29 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-23.920

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C300110

Titres et sommaires

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif au domaine public maritime - Litige relatif aux sommes dues au titre d'une redevance d'occupation - Mode d'exploitation du port - Absence d'influence

Il résulte des 1° et 2° de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, d'une part, que les litiges relatifs aux sommes dues au titre d'une redevance d'occupation du domaine public maritime, quel que soit le mode d'exploitation du port, ne ressortissent pas à la compétence de l'ordre juridictionnel judiciaire, d'autre part qu'une redevance acquittée en contrepartie d'une autorisation d'occupation du domaine public ouvrant droit à titre accessoire à des prestations de service, et qui est déterminée de manière globale et forfaitaire en fonction des caractéristiques de l'occupation du domaine, indépendamment de l'utilisation effective des services, revêt le caractère d'une redevance domaniale et non, fût-ce pour partie, d'une redevance pour service rendu

DOMAINE - Domaine public - Domaine public maritime - Autorisation d'occupation - Contrepartie - Redevance domaniale - Caractérisation

Texte de la décision

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 février 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 110 FS-B

Pourvoi n° E 22-23.920




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024

M. [X] [R], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-23.920 contre le jugement rendu le 17 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Perpignan (juge des contentieux de la protection), dans le litige l'opposant à la société Port Adhoc [Localité 1], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [R], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Port Adhoc [Localité 1], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, M. Brillet, Mme Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Perpignan, 17 mai 2022), rendu en dernier ressort, M. [R], disposant d'un droit de mouillage sur un quai du port de plaisance de [Localité 1], a fait opposition à l'ordonnance d'injonction de payer une certaine somme délivrée à la demande de la société Port Adhoc [Localité 1] (la société d'exploitation), chargée de l'exploitation du port, au titre d'une « redevance marina ».

2. Il a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [R] fait grief au jugement de faire droit à la demande en paiement de la société d'exploitation, alors « que les litiges relatifs au principe ou au montant des redevances d'occupation ou d'utilisation du domaine public sont portés devant la juridiction administrative ; qu'en retenant sa compétence pour condamner M. [R] au paiement d'une redevance d'occupation d'un quai privatif sur le port de la commune du [Localité 1], le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques.»

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2331-1, 1° et 2°, du code général de la propriété des personnes publiques :

4. Selon ce texte, sont portés devant la juridiction administrative, les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires, de même que ceux relatifs au principe ou au montant des redevances d'occupation ou d'utilisation du domaine public, quelles que soient les modalités de leur fixation.

5. Il en résulte, d'une part, que les litiges relatifs aux sommes dues au titre d'une redevance d'occupation du domaine public maritime, quel que soit le mode d'exploitation du port, ne ressortissent pas à la compétence de l'ordre juridictionnel judiciaire, d'autre part, qu'une redevance acquittée en contrepartie d'une autorisation d'occupation du domaine public ouvrant droit à titre accessoire à des prestations de service, et qui est déterminée de manière globale et forfaitaire en fonction des caractéristiques de l'occupation du domaine, indépendamment de l'utilisation effective des services, revêt le caractère d'une redevance domaniale et non, fût-ce pour partie, d'une redevance pour service rendu (CE, 14 avril 2023, n° 462797, T.).

6. Pour écarter l'exception d'incompétence soulevée par M. [R], le tribunal retient que si la société d'exploitation est chargée de recueillir les cotisations dues au titre de l'emplacement des navires de plaisance dans le port, celles-ci ne sont pas relatives à l'occupation du domaine public puisqu'elles constituent la contrepartie de prestations fournies dans le cadre d'un service public à caractère industriel et commercial.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la nature domaniale de la redevance réclamée, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par M. [R], le jugement rendu le 17 mai 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Perpignan ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Perpignan autrement composé ;

Condamne la société Port Adhoc [Localité 1] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.

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