16 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 20/07637

Loyers commerciaux

Texte de la décision

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux


N° RG 20/07637 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CSTA2


N° MINUTE : 4

Assignation du :
05 Août 2020

Jugement en fixation



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 16 Février 2024

DEMANDERESSE

S.A. TERREIS
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Christophe DENIZOT de l’ASSOCIATION NICOLAS & DENIZOT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #B0119



DEFENDERESSES

EAU DE [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Claire-marie DUBOIS-SPAENLE de la SELAS SEBAN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0498



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Pauline LESTERLIN, Juge, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;


assistée de Manon PLURIEL, Greffière



DEBATS

A l’audience du 08 Juin 2023 tenue publiquement


JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort





FAITS

Par acte sous seing privé du 15 décembre 2009, la société COMPAGNIE DES EAUX DE [Localité 7], aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société TERREÏS, a donné à bail en renouvellement à l'établissement public EAU DE [Localité 7], des locaux à usage commercial avec pour destination " tous services, bureaux et activités liés à la distribution de l'eau - accueil du public" dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 8] pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2010, moyennant un loyer annuel en principal de 498.240 euros.

Par acte d'huissier en date du 22 mai 2018, la société TERREÏS a fait délivrer à l'établissement public EAU DE [Localité 7] un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2019 moyennant un loyer annuel de 750.000 euros.

Par une lettre recommandée avec avis de réception du 6 juillet 2018, l'établissement public EAU DE [Localité 7] a indiqué accepter le principe de renouvellement du bail mais a refusé le montant du loyer proposé par le bailleur.

Dans son mémoire en demande notifié le 27 avril 2020 par lettre recommandée avec avis de réception, la société TERREÏS, invoquant l'usage exclusif de bureaux des locaux loués, a sollicité la constatation d'un motif de déplafonnement et la fixation du prix du loyer du bail à la somme annuelle en principal de 750.000 euros hors taxes, hors charges, à compter du 1er janvier 2019.

Par acte d'huissier du 5 août 2020, la société TERREÏS a fait assigner devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris, l'établissement public EAU DE [Localité 7], au visa de l'article R.145-11 du code de commerce, aux fins de, notamment, voir juger que le loyer de renouvellement du bail dont s'agit à effet du 1er janvier 2019 doit être fixé à la valeur locative des locaux loués et fixer en conséquence le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2019 à un montant annuel de 750.000 euros en principal, hors taxes et hors charges,

Dans son dernier mémoire en réplique notifié le 2 novembre 2020, par lettre recommandée avec avis de réception, l'établissement public EAU DE [Localité 7] demande au juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris, au visa des articles L.145-11, L.145-33 et L.145-34 du code de commerce et des articles R.145-3 à R.145-8 du code de commerce de débouter la société TERREÏS de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions et fixer le montant du loyer renouvelé de l'EPIC EAU DE [Localité 7] au 1er janvier 2019 à la somme annuelle de 550.556 euros hors charges et hors taxes pour les locaux sis [Adresse 1], toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées.

Par jugement du 1er avril 2021, le juge des loyers commerciaux a notamment :
- Dit que le bail commercial liant la société TERREÏS et l'établissement public EAU DE [Localité 7] a pris fin le 31 décembre 2018 à 24h00 par l'effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 22 mai 2018,
- Dit que les lieux loués sont à usage exclusif de bureaux de sorte que le loyer du bail renouvelé le 1er janvier 2019 doit être fixé par application des articles L.145-36 et R.145-11 du code de commerce,
- Pour le surplus, avant dire droit sur le fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigné en qualité d'expert M. [P] [C] avec pour mission de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2019 au regard des dispositions de l'article R.145-11 du code de commerce,
- Fixé le loyer provisionnel dû à compter du 1er janvier 2019 au montant du loyer contractuel indexé en principal, outre les charges.
- Réservé les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] [C], expert, a déposé son rapport le 20 mai 2022 avec les conclusions suivantes : "Valeur locative pour un renouvellement au 1er janvier 2019: 660.000 € hors charges et hors taxes ".

Aux termes de son dernier mémoire en ouverture de rapport, régulièrement notifié, la société TERREÏS demande au juge des loyers commerciaux de :
Vu les articles R.145-7 et R.145-11 du Code de commerce,
- Fixer en conséquence le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2019 à un montant annuel de 730.470 € en principal, HC et HT.
- Juger que le loyer fixé portera intérêt au taux légal de plein droit à compter de la date d'effet du nouveau loyer et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts en conformité avec les dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.
- Débouter l'établissement EAU DE [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
- Condamner l'établissement EAU DE [Localité 7] au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner l'établissement EAU DE [Localité 7] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me [Y] [K] en vertu de l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de son dernier mémoire en ouverture de rapport, régulièrement notifié, l'établissement public EAU DE [Localité 7] demande au juge des loyers commerciaux de :
Vu l'article R. 145-8 du Code de commerce,
- DEBOUTER la société TERREIS de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- FAIRE FIXER le montant du loyer renouvelé de l'EPIC EAU DE [Localité 7] au 1er janvier 2019 à la somme annuelle de 564.519 € (CINQ CENT SOIXANTE QUATREMILLE CINQ CENT DIX NEUF EUROS) hors charges et hors taxes pour les locaux sis [Adresse 1], toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;
- CONDAMNER la société TERREIS à payer à l'EPIC EAU DE [Localité 7] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société TERREIS aux entiers dépens, qui comprendront le coût de la signification et de l'exécution de la décision à intervenir.

