8 février 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/01303

Chambre sociale 4-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-2 (Anciennement 6e chambre)



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 FEVRIER 2024



N° RG 22/01303

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEXZ



AFFAIRE :



La société CARPENTER ENGINEERED FOAMS, venant aux droits de la Société RECTICEL.





C/

[C] [R]









Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 23 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : I

N° RG : F17/01271



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA



Me Emilie LACOSTE



le :



Copie numérique délivrée à :



France travail



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT FÉVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, ayant été initialement été placé à la mise à disposition du 11 avril 2024 sur erreur du greffe, dans l'affaire entre :



Société CARPENTER ENGINEERED FOAMS venant aux droits de la société Recticel

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et Me Jules SACHEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS





APPELANTE

****************





Madame [C] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentant : Me Emilie LACOSTE de la SELARL BRIHI KOSKAS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0137 et de Me Olivia MAHL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS







INTIMEE

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Octobre 2023, Madame Catherine BOLTEAU SERRE, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN







Vu le jugement rendu le 23 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,



Vu la déclaration d'appel de la société Recticel du 20 avril 2022,



Vu les conclusions de la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel du 24 août 2023,



Vu les conclusions de Mme [C] [R] du 21 septembre 2023,



Vu l'ordonnance de clôture du 27 septembre 2023.




EXPOSE DU LITIGE

Le groupe belge Recticel est spécialisé dans la fabrication de mousse de polyuréthane souple et rigide et de produits connexes. Ce groupe, créé en 1967, emploie environ 7 500 salariés dans 27 pays.



Il est composé de quatre divisions :

- division Isolation : fabrication et commercialisation d'isolations thermiques durables en mousse rigide polyuréthane,

- division Literie : développement, production et commercialisation de matelas, de sommiers et de lits entièrement finis,

- division Automobile : fabrication en mousse à peau d'éléments de finition intérieure (peaux de tableaux de bord et habillage de panneaux de porte) et de coussins de siège en mousse moulée à froid,

- division Mousses Souples : production et transformation de produits semi-finis en mousse de polyuréthane souple. Elle fournit notamment les divisions Literie et Automobile.



La filiale française, la société Recticel aux droits de laquelle vient désormais la société Carpenter Engineered Foams, dont le siège social se situe à [Localité 9] en Seine-et-Marne, intervient sur le marché français des mousses souples.

En 2015, elle employait 565 salariés répartis sur cinq sites : [Localité 6] (43), [Localité 7] (27), [Localité 9] (77), [Localité 5] (18) et [Localité 8] (72).



La convention collective nationale applicable est celle de la plasturgie du 1er juillet 1960.



Mme [C] [R], née le 13 décembre 1959, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée du 25 septembre 1977, par la société Recticel, en qualité de technicienne méthode.

Elle était membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.



Par lettre du 3 juin 2016, la société Recticel a sollicité l'autorisation de licencier Mme [R] auprès de la Direccte des Pays de la Loire.



Par décision du 13 juillet 2016, l'inspecteur du travail du département de la Sarthe a autorisé le licenciement pour motif économique de Mme [R].



Par lettre du 22 juillet 2016, la société Recticel a notifié à Mme [R] son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

'Nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour le motif économique exposé aux représentants du personnel lors de la procédure d'information et de consultation concernant le projet de fermeture de l'établissement de Noyen.

Recticel est un groupe belge de dimension principalement européenne, qui intervient dans la fabrication de mousse de polyuréthane souple et rigide. Le groupe est organisé en quatre divisions : l'isolation, la literie, l'automobile et les mousses souples.

La division mousse souple est dédiée à la production et à la transformation de produits semi-finis en mousse de polyuréthanne souple, destinés au marché du confort (siège, literie) et au marché dit des mousses techniques qui regroupe des applications techniques vendues dans l'industrie et utilisées pour leurs propriétés liées à l'acoustique, l'étanchéité ou la filtration. L'activité de cette division représente près de la moitié de celle du groupe.

