27 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.519

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00373

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale des réseaux de transports des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 - Champ d'application - Exclusion - Cas - Activité de transport sanitaire liée au transport assis professionnalisé par taxi conventionné par une caisse primaire d'assurance maladie

L'activité de transport sanitaire liée au transport assis professionnalisé par taxi conventionné par une caisse primaire d'assurance maladie n'entre pas dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 laquelle, au titre du transport sanitaire, vise seulement l'activité « Ambulances »

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mars 2024




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 373 F-B

Pourvoi n° Y 22-15.519




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MARS 2024

Mme [O] [Y], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-15.519 contre l'arrêt rendu le 9 février 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Taxi indigo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Y], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Taxi indigo, après débats en l'audience publique du 28 février 2024 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 février 2022), Mme [Y] a été engagée en qualité de chauffeur de taxi par la société Taxi indigo (la société), à compter du 17 septembre 2011.

2. La salariée a démissionné le 1er juin 2016.

3. Le 3 juin 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, notamment dans ses dispositions relatives au transport sanitaire (ambulances) est applicable et, en conséquence, de la débouter de ses demandes en paiement des repos compensateurs et congés payés afférents, alors « que la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur ; qu'en cas de litige, il appartient au juge de rechercher quelle est la nature de l'activité principale de l'entreprise et de vérifier si cette activité entre dans le champ d'application de la convention collective en cause ; qu'au cas présent, la société Taxi indigo prétendait qu'était applicable à la relation de travail la convention collective nationale des transports routiers du 21 décembre 1950, notamment dans ses stipulations relatives au transport sanitaire, dont l'article 1er relatif au champ d'application de cette convention et des accords qui y sont annexés énumère les activités du transport entrant dans le champ de la convention par référence à la nomenclature d'activité française, et vise uniquement, au titre des activités de transport sanitaire, l'activité "ambulances" (85-1 J), cette classe comprenant le transport des malades par ambulances ainsi que l'activité des ambulances de réanimation ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la cour d'appel que la société Taxi indigo, qui était enregistrée en qualité de taxi conventionné auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault avec laquelle elle avait conclu une convention, avait pour activité principale le transport assis professionnalisé ; qu'en retenant néanmoins que la société Taxi indigo relevait du champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, notamment dans ses dispositions relatives au transport sanitaire (ambulances) au motif que son activité principale était celle de transport sanitaire alors que l'activité de transport assis professionnalisé par taxi conventionné exercée à titre principal par la société employeur ne figure pas au nombre des activités de transport sanitaire entrant dans le champ d'application de cette convention collective, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2222-1 et L. 2261-2 du code du travail ensemble les stipulations conventionnelles précitées ainsi que celles de l'article 1er de l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire annexé à la convention collective susvisée. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2261-2 du code du travail et 1er de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 :

5. Aux termes du premier de ces textes, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. Il en résulte que, pour déterminer la convention collective applicable, les juges du fond doivent rechercher quelle est la nature de l'activité principale de l'entreprise et vérifier que cette activité entre dans le champ d'application de la convention collective invoquée.

6. Selon le second, au titre du transport sanitaire, entrent dans le champ d'application de la convention collective susvisée les entreprises relevant de l'activité « Ambulances », cette classe comprenant le transport des malades par ambulance ainsi que l'activité des ambulances de réanimation.

7. Pour dire que la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, notamment dans ses dispositions relatives au transport sanitaire (ambulances), est applicable à la relation de travail, l'arrêt retient que la mention du code APE 49.32Z portée sur les bulletins de salaire de la salariée, de 2013 à 2016, renvoyant à la sous-classe des transports de voyageurs par taxis qui ne comprend pas le transport par ambulance (86.90A) n'est qu'indicative. Il relève que, comme cela ressort du certificat d'inscription au répertoire Sirene du 2 juin 2018, ce code APE a été modifié par l'INSEE et qu'il est désormais celui des ambulances (86.90A) et retient que cela signifie que cet organisme a considéré que la société de taxis exerçait une activité principale d'ambulances.

8. Il souligne que l'expert comptable attestait, le 11 octobre 2021, de ce que la société avait bien une activité de transport sanitaire. Il ajoute que, si l'extrait Kbis de la société mentionne, au 30 janvier 2016, une activité exercée de ‘‘ taxis autres transports de personnes - location de voitures et de véhicules automobiles légers sans chauffeur'', il ressort des extraits des grands livres comptables pour les années 2013 à 2016 que les prestations effectuées au titre du transport sanitaire représentent la quasi-totalité des mouvements de comptabilité de l'entreprise au moment de la relation contractuelle. Il ajoute que l'assurance maladie témoignait, le 13 décembre 2016, de ce que la société était enregistrée auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault en qualité de taxi conventionné depuis le 4 mai 2007, la société Ambulances indigo lui ayant transféré une licence à ce titre. Il énonce que la convention signée le 10 mars 2014 entre la CPAM et la société mentionne la salariée comme chauffeur, de même que le référentiel national des transporteurs recensant les taxis conventionnés.

