8 février 2024
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n° 23/00270

Chambre sociale

Texte de la décision

AFFAIRE : N° RG N° RG 23/00270 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F4CX

 Code Aff. :





ARRÊT N° AA







ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de Saint Denis de la Réunion en date du 16 Juin 2021, rg n° 20/00750







COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION



CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2024







APPELANT :



Monsieur [M] [N]

[Adresse 4],

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE :



La caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse - CIPAV

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS et Me Patrice SANDRIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION







DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2023 en audience publique, devant Agathe Aliamus, conseillère chargée d'instruire l'affaire, assistée de Monique Lebrun greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.



Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 08 Février 2024;



Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Président : Corinne Jacquemin

Conseiller : Agathe Aliamus

Conseiller : Aurélie Police



Qui en ont délibéré





ARRÊT : mis à disposition des parties le 08 Février 2024





Greffier lors des débats : Mme Monique Lebrun

Greffier lors du prononcé par mise à disposition : Mme Delphine Grondin





* *

*





LA COUR :



EXPOSE DU LITIGE



M. [M] [N] a exercé une activité libérale en qualité d'auto-entrepreneur et a été affilié à ce titre à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à compter du 1er janvier 2011.



Un relevé de situation individuelle portant sur ses droits à la retraite a été édité le 25 mai 2020 via le site internet GIP info retraite.



M. [N] ayant contesté ce relevé incomplet en saisissant la commission de recours amiable le 08 juin 2020, une réponse lui a été apportée par la CIPAV par courrier du 21 juillet 2020 lui transmettant l'état actualisé de ses droits.



Conformément aux voies et délais de recours indiqués, M. [N] a à nouveau saisi la commission de recours amiable le 04 septembre 2020 puis le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion le 12 novembre suivant sur décision implicite de rejet.



Par jugement du 16 juin 2021, le tribunal a déclaré M. [N] irrecevable en son recours, l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts et l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [N] a interjeté appel par déclaration du 07 juillet 2021.



Ce recours enregistré sous le numéro de rôle 21 / 1216 a fait l'objet d'une ordonnance de radiation le 05 avril 2022 puis d'une réinscription à la demande de l'appelant le 27 février 2023 sous le numéro de rôle 23 / 00270.



Vu les conclusions transmises par voie électronique le 20 avril 2023, visées et soutenues oralement à l'audience du 28 novembre suivant, aux termes desquelles M. [M] [N] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 juin 2021 et statuant à nouveau, de :


le déclarer recevable en son recours,

condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis sur la période 2011-2019 selon le détail suivant :


- 40 points en 2011,

- 40 points en 2012,

- 36 points en 2013,

- 36 points en 2014,

- 72 points en 2015,

- 72 points en 2016,

- 72 points en 2017,

- 36 points en 2018,

- 72 points en 2019,

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis sur la période 2011-2019 selon le détail suivant :


294,1 points en 2011,

435 points en 2012,

302,8 points en 2013,

315,3 points en 2014,

394,6 points en 2015,

414,3 points en 2016,

387,5 points en 2017,

340,1 points en 2018,

373,3 points en 2019,


- condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- en cas de décision d'irrecevabilité sur les exercices 2014-2019, condamner la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3.000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation légale d'information de la caisse soit 18.000 euros pour les années 2014 à 2019,

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Vu les conclusions réceptionnées au greffe le 02 mai 2023, visées et soutenues oralement à l'audience du 28 novembre suivant, aux termes desquelles la CIPAV demande, pour sa part, à la cour de confirmer le jugement du 16 juin 2021 et de :

A titre principal, déclarer irrecevable le recours formé par M. [N],

Subsidiairement,

- juger du bon calcul des points de retraite de base et complémentaire,

- attribuer à M. [N] les points de retraite de base suivants :

