6 mars 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG n° 20/09422

6ème CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 06 Mars 2024
63A

RG n° N° RG 20/09422

Minute n°




AFFAIRE :

[W] [U]
C/
CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE, Mutuelle UNEO, [K] [Z], S.A. MAAF ASSURANCES





Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELAS CABINET LEXIA
Me Marie-josé DEL REY




COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats, du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,
Madame Clémence CARON, vice-président placée, magistrat rédacteur,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 10 Janvier 2024,

JUGEMENT:

Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe


DEMANDEUR

Monsieur [W] [U]
né le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 5]

représenté par Me Marie-josé DEL REY, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEURS

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE
[Adresse 3]
[Localité 8]

défaillante



Mutuelle UNEO prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 9]

défaillante


Monsieur [K] [Z]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Benjamin LAJUNCOMME de la SELAS CABINET LEXIA, avocats au barreau de BORDEAUX


S.A. MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 10]
[Localité 7]

représentée par Maître Benjamin LAJUNCOMME de la SELAS CABINET LEXIA, avocats au barreau de BORDEAUX























EXPOSE DU LITIGE

Le 18 décembre 2013, Monsieur [W] [U] a consulté le docteur [K] [Z], chirurgien-dentiste, pour réaliser un contrôle dentaire.

En janvier 2014, le docteur [Z] a signalé à Monsieur [W] [U] l'existence d’une importante carie située sur la dent n°46 (1ère molaire inférieure droite).

Le 16 mai 2014, Monsieur [W] [U] s’est présenté en urgence au cabinet du docteur [Z] pour traiter une pulpite de la dent 46 décrite comme très délabrée.

Malgré l’anesthésie tronculaire, le docteur [K] [Z] a été contraint d'employer un sédatif, sans que le traitement approprié n’ait finalement pu être administré. Des pansements ont été posés sur la dent 46, pansements qui seront ensuite changés les 2 mai et 2 juin 2014.

La dent 46 a été finalement dévitalisée le 19 décembre 2014.
L’intervention a été compliquée par la fracture d'un Protaper, foret rotatif utilisé pour le traitement des canaux radiculaires. La rupture de cet instrument canulaire a empêché d’obturer l'apex (zone de la dent qui termine la racine). Le docteur [K] [Z] a alors décidé d'écourter la séance de traitement en raison de ce bris de matériel.

Le 9 mars 2015, le docteur [K] [Z] est de nouveau consulté par Monsieur [W] [U] pour remplacer le pansement provisoire posé sur la dent 46. Le docteur [K] [Z] remplace alors le pansement par une obturation coronaire temporaire composite en attendant de pouvoir finaliser le traitement de la dent 46.

Monsieur [W] [U] ne consulte plus le docteur [K] [Z].

Le 10 novembre 2015, Monsieur [W] [U] commence à se plaindre d’une douleur soutenue au niveau de la dent 46.

Le 12 novembre 2015, il consulte un nouveau chirurgien-dentiste à [Localité 11], le docteur [M], car Monsieur [U] vient de s’installer à proximité de [Localité 11] sur la commune de [Localité 5].

A cette occasion, un morceau du foret de marque « Protaper » brisé dans la racine mésiale de la dent 46 est retrouvé et une importante infection de cette dent est constatée.

Le 12 décembre 2015, Monsieur [W] [U] se présente aux urgences dentaires de l’hôpital [16] pour de violentes douleurs.

Le 14 décembre 2015, Monsieur [W] [U] consulte son médecin traitant, le docteur [R], qui décide de le mettre en arrêt de travail du fait de son épuisement et de ses violentes douleurs.

Le 17 décembre 2015, Monsieur [W] [U] se présente aux urgences dentaires de l’hôpita1 [14] à nouveau pour de violentes douleurs.




Le 21 décembre 2015, l’arrêt de travail de Monsieur [W] [U] est prolongé. Il ne pourra reprendre son activité professionnelle que le 18 janvier 2016.

Le 7 février 2016, le docteur [H] obture finalement 1e canal mésio-vestibulaire de la dent 46 et son traitement canalaire est terminé le 16 février 2016.

