28 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-23.833

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00095

Titres et sommaires

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Marques - Perte du droit sur la marque - Action en déchéance - Applications diverses - Action en déchéance des droits du cessionnaire pour déceptivité acquise - Recevabilité - Conditions - Détermination

Le cédant de droits portant sur une marque est tenu dans les termes de l'article 1628 du code civil et n'est, par conséquent, pas recevable en une action en déchéance de ces droits pour déceptivité acquise de cette marque, qui tend à l'éviction de l'acquéreur, à moins que son action ne soit fondée sur la survenance de faits fautifs postérieurs à la cession et imputables au cessionnaire

Texte de la décision

COMM.

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 février 2024




Renvoi devant la cour
de justice de l'Union européenne
sursis à statuer
et rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 95 FS-B

Pourvoi n° K 22-23.833


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 FÉVRIER 2024

La société Pmjc, société par actions simplifiée, société à associé unique, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-23.833 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [X], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [M] [X], domicilié [Adresse 2],

3°/ à la société [X] Créative, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [W] [X] désigné en qualité de mandataire ad hoc par ordonnance du tribunal de commerce de Paris le 22 avril 2022,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société PMJC, de la SARL Ortscheidt, avocat de MM. [W] et [M] [X], de la société [X] Créative, en la personne de M. [W] [X] désigné en qualité de mandataire ad hoc, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Sabotier, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, de Lacaussade, M. Thomas, Mme Tréfigny, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2022), la société [W] [X], fondée en 1978 par M. [W] [X] pour commercialiser des vêtements et accessoires de mode, a fait l'objet d'une procédure collective au terme de laquelle la société Pmjc a présenté une offre de reprise de la totalité des actifs de cette société, acceptée par un jugement du 13 septembre 2011, lui-même suivi d'un acte de cession d'actifs corporels et incorporels du 3 février 2012, portant notamment sur les marques verbales françaises « [W] [X] » n° 1640795, déposée par M. [W] [X], qui l'avait cédée en 1999 à la société [W] [X], et « [W] [X] » n° 3201616, déposée en 2002 par la société [W] [X].

2. Par un protocole de prestation de services conclu le 21 juillet 2011, M. [W] [X] a poursuivi sa collaboration avec la société Pmjc jusqu'au terme contractuellement prévu, soit le 31 décembre 2015.

3. Le 21 juin 2018, soutenant qu'en poursuivant ses activités professionnelles et artistiques par l'intermédiaire d'une société [X] Creative, M. [W] [X] se livrait à des actes de concurrence déloyale et portait atteinte à ses droits de marques, la société Pmjc l'a assigné en contrefaçon des marques « [W] [X] » et « [W] [X] » ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire. A titre reconventionnel, M. [W] [X] a sollicité la déchéance pour déceptivité des droits de la société Pmjc sur ces marques en raison des usages selon lui trompeurs qu'elle en a faits entre la fin de l'année 2017 et le début de l'année 2019.
4. Par un arrêt du 12 octobre 2022, la cour d'appel de Paris a dit la société Pmjc déchue de ses droits sur les marques « [W] [X] » et « [W] [X] » pour désigner différents produits et services.

5. Selon cet arrêt, la garantie en cas d'éviction, propre au droit français de la vente, ne pouvait trouver à s'appliquer, la demande de M. [W] [X] étant fondée, non sur le fait qu'il ne participait plus à la conception des produits commercialisés sous les marques cédées, mais sur la faute de la société Pmjc à l'origine de son éviction.

6. Selon ce même arrêt, le droit de l'Union ne s'oppose pas au prononcé de la déchéance d'une marque portant sur le nom de famille d'un créateur lorsque, par ses manœuvres, le cessionnaire de cette marque fait croire au public de manière effective que le créateur participe toujours à la conception des produits ou crée un risque suffisamment grave d'une telle tromperie.

7. L'arrêt retient que tel est bien le cas en l'espèce, la société Pmjc ayant été condamnée à deux reprises pour contrefaçon des droits d'auteur de M. [W] [X] portant sur ses œuvres récentes non cédées en 2012 à la société Pmjc (CA Paris, 7 septembre 2021, RG n° 19/13325 ; CA Paris, 10 décembre 2021, RG n° 20/04255). Ces condamnations sont irrrévocables. L'arrêt en déduit qu'utilisées sous la forme d'appositions sur des produits revêtus de décors constituant des actes de contrefaçon des droits d'auteur du cédant comme portant sur des créations originales réalisées par ce dernier dans le respect des engagements pris à l'égard de la société cessionnaire, les marques sont devenues déceptives.