- 194,1 points en 2011,

- 287,1 points en 2012,

- 199,9 points en 2013,

- 208,1 points en 2014,

- 260,4 points en 2015,

- 288 points en 2016,

- 264,5 points en 2017,

- 227 points en 2018,

- 249,3 points en 2019,


lui attribuer les points de retraite complémentaire suivants :


- 10 points en 2011,

- 10 points en 2012,

- 9 points en 2013,

- 18 points en 2014,

- 27 points en 2015,

- 41 points en 2016,

- 36 points en 2017,

- 31 points en 2018,

- 33 points en 2019,


débouter M. [M] [N] de ses demandes,

le condamner à payer à la CIPAV la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.




A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 février 2024.



Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements ci-dessous.




SUR CE

Sur la recevabilité du recours



L'appelant sollicite l'infirmation du jugement contesté en faisant valoir que la recevabilité d'une contestation du relevé de situation individuelle antérieurement à la liquidation des droits est conforme à la jurisprudence dès lors qu'un tel document participe à une comptabilisation des droits à la retraite et est susceptible de lui faire grief. Il ajoute que la CIPAV est tenue de mettre à jour le relevé de situation individuelle de ses adhérents de sorte que le relevé partiellement renseigné constitue une décision pouvant être contestée devant la commission de recours amiable puis le tribunal. Il soutient, à cet égard, avoir intérêt à agir sur la comptabilisation de ses droits sur toute période au titre de laquelle le forfait social a été réglé



Pour sa part, la CIPAV sollicite la confirmation en considérant que le relevé de situation individuelle ne constitue pas une décision de la caisse mais un document indicatif et provisoire dont elle n'est pas l'auteur. Elle soutient qu'une demande préalable devait être formée auprès de l'organisme avant de saisir la commission de recours amiable.



Selon les dispositions combinées de l'article L. 161-17, R.161-11 et D.161-2-1-4 du même code, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension. Il en résulte que l'assuré est recevable, s'il l'estime erroné, à contester devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale le report des durées d'affiliation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé.



En l'espèce, M. [N] a initialement obtenu via le site dédié sur internet un relevé de situation individuelle édité le 25 mai 2020 faisant apparaître les droits constitués pour les années 2011 à 2013 au titre de son activité libérale de consultant précisant le nombre de trimestres et de points pour le régime de base et le nombre de points pour la retraite complémentaire.



Considérant ce document erroné et incomplet, l'appelant a saisi la commission de recours amiable le 08 juin 2020 (sa pièce n° 1-4) en faisant valoir que le nombre de points de retraite complémentaire qui lui était attribué était sous-estimé de 2011 à 2013 et que ses droits avaient été omis pour 2010 et à compter de 2014. Il détaille en outre les points qu'il considère acquis au titre de la retraite de base.



Le relevé critiqué participant à la détermination de ses droits et étant, en conséquence, susceptible de lui faire grief, M. [N] était recevable à saisir la commission de recours amiable en ce compris pour les années manquantes dès lors qu'il ne s'agissait pas d'un relevé non renseigné mentionnant que les données sont non disponibles ou absentes mais d'un relevé incomplet pour lequel les indications données sont pour certaines contestées et pour d'autres omises, la CIPAV elle-même ayant d'ailleurs ensuite tiré toutes les conséquences d'une telle absence de mention des droits.



Il importe en effet de relever que la CIPAV a répondu à la contestation du 08 juin 2020, par un courrier en date du 21 juillet 2020 mentionnant en objet « actualisation des droits » et aux termes duquel en substance, la caisse admet des « anomalies relatives aux droits renseignés sur le dossier » et indique y avoir remédié en actualisant les droits dans des proportions qu'elle détaille ensuite au titre de la retraite complémentaire comme de la retraite de base, de 2011 à 2020.



A la fin de ce courrier de réponse, figure l'indication de la possibilité pour le cotisant de saisir la commission de recours amiable dans le délai de deux mois, ce que M. [N] va faire à nouveau en date du 04 septembre 2020 (sa pièce n° 1-5).



