29 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-20.688

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200182

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Origine professionnelle - Conditions - Détermination - Portée

Il résulte de l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale et du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles que la condition tenant à la liste limitative des travaux n'est remplie que si la victime a personnellement effectué l'un des travaux énumérés par ce tableau, qui est d'interprétation stricte

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Travaux susceptibles de les provoquer - Tableau n°30 bis des maladies professionnelles - Application stricte

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 février 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 182 F-B

Pourvoi n° W 21-20.688




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024

La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée société [4], a formé le pourvoi n° W 21-20.688 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Rennes, dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor, dont le siège est service contentieux, [Adresse 1],

2°/ à Mme [S] [U], domiciliée [Adresse 2],

3°/ au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est service contentieux, [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [U], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 juin 2021), la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor (la caisse) a pris en charge, au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, la maladie déclarée par Mme [U] (la victime), salariée de la société [4], devenue la société [3] (l'employeur), et lui a attribué une rente calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 67 %.

2. Après indemnisation par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, la victime a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours, alors « qu'il résulte du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles qu'une maladie désignée par ce tableau ne peut être prise en charge, sur le fondement de la présomption d'imputabilité instaurée par le deuxième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, qu'à condition d'établir que le salarié a accompli des travaux figurant dans la liste limitative de ce tableau ; que saisi d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le juge n'est pas tenu de recueillir l'avis d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles dès lors qu'il constate que la maladie déclarée, prise en charge par la caisse sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles, ne remplit pas les conditions de ce dernier et que le demandeur à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable n'invoque pas devant lui les dispositions des troisième ou quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; que dans un tel cas, le juge doit écarter toute faute inexcusable de l'employeur, en l'absence de caractère professionnel de la maladie prise en charge ; qu'au cas présent, il ressort des constatations des juges du fond que Mme [U] n'accomplissait aucun des travaux limitativement énumérés par le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, les juges n'ayant retenu qu'une exposition environnementale au risque d'inhalation de poussières d'amiante émanant des fours à proximité desquels Mme [U] travaillait ; que Mme [U] elle-même invoquait l'existence d'une exposition environnementale à l'amiante ; que les conditions prévues par le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles n'étant pas réunies et les parties ne s'étant fondées que sur la présomption d'imputabilité au soutien de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel aurait dû déduire de ces constatations que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la maladie devait être rejetée, le caractère professionnel de l'affection déclarée par Mme [U] n'étant pas établi ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 461-1, L. 452-1 du code de la sécurité sociale et le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La victime conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est incompatible avec la thèse soutenue par l'employeur devant la cour d'appel.

5. Cependant, l'employeur contestait que la victime avait accompli personnellement les travaux énumérés par le tableau 30 bis des maladies professionnelles.

6. Le moyen, qui n'est pas incompatible avec la thèse soutenue devant les juges du fond, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale, et le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles :

7. Aux termes du premier de ces textes, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

8. Il résulte des deux derniers que la condition tenant à la liste limitative des travaux n'est remplie que si la victime a personnellement effectué l'un des travaux énumérés par le tableau, qui est d'interprétation stricte.

9. Pour accueillir la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt constate que la victime a travaillé de 1972 à 1974 au sein de l'atelier tôlerie puis dans l'atelier brasage comme essayeuse avant de devenir opératrice sur scie. Il précise que durant une année, elle a procédé au montage et au contrôle des chaudières et chauffe-bains, opérations comportant la coupe et l'insertion d'un cordon amianté, puis qu'ayant été affectée à l'atelier brasage, à proximité des fours équipés de tresses amiantées, elle a inhalé les poussières d'amiante dégagées lorsque les pièces sortaient des fours en frottant sur les tresses. L'arrêt en déduit que les conditions du tableau n° 30 bis sont remplies.

10. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime n'avait pas effectué l'un des travaux limitativement énumérés par le tableau n° 30 bis, de sorte que l'origine professionnelle de la maladie ne pouvait être établie par présomption, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne Mme [U], la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.

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