Compte tenu de son poids économique, la division est composée de deux pôles intervenant sur deux marchés distincts le Pôle Eurofoam (Europe de l'Est) qui a été construit autour d'une joint-venture détenue à 50 % par le groupe Recticel et à 50 % par le groupe Greiner et qui intervient principalement dans les pays d'Europe de l'est et le Pôle 100 % Recticel (Europe de l'Ouest) qui est composé des sociétés historiques du groupe, détenues à 100 % par la société Recticel NVSA et qui intervient principalement en Europe de l'ouest.

La société Recticel SAS intervient sur le marché français des mousses souples. A ce titre, elle fait partie du secteur d'activité des mousses souples de l'Europe de l'Ouest.

Or, le marché des mousses souples de l'Europe de l'ouest est impacté négativement par la dégradation persistante de l'économie des pays de l'Europe de l'ouest, dont celle de l'économie française et une fuite du marché de l'ameublement, dont celui du siège, vers les pays de l'Europe de l'est et de l'Asie.

En effet, le phénomène de délocalisation qui touche l'ensemble de l'activité industrielle des pays de l'Europe de l'Ouest frappe particulièrement le marché de l'ameublement. Plusieurs acteurs du marché, clients de Recticel SAS, ont été contraints à la liquidation.

Du fait de ces éléments en 2014 le secteur d'activité mousse souple Europe de l'Ouest du groupe Recticel a connu un résultat négatif de plus de 6,6 millions d'euros.

Au regard de l'absence d'évolution du chiffre d'affaires de ce secteur en 2015 et de l'absence d'évolution significative des prévisions de chiffre d'affaires pour l'année 2016 aucune évolution structurelle des résultats de ce secteur d'activité ne peut être envisagée.

Au sein du secteur d'activité mousse souple Europe de l'Ouest du groupe Recticel les résultats de la société Recticel SAS sont particulièrement inquiétants. Ainsi, le résultat d'exploitation de la société qui était positif de 548 000 euros en 2012 n'a été que de 78 000 euros en 2013 pour devenir négatif en 2014 à hauteur de moins 1 416 000 euros.

Au cours de l'année 2015, la société a pris plusieurs mesures destinées à permettre un retour à la compétitivité et notamment le déploiement d'une démarche «lean» destinée à l'amélioration de la productivité des sites industriels de la société, une structuration d'un service achat pour réaliser des économies sur les approvisionnements et une mise en place d'un partenariat avec une société de logistique destiné à générer des économies sur les coûts de transports ' projet 4 PL'.

Toutefois malgré les mesures correctives mises en place en 2015, le résultat d'exploitation de la société a continué à chuter pour atteindre - 2 091 000 euros.

Il est donc indispensable pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe et assurer la pérennité de la société que Recticel SAS procède à la fermeture de l'établissement de Noyen dont le chiffre d'affaires est en baisse quasiment constante depuis 2011 et dont les résultats sont structurellement négatifs.

C'est dans ce contexte que la suppression du poste de technicien méthodes que vous occupez au sein de l'établissement de Noyen n'a pas pu être évitée.

Par une décision en date du 13 mai 2016, la Direccte des pays de la Loire a validé l'accord collectif majoritaire comprenant notamment le plan de sauvegarde de l'emploi.

Nous avons tout mis en oeuvre afin de procéder à votre reclassement, conformément aux obligations qui nous incombent.

A ce titre nous vous avons rencontrée le mardi 19 avril 2016 afin d'envisager concrètement les postes qui pourraient vous être proposés.

Vous n'avez pas souhaité recevoir des offres de reclassement interne pour des postes situés hors du territoire national.

Dès lors, à l'issue de cet entretien, nous vous avons proposé, par courrier du 25/04/2016, à titre d'offre de reclassement interne individualisée, les postes de :

opératrice de collage manuel-coefficient 710-site de [Localité 6]

agent de production Finition coefficient 710-site de [Localité 9].

