8 février 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/02170

Chambre sociale 4-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 FEVRIER 2024



N° RG 22/02170

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJW3



AFFAIRE :



[C] [L]





C/

Association OGEC [5]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : E

N° RG : 20/00055



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELEURL ARENA AVOCAT



la AARPI SPARK AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [C] [L]

née le 22 Décembre 1959 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Représentant : Me Isabelle JOULLAIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1481







APPELANTE

****************





Association OGEC [5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Matthieu RICHARD DE SOULTRAIT de l'AARPI SPARK AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R244







INTIMEE

****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Décembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,



Greffier lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,








EXPOSE DU LITIGE



Mme [C] [L] a exercé les fonctions de professeur de mathématiques au sein de l'association l'organisme de gestion de l'enseignement Catholique de l'institution [5] (ci-après dénommé OGEC [5]) à compter du 6 novembre 1990.



Elle a ensuite été engagée par l'OGEC [5] suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2005 en qualité de directrice adjointe du lycée général et technologique [5], catégorie 4-1, échelon 9, avec le statut de cadre.



La relation de travail était régie par la convention collective nationale de l'enseignement privé non lucratif.



Par lettre du 4 mars 2020, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé au 13 mars 2020.



Par lettre du 26 mars 2020, l'employeur a licencié la salariée pour faute grave.



Contestant son licenciement, le 15 juin 2020 Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet afin voir condamner l'OGEC [5] au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.



Par jugement en date du 20 juin 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- fixé le salaire mensuel brut de Mme [L] à 3 292,19 euros,

- dit que le licenciement de Mme [L] est un licenciement pour faute,

- condamné l'OGEC à verser à Mme [L] les sommes de :

* 9 886,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 988,63 euros au titre des congés payés y afférents,

* 13 443,11 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [L] de ses autres demandes,

- ordonné à l'OGEC de remettre à Mme [L] un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés, ainsi que les bulletins de salaire dans un délai de 90 jours à compter de la notification de la présente décision. Passé ce délai, l'OGEC sera redevable d'une astreinte de 25 euros par jour de retard. Le conseil se réserve le droit de liquider l'astreinte,

- condamné l'OGEC au versement de la somme de 1 500 euros à Mme [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'OGEC de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'OGEC aux entiers dépens et aux frais d'exécution éventuels,

- dit que les sommes porteront intérêts légaux à compter de la mise à disposition du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire de droit,

- rejeté les demandes plus amples et autres des parties.



Le 8 juillet 2022, Mme [L] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.



Par conclusions signifiées par voie électronique le 1er décembre 2023, Mme [L] demande à la cour de :

- débouter l'OGEC [5] de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'OGEC [5] à lui régler les sommes de :

* 9 886,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 988,63 euros au titre des congés payés y afférents,

* 13 443,11 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- et statuant à nouveau, infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que la mesure de licenciement prononcée à son encontre est un licenciement pour faute,

- déclarer que le licenciement prononcé à son encontre ne relève ni de la faute grave, ni de la cause réelle et sérieuse,

- condamner l'OGEC [5] à lui régler les sommes de :

* 47 784,02 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 9 684,15 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour la période du mois d'avril 2020 au mois d'août 2020,

* 19 772,70 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 9 886,35 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire,

- lesdites sommes assorties d'intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande,

-ordonner à l'OGEC [5] de lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner l'OGEC [5] à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Par conclusions signifiées par voie électronique le 6 juillet 2023, l'OGEC [5] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [L] en licenciement pour faute, et l'a condamnée au règlement des sommes suivantes :

* 13 443,11 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 9 886,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 988,63 euros en paiement des congés payés afférents,

* 1 500 euros à titre d'article 700 du code de procédure civile,

- et statuant à nouveau, de débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- en tout état de cause, de condamner Mme [L] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution forcée de l'arrêt à intervenir.



En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.



L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 5 décembre 2023.






MOTIVATION



Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences



La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :



« ['] Dans le cadre des entretiens de fin d'année, nous avons été amenés à constater une nouvelle fois des tensions internes faisant craindre l'émergence de risques psychosociaux.

En conséquence, en lien avec le CSE et les chefs d'établissement, l'OGEC a pris la décision de mettre en place une commission d'enquête afin de faire le clair sur cette situation.



