14 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-12.092

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00189

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 février 2024




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 189 F-D


Pourvois n°
U 23-12.092
V 23-12.093
W 23-12.094
X 23-12.095
Y 23-12.096
Z 23-12.097 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024

1°/ M. [T] [L], domicilié [Adresse 8],

2°/ Mme [B] [G], domiciliée [Adresse 6],

3°/ M. [R] [Y], domicilié [Adresse 3],

4°/ M. [N], domicilié [Adresse 2],

5°/ M. [F] [Z], domicilié [Adresse 7],

6°/ M. [U] [C], domicilié [Adresse 1],

ont formé respectivement les pourvois n° U 23-12.092, V 23-12.093, W 23-12.094, X 23-12.095, Y 23-12.096 et Z 23-12.097 contre six arrêts rendus le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans les litiges les opposant :

1°/ à M. [W] [A], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de mandataire ad hoc de la société GAD,

2°/ à l'AGS CGEA de [Localité 9], dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs aux pourvois n° U 23-12.092, V 23-12.093, W 23-12.094, X 23-12.095, Y 23-12.096 et Z 23-12.097 invoquent, à l'appui de leur recours, quatre moyens de cassation communs.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [L], Mme [G], MM. [C], [O], [Z] et [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [A], ès qualités, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 23-12.092 à Z 23-12.097 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Rennes, 25 novembre 2021) et les productions, la société GAD (la société), appartenant au groupe CECAB, a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 27 février 2013. Par jugement du 11 octobre 2013, un tribunal de commerce a arrêté son plan de redressement par voie de continuation, emportant notamment la fermeture du site d'abattoir de Lampaul-Guimiliau et autorisant le licenciement pour motif économique des huit cent quatre-vingt neuf salariés employés sur ce site.

3. Mme [G] et MM. [Z], [O], [C], [L] et [Y], engagés par la société sur le site de Lampaul-Guimiliau puis licenciés pour motif économique entre le 7 novembre et le mois de décembre 2013, ont saisi la juridiction prud'homale en contestation de la rupture de leur contrat de travail.

4. La société a été placée en liquidation judiciaire le 11 septembre 2014 et M. [H] désigné en qualité de liquidateur. Après clôture des opérations de liquidation judiciaire, M. [A] a été désigné en qualité d'administrateur ad'hoc de la société par jugement du 20 juin 2022.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes en fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société des créances à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors « qu'il résulte des dispositions transitoires de l'article 18 XXXIII de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 qu'une procédure de licenciement collectif est soumise aux nouvelles dispositions du code du travail relatives au contrôle de l'administration sur le plan de sauvegarde l'emploi si la date d'envoi de la convocation à la première réunion du comité d'entreprise mentionnée à l'article L. 1233-30 du code du travail est postérieure au 30 juin 2013 ; qu'en se déterminant en considération de la date à laquelle les convocations à la première réunion susvisées avaient été remises en main propre aux membres du comité d'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 18 XXXIII de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi, les dispositions du code du travail et du code de commerce dans leur rédaction issue du présent article sont applicables aux procédures de licenciement collectif engagées à compter du 1er juillet 2013. Pour l'application du premier alinéa du présent XXXIII, une procédure de licenciement collectif est réputée engagée à compter de la date d'envoi de la convocation à la première réunion du comité d'entreprise mentionnée à l'article L. 1233-30 du code du travail.

8. Selon ce texte l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise, notamment, sur le projet de licenciement collectif.

9. Il en résulte que l'employeur a l'obligation de convoquer individuellement ses membres, sans que lui soit imposée une forme particulière.

10. La cour d'appel a constaté que la convocation à la première réunion d'information-consultation du comité central d'entreprise de la société sur le projet de licenciement, prévue le 11 juillet 2013, avait été remise directement en main propre à ses membres titulaires et suppléants le 28 juin 2013, avec un envoi séparé par lettre recommandée avec accusé de réception le 29 juin au membre titulaire FO du site de Lampaul.

11. Elle en a exactement déduit que les dispositions de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 n'étaient pas applicables à la procédure de licenciement collectif engagée au sein de la société.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

13. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à ce qu'il soit fixé au passif de la liquidation judiciaire des créances à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, alors « que l'obligation de reclassement doit être exécutée de bonne foi ; qu'en retenant que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement motif pris de l'insuffisante "mobilité géographique et disponibilité fonctionnelle" des salariés, sans examiner si l'employeur avait justifié des raisons pour lesquelles il avait refusé d'attribuer aux exposants les postes que ceux-ci avaient acceptés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

14. Selon ce texte, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

15. En cas de candidatures multiples sur un même poste de reclassement proposé à plusieurs salariés, l'exécution de bonne foi de l'obligation de reclassement par l'employeur, si elle est contestée, suppose qu'il justifie des raisons objectives, l'ayant conduit à refuser au salarié concerné le reclassement dans l'emploi vacant.

16. Pour dire les licenciements fondés sur une cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent, d'abord, que chacun des salariés s'est vu proposer soixante-deux postes de reclassement, que M. [L] a fait le choix de ne répondre favorablement qu'à trois propositions, les autres salariés à une seule proposition.

17. Ils relèvent, ensuite, d'une part, que leurs desiderata ont été examinés au regard de la situation de leurs autres collègues de travail, d'autre part, que les salariés n'ont pas élargi leurs choix possibles, alors que par nécessité une certaine mobilité géographique et disponibilité fonctionnelle étaient attendues.

18. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'employeur justifiait par des raisons objectives son refus de reclasser les salariés sur les postes sur lesquels ils s'étaient portés candidats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent Mme [G] et MM. [Z], [O], [C], [L] et [Y] de leurs demandes tendant à ce qu'il soit fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société GAD des créances à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et en ce qu'ils statuent sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, les arrêts rendus le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. [A], en sa qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [A], ès qualités, et le condamne à payer à Mme [G] et MM. [Z], [O], [C], [L] et [Y] la somme globale de 3 000 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.

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