Vous n'avez cependant pas répondu à cette proposition dans le délai imparti, ce qui équivaut à un refus de cette proposition.

Malgré nos recherches de solutions de reclassement effectuées au sein de la société et du groupe, il ne nous a malheureusement pas été possible de vous proposer un autre poste de reclassement, fût-ce au prix d'une modification de votre contrat de travail.

Compte tenu des fonctions représentatives que vous exercez, nous vous avons alors convoquée à un entretien préalable en date du mercredi 25 mai 2016 au cours duquel nous avons recueilli vos explications.

Le comité d'entreprise a rendu un avis défavorable sur la rupture de votre contrat de travail.

Le 3 juin 2016 nous avons alors sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de procéder à votre licenciement. L'inspection du travail nous a notifié l'autorisation de procéder à votre licenciement par courrier du 13 juillet 2016.

C'est dans ces circonstances que nous vous notifions votre licenciement pour motif économique La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de deux mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.

Vous êtes dispensée de l'exécution de votre préavis qui vous sera néanmoins payé aux échéances normales de paye.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1233-71 du code du travail, nous vous proposons le bénéfice d'un congé de reclassement dont les conditions de mise en 'uvre vous sont communiquées en pièces jointes [...]'



Par requête reçue au greffe le 17 mai 2017, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre.



Par jugement de départage du 25 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre a sursis à statuer et renvoyé l'examen de l'exception d'illégalité devant le tribunal administratif de Nantes.



Par jugement du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a déclaré illégale la décision administrative ayant autorisé le licenciement de M. [L], le Conseil d'Etat ayant par arrêt du 27 avril 2022 rejeté le pourvoi formé par la société Recticel à l'encontre du jugement du tribunal administratif.



A l'audience de départage du conseil de prud'hommes de Nanterre du 8 mars 2021, Mme [R] a formé les demandes suivantes :

- 55 707,81 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La société Recticel avait, quant à elle, conclu à titre principal à ce qu'il soit ordonné un sursis à statuer et, à titre subsidiaire, demandé à ce que Mme [R] soit déboutée de ses demandes et sollicité en tout état de cause sa condamnation à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par jugement rendu le 23 mars 2022, la section industrie du conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de départage a :

- dit n'y avoir lieu à ordonner le sursis à statuer,

- dit que le licenciement économique notifié à Mme [R] par la société Recticel est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Recticel à verser à Mme [R] la somme de 55 707 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamné la société Recticel à verser à Mme [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Recticel aux dépens de l'instance.



Par déclaration du 20 avril 2022, la société Recticel a interjeté appel de ce jugement.



Aux termes de ses conclusions en date du 24 août 2023, la société Carpenter Engineered Foams, venant aux droits de la société Recticel demande à la cour de :

- infirmer intégralement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 23 mars 2022 et statuant à nouveau :

à titre liminaire,

- constater que la décision d'autorisation de licenciement de Mme [R] rendue par l'Inspection du travail de la Sarthe le 13 juillet 2016 est définitive de sorte que le conseil de prud'hommes de Nanterre était incompétent pour se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme [R],

à titre principal,

- constater que le licenciement de Mme [R] est parfaitement justifié,

- constater que la société a parfaitement respecté son obligation de reclassement, 



- en conséquence :

- condamner Mme [R] à restituer l'ensemble des sommes perçues en application du jugement du 23 mars 2022,

- condamner Mme [R] à verser à la société la somme de 5 000 euros à la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre principal [sic],

- ramener à de plus justes proportions le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société Carpenter Engineered Foams.



Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 21 septembre 2023, M. [A] [E], Mme [C] [R], M. [J] [T], Mme [Y] [N], M. [G] [O], Mme [I] [V], Mme [I] [X], M. [B] [L] et M. [S] [P] demandent à la cour de :

- confirmer les jugements rendus le 23 mars 2022 en ce que le conseil de prud'hommes a déclaré les licenciements de M. [E], Mme [R], M. [T], Mme [N], M. [O], Mme [V], Mme [X], M. [L] et M. [P] sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer les jugements rendus le 23 mars 2022 en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la société Recticel à verser à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- 67 755 euros à M. [E], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 55 707 euros à Mme [R], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 47 407 euros à M. [T], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 29 831 euros à Mme [N], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 79 201 euros à M. [O], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 50 634 euros à Mme [V], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 33 595 euros à M. [L], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 58 368 euros à M. [P], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- confirmer le jugement rendu le 23 mars 2022 en ce qu'il a condamné la société Recticel à verser à Mme [X] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais infirmer le jugement en ce qu'il en a limité le quantum à 34 378 euros et, statuant à nouveau, fixer le montant de son indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 36 400 euros, cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- confirmer les jugements rendus le 23 mars 2022 en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la société Recticel aux dépens ainsi qu'à verser à M. [E], Mme [R], M. [T], Mme [N], M. [O], Mme [V], Mme [X], M. [L] et M. [P], chacun, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et, y ajoutant :

- condamner la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel à verser à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- 67 755 euros à M. [E], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 55 707 euros à Mme [R], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017, - 47 407 euros à M. [T], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 29 831 euros à Mme [N], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 79 201 euros à M. [O], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 50 634 euros à Mme [V], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 33 595 euros à M. [L], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 58 368 euros à M. [P], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- 36 400 euros à Mme [X], cette somme portant intérêts à taux légal à compter du 17 mai 2017,

- dire que les condamnations sont prononcées nettes de toutes cotisations de sécurité sociale, de CSG / CRDS et d'impôt sur le revenu,

- condamner la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel aux dépens de première instance, ainsi qu'à verser à M. [E], Mme [R], M. [T], Mme [N], M. [O], Mme [V], Mme [X], M. [L] et M. [P] chacun, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

- condamner la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel à verser à M. [E], Mme [R], M. [T], Mme [N], M. [O], Mme [V], Mme [X], M. [L] et M. [P] la somme de 3 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,

- condamner la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel aux entiers dépens de l'instance, en ce compris, les frais de procédure et les éventuels frais d'exécution du jugement et de l'arrêt à intervenir.



Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2023.




MOTIFS DE LA DÉCISION



1- sur la compétence du conseil de prud'hommes pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement d'un salarié protégé



L'appelante soutient à titre liminaire que la décision d'autorisation de licencier le salarié était devenue définitive dès lors qu'elle n'avait pas été contestée dans le délai légal de deux mois ; que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement.



L'intimée fait valoir que la société Recticel est irrecevable à contester le renvoi préjudiciel ordonné par jugement du conseil de prud'hommes du 25 octobre 2019 devenu définitif ; que, au regard des décisions du tribunal administratif et du Conseil d'Etat, le conseil de prud'hommes était tenu de constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; que le recours en appréciation de légalité par le juge administratif sur renvoi du juge judiciaire n'est soumis à aucune condition de délai.



Le juge judiciaire civil, lorsqu'il est saisi, par voie d'exception, d'un moyen d'illégalité, doit surseoir à statuer et renvoyer la question à la juridiction administrative par voie préjudicielle en application de l'article 49 du code de procédure civile à condition que la question présente un caractère sérieux et que le point sur lequel elle porte soit nécessaire à la solution du litige.



En l'espèce, le jugement du conseil de prud'hommes du 25 octobre 2019 ayant sursis à statuer et renvoyé l'examen de l'exception d'illégalité devant le tribunal administratif de Nantes, n'a fait l'objet d'aucun recours de la société Recticel.



Le jugement du tribunal administratif du 26 juin 2020 ayant déclaré illégale la décision d'autorisation du licenciement de la salariée protégée est définitif, le Conseil d'Etat ayant rejeté le pourvoi formé par la société Recticel.



Il sera rappelé également que l'exception devant le juge judiciaire tirée de l'illégalité d'un acte administratif n'est soumise à aucune condition de délai.