Ainsi une commission mixte d'enquête a été constituée, composée de :



[Z] [N]-CSE (Aide maternelle)

[X] [K]-CSE (Enseignante)

[V] [S]-OGEC (Chef d'établissement)

[A] [O]-OGEC (Chef d'établissement)

[H] [R]-OGEC (Président)



Le CSE a proposé l'audition de 11 personnes en lien avec les faits :



-Madame [L]

-Madame [Y]

-Madame [B]

-Madame [M]

-Monsieur [F]

-Monsieur [T]

-Madame [D]

-Madame [E]

-Madame [I]

-Madame [U]

-Madame [W]



Chacune de ces personnes a eu la possibilité de s'exprimer dans un cadre impartial et neutre, et s'est vu remettre un « questionnaire de Leymann » avec un espace d'expression libre. Ce questionnaire a pour vocation d'évaluer la prévalence d'exposition à des situations de «violence», avec possibilité pour les salariés de citer toute autre situation, potentiellement manquante.



Or, il est ressorti de cette enquête l'existence de comportements inappropriés au sein de l'équipe OGEC du lycée, qui ont porté atteinte à la santé d'autres salariés, ces faits pouvant recevoir la qualification de harcèlement moral ou à tout le moins d'atteinte portée à la santé des collaborateurs.



Vous concernant, il est apparu :

- Que vous étiez à l'origine de tensions, d'une ambiance difficile et pesante.

- Que vous alimentiez une « guerre » ouverte entre trois personnes : lutte de pouvoir, quête de reconnaissance

- Que de nombreuses personnes ont déclaré être en souffrance du fait de votre comportement, la situation s'étant aggravée en intensité et en fréquence.

- Que le travail en équipe est impossible, les professeurs ne sachant plus à qui s'adresser, n'en pouvant plus.

- Que certains membres du personnel se sentent obligés de prendre parti et selon le parti pris, on ne leur parle plus, ce qui crée des clans.



Notamment les points suivants ont été relevés :



-Dénigrement/remarques dégradantes : au sujet de l'organisation du bac E3C « Madame [L] a dit bien fort, c'est le bordel cette organisation » « tout le service de la vie scolaire était dégoûté ».

- « Je me sentais comme dans Jurassic Park, attaquée par deux vélociraptors ».

- « Madame [L] a réussi à me dégoûter de mon travail, je suis épuisée, éc'urée, fatiguée ».

- Mensonge caractérisé : « Devant un tel mensonge j'ai dû quitter la salle du conseil direction». Faits établis au sujet d'un remplacement demandé à Madame [J].

- Mensonge caractérisé : « A partir de maintenant, je refuse d'être seule avec Madame [L] car elle ment, je demande la présence d'un témoin ».

- Du mépris/Ignorance : « Elle ne dit jamais bonjour, elle rentre dans mon bureau très régulièrement et fait comme si je n'étais pas là. Elle ne parle qu'à Monsieur [F] ».

- Du mépris : « Madame [L] entre dans le bureau de la vie scolaire et ne parle qu'à moi alors que Madame [Y] est plus concernée. Je pense qu'elle fait cela pour toucher [G] sans la heurter frontalement ».

- Du mépris : « à une rentrée de classe, sachant que la maman de Madame [L] avait été malade, je lui ai demandé des nouvelles. Elle a répondu en regardant Madame [D]. »

- « Tous mes faits et gestes sont calculés en fonction des réactions possibles de Madame [L] ».

- « Elle dit du bien de moi, je me demande si ce n'est pas pour dévaloriser [G] [Y] ».

- « C'est infernal de toujours se demander comment faire, cela pollue le quotidien ».

- Du mépris : « Madame [L] est arrivée dans ma classe en frappant violemment. Elle était cramoisie. Elle m'a traité d'irresponsable devant mes élèves, elle m'avait accusé d'avoir transmis un secret médical, la jeune fille sanglotait. « Utiliser ce prétexte pour m'humilier m'a paru indigne. Je me suis syndiquée car je me sentais en danger ».

- Mise à l'écart : « Madame [L] a demandé à Madame [P], bénévole au B.I.A.de ne pas m'inviter à une réunion car je n'étais pas adjointe ».

- « On sent que c'est une volonté de pouvoir, d'avoir de l'ascendant sur l'autre. Il n'y a pas de volonté de travailler ensemble. Les deux personnes sont des éléments moteurs dans cette situation ».



