8 mars 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 23/08720

PCP JCP requêtes

Texte de la décision

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :

Copie conforme délivrée
à : Me CHAPUIS
M.[Z]


Copie exécutoire délivrée
à : M. [O]

Pôle civil de proximité


PCP JCP requêtes

N° RG 23/08720 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3ICK

N° MINUTE :
2/2024






JUGEMENT
rendu le vendredi 08 mars 2024


DEMANDEUR
Monsieur [E] [O], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne



DÉFENDEURS
S.A.S. CABINET PBI M. [B] [Y], dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Marie-sophie CHAPUIS-DAZIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C2305

Monsieur [V] [Z], demeurant [Adresse 4]
non comparant, ni représenté


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Cécile THARASSE, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée d’ Arjun JEYARAJAH, Greffier,


DATE DES DÉBATS
Audience publique du 08 février 2024


JUGEMENT
contradictoire, en dernier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 mars 2024 par Cécile THARASSE, Juge assistée d’Arjun JEYARAJAH, Greffier
Décision du 08 mars 2024
PCP JCP requêtes - N° RG 23/08720 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3ICK


EXPOSÉ DU LITIGE

Faits constants

Par acte sous seing privé à effet au 14 décembre 2020, M. [Z] et Mme. [S] ont donné à bail à la SAS Cabinet PBI, exerçant par ailleurs une activité d’administrateur de biens ainsi qu’elle l’a reconnu à l’audience, un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 6] d’une surface de 79,58 m² comportant 5 chambres, 1 WC, 1 cuisine, 1 salle d’eau privative, 1 salle d’eau collective, 1 entrée, 1 salon comportant un canapé deux places, une table basse en verrre, une télévision et une table de salon basse.

La destination contractuelle était : sous-location à usage d’habitation pour une durée de deux ans, moyennant un loyer non communiqué aux débats.

Il est précisé à l’article 15 du bail que les locaux sont destinés à l’usage exclulsif de sous-location en meublé à l’exclusion de location saisonnière type AirBnb.

Par contrat du 21 décembre 2020 M. [O] a pris à bail en colocation à la société PBI une chambre meublée de cet appartement d’une surface approximative de 10 m² moyennant un loyer mensuel de 675 euros charges comprises. Il est précisé que le logement est destiné à l’habitation du colocataire et que celui-ci ne peut y faire sa résidence secondaire. Le bail est consenti pour 12 mois et renouvelable par tacite reconduction. L’ article 14 du contrat prévoit que la SAS Cabinet PBI pourra récupérer la taxe d’ordures ménagères. L’article 15 prévoit que M. [O] remboursera au cabinet PBI les charges récupérables et que la location inclut : l’électricité, internet, le chauffage, l’eau chaude, l’eau froide, le ménage ( 2 heures tous les 15 jours dans les parties communes) et l’assurance.

Par requête reçue au greffe le 8 novembre 2023, M. [O] a sollicité la convocation de la SAS Cabinet PBI aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros.

Il expose que sa demande est fondée sur le fait que le cabinet PBI n’a pas respecté l’encadrement des loyers, que le bailleur principal et le locataire principal, qui exerce une activité d’administrateur de biens, ont utilisé un montage pour exclure le bail des dispositions de la loi du 6 juillet 1989, alors que le logement constituait la résidence principale de l’ensemble des colocataires.

Il indique vouloir faire requalifier son bail et récupérer les trop perçus.

A l’audience du 8 février 2024 M. [O] a remis un récapitulatif de ses demandes et a exposé que la loi du 6 juillet 1989 est d’ordre public, que son bail doit être requalifié en bail d’habitation meublée soumis aux dispositions de cette loi et que le montage contractuel confectionné pour se soustraire aux dispositions de cette loi constitue un abus de droit. Il ajoute que lui ont été facturées des charges sans qu’aucun justificatif ne soit remis.

La SAS Cabinet PBI a, aux termes de conclusions déposées à l’audience, fait valoir que :

- l’action était irrecevable comme portant sur une demande de requalification indéterminée dans son montant,
- qu’elle était mal fondée, le contrat de location étant régi par le droit commun à l’exclusion des dispositions de la loi du 6 juillet 1989, puisque le bail principal est lui-même exclu de la loi du 6 juillet 1989 car consenti à une personne morale,
- que dans ces conditions, le locataire principal ne pouvant accorder plus de droits que ceux dont il dispose lui-même, aucune requalification du sous-bail ne peut prospérer,
- subsidiairement que dans l’hypothèse où le tribunal requalifierait le bail l’action en diminution est irrecevable car tardive et que le préjudice subi ne saurait excèder la somme de 2 600 euros.

Il a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de M. [O] à lui verser 500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code de procédure civile et 1 250 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il demande enfin que l’exécution provisoire de la décision soit arrêtée.

Le tribunal a sollicité la production par la SAS Cabinet PBI du bail principal.

M. [O] a pour sa part adressé en cours de délibéré un argumentaire et un article du Figaro qui n’avaient pas été sollicités par le tribunal et qui seront écartés des débats.



MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu la requête introductive d'instance et les conclusions déposées par chacune des parties à l’audience du 8 février 2024 développées oralement lors des débats ;

Sur la recevabilité de la demande

La SAS Cabinet PBI fait valoir que la demande en paiement de la somme de 5 000 euros repose sur une demande de requalification du bail , laquelle est indéterminée. Elle en déduit que cette demande ne pouvait être introduite par voie de requête mais seulement par la voie d’une assignation délivrée par un commissaire de justice.