Par acte en date du 18 novembre 2020, Monsieur [W] [U] a fait assigner Monsieur [K] [Z], la SA MAAF ASSURANCES, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale prise en la personne de son directeur en exercice et la Mutuelle UNEO prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège, devant le Tribunal judiciaire de BORDEAUX sur le fondement des dispositions de l’article L1142-1 du Code de la Santé Publique afin de voir déclarer Monsieur [K] [Z] responsable de ses préjudices et d’obtenir la condamnation solidaire de [K] [Z] et de son assureur professionnel, la MAAF Assurances, au paiement des sommes suivantes :
- Au titre des préjudices patrimoniaux :
547 euros au titre des dépenses de santé ;6600 euros au titre de la perte de gains professionnels ; Au titre des préjudices extrapatrimoniaux :
3015 euros au titre du dé cit fonctionnel temporaire total et partiel ;8000 euros au titre des souffrances endurées ;5000 euros au titre du préjudice d’agrément ;- leur condamnation solidaire à lui verser les intérêts aux taux légal sur la somme précédemment dé nie à compter du 18 octobre 2018, date de la mise en demeure de réparer le préjudice subi, et à capitaliser ces intérêts ;
- dire que la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale prendra telles conclusions qu’il plaira ;
- dire que la Mutuelle UNEO prendra telles conclusions qu’i1 lui plaira ;
- condamner solidairement le docteur [K] [Z] et son assureur professionnel, MAAF Assurances, au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner solidairement le docteur [K] [Z] et son assureur professionnel, MAAF Assurances, au paiement des entiers dépens.

Monsieur [W] [U] reproche au docteur [K] [Z] un défaut d'information s’agissant du bris de foret survenu lors de la séance de traitement du 19 décembre 2014. Il considère que ce bris de matériel est à l'origine de l’infection récurrente de sa dent 46 et il reproche au docteur [Z] de ne pas avoir obturé tous les canaux de sa molaire, ce qui aurait contribué au phénomène d’infection de sa dent.

Par conclusions d’incident en date du 04 février 2022, Monsieur [K] [Z] et la SA MAAF ASSURANCES ont sollicité la désignation d’un expert judiciaire afin d’examiner Monsieur [W] [U] et de déterminer si le préjudice qu’il invoque existe, de déterminer l’existence d’une faute éventuelle du docteur [Z] en lien avec le préjudice évoqué par Monsieur [U], et le cas échéant, évaluer ledit préjudice.

Par ordonnance en date du 25 mai 2022, le Juge de la mise en état a ordonné une mesure d’expertise et commis le docteur [X] épouse [I] en qualité d’expert.

L’expert a déposé son rapport le 29 décembre 2022 et conclut de la manière suivante :

- Sur le caractère justifié ou non du traitement proposé et prodigué par le docteur [Z] :

« Le 19 décembre 2014, un soin de dévitalisation de la dent n°46 a été réalisé par le docteur [Z], ce traitement était justifié par les éléments diagnostics concordants ».

- Sur l’aléa thérapeutique constitué par le bris d'un instrument :

« Lors de ce traitement, un instrument canalaire est fracturé dans un canal dentaire, il s’agit d'un aléa thérapeutique».

- Sur l’information donnée au patient de l’existence d'un bris d'instrument :

Bien que le docteur [Z] a toujours maintenu avoir informé son patient qui n’est jamais revenu le consulter par la suite, l’expert estime que cette information n’a pas été donnée.
« ll s’agit d'une faute de défaut d’information dont les conséquences ne sont pas évaluables».

- Sur la prétendue insuffisance de traitement

L’expert estime que « durant ce traitement, les recommandations de l’HAS ( 2008) n’ont pas été suivies : Pose de champ opératoire, radiographie pré, per et postopératoire ou l'usage d'un localisateur d’apex. Ces recommandations sont de grade C (faible niveau de preuve scientifique) mais font néanmoins 1'objet d'un consensus chez l’ensemble des praticiens. Le docteur [Z] a traité deux des trois canaux majoritairement présents au niveau de cette molaire. A partir du 12 novembre 2015 et jusqu'au 8 janvier 2016, des douleurs intenses au niveau de la dent 46 vont entraîner plusieurs consultations d’urgence, la prise médicamenteuse prolongée d'antalgiques de niveau l, ll et Ill et d'antibiotiques ainsi que la nécessité d'un arrêt de travail documenté de 3 semaines. Ces douleurs étaient occasionnées par la présence d'un canal dentaire non traité dont la responsabilité incombe au docteur [Z] en l’absence d'examen radiographique lors du traitement. Durant cette période, du 12 au 14 décembre 2015, la dent n°15 sera également soignée en urgence pour une pulpite associée aux douleurs de la dent 46 ».

