8 février 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/03296

Ch.protection sociale 4-7

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E



Ch.protection sociale 4-7







ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 FEVRIER 2024



N° RG 22/03296 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPYZ



AFFAIRE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE





C/

S.A. [4]





Décision déférée à la cour : Renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 23 Juillet 2020 par le Cour d'Appel de VERSAILLES, statuant sur un jugement du 27 septembre 2018 par le TASS de Cergy-Pontoise

N° RG : 18/04466





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES



la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT





Copies certifiées conformes délivrées à :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE



S.A. [4]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 5]

[Localité 2]



représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901





APPELANTE

****************



S.A. [4]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0346





INTIMÉE

****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente chargée d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Nathalie COURTOIS, Conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,



Greffière, lors des débats : Madame Juliette DUPONT,








EXPOSÉ DU LITIGE



Salarié de la société [4] (la société), M. [H] [I] (la victime) a, le 26 juin 2012, été victime d'un accident que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle.



Contestant, notamment, l'imputation à cet accident des arrêts de travail et des soins prescrits à la victime jusqu'à la date de guérison, fixée au 31 juillet 2016, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.



Par jugement du 27 septembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Cergy-Pontoise a :

- dit le recours de la société recevable mais mal fondé ;

- confirmé la décision de rejet de la commission de recours amiable en date du 11 février 2013, confirmant l'opposabilité à la société de la décision de prise en charge de l'accident de travail survenu le 26 juin 2012 et des arrêts de travail et soins y afférents ;

- rejeté le surplus des demandes de la société.



La société a interjeté appel de ce jugement.



Par arrêt du 23 juillet 2020, la cour d'appel de Versailles a :

- infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- décidé qu'est inopposable à la société la décision de la caisse de prendre en charge les soins et arrêts de travail de la victime au-delà du 20 novembre 2012 ;

- condamné la caisse aux dépens encourus depuis le 1er janvier 2019 ;

- débouté la caisse de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Sur pourvoi formé par la caisse, la Cour de cassation a, par arrêt du 2 juin 2022 (2e Civ., n° 20-20.734), cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé et renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée, pour les motifs suivants :



« Vu les articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale :



4. La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.



5. Pour déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge des soins et des arrêts de travail postérieurs au 20 novembre 2012, l'arrêt constate que la matérialité de l'accident n'est pas contestée et qu'il existe une présomption que les soins et arrêts de travail postérieurs sont imputables à cet accident. Il ajoute qu'il n'y pas eu d'interruption dans les arrêts de travail ni dans les soins, la victime ayant bénéficié d'une intervention chirurgicale le 20 novembre 2012. Il retient toutefois que la nature même de l'accident invoqué, s'agissant d'une douleur éprouvée à la descente d'un élévateur n'est aucunement susceptible de justifier cette opération non plus que la durée, particulièrement longue, de l'arrêt de travail (553 jours). Il en déduit qu'une telle situation ne peut s'expliquer que par l'existence d'un état antérieur, d'autant plus que la victime n'était âgée que de 41 ans à l'époque de l'accident, et que dès lors c'est à la caisse qu'il appartient de démontrer qu'il y a eu une aggravation de l'état antérieur, seule à même d'expliquer le fait que la victime devra être opérée d'une hernie discale au mois de novembre 2012. Il ajoute qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que le service médical ait constamment justifié l'arrêt de travail, la dernière fiche de liaison médico-administrative datant du 30 octobre 2012.



6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'arrêt de travail initial avait été prolongé pendant 553 jours, ce dont il résultait que la présomption d'imputabilité prévue par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale continuait à s'appliquer durant cette période, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. »



La caisse a, par courrier reçu le 12 octobre 2022, saisi la cour de céans.



L'affaire a été plaidée à l'audience du 11 janvier 2024.



Les parties ont comparu, représentées par leur avocat.



Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande la confirmation du jugement entrepris.



Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande de lui déclarer inopposable l'ensemble des prestations prescrites à la victime et à titre subsidiaire, de constater qu'elle rapporte la preuve que les arrêts et soins prescrits postérieurement au 20 novembre 2012 ne doivent pas être pris en charge au titre de la législation professionnelle. A titre infiniment subsidiaire, elle demande la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise judiciaire.