Aux termes de l’article 750 du code de procédure civile la demande en justice peut être introduite par requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros en procédure orale ordinaire.

Ainsi que l’a jugé de façon constante la Cour de Cassation, la demande tendant au paiement d’une somme déterminée en principal n’a pas un caractère indéterminé, quel que soit le fondement allégué ( Soc 9 mars 1978, Soc 23 mai 2006 n° 04-42.779 P , civ 2 7 juin 2007 n° 06-12.188 P).

En l’espèce, M. [O] a sollicité le paiement d’une somme de 5 000 euros, au motif que le bail dont il dispose était soumis à l’encadrement des loyers.

Sa demande porte par conséquent sur un montant déterminé, la qualification du bail servant de fondement à la demande n’étant qu’un moyen à l’appui de celle-ci.

La fin de non recevoir sera par conséquent écartée.

Sur la demande en paiement

Aux termes de l’argumentaire remis au tribunal lors de l’audience du 8 février 2024 et dont il apparaît au vu des écritures de la SAS Cabinet PBI qu’il lui a été régulièrement communiqué, M. [O] soutient que la somme versée en contrepartie de l’occupation d’une chambre meublée en colocation, par le biais d’un montage juridique, excède le montant du loyer plafond applicable aux logements destinés à l’habitation principale. Il soutient également que le bail contrevient aux dispositions concernant les charges récupérables telles que déterminées par la loi du 6 juillet 1989. Il estime que ce montage frauduleux a pour seul but d’ échapper aux dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989 auxquelles le bail devrait être soumis.

Il est constant, comme le soutient la SAS Cabinet PBI, que le bail principal conclu entre M.[Z] et Mme. [S] d’une part, et la SAS Cabinet PBI d’autre part n’est pas soumis à la loi du 6 juillet 1989, s’agissant d’un bail consenti à une personne morale.

Il est par conséquent soumis à la liberté contractuelle et aux seules dispositions du code civil.

Il résulte par ailleurs de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 que les dispositions de cette loi, qui sont d’ordre public, s’appliquent aux locations de locaux à usage d’habitation qui constituent la résidence principale du preneur.

En l’espèce, contrairement à ce que soutient la SAS Cabinet PBI, il ne fait aucun doute que la chambre louée constituait la résidence principale de M. [O], le bail du 21 décembre 2020 indiquant expressément que le logement est destiné à l’habitation du colocataire et que celui-ci “ne peut y faire sa résidence secondaire” ( article 2).

S’il est exact que la SAS Cabinet PBI, en tant que locataire principal, ne pouvait conférer à son sous-locataire plus de droits qu’elle n’en disposait elle-même, il en résulte seulement que les dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989 lui interdisaient de sous-louer les locaux à usage de résidence principale et que les sous-locations qu’elle était autorisées à consentir en vertu du bail principal devaient se trouver hors du champ d’application de cette loi.

L’article 1104 du code civil prévoit que les contrats doivent être formés de bonne foi.

Il est patent qu’en consentant à titre d’habitation principale un bail ne prenant en considération ni le plafonnement des loyers, ni les règles impératives de récupération des charges locatives ou de fixation du forfait de charges, sans informer le sous- locataire de la nature exacte de ses droits sur le bien et dans le but manifeste de détourner cette législation d’ordre public, la SAS Cabinet PBI a manqué à son obligation de bonne foi.

Ce manquement au devoir de loyauté dans la formation du contrat a nécessairement causé à M. [O] un préjudice, dans la mesure où n’ont eté respectés ni l’encadrement du loyer applicable dans l’agglomération de [Localité 5] ni les règles impératives concernant les charges récupérables.

Il ressort du décompte établi par M. [O] et joint à la requête, dont les montants ne sont pas contestés par la SAS Cabinet PBI, que le loyer plafond pour la chambre occupée par M. [O] , aurait dû être d’un montant de 420,07 euros.

En l’absence de forfait de charges prévu au bail et de toute régularisation au cours des trois années d’occupation, M. [O] reconnaît devoir, au prorata de l’occupation, une somme mensuelle de 87,43 euros. La SAS Cabinet PBI ne produit pour sa part aucun élément permettant de remettre en cause cette estimation se bornant à évoquer des charges “de l’ordre de 100 euros par mois”.

Ainsi le montant du loyer et des charges récupérables aurait dû être; si la législation avait été respectée, de 420,07 + 87,43 = 507,50 euros.

Il apparaît par conséquent que M. [O] a versé au cours de son occupation une somme de : 675 - 507,50 = 167,50 euros par mois en sus de ce qu’il aurait versé si les dispositions de la loi de 1989 avaient été respectées.

Le préjudice subi, par M. [O] s’élève par conséquent à :
167,50 x 12 mois (année 2021) + 167,50 x 12 mois ( année 2022) + 167,50 x 9 mois ( année 2023) = 2010 + 2010 + 1507,50 = 5 527,50 euros,

Somme qui sera ramenée à 5 000 euros en raison du montant de la demande.

Les dépens sont à la charge de la partie perdante à savoir la SAS Cabinet PBI qui sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts faute pour elle de démontrer la faute délictuelle de M. [O].

L’arrêt de l’exécution provisoire est sans objet, s’agissant d’une décision en dernier ressort.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

Condamne la SAS Cabinet PBI à payer à M. [O] la somme de 5 000 ( cinq mille ) euros à titre de dommages et intérêts,

Déboute la SAS Cabinet PBI de ses demandes reconventionnelles,

Condamne la SAS Cabinet PBI aux dépens,

Fait à PARIS, le 8 mars 2024

le greffierle Président

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