Par courrier du 15 septembre 2020, la commission de recours amiable a déclaré ce recours irrecevable pour défaut de motivation, ce qui au vu de la saisine du 04 septembre 2020 qui reprend les demandes et l'argumentation détaillée de l'appelant, est non fondé.



Par aileurs, le tribunal a ensuite été saisi le 12 novembre 2020 soit dans le délai imparti de 2 mois prévus par l'article R142-1-A III du code de sécurité sociale de sorte que le recours initié en temps utile est recevable.







Au vu de ces éléments, le jugement entrepris qui déclare M. [N] irrecevable faute de réclamation préalable auprès de la caisse doit être infirmé tant au regard de la portée reconnue au relevé de situation individuelle qu'au vu de la réponse apportée par la CIPAV le 21 juillet 2020 ouvrant expressément une voie de recours.



Dans ces conditions, M. [N] doit être déclaré recevable.



Sur la rectification du nombre de points attribués


Sur la détermination de l'assiette de calcul des droits à la retraite




L'appelant fait valoir le régime des auto-entrepreneurs voulu incitatif et tel qu'il résulte de l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale est dérogatoire en ce qu'il prévoit une assiette de cotisations spécifique constituée du chiffre d'affaires et non du revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu au sens de l'article L.131-6 du code de la sécurité sociale applicable aux professionnels libéraux classiques. Il explique que l'article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale tend à garantir aux auto-entrepreneurs l'acquisition de droits identiques à ceux des autres libéraux par référence à un niveau de contribution réputé équivalent en dépit d'une assiette de revenus différente.



Pour sa part, la CIPAV expose la spécificité du statut des auto-entrepreneurs caractérisé par l'application d'un taux unique de cotisations, le forfait social, ainsi que le principe de proportionnalité des droits acquis aux cotisations versées.



La caisse soutient que, pour la période antérieure à 2016, l'assiette des revenus à retenir dans le calcul des points de retraite correspond au bénéfice non commercial (BNC). Elle explique, à cet égard, que l'auto-entrepreneur déclarant un chiffre d'affaires dont les charges n'ont pas été déduites, il convient pour obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun de calculer les cotisations sur le chiffre d'affaires après abattement de 34 % correspondant au BNC ou encore au bénéfice imposable conformément aux articles L133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts. Elle considère que l'appelant commet une erreur en calculant les points de retraite de base et complémentaire sur son chiffre d'affaires pour la période antérieure à 2016.



Il résulte des dispositions dérogatoires de l'article L.133-6-8 (devenu L.613-7) du code de la sécurité sociale dans ses versions successives que les cotisations et contributions de sécurité sociale dont sont redevables les auto-entrepreneurs, sont calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisées le mois ou le trimestre précédent, un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d'activité, et ce de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas de ce régime dérogatoire.



Les cotisations et contributions sociales des auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, calculées et recouvrées par l'ACOSS avant d'être reversées à la CIPAV, sont ainsi calculées à partir d'un taux de cotisation spécifique et global pour l'ensemble des garanties y compris la retraite complémentaire et la retraite de base, appliqué directement sur le chiffre d'affaires encaissé sans référence à la notion de bénéfice ou de déduction pour charges, de sorte que l'application sur l'assiette de calcul des droits d'un abattement comme le fait la CIPAV n'est pas fondé.










Sur les points de retraite complémentaire




L'appelant soutient, à l'instar de la jurisprudence dont il fait état, que l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV de sorte que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, elle-même déterminée en fonction de son revenu d'activité c'est-à-dire du chiffre d'affaires constituant l'assiette dérogatoire spécifique au forfait social, et ce sans incidence des règles de compensation éventuellement prévues entre l'Etat et la caisse. Il soutient, en outre, que l'application de la règle de proportionnalité invoquée par la CIPAV ne repose sur aucun fondement ni aucune jurisprudence avérée et est incompatible avec le décret précité qui prévoit un octroi forfaitaire de points. Il affirme que de nombreuses juridictions ont censuré la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite d'un montant inférieur à ceux attribués en classe A anciennement classe 1.