Il est expressément renvoyé aux mémoires des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens développés.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 juin 2023 et mise en délibéré ce jour.


MOTIFS

Selon l'article L.145-33 du code de commerce, la valeur locative doit être fixée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En l'espèce, il est définitivement acquis par l'effet du jugement du 1er avril 2021 que le prix du bail renouvelé en son principe à compter du 1er janvier 2019 entre les parties doit être fixé à la valeur locative.

Sur la description des locaux loués

Dans son rapport, l'expert judiciaire indique que les locaux loués sont situés "au cœur du [Localité 8], dans le secteur de la [Adresse 9], dans un environnement mixte comportant de multiples surfaces de bureaux, mais également des surfaces d'habitation de grande qualité ".

L'expert judiciaire conclut que les locaux loués bénéficient :
- D'un parc de stationnement à proximité (rue de Prony), en sus des 17 places de parking en sous-sol ;
- D'une bonne desserte en transports en commun ;
- Dune situation au cœur de la [Adresse 9], au nord du quartier central des affaires sous-secteur " [Adresse 6] ";
- D'une adresse intéressante pour un usage tertiaire.

L'expert décrit les locaux en page 12 à 48 de son rapport. Comme l'indique l'expert judiciaire en page 11 de son rapport d'expertise judiciaire, les locaux loués occupent l'intégralité d'un ensemble immobilier moderne, constitué d'un corps de bâtiment principal traversant accolé à un bâtiment en fond de parcelle à droite d'une cour arborée.

Le bâtiment principal en pierre de taille légèrement ouvragé s'élève sur deux niveaux de sous-sol, d'un rez-de-chaussée, de trois étages droits, d'un 4e partiel et d'un 5e étage en retrait, avec terrasses aux 4e et 5e étages et cour en partie arrière, ainsi qu'il ressort des photographies du rapport en pages 11 et suivantes.

Le bâtiment sur cour est accolé et communique à tous les niveaux avec le bâtiment principal (page 12 du rapport d'expertise judiciaire). Il s'élève sur deux niveaux de sous-sol, d'un rez-de-chaussée, d'un 1er étage en retrait avec terrasse et d'une toiture terrasse au 2e étage.

Le rez-de-chaussée est accessible par la porte principale et par les deux portes fenêtres situées à droite et au centre en façade.

Les niveaux sont reliés entre eux par deux ascenseurs, six escaliers et les niveaux de sous-sols ont accessibles par la rampe à la suite de la porte de garage située à gauche en façade.

Il s'agit d'un bâtiment ancien en bon état apparent et de bonne présentation architecturale avec vitrines, les plateaux de bureaux étant flexibles avec peu de murs porteurs et en premier jour, et avec de nombreux espaces extérieurs.

Le preneur précise que la surface utile exacte, telle que relevée par un géomètre expert, s'élève à 1.192,60 m2 et 17 emplacements de stationnement sont inclus dans l'assiette du bail ; que l'intégralité des travaux d'aménagement consistant notamment en la création d'open-space et de sanitaires pour personnes à mobilité réduite, ont été réalisés par ses soins pour un coût total de 343.786 € HT ; que les locaux sont équipés de sanitaires, d'une cafétéria et d'un système de climatisation centrale hors service depuis la prise de possession des lieux en 2010.

Sur la valeur locative

Sur la surface des locaux loués

L'expert judiciaire rappelle que s'agissant d'un usage de bureaux, la surface à prendre en compte est la surface utile et observe que les locaux en sous-sol, hors emplacement de stationnement, font partie des prestations habituelles dans ce type d'immeuble et ne doivent pas faire l'objet d'une valorisation distincte ; qu'il convient donc de les déduire de la surface retenue comme il est d'usage.

Le preneur demande que la surface telle que retenue par l'expert judiciaire soit entérinée, soit 1.129,80m2, après déduction de la surface des locaux annexes et techniques du sous-sol, représentant 62,80 m2.

