8 mars 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG n° 20/04613

2ème Chambre civile

Texte de la décision

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


08 Mars 2024


2ème Chambre civile
64B

N° RG 20/04613 - N° Portalis DBYC-W-B7E-I3DT


AFFAIRE :


[G] [F]


C/

CPAM d’Ille et Vilaine,

SAS LOMAJAC,



copie exécutoire délivrée
le :
à :



DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT: Julie BOUDIER, Magistrat


GREFFIER: Anne-Lise MONNIER lors des débats, et Valérie LE MEUR, directrice des service de greffe judiciaire, lors de la mise à disposition, qui a signé la présente décision.


DEBATS

A l’audience publique du 07 Novembre 2023


JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Julie BOUDIER,
par sa mise à disposition au Greffe le 08 Mars 2024, après prorogation de la date indiquée à l’issue des débats.
ENTRE :


DEMANDEUR :

Monsieur [G] [F]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Maître Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, avocats au barreau de RENNES

ET :

DEFENDERESSES :

CPAM d’Ille et Vilaine, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 4]
représentée par Me Antoine DI PALMA, avocat au barreau de RENNES




SAS LOMAJAC, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de Rennes sous le numéro 503 937 591
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Annaïc LAVOLE, avocat au barreau de RENNES




Exposé du litige

Le 14 février 2019, [G] [F], chef de quai préparateur livreur, a été victime d’une chute dans le cadre de ses fonctions, alors qu’il se rendait dans les locaux du siège de la SASU LOMAJAC. Il en est résulté une blessure grave au poignet, suivie d’une opération en urgence le jour-même.

A la suite de cet accident, [G] [F] a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail, entre le 14 février 2019 et le 28 avril 2019.

L’accident a été pris en charge comme accident du travail par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM).

Par décision du 2 mai 2022, le tribunal judiciaire de Rennes a déclaré la SASU LOMAJAC entièrement responsable du préjudice subi par monsieur [F] des suites de l’accident, et a condamné cette dernière à indemniser l’entier préjudice de la victime.

Avant dire droit, le tribunal judiciaire a ordonné une expertise, confiée au docteur [Y].

Le docteur [Y] a rendu son rapport le 6 décembre 2022, qui retient :

- Accident du 14 février 2019
- Consolidation acquise le 1er octobre 2019
- Gênes temporaires :
* totales du 14 au 15 février 2019
* partielles de classe III du 16 février 2019 au 14 mars 2019
* partielles de classe II du 15 mars 2019 au 8 avril 2019
* partielles de classe I du 9 avril 2019 à la date de consolidation
- Assistance par tierce personne retenue
- Arrêt des activités professionnelles du 14 février 2019 au 29 avril 2019, avec description d’une perte de gains professionnels
- Souffrances endurées 3/7
- Atteinte à l’intégrité physique et psychique : 2 %
- Pas d’incidence sur les activités sexuelles
- Pas d’incidence sur les activités d’agrément
- Dommage esthétique temporaire : 2/7, Permanent 1/7
- Pertes de gains professionnels futurs et incidence professionnelle non retenues
- Frais futurs et soins de post-consolidation non retenus
- Frais de véhicule et de logement adapté non retenus

Monsieur [F] demande, sur le fondement de ce rapport, la liquidation de son préjudice. Dans ses dernières conclusions, signifiées le 9 mai 2023 par voie électronique, il demande au tribunal de :

- FIXER l’indemnisation des préjudices de Monsieur [F] aux sommes suivantes :
Déficit fonctionnel temporaire : 990 €
Perte de gains professionnels : 1 186,34 €
Préjudice de souffrances endurées : 8 000 €
Préjudice esthétique temporaire : 4 000 €
Déficit fonctionnel permanent : 2 800 €

Préjudice esthétique permanent : 2 000 €
Préjudice de tierce personne : 960 €
- DECLARER le jugement à intervenir commun et opposable à la CPAM d’Ille et Vilaine,
- CONDAMNER la SASU LOMAJAC au paiement de la somme de 2 000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
- DIRE que les sommes produiront intérêts à compter de la décision à intervenir,
- CONDAMNER la SASU LOMAJAC aux entiers dépens.


Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 28 mars 2023 par la voie électronique, la SASU LOMAJAC demande au tribunal de :

Enjoindre à M. [F] d’avoir à justifier des sommes perçues par le biais de la prévoyance, au titre de l’accident du 14 février 2019 ;
Fixer comme suit l’indemnisation des préjudices de Monsieur [F], sous déduction des provisions d’ores et déjà réglées :
Déficit fonctionnel temporaire : 983,75 €
Perte de gains professionnels : sursis à statuer ou débouté
Préjudice de souffrances endurées : 4 000 €
Préjudice esthétique temporaire : 800 €
Déficit fonctionnel permanent : 2 600 €
Préjudice esthétique permanent : 1 000 €
Préjudice de tierce personne : 948 €
Débouter Monsieur [F] et la CPAM de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires
Déclarer le jugement à intervenir commun à la CPAM d’Ille et Vilaine,
Réduire à de plus justes proportions le montant des sommes réclamées tant par M. [F] que la CPAM au titre des frais irrépétibles
Ecarter l’exécution provisoire
Statuer ce que de droit quant aux dépens

Par conclusions signifiées le 24 mars2023 par RPVA, la CPAM demande au tribunal de :

S’entendre condamner la SAS LOMAJAC à verser à la CPAM d’Ille et Vilaine la somme de 2 073,57 € en remboursement de ses débours définitifs, ladite somme avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir et jusqu’à parfait paiement.

Dire que les intérêts seront capitalisés.

S’entendre condamner la SAS LOMAJAC à verser à la CPAM d’Ille et Vilaine la somme de 691,19 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

S’entendre condamner la SAS LOMAJAC à verser à la CPAM d’Ille et Vilaine la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

S’entendre condamner la même aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Antoine DI PALMA, Avocat aux offres de droit.

Voir ordonner l’exécution provisoire.

***

Le juge de la mise en état a rendu une ordonnance de clôture le 29 juin 2023.

L’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie du 7 novembre 2023, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 23 janvier 2024, puis prorogée au 8 mars 2024, date du présent jugement.

Maître CHATELLIER, pour monsieur [F], a été autorisée à déposer une note en délibéré pour justifier de l’absence de versement par la prévoyance de la SARL SUBERY CLAUDE et FILS, employeur, en compensation de sa perte de salaire.

Une note a bien été transmise le 20 novembre 2023.

Maître LAVOLE et Maître DI PALMA, respectivement pour la SASU LOMAJAC et la CPAM ont bénéficié d’un délai pour répondre à cette note.

La présente décision sera opposable à la CPAM, intervenante forcée, partie à l’instance.


***

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que monsieur [F] a été victime d’une chute alors qu’il se trouvait, dans le cadre de son travail, dans les locaux de la SASU LOMAJAC. Par décision du 2 mai 2022, le tribunal judiciaire de Rennes a retenu l’entière responsabilité de ladite société dans le dommage éprouvé. Il s’agit dès lors désormais de fixer le montant de l’indemnité due à [G] [F] par la SASU LOMAJAC, en sa qualité de responsable du dommage de la victime.

I- Sur la liquidation du préjudice

1- Sur l’indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux

A- Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1- Le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice inclut pour la période antérieure à la consolidation, la gêne dans les actes de la vie courante, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Son évaluation tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité (ex: victime qui a subi de nombreuses interventions et est restée hospitalisée et immobilisée pendant plusieurs mois par opposition à celle qui a pu rester chez elle).

[G] [F] sollicite l’attribution d’une somme de 990 €.

La défenderesse sollicite du tribunal qu’il fixe la somme due au titre de ce préjudice à 983,75 €.

L’expert reprend ainsi qu’il suit le détail du déficit fonctionnel temporaire :

- Gênes temporaires :
* totales du 14 au 15 février 2019
* partielles de classe III du 16 février 2019 au 14 mars 2019
* partielles de classe II du 15 mars 2019 au 8 avril 2019
* partielles de classe I du 9 avril 2019 à la date de consolidation


Sur la base du référentiel de la cour d’appel de Rennes, le DFT total est fixé à 25 € par jour.

Dans ces conditions, il y a lieu d’attribuer à monsieur [F] les sommes de :
- 50 € (soit 25 x2) pour les 14 et 15 février 2019
- 337, 50 € (soit 12.5x27) pour la période du 16 février au 14 mars 2019
- 156, 25 € (soit 6.25x25) pour la période du 15 mars au 8avril 2019
- 440 € (soit 2.5x176) pour la période du 9 avril au 1er octobre 2019

TOTAL : 983, 75 €

2- Souffrances endurées

Il s’agit d’indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu’à la consolidation, du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité ainsi que des traitements, interventions, hospitalisations subis pendant cette même période.

