8 février 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/03449

Ch.protection sociale 4-7

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88A



Ch.protection sociale 4-7





ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 FEVRIER 2024



N° RG 22/03449 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQWG



AFFAIRE :



[E] [F]





C/

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2022 par le Pole social du TJ de NANTERRE

N° RG : 20/1439





Copies exécutoires délivrées à :



M. [F]



CPAM 92





Copies certifiées conformes délivrées à :



M. [F]



CPAM 92







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [E] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]



comparant en personne





APPELANT

****************



CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 5]

[Adresse 2]



représentée par Mme [H] [Z], en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMÉE

****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,



Greffière, lors des débats : Madame Elza BELLUNE,








EXPOSÉ DU LITIGE



Le 17 juin 2019, la société [4] (la société) a déclaré, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse), un accident survenu le 7 mai 2019 au préjudice d'un de ses salariés, M. [E] [F] (le salarié), technicien informatique, qui s'est plaint de douleurs lombaires en portant une imprimante lors d'un déploiement de matériel informatique chez un client.

Le salarié avait déclaré à la caisse ce même accident du travail le 21 mai 2019.



Le certificat médical initial du 7 mai 2019 fait état d'un 'lumbago'.



Le 9 septembre 2019, la caisse a refusé de prendre en charge l'accident déclaré au titre de la législation relative aux risques professionnels au motif qu'il n'existait pas de preuve que l'accident invoqué se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur.



Le 8 novembre 2020, le salarié a saisi la commission de recours amiable de la caisse qui, dans sa séance du 8 juillet 2020, a rejeté son recours, relevant que le salarié n'avait pas répondu au questionnaire adressé par la caisse et que l'employeur avait déclaré qu'il n'y avait pas d'activité de portage le 7 mai 2019.



Le salarié a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre qui, par jugement contradictoire en date du 5 septembre 2022, relevant que le salarié ne justifiait pas avoir saisi la commission de recours amiable dans les deux mois de la notification du refus de reconnaître le caractère professionnel de l'accident survenu le 7 mai 2019 par la caisse, a :

- déclaré le recours formé par le salarié irrecevable ;

- condamné le salarié aux dépens.



Par déclaration du 14 novembre 2022, le salarié a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l'audience du 12 décembre 2023.



Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour :

- de déclarer recevable son recours ;

- de reconnaître l'accident du travail contesté par la caisse ;

- de condamner la caisse à lui verser les indemnités journalières non perçues soit 6 482,23 euros ;

- de condamner la caisse à le dédommager à hauteur de 15 000 euros à titre d'indemnisation pour préjudice moral ;

- de mettre en place l'exécution immédiate du jugement avec une astreinte de 100 euros par jour de retard ;



Par conclusions écrites, déposées et soutenues auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :

à titre principal,

- de déclarer l'appel interjeté par le salarié irrecevable pour cause de forclusion

à titre subsidiaire et si par extraordinaire la Cour de céans estimait l'appel recevable,

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

à titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire, la Cour estimait le recours recevable

et par conséquent infirmait le jugement en ce qu'il a déclaré le recours irrecevable,

- de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

en tout état de cause,

- de condamner le salarié aux entiers dépens d'appel.



Les parties ne présentent aucune demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur l'irrecevabilité de l'appel



Selon l'article 528 du code de procédure civile, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.



Selon l'article 538 du même code, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse.



Aux termes de l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie.



En l'espèce, la caisse produit un document signé par le salarié certifiant que le salarié a reçu en mains propres la décision rendue le 5 septembre 2022.

Il n'est cependant pas précisé que le salarié a également reçu l'imprimé précisant les voies et délais de recours.



A l'audience, le salarié a indiqué qu'il avait juste récupéré le jugement au greffe du tribunal.



Au contraire, le greffe du tribunal a notifié le jugement par lettre recommandée avec avis de réception et la lettre est revenue 'pli avisé et non réclamé'.

Le greffe a donc informé la caisse que la décision n'avait pu être valablement notifiée au salarié et qu'il lui appartenait de faire signifier cette décision par acte d'huissier, en application de l'article 670-1 du code de procédure civile. Or la caisse n'a pas procédé à cette signification.

En conséquence, les délais d'appel n'ont pu commencer à courir et l'appel du salarié du 14 novembre 2022 est recevable.



Sur l'irrecevabilité du recours



Il résulte des dispositions de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale doivent être soumises à une commission de recours amiable dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée, la forclusion ne pouvant être opposée que si cette notification porte mention de ce délai.



