20 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-70.019

Autre - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:AV15005

Titres et sommaires

Le moyen de défense tiré de l'article 1466 du code de procédure, qui tend à faire déclarer irrecevable le moyen d'annulation d'une sentence arbitrale, constitue une fin de non-recevoir du droit de l'arbitrage au sens de l'article 122 du même code. S'agissant des recours en annulation de sentences arbitrales soumis aux articles 789, 6°, et 907 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, cette fin de non-recevoir relève de la compétence de la cour d'appel

Texte de la décision

Demande d'avis
n°G 23-70.019

Juridiction : la cour d'appel de Paris




SV2





Avis du 20 mars 2024



n° 15005 P+B








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

COUR DE CASSATION
_________________________

Première chambre civile


Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;

La Cour de cassation a reçu le 21 décembre 2023 une demande d'avis formée le 19 décembre 2023 par la cour d'appel de Paris, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant la société Banque Delubac & Cie à la société de droit allemand Feldsaaten Freudenberger.

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Cazaux-Charles, avocat général, entendu en ses observations orales ;

Énoncé de la demande d'avis

La demande est ainsi formulée :

« Première question

Le moyen fondé sur l'article 1466 du code de procédure civile, tiré de la renonciation à se prévaloir d'une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral, peut-il être qualifié de fin de non-recevoir au sens du code de procédure civile ?

Deuxième question

Si la qualification de fin de non-recevoir est retenue, l'examen de l'irrecevabilité invoquée relève-t-il de la compétence du conseiller de la mise en état, en application des dispositions des articles 780, 6°, et 907 du code de procédure civile, ou de la compétence de la cour, saisie du recours en annulation de la sentence arbitrale ? »

Examen de la demande d'avis

Sur la première question

1. Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

2. En matière d'arbitrage, l'article 1466 du même code, auquel l'article 1506, 3°, renvoie s'agissant de l'arbitrage international, dispose que la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir.

3. Ce moyen de défense tiré de l'article 1466 du code de procédure, qui tend à faire déclarer irrecevable le moyen d'annulation d'une sentence arbitrale fondé sur l'article 1520 du même code, constitue une fin de non-recevoir du droit de l'arbitrage au sens de l'article 122 susvisé.

Sur la seconde question

4. L'article 789, 6°, du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

5. Ce texte, auquel renvoie l'article 907 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret précité du 11 décembre 2019, est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue (Avis de la Cour de cassation, 11 octobre 2022, n° 22-70.010, point 4).

6. Après avoir énoncé que la cour d'appel était compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l'appel et que celles touchant à la procédure d'appel étaient de la compétence du conseiller de la mise en état, la Cour de cassation a exprimé l'avis que les fins de non-recevoir édictées aux articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, relatives pour la première à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel et pour la seconde à l'obligation de présenter dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond relatives aux conclusions, relevaient de la compétence de la cour d'appel (Avis de la Cour de cassation, 11 octobre 2022, n° 22-70.010).

7. En matière d'arbitrage interne comme en matière arbitrage international, conformément aux articles 1495 et 1527, alinéa 1er, du code de procédure civile, le recours en annulation d'une sentence arbitrale est formé, instruit et jugé selon les règles relatives à la procédure en matière contentieuse prévues aux articles 900 à 930-1.

8. Le moyen de défense fondé sur l'article 1466 du code de procédure civile, tiré de la renonciation à se prévaloir d'une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral, qui constitue une fin de non-recevoir du grief invoqué contre la sentence, ne relève pas de la régularité de la procédure applicable devant la cour d'appel saisie d'un recours en annulation d'une sentence arbitrale.

9. Compte tenu de la nature de ce moyen, il convient de retenir que, s'agissant des recours en annulation de sentences arbitrales soumis aux articles 789, 6°, et 907 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, la fin de non-recevoir prévue à l'article 1466 du code de procédure civile relève de la compétence de la cour d'appel.


EN CONSÉQUENCE, la Cour :

EST D'AVIS QUE :

1°/ le moyen de défense tiré de l'article 1466 du code de procédure, qui tend à faire déclarer irrecevable le moyen d'annulation d'une sentence arbitrale, constitue une fin de non-recevoir du droit de l'arbitrage au sens de l'article 122 du même code ;

2°/ s'agissant des recours en annulation de sentences arbitrales soumis aux articles 789, 6°, et 907 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, la fin de non-recevoir prévue à l'article 1466 de ce code relève de la compétence de la cour d'appel.




Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 20 mars 2024, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 12 mars 2024 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, conseillers, Mmes Kloda, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, Mme Vignes, greffier de chambre ;

Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.

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