En réponse, la CIPAV rappelle que le calcul des points de retraite complémentaire repose, à la fois, sur le décret n° 79-262 du 21 mars 2019 instituant un régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire prévoyant huit classes correspondant à un montant de cotisations et entrainant l'attribution d'un nombre de points, et sur ses statuts. Elle relève que les auto-entrepreneurs soumis à un seuil de chiffre d'affaires ne peuvent pas prétendre à 40 points sur la période de 2009 à 2012 ni à 36 points au-delà de 2013 comme le revendique l'intimée dès lors que cela correspond à un revenu supérieur. Elle maintient que les points de retraite complémentaire doivent être calculés en se fondant sur le BNC déclaré et distingue entre la période de 2009 à 2015 pendant laquelle, à la faveur d'une compensation assurée par l'Etat, les affiliés auto-entrepreneurs ont bénéficié de droits correspondant à une cotisation au moins égale à la plus faible non nulle dont ils auraient bénéficié au titre du régime classique, et la période postérieure à la suppression de cette compensation à compter du 1er janvier 2016 pour laquelle la caisse entend faire application du principe de proportionnalité repris à l'article 3-12 bis de ses statuts et considère que, pour les auto-entrepreneurs, le nombre de points attribués au titre de la retraite complémentaire doit être proportionnel aux cotisations effectivement réglées. Elle fait valoir, à cet égard, que les prétentions de l'appelant qui tendent à se voir attribuer des points à une valeur d'achat inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la caisse, entraineraient une rupture d'égalité vis-à-vis des adhérents ne relevant pas du régime de l'auto-entreprise. Elle ajoute que ces modalités de calcul sont validées par le ministère de l'économie et des finances et le ministre des affaires sociales et de la santé et qu'en définitive, la détermination des points acquis par l'appelant résulte uniquement de l'application des dispositions applicables au régime de l'auto-entrepreneur auquel elle a choisi d'adhérer.



Il résulte de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire géré par la CIPAV comporte huit classes de cotisation forfaitaire (six antérieurement au décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012) auxquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite qui procède donc directement de la classe de cotisation de l'intéressé déterminée en fonction de son revenu d'activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de cet organisme.



Le respect du principe de proportionnalité dont se prévaut la CIPAV entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis découle, en conséquence, de ces dispositions par l'attribution d'un nombre de points de retraite directement issu de la classe de cotisation de l'intéressé déterminée en fonction de son revenu d'activité.



Il est de jurisprudence désormais établie que l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV et qu'en application de ces dispositions, ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité (2e Civ. 23 janvier 2020 n° 18-15.542).



L'arrêt précité ajoute que si le montant des pensions de retraite est proportionnel aux cotisations versées, il n'existe pour autant aucun lien direct et impératif entre l'absence de compensation appropriée par l'Etat des ressources de la CIPAV et le montant des prestations que celle-ci sert à ses affiliés.



Il est, en outre, confirmé que les dispositions des articles 3.12 ou 3.12 bis des statuts de la CIPAV ne sont pas applicables en la matière à l'assuré.



En conséquence, s'agissant de la fixation du nombre des points de retraite, la CIPAV ne peut ni se fonder sur ses statuts ni opposer les règles de compensation issues de l'article R.133-30-10 du code de la sécurité sociale qui ne concernaient que ses rapports avec l'Etat, peu important que cette compensation ait été partielle et finalement abrogée.



Il convient, en conséquence, en l'absence de toute contestation sur le règlement effectif des cotisations, de tenir compte du chiffre d'affaires annuel déclaré par l'appelant pour déterminer la classe dont il relève et par suite le nombre de points de retraite complémentaire devant lui être attribués.