En application de l'article 700 du code de procédure civile, la caisse demande la condamnation de la société à lui payer la somme de 1 500 euros.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Il résulte des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.



En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la victime a ressenti une vive douleur au dos en descendant de son élévateur. La déclaration d'accident du travail mentionne, au titre du siège des lésions, les vertèbres dorso-lombaires. Le certificat médical initial du 27 juin 2012, établi le lendemain des faits, prescrit un arrêt de travail qui a été prolongé jusqu'au 30 novembre 2015. Un certificat du 1er septembre 2015 prescrit un travail léger pour raisons médicales, renouvelé jusqu'au 31 mars 2015. Des soins ont ensuite été prescrits jusqu'au 31 juillet 2016, date de guérison.



Selon le certificat médical initial et les certificats de prolongation, la victime souffre, pour l'essentiel, d'une lombo-sciatique, cette lésion apparaissant de façon récurrente sur ces certificats.



La présomption d'imputabilité a, dès lors, vocation à jouer jusqu'à la date de guérison.



Il appartient à la société de produire des éléments de nature à détruire cette présomption.



La société rappelle que la victime a bénéficié de 533 jours d'arrêts de travail. Elle produit une note du docteur [B] qui souligne que le certificat médical de prolongation du 5 octobre 2012 mentionne l'existence de hernies discales au niveau L4-L5 et L5-S1. Ce médecin affirme que lors de l'accident du travail, la victime n'a subi aucun choc et n'a réalisé aucun effort, même modéré, puisqu'elle était simplement descendue de son élévateur. Il estime que dans ces conditions, il n'est pas possible de considérer qu'un mouvement aussi anodin puisse être à l'origine de deux hernies discales lombaires L4-L5 et L5-S1, qui doivent être considérées comme des états antérieurs, préexistants à l'accident. Il ajoute que la hernie discale L5-S1, opérée une première fois en novembre 2012, a nécessité une reprise chirurgicale en mars 2014. Il conclut que la consolidation doit être arrêtée au 20 novembre 2012, et que tous les arrêts de travail prescrits à partir du 21 novembre 2012, date de l'hospitalisation pour la prise en charge chirurgicale de la hernie susvisée, ne sont pas imputables à l'accident du travail.



Cet avis médico-légal n'est pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité. En effet, si des hernies discales ont été constatées dans le certificat de prolongation du 5 octobre 2012 ainsi que dans certains certificats ultérieurs, la lombo-sciatique n'a pas pour autant disparu et reste mentionnée dans la majorité des pièces médicales produites. Au surplus, eu égard à leur nature et leur siège, l'ensemble des lésions décrites jusqu'à la date de guérison ne paraît pas en rupture avec la lombo-sciatique indiquée dans le certificat médical initial. Par ailleurs, le seul fait qu'au moment de l'accident, la victime n'exécutait pas de gestes brusques est indifférent et ne peut détruire la présomption d'imputabilité. Les observations présentées par le docteur [B] ne démontrent pas davantage que les lésions subies par la victime sont, pour tout ou partie, étrangères à l'accident du travail.



Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté le recours en inopposabilité formé par la société.



Au vu des développements qui précèdent, les éléments produits ne sont pas suffisamment pertinents pour justifier la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction ; le jugement déféré sera également confirmé sur le rejet de la demande d'expertise médicale.



Contrairement à ce que soutient la société, le refus d'ordonner une mesure d'instruction ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable, ni ne caractérise une violation du respect du principe du contradictoire et de l'égalité des armes, dès lors que la cour de céans s'estime suffisamment informée par les pièces versées aux débats et en particulier, par l'ensemble des certificats médicaux produits par la caisse.



La société, qui succombe, sera condamnée aux dépens exposés en appel et condamnée à payer à la caisse la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :



Vu l'arrêt rendu le 2 juin 2022 (2e Civ., n° 20-20.734) par la Cour de Cassation ;



CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions critiquées ;



Condamne la société [4] aux dépens exposés en appel ;



En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [4] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 1 500 euros.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Laëtitia DARDELET, conseillère, pour Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente empêchée et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.







LA GREFFIÈRE P/ LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.