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2023, Monsieur [W] [U] modifie sa demande formée au titre de la perte de gains professionnels en sollicitant désormais les sommes suivantes :
22931 euros (incluant les 6 600 euros précédents) au titre de la perte de gains professionnels ;2000 euros au titre des dépenses de Santé Futures ;Il maintient le surplus de ses demandes et sollicitant :
A titre subsidiaire uniquement au titre du DFT :
472,50 euros selon les conclusions provisoires de l’expert judiciaire ;A titre infiniment subsidiaire uniquement en ce qui concerne le DFT :
283,50 euros, selon les conclusions dé nitives de l’expert judiciaire.




Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 24 octobre 2023, Monsieur [K] [Z] et la SA MAAF ASSURANCES concluent à titre principal au rejet de l’ensemble des demandes formées à leur encontre. A titre reconventionnel, ils sollicitent la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, ils prétendent que Monsieur [U] a commis une faute qui a fortement contribué à la survenance de son dommage et est de nature à limiter son droit à indemnisation à hauteur de 50 % et concluent à l’allocation de la somme de 131,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel et à la somme de 3 000 euros au titre des souffrances endurées.

Ils font valoir que le docteur [K] [Z] n’a commis aucune faute en lien avec le dommage évoqué par Monsieur [U] et que le bris d’un instrument et l’information donnée au patient constituent un aléa thérapeutique. A titre subsidiaire, ils invoquent la faute de la victime pour solliciter une réduction de son droit à indemnisation à hauteur de 50 %.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture ayant été rendue le 21 novembre 2023, l’affaire a été rappelée à l’audience du 10 janvier 2024 et mise en délibéré au 06 mars 2024, par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.



MOTIFS DE LA DECISION
I – Sur la responsabilité du docteur [Z]

En droit, aux termes de l’article L.1142-1 du Code de santé publique, « la responsabilité d’un professionnel de santé peut être engagée lorsque celui-ci commet une faute à l’égard de son patient, dans 1’exercice de ses fonctions ».

En l’espèce, il convient de vérifier si le docteur [Z] a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité lors du traitement de la dent n°46 de Monsieur [U].

Tout d’abord, il convient de constater que, comme le rappelle l’expert judiciaire, le docteur [Z] a commis une faute de défaut d’information en n’informant pas son patient, Monsieur [U], de la fracture d’un instrument canalaire dans un des canaux de la dent n°46 lors de la réalisation du soin de dévitalisation réalisé le 19 décembre 2014. L’expert judiciaire, seul à avoir réalisé une mesure d’expertise contradictoire, à l’inverse des précédentes expertises diligentées unilatéralement, note d’ailleurs que la seule fracture d’un instrument dans la racine de la dent pouvait être considérée comme un aléa thérapeutique. La faute commise par le docteur [Z] est ainsi caractérisée par le défaut précis d’information du patient sur le bris de l’instrument canalaire dans sa dent n°46 lors des soins dentaires réalisés. Or, cette faute a directement causé un préjudice à Monsieur [U] car l’expert indique qu’une infection est apparue au niveau du canal dentaire où se situe le bris instrumental.
Au vu de ces éléments, cette première faute tirée du défaut d’information par le docteur [Z] de Monsieur [U] s’agissant de la fracture d’un instrument canalaire dans un des canaux de sa dent n°46 lors de la réalisation du soin de dévitalisation réalisé le 19 décembre 2014 est de nature à engager à responsabilité professionnelle du docteur [Z].