8. La société Pmjc s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 12 octobre 2022.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. La société Pmjc fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes de M. [W] [X] aux fins de prononcer la déchéance de ses droits sur les marques « [W] [X] » n° 3201616 et « [W] [X] » n° 1640795, alors :

« 1° / que celui qui doit garantie ne peut évincer ; qu'en retenant, pour déclarer M. [W] [X] recevable en ses demandes en déchéance des droits de la société Pmjc sur les marques "[W] [X]" n° 3201616 et "[W] [X]" n° 1640795, que "le manquement à la garantie d'éviction ne constitue pas une irrecevabilité à agir du demandeur, mais une éventuelle faute distincte, susceptible, si elle est établie, d'engager la responsabilité du vendeur sur le fondement de l'article 1630 du code civil", la cour d'appel a violé les articles 1626 et 1628 du code civil ;

2°/ que la garantie d'éviction interdit au vendeur de contester le droit de l'acheteur au moyen d'une voie de droit qui lui serait ouverte s'il n'était pas tenu à garantie ; qu'en retenant, pour déclarer M. [W] [X] recevable en ses demandes en déchéance des droits de la société Pmjc sur les marques "[W] [X]" n° 3201616 et "[W] [X]" n° 1640795, que "la garantie invoquée ne peut, en tout état de cause, être opposée pour rendre irrecevable une demande fondée, comme en l'espèce, sur le comportement prétendument fautif du cessionnaire des droits patrimoniaux litigieux", la cour d'appel a violé les articles 1626 et 1628 du code civil ;

3°/ que la garantie d'éviction se transmet au sous-acquéreur ; qu'en déclarant M. [W] [X] recevable en sa demande en déchéance des droits de la société Pmjc sur la marque "[W] [X]" n° 1640795 sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la société Pmjc, si cette marque, déposée par M. [W] [X] le 25 janvier 1991, n'avait pas été cédée par celui-ci à la société [W] [X] SA, qui l'avait elle-même transmise à la société Pmjc par l'acte de cession de l'entreprise intervenu le 3 février 2012, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dont elle a fait l'objet, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la garantie d'éviction se transmet au sous-acquéreur ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Pmjc faisait valoir que si la marque "[W] [X]" n° 3201616 avait été déposée le 26 décembre 2002 par la société [W] [X] SA, alors dirigée par M. [W] [X], ce dernier avait cédé en 2004 l'ensemble des actions qu'il détenait au sein de la société [W] [X] SA, que l'article 2.1.11. de cet acte de cession prévoyait qu'il cédait à la société [W] [X] SA "toutes les marques déposées qui incluent ou font référence à son nom, en toute ou partie, ou qui sont ou ont été utilisées dans le cadre de la vente de produits conçus ou qui lui ont été associés d'une autre manière dans le cadre de la vente de ces produits, il ne conserve aucun intérêt dans aucune de ces marques enregistrées ou non, ni dans aucun droit de la propriété intellectuelle liée à la conception, à la fabrication, à la promotion ou à la vente de ces produits", que M. [W] [X] avait donc cédé à la société [W] [X] SA le droit d'exploiter son nom et avait personnellement garanti la faculté d'exploiter les marques incluant son nom en toute ou partie sans restriction ni réserve, et que la société Pmjc, cessionnaire des actifs de la société [W] de Castebajac SA bénéficie de cette garantie ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que M. [W] [X] ait consenti à ce que l'usage de son nom patronymique soit cédé en même temps que les marques litigieuses, l'acte de cession du 3 février 2012 entre la société [W] [X] SA et la société Pmjc ne l'indiquant pas, pas plus que la convention de prestation de services conclue entre M. [W] [X] et la société Pmjc du 21 juillet 2011, sans répondre aux conclusions précitées de l'exposante faisant valoir que M. [W] [X] avait cédé le droit de faire usage de son nom dans une marque à la société [W] [X] SA et que la société Pmjc, cessionnaire des actifs de cette société, bénéficiait de la garantie due à celle-ci par M. [W] [X] sur ce qu'il lui avait ainsi cédé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. La Cour de cassation juge que le cédant de droits portant sur une marque est tenu dans les termes de l'article 1628 du code civil et n'est, par conséquent, pas recevable en une action en déchéance de ces droits pour déceptivité acquise de cette marque, qui tend à l'éviction de l'acquéreur (Com., 31 janvier 2006, pourvoi n° 05-10.116, Bull. 2006, IV, n° 27).