Il est rappelé que tout employeur a l'obligation de garanti r la santé et la sécurité des salariés, les risques psychosociaux (stress, harcèlement moral, violences au travail) devant être pris en compte. »



[']



Dès lors, après réflexion, nous considérons que l'attitude que vous avez pu tenir, caractérise une violation inacceptable des articles 9, 20 et 22 est une faute grave au sens de l'article 23 de notre règlement intérieur. Ce caractère gravement fautif résulte en particulier des responsabilités spécifiques qui sont les vôtres en votre qualité de Directrice adjointe du lycée général et technologique. Nous relevons particulièrement l'atteinte portée à la santé et à la sécurité des collaborateurs. ['] »



La salariée indique qu'elle n'a pas eu accès aux conclusions de l'enquête menée par l'employeur avant son licenciement et que la lettre de licenciement se contente de faire état d'extraits de déclarations sans date, ni contexte, de façon déloyale. Elle soutient qu'elle a toujours respecté ses obligations contractuelles et exécuté les tâches qui lui étaient confiées de manière satisfaisante et respectueuse. Elle souligne que le règlement intérieur ne lui a pas été remis et qu'il n'était pas affiché au sein de l'établissement. Elle considère que l'analyse des déclarations issues de l'enquête ne permet pas des conclusions aussi tranchées, et elle note qu'après son départ, une nouvelle organisation a dû être mise en place, Mme [Y] étant supervisée par un nouveau responsable hiérarchique. Elle conclut qu'en réalité, il existait un conflit entre trois personnes et qu'elle n'était pas responsable de la situation, mais qu'elle était devenue bouc-émissaire de Mme [Y] et de Mme [B], qui s'étaient liguées contre elle. Elle déplore un traitement inéquitable, les deux autres salariées n'ayant fait l'objet que d'un avertissement.



L'employeur fait valoir que la salariée qui devait être le relai entre le chef d'établissement et les membres de la communauté éducative, a adopté un comportement avec Mme [B] et Mme [Y] confinant au harcèlement moral et justifiant en tout état de cause son licenciement dès lors que son comportement avait un impact sur les conditions de travail. L'employeur reprend les conclusions de l'enquête menée par le comité social et économique : le travail en équipe était impossible, certains membres du personnel se sentaient obligés de prendre parti, ce qui créait des clans, de la souffrance au travail était causée, s'aggravant en intensité et en fréquence, malgré les alertes de la direction suite à des plaintes remontant à juin 2016 pour Mme [B] et à fin 2016 pour Mme [Y]. L'employeur fait valoir qu'il a réagi suite aux plaintes de ces dernières, à l'intervention de l'inspection du travail et à l'intervention de la CFDT, que de nouvelles fiches de poste ont été établies et qu'une psychologue du travail est intervenue dans l'établissement. Il conclut que l'enquête a été menée de manière minutieuse, qu'au vu des conclusions, la directrice adjointe qui devait avoir un comportement irréprochable et fédérateur, a fait preuve d'agissements réitérées caractérisant une faute grave.



Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.



La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.



Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.



Sur le bien fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.



Aux termes de l'article L. 1152-5 du code du travail, tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.



Aux termes de l'article 9 du règlement intérieur de l'OGEC [5] :


chaque salarié doit respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir-être en collectivité,

toute rixe, injure, comportement agressif, incivilité est interdit dans l'entreprise, a fortiori lorsque ce comportement est susceptible d'être sanctionné pénalement,

le comportement général de chacun doit être empreint d'une certaine forme d'exemplarité.




Aux termes de l'article 23 du règlement intérieur de l'OGEC [5] :

Les sanctions, y compris le licenciement sans préavis ni indemnités avec mise à pied conservatoire immédiate, pourront être appliquées, notamment dans les cas suivants :


désorganisation volontaire de la bonne marche de l'établissement,

critiques et dénigrements systématiques.




La lettre de licenciement énonce en substance l'existence de comportements inappropriés de Mme [L], pouvant recevoir la qualification de harcèlement moral, ou à tout le moins d'atteinte à la santé des collaborateurs.