Ensuite, il convient également de relever que le docteur [Z] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle en ne traitant pas l’un des canaux dentaires de la dent n°46 de Monsieur [U]. L’expert souligne, en effet, que le docteur [Z] n’a pas suivi les recommandations de la Haute Autorité de Santé (2008) lors des soins prodigués, notamment en ne faisant pas réaliser d’examen radiographique lors du traitement. L’expert note de surcroît que le docteur [Z] n’a pas posé de champ opératoire ; qu’il n’a réalisé aucune radiographie pré, per et post-opératoire ; qu’il n’a pas fait usage d’un localisateur d’apex. L’expert souligne que cette faute a directement occasionné les vives douleurs ressenties par Monsieur [U] au niveau de la dent 46, la prise médicamenteuse prolongée d’antalgiques de niveau I , II et III et d’antibiotiques ainsi que la nécessité d’un arrêt de travail de 3 semaines.
Au vu de ces éléments, cette seconde faute tirée de l’absence de traitement par le docteur [Z] d’un des canaux dentaires de la dent n°46 de Monsieur [U], est de nature à engager à responsabilité professionnelle du docteur [Z].

Enfin, il convient, en l’espèce, de constater que les défendeurs ne rapportent pas la preuve d’une faute de nature à réduire son droit à indemnisation commise par Monsieur [U]. Ce dernier justifie, en effet, de six consultations auprès du docteur [Z] entre janvier 2014 et le 09 mars 2015. A l’inverse, le docteur [Z] au vu des circonstances, n’a pas informé son patient de la nécessité de poursuivre les soins d’une part en traitant le 3ème canal de la dent 46 ou d’autre part en faisant retirer le bris d’instrument présent dans la racine de la dent, et ne lui a pas fixé rapidement un nouveau rendez-vous.
Ainsi, aucune faute ne peut en l’espèce être retenue à l’encontre de Monsieur [U] de nature à diminuer son droit à indemnisation.

Dans ces conditions, la responsabilité de Monsieur [K] [Z] est caractérisée et il sera solidairement condamné avec son assureur, la SA MAAF ASSURANCES, à indemniser la victime.

II - Sur l’indemnisation des préjudices de Monsieur [W] [U]

Compte tenu du rapport d’expertise définitif du docteur [I] [X], en date du 29 décembre 2022, le Tribunal est suffisamment informé pour fixer son préjudice ainsi qu'il suit :

A. Sur les préjudices patrimoniaux

1. Les dépenses de santé actuelles

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime. 

En premier lieu, il convient de relever que la Caisse nationale militaire de sécurité sociale a fait valoir que sa créance définitive au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d’appareillage et de transport, s’élève à la somme de 491,94 euros.

En second lieu, la Mutuelle UNEO a fait valoir, quant à elle, une créance définitive de 489,37 euros.

En l’espèce, Monsieur [U] sollicite que ce poste soit fixé à son profit à hauteur de la somme de 547 euros correspondant selon lui à trois factures jointes aux débats dont les frais n’ont pas été pris en charge par la sécurité sociale.

En droit, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 1353 du code civil, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

En l’espèce, il convient de constater que Monsieur [U] ne justifie pas des sommes qui lui ont été versées par la Mutuelle UNEO.

Dans ces conditions, ce poste de préjudice sera fixé à la somme globale de 547 euros, dont une somme de 57,63 euros reviendra à la victime compte tenu des sommes déjà versées par la Mutuelle UNEO.

2. La perte de gains professionnels

La perte de gains professionnels actuels concerne le préjudice économique de la victime imputable au fait dommageable, pendant la durée de son incapacité temporaire.

Monsieur [U] sollicite à ce titre la somme de 22931 euros, décomposée comme suit :
- 6 600 euros au titre des traitements non-perçus ;
- 16 331,04 euros au titre des primes non perçues entre 2016 et 2024.

S’agissant de la somme de 6 600 euros sollicitée au titre des traitements non-perçus, Monsieur [W] [U] fait valoir que ses absences répétées en raison de ses problèmes dentaires ainsi que l’absence d’entraînement sportif de haut niveau indispensable à ses fonctions, a entraîné la perte de la confiance de ses supérieurs et par conséquent sa mutation au Groupe d’intervention Régional situé à [Localité 12]. Il prétend qu’il a ainsi subi une perte de salaire de 120 euros mensuels depuis le mois de janvier 2016.