11. Toutefois, la garantie au profit du cessionnaire cesse lorsque l'éviction est due à sa faute.

12. S'agissant du droit sur une marque, il est soumis, pour son maintien même, à diverses conditions d'usage. En particulier, la marque ne doit pas être exploitée dans des conditions de nature à tromper effectivement le public ou à créer un risque grave de tromperie (CJCE, 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola, C-87/97, point 41).

13. Au surplus, le cédant peut être le mieux, voire le seul, à même d'identifier l'existence d'une tromperie effective du public ou d'un risque grave d'une telle tromperie.

14. Il convient en conséquence de juger désormais qu'il est fait exception à la règle énoncée au paragraphe 10 lorsque l'action en déchéance pour déceptivité acquise d'une marque est fondée sur la survenance de faits fautifs postérieurs à la cession et imputables au cessionnaire.

15. L'arrêt relève qu'au soutien de sa demande de déchéance pour déceptivité, M. [W] [X] fait valoir que, depuis la fin de leur collaboration organisée par le protocole de prestation de services du 21 juillet 2011, la société Pmjc exploite les marques cédées de façon à laisser le public croire qu'il est l'auteur des créations sur lesquelles ces marques sont apposées.

16. Il en résulte que l'action formée par M. [W] [X] n'est pas irrecevable nonobstant la garantie d'éviction due à la société Pmjc, cessionnaire.
17. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

18. La société Pmjc fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est déchue de ses droits sur la marque « [W] [X] » n° 3201616 pour désigner les « vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants » et les « services de dessinateurs de mode ; stylisme (vestimentaire) » et sur la marque « [W] [X] » n° 1640795 pour les « produits cosmétiques et de beauté » et les « vêtements », alors que, « dans son arrêt du 30 mars 2006, Emanuel (C-259/04), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que "le titulaire d'une marque correspondant au nom du créateur et premier fabricant des produits portant cette marque ne peut, en raison de cette seule particularité, être déchu de ses droits au motif que ladite marque induirait le public en erreur", et a précisé qu'à supposer qu'il existe une volonté de l'entreprise titulaire de la marque de faire croire au consommateur que le créateur participe toujours à la création des produits portant ladite marque, il s'agirait alors "d'une manœuvre qui pourrait être jugée dolosive, mais qui ne pourrait pas être analysée en une tromperie" pouvant entraîner la déchéance de la marque ; qu'en retenant que cette décision "n'exclut […] nullement […] la possibilité du prononcé d'une déchéance de marque dans l'hypothèse où son titulaire en ferait un usage trompeur" et laisse la possibilité aux titulaires "de tenter de démontrer que l'exploitation qui est faite [des marques litigieuses] par leur titulaire est dolosive", la cour d'appel a violé l'article L. 714-6, b), du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 12 paragraphe 2, sous b), de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988, devenu l'article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. »

Réponse de la Cour

19. Ce moyen pose la question de la conformité de la décision de la cour d'appel avec l'article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont les dispositions figurent désormais à l'article 20, sous b), de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques.

Rappel des textes applicables

20. Aux termes de l'article L. 714-6, b), du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.

21. Ce texte a successivement assuré la transposition des dispositions de l'article 12, paragraphe 2, sous b), de la première directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques puis de celles, identiques, de l'article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/95/CE, et enfin de celles, également identiques, de l'article 20, sous b), de la directive (UE) 2015/2436.

22. Interprétant, dans son arrêt du 30 mars 2006, Emanuel (C-259/04), la directive 89/104/CEE, la Cour de justice de l'Union européenne, après avoir rappelé que les cas de refus d'enregistrement visés par l'article 3, paragraphe 1, sous g), de cette directive supposent que l'on puisse retenir l'existence d'une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur, a jugé que, quand bien même un consommateur moyen pourrait être influencé dans son acte d'achat en imaginant que la personne physique a participé à la création du produit revêtu de la marque, cette circonstance ne peut être, à elle seule, de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la provenance dudit produit (points 47 à 49).