L'enquête interne menée par l'établissement n'est pas soumise à un formalisme particulier, la cour en appréciant la valeur probante. En l'espèce, l'organisme de gestion de l'enseignement catholique, en lien avec les chefs d'établissement et le comité social économique, ont mis en place une commission, composée de cinq membres : Mme [N], membre du comité social économique, Mme [K], membre du comité social économique, Mme [S], chef d'établissement du premier degré, M. [O], président du comité social économique et chef d'établissement du second degré, M. [R], président de l'organisme de gestion de l'enseignement catholique. Les membres du comité social et économique ont proposé l'audition de onze personnes identifiées comme étant en lien avec les faits, les auditions se sont déroulées le 6 février 2020 au lycée, cinq questions étaient posées, outre le questionnaire de Leymann, à la fin de chaque entretien, la prise de note effectuée par Mme [S] était soumise à l'approbation de chaque personne entendue. La commission d'enquête a rendu ses conclusions dans un rapport daté du 25 février 2020, avant l'engagement de la procédure de licenciement par convocation du 4 mars 2020. Ainsi, l'enquête interne n'a pas été menée de manière déloyale, aucune disposition ne prévoyant que les conclusions écrites de cette enquête devaient être partagées avec les personnes mises en cause avant l'engagement de la procédure disciplinaire.

Il ressort du contrat de travail de Mme [L] que celle-ci 'reconnaît avoir pris connaissance [...] du règlement intérieur', celui-ci lui est donc bien opposable, contrairement à ses affirmations.



La lettre de licenciement reproche à la salariée les faits suivants:

- d'être à l'origine de tensions, d'une ambiance difficile et pesante,

- d'alimenter une 'guerre' ouverte entre trois personnes : lutte de pouvoir, quête de reconnaissance,

- d'avoir causé de la souffrance à de nombreuses personnes du fait de son comportement,

- d'avoir rendu le travail en équipe impossible, les professeurs ne sachant plus à qui s'adresser, n'en pouvant plus,

- que certains membres du personnel se sentent obligés de prendre parti, et selon le parti pris, on ne leur parle plus, ce qui crée des clans.



A l'appui de ses allégations, l'employeur produit, notamment, l'organigramme, un courrier de la CFDT formation et enseignement privés ouest francilien du 22 juin 2018, une lettre du 28 mai 2017 de Mme [Y], un compte-rendu de réunion du CHSCT du 29 juin 2017, un compte-rendu de visite de tutelle les 5 et 6 février 2018, un courriel de Mme [B] du 29 mai 2018, la lettre de l'inspection du travail du 22 juin 2018, les fiches de poste de Mme [L], directrice adjointe, de Mme [B], adjointe de direction, et de Mme [Y], cadre éducatif, l'entretien professionnel de Mme [L] du 19 novembre 2019, les entretiens d'évaluation de Mme [B] et de Mme [Y] du 19 novembre 2019, trois courriels de Mme [Y] des 17 décembre 2019, 13 et 31 janvier 2020, onze procès-verbaux d'audition, le rapport définitif de la commission d'enquête du comité social et économique, une lettre du 24 février 2021 de Mme [Y].



Il ressort de l'analyse de ces pièces qu'une situation de rivalité de pouvoir et de compétence entre deux responsables pédagogiques Mme [L] et Mme [B] s'est mise en place après l'arrivée de Mme [L] dans le service et qu'elle a été à l'origine de conflits importants et perdurant.





Mme [B] a ainsi alerté son employeur à plusieurs reprises d'une situation de souffrance au travail et de la dégradation de son état de santé en raison de ces conflits, son syndicat, la CFDT ayant écrit pour faire part de la situation à l'employeur dès le 13 juin 2016.



Il ressort du dossier que l'employeur a réagi, envoyant un courriel demandant à Mme [L] lui demandant de faire attention à son comportement, demandant le soutien de sa tutelle, engageant une enquête du CHSCT, et clarifiant les fiches de poste des deux salariées mais que le conflit n'a pas pu être réglé et a perduré de façon insatisfaisante pour l'ensemble de la communauté éducative créant des tensions et un climat de travail peu propice à fédérer les équipes en lien avec les deux responsables pédagogiques.



Ainsi, Mme [Y], cadre éducatif, a rejoint l'équipe dans un contexte où existait déjà un conflit important entre Mmes [L] et Mme [B], et les relations entre les trois salariées sont également devenues conflictuelles, Mme [B] et Mme [Y] faisant, dans les derniers temps, bloc contre Mme [L].