9. L'arrêt retient encore qu'il importe peu que « le transport assis professionnalisé » (TAP) soit considéré par la fédération nationale des artisans du taxi comme une activité accessoire, que la société puisse effectuer aussi des transports « classiques » ou encore qu'elle ait été créée par les gérantes de la société Ambulances indigo, dès lors qu'il ressort des documents comptables produits que son chiffre d'affaires est essentiellement généré par le transport sanitaire.

10. Il retient enfin qu'il convient, au vu de ces éléments, de considérer que l'activité principale de l'employeur au moment de la relation contractuelle avec la salariée était celle de transport sanitaire et que la société relève en conséquence du champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, notamment dans ses dispositions relatives au transport sanitaire (ambulances).

11. En statuant ainsi, alors que l'activité de transport sanitaire liée au transport assis professionnalisé par taxi conventionné par une caisse primaire d'assurance maladie n'entre pas dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 laquelle, au titre du transport sanitaire, vise seulement l'activité « Ambulances », la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

12. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à certaines sommes le montant du rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et de la débouter de ses demandes en paiement des repos compensateurs, outre congés payés afférents, et d'une indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ que l'article 1er du décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport sanitaire prévoit que les dispositions de ce décret s'appliquent aux entreprises de transport sanitaire répertoriées à la classe 86.90A des nomenclatures d'activités et de produits françaises, approuvée par décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 ; que, selon ce décret, la classe 86.90A correspond aux entreprises de transport sanitaire exerçant une activité d'ambulances ; qu'en faisant application des dispositions de ce décret à Mme [Y] alors qu'elle avait constaté que, pendant la période d'emploi de la salariée au sein de la société Taxi indigo, cette société était répertoriée à la classe 49.32Z correspondant au transport de voyageurs par taxis qui ne comprend pas le transport par ambulances, la cour d'appel a violé les dispositions réglementaires susvisées ;

3°/ que les dispositions de l'article 3 du décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport sanitaire qui prévoient un décompte du temps de travail effectif sur la base du cumul horaire des amplitudes journalières d'activité prises en compte, pendant les services de permanence, pour 90 % de leurs durées, est applicable aux seuls personnels ambulanciers roulants ; qu'en faisant application de ces dispositions à Mme [Y] alors que cette dernière était employée au sein de la société Taxi indigo en qualité de chauffeur de taxi et n'avait donc pas la qualité de personnel ambulancier roulant, la cour d'appel a violé les dispositions réglementaires susvisées. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er et 3 du décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport sanitaire :

13. Selon le premier de ces textes, les dispositions du décret susvisé s'appliquent aux entreprises de transport sanitaire répertoriées à la classe 86.90A des nomenclatures d'activités et de produits françaises, approuvée par le décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises. Aux termes de la nomenclature d'activités annexée à ce décret, la classe 86.90A correspond à l'activité « Ambulances ».

14. Aux termes du second, afin de tenir compte des périodes d'inaction, ainsi que des repos, repas et coupures, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants à temps plein est compté sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité, telles que définies à l'article 2, prises en compte pour 75 % de leur durée pendant les services de permanence tels que définis par accord collectif. En dehors des services de permanence, ce taux est fixé à 80 % à la date d'extension de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008, 83 % un an après la date d'extension de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008, 86 % deux ans après la date d'extension de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 et à 90 % trois ans après la date d'extension de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008.

15. Pour limiter à une certaine somme le rappel de salaire pour heures supplémentaires alloué à la salariée, l'arrêt retient que la société, qui a démontré qu'elle effectuait essentiellement du transport sanitaire, est en droit de se prévaloir des dispositions du décret n° 2009-32 du 9 janvier 2009 relatives aux périodes d'inaction, qui prévoient que le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants à temps plein est décompté sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité, prises en compte, pendant les services de permanence, pour 75 % de leurs durées et en dehors des services de permanence, pour 90 % de leurs durées à compter du 21 novembre 2011, et qu'elle peut effectuer le calcul de la durée du travail sur deux semaines et appliquer le coefficient réducteur sur cette période.

16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que la salariée occupait un emploi de chauffeur de taxi, d'autre part, qu'au cours de la période d'emploi de l'intéressée au sein de la société, celle-ci était répertoriée à la classe 49.32Z correspondant à l'exercice de l'activité de transports de voyageurs par taxis, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Les cassations prononcées n'emportent pas cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens, justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, notamment dans ses dispositions relatives au transport sanitaire (ambulances) est applicable, limite à la somme de 253,84 euros, outre 25,38 euros de congés payés afférents, le rappel de salaire pour heures supplémentaires alloué à Mme [Y], déboute celle-ci de ses demandes en paiement d'une indemnité pour repos compensateurs non pris, outre congés payés afférents, et d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 9 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Taxi indigo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Taxi indigo et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-quatre.

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