Il en résulte que l'appelante est irrecevable en sa demande tendant à voir déclarer incompétent le conseil de prud'hommes.



2- sur le licenciement pour motif économique



L'appelante fait valoir que le licenciement économique est justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société au regard des difficultés rencontrées au sein du secteur d'activité 'mousses souples Europe de l'Ouest' lequel constitue le secteur d'activité au sein duquel, il convient d'apprécier le motif économique.



Elle indique que le périmètre du groupe à prendre en considération pour apprécier la cause économique est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail et que les sociétés du groupe Eurofoam avec lequel le groupe Recticel a construit une joint-venture en Europe de l'Est et dont il ne détient que 50% des parts ne sauraient être dès lors incluses dans le secteur d'activité des mousses souples 'Europe de l'Ouest', ces sociétés Eurofoam constituant un groupe distinct du groupe Recticel.



Elle fait valoir que plusieurs critères, objectivement appréciables, permettent de distinguer le secteur Eurofoam et le secteur 100% Recticel (Europe de l'Ouest), que leur secteur géographique d'intervention est distinct, que le pôle Recticel 100% ne peut vendre ses produits sur les territoires du groupe Eurofoam et que la comptabilité du groupe distingue bien les deux pôles d'activité.



L'appelante fait également état de ce que la ligne managériale et la clientèle attachée au 'groupe Recticel 100%' diffèrent de celles d'Eurofoam, que la délimitation du secteur géographique n'a jamais soulevé de difficulté ni auprès de l'ensemble des instances consultées et interrogées sur le projet de fermeture du site de [Localité 8] ni devant l'inspection du travail.



Elle mentionne de même que l'activité des mousses souples en Europe de l'Ouest devait se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité en raison de la dégradation incontestable des résultats dans le secteur d'activité retenu, sans perspective d'amélioration, que cette dégradation était d'autant plus inquiétante qu'elle avait lieu dans un contexte favorable à la société.



Elle indique les nombreuses mesures d'ores et déjà prises pour tenter de rétablir la situation, les difficultés économiques étant présentes au niveau du groupe et se répercutant sur la société française et notamment sur l'établissement de [Localité 8].



L'intimée fait valoir que le jugement du tribunal administratif a déclaré que la décision de l'inspection du travail ayant autorisé la société Recticel à licencier Mme [R] était entachée d'illégalité, de sorte qu'il appartient au juge judiciaire de se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et de réparer le préjudice subi par le salarié. Elle expose que le juge administratif a relevé l'absence de cause réelle et sérieuse, le juge judiciaire ne pouvant retenir une appréciation différente des mêmes faits.



Elle indique que le secteur d'activité du groupe doit être envisagé comme une notion fonctionnelle faisant référence à l'activité économique des entreprises ayant le même objet, l'imbrication des activités des sociétés d'un même groupe tendant à contredire l'existence de secteurs d'activité différents, le fait que des filiales soient implantées sur des territoires différents et se destinent à intervenir sur des marchés géographiquement distincts, n'étant pas susceptible de justifier l'existence de secteurs d'activité différents.



Elle soutient que les divisions Isolation, Literie, Automobile, Mousses Souples ne constituent que des segments d'un seul et même secteur d'activité : la fabrication et la transformation des mousses de polyuréthane, que la nature des produits fabriqués, transformés, distribués, commercialisés par les différentes sociétés du groupe Recticel ainsi que les liens étroits existant entre elles démontrent qu'elles participent d'un unique secteur d'activité.



Elle ajoute que l'appréciation du motif économique ne saurait être invoqué sur le seul périmètre géographique de l'Europe de l'Ouest, le groupe appréciant d'ailleurs ses résultats, sa stratégie et sa compétitivité sur le secteur 'mousses souples' au niveau mondial tous pays confondus, aucun élément lié à la spécificité de l'activité ou du marché en Europe de l'Est ne permettant de les distinguer avec ceux d'Europe de l'Ouest. Elle en déduit que le motif économique invoqué à l'appui du licenciement ne pouvant se limiter aux seuls résultats de l'Europe de l'Ouest ou du reste du monde, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.