En droit, il convient de rappeler que pour obtenir la réparation de son préjudice, le demandeur doit caractériser l’existence d’une faute, la réalité de son préjudice et un lien de causalité entre les deux.
En l’espèce, il convient cependant de constater, d’une part, que Monsieur [W] [U] ne justifie d’une affectation au sein du Groupe d’intervention Régional situé à [Localité 12] (GIRP) qu’à compter du 1er décembre 2016 alors que sa dent 46 avait été totalement soignée le 16 février 2016. Dans ces conditions, il ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre ses problèmes dentaires et sa mutation.
D’autre part, il convient de souligner que l’expert judiciaire précise dans son rapport que « le préjudice subi par la victime n’engendre pas une perte de revenus ».

Au vu de ces éléments, faute de caractériser l’existence d’un lien de causalité entre la faute du docteur [Z] et le préjudice invoqué, la demande formée par Monsieur [U] au titre des traitements non-perçus à hauteur de 6 600 euros sera rejetée.





S’agissant de la somme de 16 331,04 euros sollicitée au titre des primes non perçues entre 2016 et 2024, Monsieur [W] [U] fait valoir que le sinistre a généré pour lui la perte du bénéfice de la prime DQS (Diplôme de Qualification supérieure) entre les années 2016, date à laquelle il aurait pu la percevoir pour la première fois à la suite d’une montée en grade, et 2024, année lors de laquelle il percevra sa prime pour la première fois.

En l’espèce, il convient cependant de constater que Monsieur [W] [U] ne verse au soutien de sa demande que sa fiche individuelle de renseignement. Aucune précision n’est apportée sur les conditions de passage de grade dans le corps de la gendarmerie nationale.

Dans ces conditions, faute de caractériser la réalité de son préjudice, la demande indemnitaire formée par Monsieur [U] au titre des primes non perçues à hauteur de 16331,04 euros sera rejetée.

3. Les dépenses de santé futures

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime après la date de la consolidation.

Monsieur [U] sollicite la somme de 2000 euros au titre des dépenses de santé future correspondant au coût moyen de l’extraction de la dent et de son remplacement par un implant dentaire.

En l’espèce, il convient cependant de constater que l’expert judiciaire indique l’hypothèse d’une probable résection apicale tout en précisant que la pose d’un implant dentaire sera nécessaire si ce premier traitement n’est pas réalisable.

Le montant du poste de préjudice correspondant aux dépenses de santé futures n’est donc pas certain.

Par conséquent, la demande indemnitaire formée à ce titre sera réservé, à charge pour M. [U] sa saisir à nouveau le tribunal le cas échéant.

B. Sur les préjudices extrapatrimoniaux

1. Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’aspect non économique de l’incapacité temporaire, c’est-à-dire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu’à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Monsieur [U] sollicite la somme de 3015 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire tant partiel que total. Il fait valoir que l’expert judiciaire avait fixé une période plus longue de déficit fonctionnel temporaire de classe III dans le cadre des conclusions provisoires de son rapport, soit une période de 35 jours. Il prétend également avoir subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 % sur la période du 19 janvier 2016 au 26 février 2018, date de la consolidation.

En l’espèce, il convient cependant de constater que dans son rapport d’expertise, l’expert relève l’existence d’une incapacité temporaire de travail documentée sur une durée de trois semaines d’arrêt de travail soit du 14 décembre au 28 décembre 2015 et du 04 janvier au 11 janvier 2016, soit sur une période de 21 jours. L’expert, contrairement à ce qui est énoncé par Monsieur [U], considère être en mesure d’attribuer un déficit fonctionnel temporaire de classe III à hauteur de 50 % de la gêne totale sur toute le période de ces 21 jours et non plus de 35 jours. Il attribue par conséquent un déficit fonctionnel temporaire partiel sur l’ensemble de la période de déficit fonctionnel temporaire. Dans ces conditions, Monsieur [U] ne peut valablement prétendre que l’expert ne s’est pas prononcé sur le caractère total ou partiel du déficit fonctionnel temporaire.
Il convient de noter que l’expert note au titre de ce chef de préjudice, l’impossibilité pour Monsieur [U] pendant la période du 14 décembre au 28 décembre 2015 puis du 04 au 11 janvier 2016, d’exercer ses activités sportives et d’agrément et la forte altération de son agrément et de sa qualité de vie quotidienne par la grande fatigue occasionnée par les douleurs incessantes et la prise d’antalgiques de niveau II et III.

