13 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-16.677

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00306

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (SYNTEC) - Convention collective nationale du 15 décembre 1987 - Article 25, alinéa 3 - Prise des congés payés - Possibilité de fermeture totale de l'entreprise ou de l'établissement - Cas - Période du 1er mai au 31 octobre

Il résulte de l'article 25, alinéa 3, de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, que, pour la prise des congés payés, la fermeture totale de l'entreprise ou de l'établissement n'est permise que pendant la période du 1er mai au 31 octobre

Texte de la décision

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2024




Cassation


M. SOMMER, président



Arrêt n° 306 FS-B

Pourvoi n° H 22-16.677




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024

Le syndicat Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 22-16.677 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Altran technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Altran lab, société par actions simplifiée,

3°/ à la société Altran éducation services, société par actions simplifiée,

4°/ à la société Altran prototypes automobiles, société par actions simplifiée,

toutes trois ayant leur siège au [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat du syndicat Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Altran technologies, Altran lab, Altran éducation services, et Altran prototypes automobiles, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mars 2022), les sociétés Altran technologies, Altran lab, Altran éducation services, Altran prototypes automobiles appartiennent au groupe Altran (les sociétés) et forment une unité sociale et économique reconnue par accord collectif du 1er mars 2019.

2. Par décisions unilatérales des 20 novembre 2018 et 13 novembre 2019, la direction a prévu que la cinquième semaine de congés payés serait prise du 24 au 31 décembre de l'année considérée.

3. Le 17 décembre 2019, la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT (le syndicat) a fait assigner les sociétés devant un tribunal judiciaire aux fins de contester la licéité de ces décisions unilatérales.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la décision unilatérale de mise en congés de l'ensemble du personnel du 24 décembre 2019 au 31 décembre 2019 et du 24 décembre au 31 décembre 2020 et en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors « que aux termes du 3 e alinéa de l'article 25 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, l'employeur peut soit procéder à la fermeture totale de l'entreprise dans une période située entre le 1er mai et le 31 octobre, soit établir les congés par roulement après consultation du comité d'entreprise (ou à défaut des délégués du personnel) sur le principe de cette alternative" ; qu'il en résulte que l'employeur ne peut procéder à la fermeture de l'entreprise ou de l'établissement au cours de la période du 1er novembre au 30 avril suivant ; qu'en décidant au contraire, pour rejeter la demande de la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT d'annulation des décisions unilatérales de mise en congés de l'ensemble du personnel du 24 décembre au 31 décembre 2019 et du 24 décembre au 31 décembre 2020, que le fait que les partenaires sociaux aient (…) entendu préciser les modalités de prise des congés payés durant la période d'ordre public située entre le 1er mai et le 31 octobre n'exclut pas la possibilité qu'ils ont laissée à l'employeur de procéder à une fermeture totale de l'entreprise pour congés payés en dehors de cette période après consultation du CSE", la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 25, alinéa 3, de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dite Syntec :

5. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire, d'abord, en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

6. Aux termes du texte susvisé, l'employeur peut soit procéder à la fermeture totale de l'entreprise dans une période située entre le 1er mai et le 31 octobre, soit établir les congés par roulement après consultation du comité d'entreprise (ou à défaut des délégués du personnel) sur le principe de cette alternative.

7. Pour rejeter la demande d'annulation de la décision unilatérale des sociétés de l'ensemble du personnel du 24 décembre 2019 au 31 décembre 2019 et du 24 décembre au 31 décembre 2020, l'arrêt retient que l'article 25 de la convention collective, dans ses deux derniers alinéas, prévoit que l'employeur peut, après consultation du comité d'entreprise (désormais CSE) soit procéder à la fermeture totale de l'entreprise entre le 1er mai et le 31 octobre, soit établir les congés par roulement.

8. L'arrêt ajoute que le principe est ainsi retenu du choix laissé à l'employeur des modalités de prise des congés après avis du comité d'entreprise (désormais CSE). Il précise que l'impossibilité dans laquelle l'employeur serait de procéder à la fermeture totale de l'entreprise pour congés payés en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre et au titre de la cinquième semaine de congés payés, aboutirait à soumettre cette période à une procédure spécifique allant au-delà du seul avis du comité d'entreprise (désormais CSE). L'arrêt relève que l'article 25 ne comprend pas de dérogation explicite à cet égard, tandis que dans le silence du texte, les dispositions supplétives de l'article L. 3141-16 du code du travail aux termes duquel l'employeur définit, après avis, le cas échéant du comité d'entreprise, la période de prise de congés, ont lieu de s'appliquer.

9. L'arrêt retient que si l'article 25 se limite à viser la fermeture totale de l'entreprise pendant la période du 1er mai au 31 octobre, il convient de relever qu'au regard des dispositions légales impératives déclinées aux articles L. 3141-13, L. 3141-17 et L. 3141-19 du code du travail, les partenaires sociaux peuvent négocier que la période de prise de congés sera collective et s'accompagnera de la fermeture de l'entreprise à condition qu'une partie au moins de cette fermeture soit placée entre le 1er mai et le 31 octobre, que cette fermeture estivale dure au moins douze jours ouvrables et ne dépasse pas vingt-quatre jours ouvrables.

10. L'arrêt énonce que le fait que les partenaires sociaux aient, en raison de ces dispositions impératives, entendu préciser les modalités de prise des congés payés durant la période d'ordre public située entre le 1er mai et le 31 octobre n'exclut pas la possibilité qu'ils ont laissée à l'employeur de procéder à une fermeture totale de l'entreprise pour congés payés en dehors de cette période après consultation du CSE.

11. En statuant ainsi, alors que la fermeture totale de l'entreprise ou de l'établissement n'était permise que pendant la période du 1er mai au 31 octobre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne les sociétés Altran technologies, Altran lab, Altran éducation services, Altran prototypes automobiles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Altran technologies, Altran lab, Altran éducation services, Altran prototypes automobiles et les condamne in solidum à payer à la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.

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