Il sera rappelé qu'en vertu de la séparation des pouvoirs, lorsque l'autorisation de licenciement, sur renvoi préjudiciel, est déclarée illégale par le juge administratif, il appartient, dans ce cas, au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur (Soc.,17 avril 2013, n°12-10.057).



De même, la décision du juge administratif se prononçant sur la cause économique du licenciement ayant retenu que celle-ci n'était pas établie, s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant les mêmes faits, décide que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse (Soc 1er février 2011 n°09-71.630).





En l'espèce, le juge administratif dans son jugement du 26 juin 2020 a déclaré que la décision du 13 juillet 2016 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé la société Recticel à licencier Mme [R] était entachée d'illégalité au motif d'une erreur d'appréciation de l'inspecteur du travail qui avait estimé que la réalité du motif économique tenant à l'existence d'une menace sur la compétitivité sur le secteur d'activité était justifiée.



Il appartient donc à la présente cour, au regard des motifs de ce jugement, de statuer sur le motif économique.



Le licenciement pour motif économique de Mme [R] a été prononcé le 22 juillet 2016, antérieurement aux réformes résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 et à celle des ordonnances n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et n°2017-1718 du 20 décembre 2017, ayant modifié la disposition relative à la définition du motif économique.



La lettre de licenciement fait état de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société au regard des difficultés rencontrées au sein du secteur d'activité 'mousses souples Europe de l'Ouest'.



Il résulte de l'article L. 2411-5 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, que 'le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail [...]'.



Le licenciement de Mme [R], membre du CHSCT, a été autorisé par l'inspection du travail par décision du 13 juillet 2016, laquelle a été jugée illégale par jugement du tribunal administratif de Nantes le 26 juin 2020.



L'article L. 1233-3 du code du travail dans version applicable à la présente espèce dispose que 'constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.'



Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, doit être identifié, pour la détermination du périmètre d'appréciation de la cause justificative du licenciement économique intervenu avant les réformes précitées, le périmètre du groupe, puis, dans ce périmètre, les entreprises qui relèvent du même secteur d'activité que l'entreprise à l'initiative du projet de licenciement.



Ainsi, s'agissant du périmètre du groupe, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que 'la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national' (Soc. 16 novembre 2016 Bull. V n°216, 217, 218).



L'article L. 2331-1 du code du travail relatif au comité de groupe, vise pour déterminer un ensemble économique, des entreprises contrôlées et des entreprises sous influence dominante :

'I.-Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

II.-Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d'un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance de l'une et de l'autre à un même ensemble économique.

L'existence d'une influence dominante est présumée établie, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement :

- peut nommer plus de la moitié des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ;

- ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par une autre entreprise ;

- ou détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise.

Lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l'égard d'une même entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance de l'entreprise dominée est considérée comme l'entreprise dominante, sans préjudice de la preuve qu'une autre entreprise puisse exercer une influence dominante.'



L'article L. 233-16 du code de commerce auquel se réfère l'article L. 2331-1 du code du travail dispose notamment en ses paragraphes II et III :

'[...] II.-Le contrôle exclusif par une société résulte :

1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ;

2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ;

3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet.

III.-Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord.'



S'agissant du secteur d'activité, dès lors que l'existence d'un groupe est avérée, il convient de vérifier l'existence de la cause économique invoquée au niveau du secteur d'activité de ce groupe dans lequel intervient l'employeur et de déterminer la consistance de ce secteur d'activité, puis de vérifier que le motif économique dont fait état l'entreprise est établi à ce niveau.



Il appartient à l'employeur de justifier de la consistance de ce groupe et de celle du secteur d'activité concerné.