Le chiffre d'affaires repris pour chaque année dans les écritures de la caisse est conforme aux montants indiqués dans le tableau de comptabilisation produit par l'appelant (sa pièce n° 1-6) à savoir :




19.637 euros en 2011,

29.885 euros en 2012,

21.180 euros en 2013,

22.360 euros en 2014,

28.320 euros en 2015,

30.185 euros en 2016,

28.680 euros en 2017,

25.495 euros en 2018,

28.541 euros en 2019,




de sorte qu'il convient, au vu des seuils de revenus annuels applicables pour chaque classe, d'ordonner la rectification par la CIPAV des points de retraite complémentaire attribués à M. [N] 40 points (classe 1) pour 2011 et 2012, 36 points (classe A) pour 2013, 2014 et 2018 et 72 points (classe B) pour 2015 à 2017 et 2019.




Sur les points de retraite de base




Les parties s'accordent comme ci-dessus indiqué sur le montant du chiffre d'affaires déclaré chaque année par l'appelant tandis que les seuils de revenus et la valeur de points des tranches 1 et 2 tels que mentionnée dans le tableau de comptabilisation des droits ( pièce n° 1-6 de l'appelant) ne sont pas contestés par la CIPAV, le litige portant comme ci-dessus exposé sur la détermination de l'assiette de calcul.



Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de rectification des droits à la retraite de base dans les proportions sollicitées.



Au vu de ce qui précède, il convient également de condamner la CIPAV à transmettre à M. [N] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu cependant d'assortir cette condamnation d'une astreinte.









Sur l'indemnisation sollicitée en réparation d'un préjudice moral



L'appelant invoque son incompréhension et sa « légitime exaspération » face à la position dénuée de fondement que la CIPAV persiste à maintenir en dépit de la jurisprudence et au mépris de sa mission de service public.



De son côté, rappelant précisément cette mission, l'intimée considère avoir fait une juste application des textes et soutient qu'une divergence d'interprétation ne peut caractériser une faute susceptible d'engager sa responsabilité.



Il résulte de l'application combinée des articles 1240 du code civil et 9 du code de procédure civile qu'il incombe à celui qui demande réparation de rapporter la preuve d'un préjudice, d'une faute commise par la personne à laquelle il l'impute et d'un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.



En l'espèce, M. [N] ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral distinct non réparé par les causes de la présente décision.



Il convient, en conséquence, de le débouter de sa demande.



Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile



Le jugement sera infirmé concernant les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.



Il convient de condamner la CIPAV aux dépens de première instance et d'appel, de la débouter de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à ce titre au paiement de la somme de 2.500 euros à hauteur d'appel.



PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,



Infirme le jugement rendu le 16 juin 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau,



Déclare M. [M] [N] recevable en son recours,



Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à rectifier les points de retraite complémentaire acquis sur la période 2011-2019 par M. [M] [N] comme suit :


40 points en 2011,

40 points en 2012,

36 points en 2013,

36 points en 2014,

72 points en 2015,

72 points en 2016,

72 points en 2017,

36 points en 2018,

72 points en 2019,




Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à rectifier les points de retraite de base acquis sur la période 2011-2019 par M. [M] [N] comme suit :


294,1 points en 2011,

435 points en 2012,

302,8 points en 2013,

315,3 points en 2014,

394,6 points en 2015,

414,3 points en 2016,

387,5 points en 2017,

340,1 points en 2018,

373,3 points en 2019,




Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à transmettre à M. [M] [N] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision sans qu'il y ait lieu à astreinte,



Déboute M. [M] [N] de sa demande de réparation pour préjudice moral,



Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse aux dépens de première instance et d'appel,



Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à M. [M] [N] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Le présent arrêt a été signé par Madame Corinne Jacquemin, présidente de chambre, et par Mme Delphine Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La greffière La présidente

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