est faite, dénaturé les termes. »

7. Par le troisième moyen, le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que l'indemnité due par le salarié à l'employeur en cas de non-respect de son préavis n'ouvre pas droit à des congés payés au profit de l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail, ensemble l'article 30 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. »

Réponse de la Cour

8. Les moyens, qui critiquent les motifs et non un chef de dispositif de l'arrêt, sont irrecevables.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte du salarié s'analyse en une démission et de le débouter en conséquence de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes, et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que l'employeur est tenu d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ; qu'un entretien d'évaluation et de performance qui a pour seul objet d'évaluer les performances du salarié ne constitue pas un tel entretien ; qu'en retenant que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail ou l'amplitude de ses horaires n'a donné [lieu] à aucune remarque, après avoir constaté que seul un entretien d'évaluation et de performance avait été organisé, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-60 et L. 3121-65 du même code dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 3121-64 II du même code, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes, étendu par arrêté du 29 février 2016 et 2.4 de l'avenant n° 22 bis du 7 octobre 2016 à la même convention collective, étendu par arrêté du 9 mars 2018 :

10. Selon le premier de ces textes, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

11. Selon les deux derniers, chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.

12. Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui ont pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.

13. Pour rejeter la demande du salarié tendant à faire juger sa convention de forfait en jours inopposable, l'arrêt retient que l'employeur a mis en place annuellement des entretiens d'évaluation au cours desquels le rythme de travail de l'intéressé ou l'amplitude de ses horaires n'a donné lieu à aucune remarque particulière de sa part, de sorte qu'il ne peut être retenu un défaut de suivi régulier quant à l'amplitude de sa charge de travail.

14. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser qu'au cours du déroulement de ces entretiens d'évaluation, avaient été évoquées l'organisation et la charge de travail du salarié ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale et sa rémunération, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation prononcée n'emporte pas cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur aux dépens justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte de M. [H] s'analyse en une démission et le déboute en conséquence de ses demandes tendant à faire requalifier sa démission en prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, juger que la convention de forfait en jours lui est inopposable, et condamner la société Tenotel à lui payer un rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, une indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il condamne M. [H] à verser à la société Tenotel la somme de 12 838,56 euros au titre du préavis non effectué, et en ce qu'il le déboute de ses demandes de condamnation de l'employeur à lui remettre sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés et en paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 31 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Tenotel aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Tenotel à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-quatre.

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