- sur le périmètre du groupe



Si, selon la société Recticel, les entreprises Eurofoam constituent un groupe distinct du groupe Recticel dès lors que ce groupe ne possède pas 51% des parts de la 'joint venture' Eurofoam, non plus que la majorité des droits de vote au sein des sociétés Eurofoam, ces deux éléments sont insuffisants pour écarter l'existence d'une influence dominante du groupe Recticel sur les entreprises intégrées dans la joint-venture.



En effet, cette influence dominante se déduit, en l'espèce et conformément aux dispositions précitées, de la permanence et de l'importance des relations entre les sociétés constituant la joint-venture Eurofoam et le groupe Recticel, établissant leur appartenance à un même ensemble économique.



Il résulte effectivement du document 'information consultation sur le projet de fermeture du site de Noyen et ses conséquences sociales' que le groupe belge Recticel est organisé en quatre divisions dont celle des mousses souples laquelle est composée de deux 'pôles', le pôle Eurofoam et le pôle Recticel (pièce n°1 intimée ; également pièces 11 et 13 appelante).



Aux termes de ce document, il est notamment indiqué que 'Recticel est un groupe belge de dimension européenne. Il est, toutefois, également actif dans d'autres pays du monde. Le Groupe intervient dans la fabrication de la mousse de polyuréthane souple et rigide'.



Sont ainsi définies les activités des quatre divisions du groupe dont la 'division mousses souples' couvrant la production et la transformation de produits semi finis en mousse de polyuréthane souple, celle-ci étant organisée autour de deux 'pôles' Eurofoam et Recticel, le premier construit autour d'une joint-venture détenue à 50% par le groupe Recticel et à 50% par le groupe Greiner existant depuis les années 1990 et s'étant principalement développé dans les pays de l'Europe de l'Est dont l'Allemagne et le second étant composé des sociétés historiques du groupe Recticel, détenues à 100% par la société Recticel NV/SA et comprenant principalement des sociétés situées en Europe de l'Ouest et notamment en Belgique.



Il s'en déduit que les deux pôles Eurofoam et Recticel sont intégrés dans le même groupe, le document susmentionné décrivant à cet égard les délocalisations opérées en son sein soit 'dans les pays à bas coût de main d'oeuvre dont les pays de l'Europe de l'Est frappant directement des marchés comme le confort mais aussi les mousses techniques' (page 25) tandis que les résultats du groupe sont communiqués en page 33 sans distinction entre les deux pôles.



L'analyse de la situation économique de la société et du groupe Recticel par la société de commissaires aux comptes '01Auditassistance' (pièce n°16 appelante) décrit également l'intégration des deux pôles au sein du même groupe, le fait qu'Eurofoam soit détenu à 50% par le groupe belge et le groupe Greiner n'empêchant pas une présentation consolidée des comptes de la division mousses souples, soit des deux pôles, au sein du groupe belge, les commissaires aux comptes énonçant par ailleurs qu'ils vendent des produits identiques.



Le moyen portant sur le périmètre du groupe avancé par la société Recticel sera rejeté.



- sur le secteur d'activité



Afin d'identifier le secteur d'activité à prendre en considération, il convient d'identifier un faisceau d'indices relatifs à la nature des produits fabriqués.



Or, il résulte notamment du rapport de la société d'expertise comptable Secafi, désignée par le comité central de l'entreprise (pièce n°3 intimée), que le groupe Recticel se présente lui-même comme leader sur le secteur de la transformation chimique du polyuréthane sans autre forme de distinction, les différentes activités se chevauchant et faisant du groupe un ensemble unique et intégré, la caractérisation de différentes divisions au sein desquelles les produits se répartissent en fonction de leurs commodités et de leurs techniques de production ne suffisant pas à identifier des secteurs d'activité distincts au sein de l'exploitation des mousses de polyuréthane.



Ainsi, l'activité liée aux mousses souples de l'Europe de l'Ouest ne saurait constituer un secteur d'activité distinct alors que la filiale française Recticel Sas appartient au secteur d'activité unique du groupe Recticel, soit la fabrication et la transformation des mousses de polyuréthane.