Cependant, l'employeur ne démontre pas que Mme [L] soit principalement à l'origine des tensions conflictuelles entre les trois salariés et de l'ambiance de travail difficile et pesante dans l'ensemble du service, les trois salariés ayant contribué à ces tensions et difficultés, plusieurs membres du service témoignant avoir des relations plus difficiles avec Mme [Y] ou avec Mme [B] qu'avec Mme [L].



L'employeur ne rapporte, en outre, pas la preuve que Mme [L] ait été à l'origine d'agissements de harcèlement moral à l'encontre de Mme [B] ou de Mme [Y], les éléments portés à l'appréciation de la cour, plaintes de ses dernières et la lettre de Mme [Y] du 24 février 2020, concomitante à l'engagement de la procédure de licenciement, étant insuffisantes à établir ces agissements, les extraits de l'enquête interne versés à la lettre de licenciement ne reflétant pas les résultats de l'enquête de manière objective.



Par conséquent, la faute reprochée à Mme [L] n'impliquait pas son éviction immédiate de l'établissement, d'autant plus que la mésentente entre les trois personnes perdurait depuis longtemps. Ainsi, la faute grave n'est pas caractérisée au vu des éléments du dossier, Mme [L] ne pouvant être retenue comme principale responsable d'une mésentente entre trois personnes, alors qu'elle ne présente, par ailleurs, pas de passif disciplinaire et a une ancienneté importante.



Il est toutefois établi que Mme [L] qui se devait d'être exemplaire a eu, à plusieurs reprises un comportement inapproprié, notamment à l'égard de Mme [B] et de Mme [Y], créant de la souffrance au travail et un climat de type clanique, chacun étant pris à parti dans le conflit et en subissant les conséquences et qu'elle n'a pas su avoir un comportement fédérateur favorisant le travail en équipe tel qu'attendu de la part d'un cadre de la direction de ce niveau de responsabilité.



Par conséquent, au vu des pièces produites par chacune des parties, il est avéré que Mme [L] a eu un comportement fautif, contraire à l'article 9 du règlement intérieur, caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement. Mme [L] doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.



La salariée se prévaut d'une reprise d'ancienneté au 13 décembre 2001, cependant aucune clause de reprise d'ancienneté ne figure à son contrat de travail, et aucune date n'est mentionnée à ce titre sur les bulletins de paie. Par conséquent, la date d'embauche au 1er septembre 2005 du contrat de travail sera retenue.



Sur l'indemnité compensatrice de préavis



En application de l'article 6.2 de la convention collective applicable, la salariée qui justifie d'une ancienneté de plus de deux mois et qui est cadre, bénéficie d'une indemnité de préavis d'une durée de trois mois. Il lui sera alloué une somme de 9 886,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 988,63 euros au titre des congés payés afférents.







Sur l'indemnité légale de licenciement



En application de l'article R. 1234-2 du code du travail, il sera alloué à Mme [L] une indemnité de licenciement d'un montant de 13 443,11 euros, ce quantum n'étant pas contesté par la société intimée.



Le jugement entrepris sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a condamné l'OGEC [5] à payer à Mme [L] les sommes suivantes:


9 886,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

988,63 euros au titre des congés payés afférents,

13 443,11 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.




Sur l'exécution déloyale du contrat de travail



La salariée indique que l'établissement avait connaissance des difficultés qu'elle rencontrait dans l'exercice de ses fonctions, avec une équipe qui lui manquait de respect et n'acceptait pas son autorité. Elle considère que l'enquête interne démontre une unanimité quant à ses qualités professionnelles, son respect de l'ensemble de ses interlocuteurs, sa bienveillance, l'absence d'attitude méprisante ou dénigrante, sa politesse et courtoisie. La salariée soutient que l'établissement lui a notifié son licenciement pour faute grave alors même qu'elle aussi a été en souffrance et qu'il n'a sanctionné Mmes [B] et [Y] que par de simples avertissements, agissant avec déloyauté.



L'employeur soutient que la demande fait doublon avec celle au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir, en tout état de cause, qu'il est libre du degré de sanction qu'il prononce considérant que la salariée a causé des souffrances réitérées à deux salariées Mmes [B] et [Y] et qu'il a tout tenté pendant plusieurs années avant de prononcer son licenciement après plusieurs alertes, ne faisant preuve d'aucune mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail.