Il appartient à la caisse, qui invoque la forclusion, d'établir que sa décision a été régulièrement notifiée. A défaut d'une telle notification ou en cas de notification irrégulière de la décision, son destinataire peut en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai (2e Civ., 21 octobre 2021, n° 20-16-170, F-D).



En l'espèce, il résulte de l'avis de réception que le salarié n'est pas allé chercher sa lettre recommandée du 9 septembre 2019 l'informant du refus de prise en charge de son accident au titre de la législation sur les risques professionnels. Il n'a donc pas été informé des voies et délais de recours contre cette décision.



En conséquence, le délai de forclusion visé à l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale n'a pu commencer à courir et sa contestation reçue par la commission de recours amiable le 8 novembre 2019 est recevable, de sorte que le jugement du 5 septembre 2022 est infirmé en toutes ses dispositions.



Sur l'accident déclaré



Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.



Pour que la présomption d'accident du travail trouve à s'appliquer, il convient cependant que le salarié démontre la matérialité d'un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail.

Les déclarations de la victime ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l'accident.



En l'espèce, il résulte des déclarations de l'employeur et du salarié que ce dernier s'est fait mal au dos en portant en vue de son installation une imprimante professionnelle chez un client.



Le certificat médical initial du jour des faits fait état d'un lumbago.



Au cours de l'instruction, l'employeur a exposé qu'il avait reçu un mail du salarié le 13 mai demandant un formulaire d'accident du travail en vue d'une consultation médicale le jour même et que ce n'était que le 14 juin qu'il a reçu des explications concernant cet accident du travail.

La société précise dans son questionnaire que le portage est réalisé par deux personnes au minimum, que le salarié n'avait que du paramétrage d'imprimante à faire le 7 mai et que la veille ils étaient deux pour porter et installer les imprimantes.

Il ajoute qu'il ne comprend pas pourquoi le salarié a mis autant de temps à fournir les données sur cet accident du travail malgré sa disponibilité et ses relances, qu'il n'a pas reçu l'arrêt initial de travail et ne sait pas 'pourquoi le salarié a initié un arrêt maladie au lieu d'un accident du travail pour la période du 09 et 10 mai 2019'.



Le salarié n'a pas répondu au questionnaire de la caisse.

Il expose que six imprimantes devaient être installées à l'ambassade du Chili, que s'ils étaient deux le 6 mai 2019, l'installation n'était pas terminée le lendemain et qu'il était seul à porter les imprimantes.

Néanmoins aucune information n'est fournie sur le travail effectué le 6 mai avec un collègue et ce qu'il lui restait à installer le lendemain.



Le salarié ne rapporte aucun élément justifiant que l'ensemble des imprimantes n'étaient pas déballées et installées le premier jour et qu'il a dû y procéder seul le second jour.

Il produit un courriel du 9 mai 2019 adressé à son responsable dans lequel il écrit qu'il a prévenu de son 'absence car le médecin m'a mis en arrêt pour mon dos'.

Les décomptes d'assurance maladie font apparaître qu'il a d'abord produit un certificat médical prescrivant un arrêt de travail pour maladie à compter du 9 mai 2019.



Enfin, sa déclaration d'accident de travail est en date du 21 mai 2019, il n'a fait état d'un accident du travail, qui serait survenu le 7 mai 2019, à son employeur que le 13 mai avant de lui donner des détails le 14 juin.



Il résulte de l'ensemble des éléments que le salarié ne rapporte pas suffisamment la preuve d'un fait accidentel qui se serait déroulé au temps et au lieu de travail ou en lien avec son travail.



En conséquence, c'est à juste titre que la caisse a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident survenu le 7 mai 2019 au préjudice du salarié et le recours de ce dernier sera rejeté.



Sur les dépens



Le salarié, qui succombe à l'instance, est condamné aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,



Déclare l'appel de M. [E] [F] recevable ;



Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Déclare le recours exercé par M. [E] [F], en contestation de la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine refusant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident survenu le 7 mai 2019, recevable ;



Rejette le recours de M. [E] [F] en contestation de la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine refusant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident survenu le 7 mai 2019 ;



Condamne M. [E] [F] aux dépens d'appel ;



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Laëtitia DARDELET, conseillère, pour Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente empêchée et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.





La GREFFIÈRE, P/La PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE

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