[G] [F] relève que l’expert a évalué les souffrances endurées à 3/7 en raison du traumatisme initial, de la chirurgie, de l’immobilisation, des soins de kinésithérapie, des douleurs résiduelles et du mauvais vécu des faits accidentels. Il sollicite la somme de 8000€.

Le jour de l’expertise, il déplorait encore de la douleur barosensible au poignet et d’un kyste à l’endroit de sa blessure.

Se référant au barème indicatif du référentiel [L], il rappelle que pour des souffrances évaluées à 3/7, les sommes peuvent varier entre 4000 et 8000 €.

La défenderesse  note que la somme sollicitée correspond au maximum alloué par les juridictions et est excessive, correspondant davantage à des souffrances évaluées à 3,5/7. Elle propose alors la somme de 4000 € pour ce poste de préjudice, ce à quoi le demandeur répond que la jurisprudence alloue régulièrement des sommes plus importantes, à préjudice égal.

L’expert fixe les souffrances endurées à hauteur de 3/7, compte tenu du traumatisme initial, de la chirurgie, de l’immobilisation, des soins de kinésithérapie, des douleurs résiduelles et du mauvais vécu des faits accidentels.

Au regard du référentiel [L] de 2022 et au regard des éléments développés par l’Expert, il y a lieu de fixer à 5000 € la somme due au titre des souffrances endurées.

3- Préjudice esthétique temporaire

La victime peut subir, pendant la maladie traumatique et notamment pendant l’hospitalisation, une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation. Ce préjudice est important pour les grands brûlés, les traumatisés de la face et les enfants pour lesquels on est obligé de différer la chirurgie esthétique.

S’il existe un préjudice esthétique permanent, il existe nécessairement un préjudice esthétique temporaire qui doit être indemnisé si la demande en est faite.

[G] [F] fait valoir qu’il a connu, lors de sa sortie d’hôpital, une période au cours de laquelle son bras gauche était immobilisé, en écharpe, avec une attelle. Cet appareillage médical perceptible a participé, en sus de la cicatrice consécutive à l’opération, à la création d’un préjudice esthétique temporaire.

Sur la base du rapport de l’expert et de ces éléments, le demandeur réclame une indemnisation à hauteur de 4000 €.

La défenderesse, relevant que le préjudice esthétique temporaire n’a duré que 54 jours et a été évalué à 2/7, propose une somme de 800 €, ce à quoi le demandeur répond qu’il ne peut s’agir d’une offre sérieuse au regard de la jurisprudence de la cour.

L’expert évalue ce poste de préjudice à 2/7. Le barème indicatif du référentiel [L] de 2022 propose d’indemniser ce dommage avec une somme fixée entre 2 000 et 4 000 €

Au regard des éléments de l’expertise, il y a lieu d’allouer la somme de 2000 € à [G] [F] au titre de ce préjudice.

B- Les préjudices extra-patrimoniaux permanents

1- Le déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent est défini comme consistant en la “réduction définitive du potentiel physique, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours”.

Il s’agit par conséquent de la perte de la qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence, qu’elles soient personnelles, familiales ou sociales, du fait des séquelles physiques et mentales qu’elle conserve.

[G] [F] rappelle que l’expert a constaté qu’il subsistait une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique au regard de la raideur du poignet gauche et de phénomènes douloureux fluctuants. Le taux d’AIPP a été fixé à 2 %.

Le demandeur ajoute que l’expert a émis des réserves sur l’apparition d’une arthrose post-traumatique du poignet gauche.

Compte tenu du point d’indemnisation fixé à 1400 € pour un homme âgé de 55 ans et du taux retenu, le demandeur sollicite la somme de 2 800 €.

La défenderesse sollicite l’application d’un point d’indemnisation à 1300 €, appliqué pour un homme de 57 ans. Le demandeur dénonce ce calcul, qui ne correspondrait pas au référentiel indicatif visé dans le rapport [L].

[G] [F] est né le [Date naissance 3] 1967, il était donc âgé de 52 ans au jour de la consolidation. Il n’y a pas lieu en l’état de s’écarter du barème indicatif, au demeurant appliqué par la cour. Dans ces conditions, monsieur [F] se verra attribuer un point d’indemnisation à 1 400 €, portant à la somme de 2 800 € le montant dû au titre de son préjudice.

2- Le préjudice esthétique permanent

La victime peut subir, du fait du dommage, une altération définitive de son apparence physique, justifiant une indemnisation, laquelle doit tenir compte de la localisation des modifications, de l’âge de la victime au moment de la survenance du dommage, le cas échéant de sa profession et de sa situation personnelle.