23. Elle a ajouté que si, dans la présentation de la marque, il existait une volonté de l'entreprise de faire croire au consommateur que la personne physique est toujours la créatrice des produits portant la marque ou qu'elle participe à leur création, il s'agirait d'une manœuvre qui pourrait être jugée dolosive mais qui ne pourrait être analysée comme une tromperie au sens de l'article 3 de la directive 89/104/CEE et qui, de ce fait, n'affecterait pas la marque elle-même et, par voie de conséquence, la possibilité de l'enregistrer (point 50).

24. Enfin, énonçant que les conditions de la déchéance prévues à l'article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 89/104/CEE, sont identiques à celles du refus d'enregistrement fondé sur l'article 3, paragraphe 1, sous g), de la même directive, la Cour de justice a dit pour droit que le titulaire d'une marque correspondant au nom du créateur et premier fabricant des produits portant cette marque ne peut, en raison de cette seule particularité, être déchu de ses droits au motif que ladite marque induirait le public en erreur, au sens de l'article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 89/104/CEE, notamment quand la clientèle attachée à cette marque a été cédée avec l'entreprise fabriquant les produits qui en sont revêtus.

Motifs justifiant le renvoi préjudiciel

25. La société Pmjc soutient que cette décision doit être interprétée en ce sens que ses éventuelles manœuvres destinées à faire croire au consommateur que M. [W] [X] est toujours le créateur des produits marqués de son nom de famille ou qu'il participe à leur création ne peuvent affecter la marque elle-même, quand bien même elles seraient jugées trompeuses.

26. C'est en ce sens que s'était prononcé le tribunal judiciaire de Paris par un jugement du 26 juin 2020 infirmé par l'arrêt du 12 octobre 2022.

27. C'est également ainsi qu'a été interprété l'arrêt Emanuel, précité, par l'avocate générale, citant notamment la doctrine française majoritaire.

28. La cour d'appel de Paris retient, quant à elle, que si, au point 50 de l'arrêt Emanuel, précité, la Cour de justice, interprétant l'article 3, paragraphe 1, sous g), de la directive 89/104/CEE, a jugé qu'une marque portant sur le nom de famille d'un créateur ne peut être considérée comme déceptive au seul motif que ce créateur ne participe plus à la conception des produits revêtus des marques constituées de son nom de famille, elle n'a pas expressément étendu les motifs de ce point à l'interprétation de l'article 12, paragraphe 2, sous b), de la même directive. La cour d'appel considère que cette dernière disposition doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas au prononcé de la déchéance d'une marque en raison de son exploitation dans des conditions de nature à faire croire de manière effective au public que le créateur participe toujours à la création des produits revêtus des marques constituées de son nom de famille alors que tel n'est plus le cas.

29. Par ailleurs, par un arrêt du 14 mai 2009, [F] [R] (T-165/06), le tribunal de l'Union européenne, faisant application de l'article 50, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire dont les dispositions sont en substance identiques à celles de l'article 12, paragraphe 2, sous b), de la première directive 89/104, a écarté la demande de déchéance fondée sur l'utilisation trompeuse de la marque portant sur le nom de famille d'un créateur après son enregistrement, non au motif qu'il serait exclu qu'un tel usage trompeur de la marque entraînerait sa déchéance pour déceptivité, mais en énonçant que l'intervenante n'apportait aucune preuve d'usage de la marque après son enregistrement.

La question préjudicielle

30. Se pose ainsi la question de savoir si les articles 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/95/CE et 20, sous b), de la directive (UE) 2015/2436 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent au prononcé de la déchéance d'une marque portant sur le nom de famille d'un créateur en raison de son exploitation postérieure à la cession dans des conditions de nature à faire croire de manière effective au public que le créateur, dont le nom de famille constitue la marque, participe toujours à la création des produits revêtus de cette marque alors que tel n'est plus le cas.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le premier moyen du pourvoi ;

Avant-dire droit sur les deuxième et troisième moyens :

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne la question suivante :

« Les articles 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques et 20, sous b), de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent au prononcé de la déchéance d'une marque constituée du nom de famille d'un créateur en raison de son exploitation postérieure à la cession dans des conditions de nature à faire croire de manière effective au public que ce créateur participe toujours à la création des produits marqués alors que tel n'est plus le cas ? » ;

SURSOIT à statuer sur ces moyens jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;

RENVOIE la cause et les parties à l'audience de formation de section du 3 décembre 2024 ;

RESERVE les dépens ;

DIT qu'une expédition du présent arrêt ainsi que le dossier de l'affaire seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffe de la Cour de justice de l'Union européenne.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.

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