8 février 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/03295

Ch.protection sociale 4-7

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88G



Ch.protection sociale 4-7





ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 FEVRIER 2024



N° RG 22/03295 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPYU



AFFAIRE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE





C/

Société [5]





ASSURÉE : Madame [Z] [D]





Décision déférée à la cour : Renvoi après cassation de l'arrêt rendu le 23 Juillet 2022 par le Cour d'Appel de VERSAILLES, sur appel du jugement rendu par le TASS de Nanterre rendu le 19 septembre 2018 (14-00231)

N° RG : 18/04680



Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES



la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT





Copies certifiées conformes délivrées à :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE



Société [5]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :





CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901





APPELANTE

****************



Société [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0346





INTIMÉE

****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente chargée d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Nathalie COURTOIS, Conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,



Greffière, lors des débats : Madame Juliette DUPONT,








EXPOSÉ DU LITIGE



Salarié de la société [5] (la société), Mme [Z] [D] (la victime) a été victime, le 31 mai 2010, d'un accident que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse) a pris en charge, le 9 juin 2010, au titre de la législation professionnelle.



L'état de santé de la victime a été déclaré consolidé le 20 mai 2011.



Contestant, notamment, l'imputation à l'accident des arrêts de travail postérieurs au 23 septembre 2010, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.



Par jugement du 19 septembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre a rejeté ce recours.



La société a interjeté appel du jugement.



Par arrêt du 23 juillet 2020, la cour d'appel de Versailles a :

- confirmé le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la période pour laquelle les soins et arrêts de travail sont opposables à la société ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- décidé que seuls sont opposables à la société, en relation avec l'accident du travail subi par la victime le 31 mai 2010, les soins et arrêts de travail antérieurs au 24 septembre 2010 ;

- condamné la caisse aux dépens d'appel ;

- débouté les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.



Sur pourvoi formé par la caisse, la Cour de cassation a, par arrêt du 2 juin 2022 (2e Civ., n° 20-20.735), cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé, l'affaire et les parties étant renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée, au motif suivant :



« Vu les articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale :

4. La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

5. Pour déclarer opposables à l'employeur les seuls arrêts de travail et soins antérieurs au 24 septembre 2010, l'arrêt constate qu'il est surprenant que la caisse ait pu, sans s'interroger davantage, prendre en charge 314 jours d'arrêt de travail pour les suites d'un accident du travail dont rien n'indique qu'il aurait été autre chose que bénin et qui a, en tout état de cause, donné lieu à la délivrance de certificats médicaux sans aucune relation les uns avec les autres. Il ajoute que, comme l'a relevé le médecin-conseil de la société, « ces lésions discales ne peuvent, en aucun cas, être responsables d'une névralgie cervico-brachiale. Aucune lésion discale cervicale n'est mentionnée sur les certificats [...] ». Il en déduit qu'il y a une rupture dans la continuité de la cause médicale des arrêts de travail et des soins ordonnés, et que deux hypothèses peuvent être envisagées : des déclarations de la victime non conformes à son état de santé, ou un cumul de pathologies. Il ajoute que dans chacune de ces hypothèses, la présomption étant anéantie, il appartenait à la caisse de prendre les mesures nécessaires pour vérifier que la seconde pathologie était en lien direct et certain avec l'accident.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'arrêt de travail initial avait été prolongé pendant 314 jours préalablement à la consolidation de l'état de la victime le 20 mai 2011, ce dont il résultait que la présomption d'imputabilité fondée sur l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale continuait à s'appliquer durant cette période, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. »



La caisse a, par courrier du 24 octobre 2022, saisi la cour de céans.



L'affaire a été plaidée à l'audience du 11 janvier 2024.



Les parties ont comparu, représentées par leur avocat.



Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande de déclarer opposable à la société la totalité des arrêts de travail pris en charge à la suite de l'accident du travail en cause.



Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société sollicite l'infirmation du jugement entrepris. Elle demande, pour l'essentiel, de déclarer inopposables à son égard les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse postérieurement au 23 septembre 2010 et de fixer la date de consolidation à cette date.



A titre subsidiaire, elle sollicite la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise médicale.



En application de l'article 700 du code de procédure civile, la caisse demande la condamnation de la société à lui payer la somme de 1 500 euros.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Il résulte des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.



En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la victime, qui occupe un poste d'employée qualifiée, a ressenti une douleur cervicale alors qu'elle remontait un patient dans son lit. Le certificat médical initial du 31 mai 2010, établi le jour des faits, prescrit un arrêt de travail qui s'est prolongé jusqu'au 9 mai 2011. Les certificats de prolongation mentionnent tous une cervicalgie ou une névralgie cervico-brachiale, étant souligné que la caisse a refusé de prendre en charge, au titre de l'accident du travail initial, les hernies discales constatées dans certains certificats.



La présomption d'imputabilité pour les cervicalgies ou la névralgie cervico-brachiale a, dès lors, vocation à jouer jusqu'à la date de consolidation, fixée au 20 mai 2011.



Il appartient à la société de produire des éléments de nature à détruire cette présomption.



A l'appui de sa contestation, la société fournit une note du docteur [J] qui estime, au vu de la nature de l'accident, des lésions présentées par la victime et d'une IRM, qu'il existait une pathologie rachidienne étendue puisqu'il est fait également état, huit mois après la date de l'accident, d'une lombo-sciatique sur hernie discale lombaire, sans rapport avec les lésions initiales. Ce médecin considère qu'il existait ainsi de multiples affections rachidiennes au niveau cervical, dorsal et lombaire et que seule la névralgie cervico-brachiale peut, éventuellement, être rattachée à l'accident qui a été déclaré. Il ajoute que la durée des arrêts de travail ne peut s'expliquer que par l'évolution d'affections indépendantes de l'accident, évoluant pour leur propre compte. Il souligne que sur le certificat du 24 septembre 2010, il est fait état d'une récidive de douleur cervicale, témoignant d'une disparition de celle-ci à une date antérieure, et que cette récidive, alors que l'activité professionnelle n'a pas été reprise, ne peut être qu'en rapport avec l'évolution d'une affection dégénérative préexistante à l'accident. Il conclut que l'arrêt de travail était justifié, au maximum, jusqu'au 23 septembre 2010 et qu'au delà de cette date, ces arrêts étaient en rapport avec des lésions indépendantes de l'accident déclaré.



Cet avis médico-légal, qui procède par voie d'affirmation, n'est pas de nature à démontrer d'une part, que l'accident n'a eu aucune incidence sur l'état pathologique antérieur de la victime, à supposer que celui-ci soit établi, d'autre part, que les lésions postérieures au 23 septembre 2010 sont totalement détachables de cet accident. De même, ledit avis ne comporte pas des éléments suffisamment pertinents de nature à justifier la mise en oeuvre d'une expertise.



C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la société de son recours et rejeté sa demande d'expertise judiciaire.



La société, qui succombe, sera condamnée aux dépens exposés en appel et condamnée à payer à la caisse la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.







PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :



Vu l'arrêt rendu le 2 juin 2022 (2e Civ., n° 20-20.735) par la Cour de Cassation ;



CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions critiquées ;



Condamne la société [5] aux dépens exposés en appel ;



En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [5] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 1 500 euros.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Laëtitia DARDELET, conseillère, pour Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente empêchée et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.





LA GREFFIÈRE P/ LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE

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