Le bailleur demande que la surface réelle des locaux de 1.192,60m2 soit retenue, faisant valoir que les réserves et locaux techniques des 1er et 2e sous-sols, jouxtant les emplacements de stationnement, sont des espaces compris dans l'assiette du bail, à comptabiliser. Il ajoute que l'expert aurait pu éventuellement les pondérer à un coefficient inférieur à 1.

En l'espèce, le bailleur ne démontre pas la plus-value particulière des réserves et locaux techniques situés en sous-sol, dont l'existence est habituelle dans ce type de bâtiment, qui justifierait de les valoriser particulièrement. Par conséquent, le juge des loyers commerciaux retient la surface proposée par l'expert judiciaire, soit 1.129,80m2.

Sur la détermination de la valeur locative

En application de l'article R.145-11 du Code de commerce :
" Le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 145-7 sont en ce cas applicables.”

Aux termes de l'article R.145-7 du Code de commerce :
" Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent,
pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation. "

Sur la partie bureaux

L'expert judiciaire a retenu une valeur unitaire de 550 euros/m2 au regard des éléments suivants :
- La situation dans un secteur très recherché en matière de bureaux, la qualité de l'environnement,
- Leur accessibilité de bonne qualité par les transports en commun,
- L'état d'usage actuel des locaux, les prestations ordinaires du hall de l'immeuble qui contrastent avec l'aspect extérieur de l'immeuble,
- L'impression générale,
- La destination des lieux loués à usage de bureaux,
- Les charges et conditions du bail,
- La prise en compte des prix du marché, leur pertinence et leur ancienneté,
- Le contexte économique en matière de bureaux au 4e trimestre 2018.

Le bailleur sollicite que soit retenue une valeur unitaire de 580 euros/m2, souhaitant la prise en compte de cinq références de bureaux réunis par ses soins, variant entre 615 euros et 695 euros/m2 ; faisant observer que les deux références citées par l'expert les plus proches des lieux loués affichent les prix respectifs de 570 euros/m2 et 680 euros/m2 mais présentent des surfaces plus petites que les lieux loués, qui présentent l'avantage de mettre à disposition une surface de près de 1200m2 et des emplacements de stationnement en sous-sol, ce qui est rare dans le secteur des lieux loués ; que l'expert n'a pas pris en compte le caractère fonctionnel des locaux dans le calcul de la valeur locative ; que l'état d'usage des locaux est dû à un défaut d'entretien du preneur, qui ne peut donc impacter négativement la valeur locative.

Le preneur sollicite que soit retenue une valeur unitaire de 530 euros/m2, correspondant à la synthèse de valeur basse déduite des sept références citées par l'expert judiciaire, faisant valoir que les valeurs unitaires des locaux en état d'usage cités sont inférieures à celles des locaux rénovés ; que l'expert a retenu un état d'usage, qui ne peut être imputé au preneur, l'expert ayant en outre retenu un bon état d'entretien apparent ; que ce sont la qualité ordinaire de l'immeuble et le contraste avec la qualité de l'adresse et de l'environnement, non imputable au preneur, qui justifie la valeur unitaire retenue par l'expert de 550 euros/m2 ; que l'expert n'a pas tenu compte dans le calcul de la valeur locative du caractère défectueux de la climatisation depuis l'entrée dans les lieux.

En l'espèce, le juge des loyers commerciaux relève que l'expert a retenu une valeur unitaire se trouvant dans la fourchette basse des références réunies par ses soins, en adéquation avec l'état d'usage actuel des locaux et les prestations ordinaires du hall de l'immeuble qui contrastent avec l'aspect extérieur de l'immeuble ; que l'état d'usage ne peut être imputé au preneur, l'expert relevant par ailleurs un bon état d'entretien général du local loué ; que le bailleur soumet au juge des loyers commerciaux de nouvelles références, non citées par l'expert, sans en préciser la source ou produire aux débats lesdites références, ne permettant pas leur prise en compte ; que par ailleurs, la valeur unitaire retenue par l'expert reflète la qualité de l'emplacement du local loué et la situation du marché des bureaux au 4e trimestre 2018 ; que la proposition de l'expert, position médiane entre les demandes des parties sera donc retenue, soit une valeur unitaire de 550 euros/m2 pour la partie bureaux.

Sur la partie emplacements de stationnement

L'expert a retenu un prix unitaire de 190 euros/mois, soit 2.280 euros/an par emplacement de stationnement, au nombre de 17.

Le bailleur est en accord avec la proposition de l'expert et conteste la proposition du preneur de 2.040 euros/ an par emplacement de stationnement, faisant valoir que l'expert a tenu compte des dimensions non conformes de certaines places en retenant une valeur unitaire inférieure au marché, qui oscille entre 2.388 euros et 2.880 euros/ an/place.

Le preneur sollicite que soit retenu un prix unitaire de 170 euros/ mois/ par emplacement, faisant valoir que certains emplacements souffrent d'une largeur et d'une profondeur non conformes aux normes en vigueur, comme relevé par l'expert.