Le demandeur note qu’il a dû, du fait de l’accident, se présenter dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures. Il précise que la cicatrice constitue une marque indélébile de son accident sur son avant bras gauche, visible quotidiennement par lui-même et par autrui dès lors qu’il ne porte pas de manches longues. Il ajoute que l’expert retient un préjudice esthétique permanent à hauteur de 1/7 du fait de la cicatrice post-chirurgicale linéaire de 7 cmn sitée sur la face antérieure de l’avant-bras gauche.

Notant que le barème référentiel se base sur une indemnisation pouvant aller jusqu’à 2000 € pour des préjudices très légers, [G] [F] demande qu’il lui soit alloué la somme de 2000 € au titre de son préjudice.

En défense, la SASU LOMAJAC rappelle qu’il s’agit d’un “préjudice très léger” et que pour un homme de 57 ans présentant une cicatrice de 7 cm sur l’avant bras-gauche, zone le plus souvent cachée, l’indemnisation devrait être fixée à 1000 €.

En considération de la taille de la cicatrice, de sa localisation et des observations formulées par l’expert, il y a lieu, sur la base du référentiel [L] 2022, d’attribuer une somme de 1 000 € à [G] [F] au titre du préjudice esthétique permanent.

2- Sur l’indemnisation des préjudices patrimoniaux

1- Sur le préjudice de tierce personne

La tierce personne est la personne qui apporte de l’aide à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. Cette aide concerne les actes essentiels de la vie courante, à savoir : l’autonomie locomotive (se laver, se coucher, se déplacer), l’alimentation (manger, boire), et procéder à ses besoins naturels. Il s’agit de restaurer la dignité de la victime et de suppléer sa perte d’autonomie. Elle ne saurait être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime.

L’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires.

[G] [F] sollicite une somme de 960 €. La SASU LOMAJAC ne conteste pas ni la réalité du préjudice, ni l’indemnisation, seulement le montant. En effet, elle souligne que le nombre de jour de “gêne temporaire de classe II” est égal à 25 et non 26. Elle propose alors la somme de 948 €.

Après décompte, il s’avère que la période du 15 mars 2019 au 8 avril 2019 comporte bien 25 jours. La somme de 948 € sera attribuée à [G] LOMAJAC au titre du préjudice de tierce personne.

2 - Perte de gains professionnels actuels

Les préjudices professionnels sont les préjudices économiques correspondant aux revenus dont la victime a été privée pendant la durée de son incapacité temporaire, totale ou partielle. L’indemnisation est en principe égale au coût économique du dommage pour la victime, dont la perte de revenus se calcule en net (et non en brut), et hors incidence fiscale.

[G] [F] indique que durant la période allant du 14 février au 29 avril 2019, il n’a pu prétendre à un maintien de son salaire. S’il a reçu des indemnités journalières de la Sécurité sociale, pour autant, son employeur ne lui a versé aucun complément de salaire, ce dont il apporte la preuve en produisant la Convention collective du commerce de gros, qui ne prévoit de versement de complément de salaire par l’employeur que pour les employés présentant un an d’ancienneté au moins, ce qui n’était pas le cas de monsieur [F].

Sur la période en question, [G] [F] a perçu 3 099,52 € au titre des indemnités journalières pour une perte de salaire de 4 285, 86 €. Il déplore alors un préjudice financier à hauteur de 1 186,34 €.

En réponse à la demande de la SASU LOMAJAC relative à une éventuelle prise en charge par la prévoyance d’entreprise, monsieur [F] assure qu’il n’a rien perçu à ce titre, sans pour autant en justifier.

A défaut de justificatif, la SASU LOMAJAC sollicite qu’il soit sursis à statuer sur ce poste de préjudice.

La SASU LOMAJAC déplore, à juste titre, l’absence de justification quant à une éventuelle prise en charge par la prévoyance à laquelle l’employeur de [G] [F] a souscrit. En effet, le complément de salaire dont s’agit est susceptible d’avoir donné lieu à prise en charge par la prévoyance.

Par sa note en délibéré du 20 novembre 2023, [G] [F] assure à nouveau qu’il n’a rien perçu de la part de la prévoyance de son employeur et produit toutes les demandes et relances faites à cet organisme afin de disposer d’une attestation en ce sens. Il y a lieu de considérer que les éléments transmis constituent un commencement de preuve par écrit du non-versement de la prévoyance.

Aussi, le préjudice de perte de gains actuels de monsieur [F] sera fixé à 1 186,34 € et devra être pris en charge par la SASU LOMAJAC.