En l'espèce, la salariée forme une demande relative aux conditions d'exécution du contrat de travail, celle-ci est bien distincte de ses demandes en contestation du licenciement, relatives à la rupture du contrat de travail.



Cependant, le fait que la salariée ait informé l'employeur des difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, et d'une mésentente ne suffit pas à établir une exécution déloyale de la part de l'employeur qui a pris plusieurs mesures pour trouver une solution aux difficultés rencontrées.



Enfin, le fait que l'employeur ait prononcé un avertissement à l'encontre de Mmes [B] et [Y] relève du pouvoir de sanction de l'employeur, qui avait toute latitude pour apprécier la gravité des manquements commis par ces dernières selon une échelle de sanction et ne saurait constituer un acte déloyal à l'égard de la salariée qui a fait l'objet d'un licenciement, la contestation du licenciement, faisant, en effet, déjà l'objet d'une demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Le jugement entrepris sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.



Sur les circonstances brutales et vexatoires de la rupture



La salariée indique qu'elle a été choquée par la brutalité de la mesure prise à son encontre alors qu'elle a fait preuve d'un investissement important. Elle ajoute qu'elle a dû consulter son médecin traitant qui l'a immédiatement arrêtée, lui prescrivant un traitement médicamenteux, puis qu'affectée par la situation, elle a déménagé et changé de région afin de ne plus être ramenée à un contexte traumatique.



L'employeur fait valoir qu'il a alerté à plusieurs reprises la salariée sur son comportement, que plusieurs enquêtes ont été menées et qu'il ne peut être soutenu que le licenciement serait intervenu de manière brutale. Il précise ne pas avoir mis à pied la salariée à titre conservatoire lors de la convocation par égard pour elle et conclut que la procédure de licenciement n'a pas été menée de manière brutale et vexatoire.



En l'espèce, il ne résulte pas des circonstances de la rupture que celle-ci soit intervenue de manière brutale et vexatoire.



A défaut de circonstances brutales et vexatoires, la salariée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement. Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.



Sur la demande de dommages et intérêts pour la période d'avril 2020 à août 2020



La salariée sollicite des dommages et intérêts pour la perte de salaire entre son licenciement et son nouveau poste de professeur à temps plein à compter de septembre 2020. Elle indique qu'elle n'a été rémunérée que pour 8 heures de cours de mathématiques à hauteur de 2 001,53 euros par mois.



L'employeur fait valoir que le salaire perçu par la salariée est supérieur à ses déclarations, qu'en outre, il est normal que celui-ci ait été réduit suite à son licenciement, et qu'enfin, si la cour jugeait son licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle ne saurait cumuler de dommages et intérêts au titre du licenciement et au titre de la rupture.



En l'espèce, la salariée ayant fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, son salaire ne lui a plus été versé, le préavis n'étant pas dû par l'employeur au moment du licenciement.



En outre, le licenciement étant jugé comme fondé sur une cause réelle et sérieuse, et non sur une faute grave, l'employeur est condamné à verser à la salariée une indemnité compensatrice de préavis de trois mois.



Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts, à défaut de préjudice subi par la salariée.



Sur les documents de fin de contrat



Il y a lieu d'ordonner à l'OGEC [5] de remettre à Mme [L] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et les bulletins de salaire conformes à la présente décision, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point sauf en ce qu'il a ordonné une astreinte.



Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail



En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'OGEC [5] aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.



Sur le cours des intérêts



En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.



La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée.



Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.



Sur les autres demandes



Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.



L'OGEC [5] succombant partiellement à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Il devra également régler une somme de 2 500 euros à Mme [L] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'OGEC [5].



PAR CES MOTIFS



La cour statuant par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement sauf en ce qu'il a ordonné une astreinte, rejeté la demande de capitalisation des intérêts et dit que les sommes porteraient intérêts légaux à compter de la mise à disposition du jugement,



Statuant à nouveau sur les chef infirmés et y ajoutant :



Déboute Mme [C] [L] de sa demande d'astreinte,



Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,



Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,



Ordonne le remboursement par l'OGEC [5] à l'organisme France Travail concerné des indemnités de chômage versées à Mme [C] [L] dans la limite de six mois d'indemnités,



Condamne l'OGEC [5] aux dépens d'appel,



Condamne l'OGEC [5] à payer à Mme [C] [L] une somme de

2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'OGEC [5],



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier, Le président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.