Sur la base de 27 euros par jour, le montant octroyé au titre du déficit fonctionnel temporaire de Monsieur [W] [U] sera de 283,50 euros, calculé comme suit :
21 jours x 27 € x 50 % = 283,50 €.
Dans ces conditions, le poste de préjudice correspondant au déficit fonctionnel temporaire sera fixé à la somme de 283,50 euros.

2. Les souffrances endurées

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

Monsieur [W] [U] fait une demande d’indemnisation à hauteur de 8000 euros au titre des souffrances endurées.

En l’espèce, les souffrances endurées par Monsieur [W] [U] sont évaluées, par l’expert à 3 sur 7, en tenant compte des douleurs intenses subies par Monsieur [W] [U] durant la période examinée.
Compte tenu des souffrances objectivées par les pièces versées aux débats, il est justifié d’indemniser Monsieur [W] [U] à hauteur de 6 000 euros au titre des souffrances endurées.

3. Le préjudice d’agrément

Il vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.





Monsieur [W] [U] fait une demande d’indemnisation à hauteur de 5 000 euros au titre du préjudice d’agrément en expliquant avoir été dans l’incapacité de pratiquer régulièrement le karaté, la boxe française et la musculation pendant la période examinée.

Cependant, il convient de constater qu’il ne verse aucun justificatif au soutien de sa demande d’indemnisation de son préjudice d’agrément.

Sa demande, injustifiée, sera par conséquent rejetée.


RECAPITULATIF


demandes
offres
somme allouée à la victime

préjudices patrimoniaux




temporaires




- dépenses de soins actuelles
547,00 €
0,00 €
57,63 €

- perte de gains professionnels
22 931,00 €
0,00 €
0,00 €

permanents




à la charge de la victime
2 000,00 €
0,00 €
0,00 €

préjudices extra-patrimoniaux




temporaires




- déficit fonctionnel temporaire
3 015,00 €
131,25 €
283,50 €

- souffrances endurées
8 000,00 €
3 000,00 €
6 000,00 €

permanents




- préjudice d'agrément
5 000,00 €
0,00 €
0,00 €

- TOTAL

3 131,25 €
6 341,13 €




VII -Sur la capitalisation des intérêts

Il sera fait droit à cette demande, dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du Code civil.

VIII- Sur les demandes accessoires

A) Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En l’espèce, Monsieur [K] [Z] et son assureur la SA MAAF ASSURANCES, parties perdantes, seront solidairementcondamnés sera condamnée aux dépens.



B) Sur l’article 700 du code de procédure civile
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, l’équité commande de faire application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit de Monsieur [W] [U]. Ainsi,Monsieur [K] [Z] et son assureur la SA MAAF ASSURANCES seront solidairementcondamnés à payer à Monsieur [W] [U], la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

C) Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, compte tenu de l’absence de motif dérogatoire, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.



PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, et en premier ressort,

DECLARE Monsieur [K] [Z] entièrement responsable des préjudices dont Monsieur [W] [U] a été victime suite à l’intervention du 19 décembre 2014 ;

CONSTATE que Monsieur [W] [U] n’a commis aucune faute de nature à limiter son droit à indemnisation ;

FIXE l’indemnisation du préjudice corporel subi par Monsieur [W] [U] à la somme de
7 322,44 euros et ce compris la créance de la CNMSS et de la mutuelle UNEO ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [Z] et son assureur la SA MAAF ASSURANCES, représentée par son représentant légal, à payer à Monsieur [W] [U] la somme de 6 341,13 euros compte tenu des créances de la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale et de la Mutuelle UNEO déjà versées ;


RESERVE le poste de préjudice Dépenses de Santés Futures ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du Code civil à compter de la présente décision ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [Z] et son assureur la SA MAAF ASSURANCE représentée par son représentant légal, à payer à Monsieur [W] [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DECLARE le jugement commun à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale et à la Mutuelle UNEO, représentée par son représentant légal ;

REJETTE toutes demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [Z] et son assureur la SA MAAF ASSURANCE, représentée par son représentant légal, aux entiers dépens de l’instance, qui comprendront les frais d’expertise judiciaire, les frais de signification de la décision, ainsi que les frais d'exécution éventuels ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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