13 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.599

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C100126

Titres et sommaires

ETAT - Etat étranger - Immunité d'exécution - Exclusion - Conditions - Biens non-affectés à la mission diplomatique - Renonciation expresse de l'Etat - Caractère suffisant - Cas - Aéronef affecté à la présidence

Il résulte des principes du droit international coutumier reflétés par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités des Etats et de leurs biens et de l'article 22, § 3, de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 que les dispositions de l'article L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution, selon lesquelles les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales ne peuvent faire l'objet de mesures conservatoires ou de mesures d'exécution forcée qu'en cas de renonciation expresse et spéciale des Etats concernés, doivent être interprétées strictement. Dès lors, les fonctions d'une mission diplomatique se distinguant de l'activité diplomatique exercée par un chef d'Etat, la renonciation expresse à l'immunité d'exécution consentie par un Etat suffit pour qu'un aéronef, affecté à la présidence de la République de cet Etat mais ne faisant pas partie des moyens mis à la disposition de la mission diplomatique de celui-ci, puisse faire l'objet d'une mesure d'exécution, sans que soit, en outre, requise une renonciation spéciale

ETAT - Etat étranger - Immunité d'exécution - Immunité diplomatique d'exécution - Biens affectés à la mission diplomatique - Définition - Interprétation stricte - Portée

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Domaine d'application - Etat étranger - Immunité d'exécution - Exclusion - Cas

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2024




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 126 F-B

Pourvoi n° P 21-17.599




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2024

La République du Congo, dont le siège est [Adresse 3] (République du Congo), agissant poursuites et diligences de son ministère de la justice, des droits humains et la promotion des peuples autochtones, a formé le pourvoi n° P 21-17.599 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Commissions import export (Commisimpex), dont le siège est [Adresse 1] (République du Congo), société de droit congolais,

2°/ à la société Dassault Falcon Service, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la République du Congo, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Commissions import export, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2021), en juin 2020, la société Commissions import export (Commisimpex) a, en exécution de deux sentences arbitrales condamnant la République du Congo à lui payer diverses sommes, pratiqué une saisie d'un aéronef lui appartenant.

2. La République du Congo a saisi un juge de l'exécution en nullité et mainlevée de la saisie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le troisième moyen


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui s'agissant de la troisième branche du deuxième moyen est irrecevable, et qui, pour le surplus, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé des moyens

4. Par son premier moyen, la République du Congo fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de mainlevée de la saisie du 8 juin 2020 et de dommages et intérêts, alors « que l'immunité d'exécution diplomatique s'applique à l'ensemble des biens affectés par un Etat étranger à l'exercice de ses activités diplomatiques, y compris par son chef d'Etat ou les membres du pouvoir exécutif ; que l'exigence d'une renonciation expresse et spéciale de l'Etat concerné à cette immunité s'applique indistinctement aux biens relevant de la mission diplomatique de l'Etat en France, ainsi qu'à l'ensemble des biens affectés à son activité diplomatique, y compris à l'étranger ; qu'en retenant que l'arrêt du 27 février 2020, ayant autorisé la société Commisimpex à pratiquer des mesures d'exécution forcé sur tous les biens appartenant à la République du Congo, "à l'exception de biens, dont les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de cet État", devait être interprété comme excluant uniquement du champ de l'autorisation les biens de l'ambassade de la République du Congo, quand l'ensemble des biens appartenant à la République du Congo et affecté à l'exercice de son activité diplomatique, jouissait de la même immunité d'exécution, la cour d'appel a encore violé les articles L. 111-1, L. 111-1-1, L. 111-1-2, 1° et 3°, et L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 4 du code de procédure civile. »

5. Par son deuxième moyen, la République du Congo fait le même grief à l'arrêt, alors « qu' une mesure d'exécution forcée visant un bien appartenant à un Etat étranger ne peut être autorisée par le juge que lorsque l'Etat concerné a expressément consenti à l'application d'une telle mesure ; que la renonciation de l'Etat concerné à l'immunité dont il dispose au titre des biens utilisés ou destinés à être utilisés pour l'exercice de ses relations diplomatiques doit être expresse et spéciale ; qu'en jugeant, pour valider la saisie-vente litigieuse, que la République du Congo avait "renoncé à son immunité d'exécution et que le Falcon est saisissable par seule application de l'article L. 111-1-2 1° du code des procédures civiles d'exécution", sans rechercher si l'aéronef objet de la saisie n'était pas utilisé pour l'exercice de l'activité diplomatique de la République du Congo, ce dont il résultait comme le faisait valoir la République du Congo, qu'une mesure d'exécution forcée sur ce bien n'était valable qu'à la condition que cet Etat ait expressément et spécialement renoncé à son immunité d'exécution sur ce bien, la cour d'appel a méconnu les articles L. 111-1-2, 1° et L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

6. Selon les principes du droit international coutumier reflétés par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités des Etats et de leurs biens, la renonciation expresse à l'immunité d'exécution suffit pour que les biens d'un Etat, quels qu'ils soient, puissent faire l'objet d'une mesure d'exécution, sans que soit en outre requise une renonciation spéciale.

7. Toutefois, selon l'article 22, § 3 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie ou mesure d'exécution.

8. Il en résulte que doivent être interprétées strictement les dispositions de l'article L. 111-1-3 du code des procédures civiles d'exécution, selon lesquelles les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales ne peuvent faire l'objet de mesures conservatoires ou de mesures d'exécution forcée qu'en cas de renonciation expresse et spéciale des Etats concernés.

9. Ayant relevé qu'il n'était ni soutenu ni démontré que l'aéronef saisi faisait partie des moyens mis à la disposition de la mission diplomatique en France de la République du Congo, la cour d'appel, qui a, à bon droit, retenu que les fonctions d'une mission diplomatique se distinguaient de l'activité diplomatique exercée par un chef d'Etat, en a exactement déduit que la renonciation expresse à l'immunité d'exécution, consentie par cet Etat dans le litige l'opposant à la société Commisimpex, suffisait pour que l'actif en cause affecté à la présidence de la République puisse faire l'objet d'une mesure d'exécution, sans que soit, en outre, requise une renonciation spéciale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la République du Congo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la République du Congo et la condamne à payer à la société Commissions import export la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.