3- Dépenses de santé actuelles (demandes de la CPAM)

Les dépenses de santé regroupent les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par les tiers, les frais d’hospitalisation et tous les frais paramédicaux.
Monsieur [F] ne sollicite aucune somme sur ce poste de préjudice.

La CPAM d’Ille-et-Vilaine rappelle qu’elle a été contrainte d’exposer d’importants frais d’hospitalisation, médicaux, pharmaceutiques, d’appareillage, de transport, dont elle est fondée à solliciter le remboursement. Elle produit un état de ses débours égal à 5 107,10 €.

Elle sollicite que la somme de 2 073, 57 € lui soit versée, avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir. Elle demande par ailleurs le bénéfice de l’anatocisme sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil.

La défenderesse n’entend formuler aucune observation sur le principe ou le montant sollicité.

En conséquence, le tribunal étant tenu par les demandes formulées par les parties, la SASU LOMAJAC sera condamnée à verser la somme de 2 073, 57 € à la CPAM.

II- Les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, “la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie”.

La SASU LOMAJAC, succombant à l’instance, en supportera par conséquent les dépens.

[G] [F] et la CPAM sollicitent, chacun, une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En défense, la SASU LOMAJAC sollicite que les sommes demandées soient réduites à de plus justes proportions, sans argumenter davantage.

L’article 700 du code de procédure civile dispose“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'État”.

En l’espèce, l’équité commande de condamner la SASU LOMAJAC à verser à [G] [F] et à la CPAM la somme de 2 000 € (chacun) sollicitée.

La CPAM sollicite, sur le fondement de l’aricle L 454-1 du code de la sécurité sociale, le versement d’une somme de 691,19 € au titre de l’indemnité forfaitaire.

Il y a lieu de faire droit à cette demande.

La CPAM sollicite que la capitalisation des intérêts soit ordonnée.

L’article 1343-2 du code civil dispose que “les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise”.

En l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de la CPAM.

Enfin, l’article 514 du Code de procédure civile prévoit que “les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement”.

[G] [F] sollicite que la décision à venir soit frappée de l’exécution provisoire tandis que la SASU LOMAJAC demande qu’elle soit écartée, sans préciser les motifs qui devraient conduire le tribunal à le faire alors même que le texte exige une telle motivation.

En l’espèce, et sans argument contraire, il n’y a pas lieu de déroger à cette disposition.



PAR CES MOTIFS

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

FIXE l’évaluation des préjudices subis par [G] [F] du fait de l’accident survenu le 14 février 2019 ainsi qu’il suit :

préjudices patrimoniaux
temporaires
- Assistance tierce personne..........................948 €
- Perte de gains professionnels actuels.........1186,34 €
- Dépenses de santé actuelles.......................2.073, 57 € (créance caisse)
préjudices extra-patrimoniaux
temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire......................983.75 €
- Souffrances endurées.....................................5.000 €
- Préjudice esthétique temporaire....................2.000 €
permanents
- Déficit fonctionnel permanent....................... 2 800 €
- Préjudice esthétique permanent.....................1 000 €

TOTAL 15 991.66 €

CONDAMNE la SASU LOMAJAC à payer à [G] [F] les sommes suivantes :
préjudices patrimoniaux
temporaires
- Assistance tierce personne...........................948 € (tierce personne)
- Perte de gains professionnels actuels..........1 186.34€
préjudices extra-patrimoniaux
temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire......................983.75 €
- Souffrances endurées....................................5.000 €
- Préjudice esthétique temporaire...................2.000 €
permanents
- Déficit fonctionnel permanent....................... 2 800 €
- Préjudice esthétique permanent.....................1 000 €

TOTAL 13 918.09€, avec intérêt au taux légal, montant duquel devront être déduites les éventuelles provisions déjà versées ;

FIXE la créance de la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine s’agissant des débours exposés en lien avec l’accident du 14 février 2019 à la somme de 2 073,57 € au titre des dépenses de santé actuelles ;

CONDAMNE la SASU LOMAJAC à verser à la CPAM la somme de 2 073,57 €, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation desdits intérêts pour peu qu’ils soient dus sur une année entière ;

CONDAMNE la SASU LOMAJAC aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Antoine DI PALMA ;

CONDAMNE la SASU LOMAJAC à verser à [G] [F] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU LOMAJAC à verser à la CPAM la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


CONDAMNE la SASU LOMAJAC à verser à la CPAM la somme de 691,19 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.


La Directrice des services La Présidente
de greffe judiciaire

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.