En l'espèce, le juge des loyers commerciaux constate que l'expert a relevé la non-conformité des dimensions de certains emplacements de stationnement et l'a dès lors nécessairement pris en compte dans l'évaluation de la valeur unitaire retenue. La valeur, proposée par l'expert, de 190 euros/mois, soit 2.280 euros/an par emplacement de stationnement, sera donc retenue.

Sur les éléments de minoration de la valeur locative

En application de l'article L.145-28 du code de commerce, l'article R.145-8 du code de commerce dispose que :
" Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait décharge sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. "

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'expert judiciaire ne retient aucun abattement sur la valeur locative et précise : " S'agissant de la location de la totalité d'un immeuble à usage de bureaux, la mise à la charge du locataire de la taxe foncière constitue une condition habituelle qui ne me semble pas pouvoir être considérée comme une charge exorbitante justifiant un abattement sur la valeur locative. "

Le locataire invoque des éléments de minoration de la valeur locative, à savoir :
- un abattement de 5 % en raison des travaux de mise en conformité mis à la charge du preneur,
- un abattement de 1,5 % correspondant à la mise à la charge du preneur des travaux liés à la vétusté,
- un abattement de 1 % en raison des primes d'assurance de l'immeuble répercutées sur le preneur.
- la déduction du montant au réel de la taxe foncière.

Le bailleur conteste ces éléments faisant valoir que les locaux loués sont en effet à usage de bureaux et la plupart de ce type d'actifs font l'objet de contrats de type investisseur, la plupart des baux de comparaison comportent également des clauses mettant à la charge du preneur les travaux dus à la vétusté, les travaux de mise en conformité, les primes d'assurance de l'immeuble et la taxe foncière.

En l'espèce, concernant l'abattement sollicité par le preneur en raison de la mise à sa charge des travaux de mise en conformité et de vétusté et les primes d'assurance, sans qu'il soit nécessaire d'analyser les clauses du bail ou la jurisprudence en vigueur, le juge des loyers commerciaux écarte toute minoration de la valeur locative sur ces fondements, le preneur ne rapportant nullement la preuve de quelconques travaux réalisés dans les locaux loués au cours du bail expiré à ce titre ou du règlement des primes d'assurance. En l'absence de tout élément de preuve, ces demandes sont donc rejetées.

Concernant une éventuelle minoration de la valeur locative, en raison de la mise à la charge du preneur de la taxe foncière, soit 21.444 euros au titre de la taxe foncière 2020, dont la preuve est rapportée, le juge des loyers commerciaux écarte également toute minoration sur ce fondement, une telle clause apparaissant en effet habituelle dans les baux commerciaux à usage de bureaux, et les références de comparaison comprenant également l'inclusion de la taxe foncière dans leur valeur locative. Par conséquent, la demande à ce titre est rejetée.


Sur le calcul de la valeur locative

La valeur locative de la partie bureaux des locaux loués ayant été fixée au prix unitaire de 550€, soit 1.129,80 x 550 = 621.390 € HT HC/ an.

La valeur par emplacement de stationnement a été fixée à 190€/ mois, soit : 17 x 190 x 12 = 38.760 € HT HC par an.

La valeur locative des locaux loués s'élève donc 621.390 € + 38.760 € = 660.150€ HT HC/ an.

Aucun motif d'abattement n'ayant été retenu, la valeur locative des lieux loués au 1er janvier 2019 est fixée à la somme de 660.150€ HT HC par an.

Il convient de rappeler que des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la saisine du juge des loyers, soit le 5 août 2020, puis au fur et à mesure des échéances échues.

La capitalisation des intérêts est écartée, la procédure en fixation du loyer ayant donné lieu à une incertitude concernant les sommes dues.

Sur les autres demandes

La procédure et l'expertise ont été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties. Il convient en conséquence d'ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d'expertise.

L'équité, s'agissant de la fixation du prix d'un bail renouvelé, commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant, après débats en audience publique par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Fixe à la somme en principal de 660.150 euros (Six cent soixante mille cent cinquante euros) à compter du 1er janvier 2019, le loyer annuel du bail renouvelé depuis cette date entre la société TERREÏS et l'établissement public EAU DE [Localité 7] pour les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 8], toutes autres clauses et conditions du bail expiré non contraires aux dispositions de l'article R.145-35 du code de commerce demeurant inchangées,

Dit que des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la saisine du juge des loyers, soit le 5 août 2020, puis au fur et à mesure des échéances échues.

Rejette la demande de capitalisation des intérêts,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens qui incluront le coût de l'expertise et qui seront supportés par moitié par chacune des parties.


Fait et jugé à Paris le 16 Février 2024

La GreffièreLa Présidente
M. PLURIELP. LESTERLIN

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