Au regard de ces éléments, compte tenu du périmètre erroné d'appréciation du motif économique, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'obligation de reclassement.



Le jugement sera confirmé de ce chef.



3- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse



L'appelante soutient que la salariée qui réclame une indemnisation à hauteur de 34 mois de salaire doit justifier de son préjudice ; qu'elle a bénéficié d'un congé de reclassement de 10 mois rémunéré à 65% ; qu'elle a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement ainsi qu'une indemnité additionnelle de licenciement pour un montant de 36 531 euros, soit plus de 22 mois de salaire ; que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être limitée à l'équivalent de six mois de salaire, soit la somme de 9 830,82 euros.



L'intimée fait valoir qu'elle a été licenciée à 57 ans avec une ancienneté de plus de 38 ans ; qu'elle justifiait d'une rémunération mensuelle moyenne de 1 638,47 euros ; qu'elle a dû accepter un emploi précaire à compter d'octobre 2017 et a perçu dans ce cadre un salaire de 1 334,67 euros ; qu'elle a ensuite indemnisée par Pôle emploi en 2018 et 2019 et de janvier à mai 2020 ; qu'elle a dû liquider sa retraite et perçoit une pension de 1 127,82 euros.



Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, 'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9'.

Les parties s'accordent sur le montant du salaire mensuel soit la somme de 1 638,48 euros.



Il est justifié que Mme [R], après le congé de reclassement de 10 mois, a conclu un contrat à durée déterminée, a été inscrite à Pôle emploi de janvier 2018 à décembre 2018, puis de janvier à décembre 2019 et de janvier à mai 2020. Elle a perçu une pension de retraite à compter de septembre 2020, laquelle en avril 2023 était d'un montant mensuel de 1 127,82 euros (ses pièces n° 10 et 10-1 à 10-5).



Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle de la salariée, de son âge, de son ancienneté depuis le10 septembre 1994 et des conséquences du licenciement à son égard, il convient de lui allouer la somme de 33 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



La société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel sera condamnée à payer ladite somme à Mme [R], avec intérêts aux taux légal à compter du jugement, par infirmation du jugement sur le quantum et sur les intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017.



Mme [R] sera déboutée du surplus de sa demande à ces titres.



La demande de remboursement de la somme versée par l'employeur au titre de l'exécution provisoire du jugement est sans objet, dès lors que l'infirmation de cette décision quant au quantum de la condamnation vaut titre exécutoire pour la restitution de la somme versée au-delà de ce qui est accordé par le présent arrêt.



4- sur le remboursement aux organismes concernés des allocations d'aide au retour à l'emploi



Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, 'dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.'



En raison de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme [R], il convient d'ordonner à l'employeur de procéder au remboursement aux organismes concernés des indemnités versées à la salariée du jour de son licenciement dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage.



5- sur les frais irrépétibles et les dépens



Le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.



La société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel sera condamnée à payer à Mme [R] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.



Elle sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens d'appel, lesquels dépens sont ceux visés par l'article 695 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,



Déclare irrecevable la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel en son exception de compétence,



Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre du 23 mars 2022, sauf en ce qu'il a condamné la société Recticel à payer à Mme [C] [R] la somme de 55 707 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Condamne la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel à payer à Mme [C] [R] la somme de 33 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,



Déboute Mme [C] [R] du surplus de sa demande à ce titre,



Rappelle que l'infirmation du jugement quant au quantum de la condamnation vaut titre exécutoire pour la restitution de la somme versée au-delà de ce qui est accordé par le présent arrêt,



Ordonne le remboursement par la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel à France travail [anciennement Pôle emploi] des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de Mme [C] [R] dans la limite de deux mois,



Dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par voie électronique à l'opérateur France travail [Pôle emploi] conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail,



Condamne la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel à payer à Mme [C] [R] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,



Condamne la société Carpenter Engineered Foams venant aux droits de la société Recticel aux dépens d'appel, lesquels dépens sont ceux visés à l'article 695 du code de procédure civile.



Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le Greffier Le Président

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