7 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-22.557

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00083

Texte de la décision

COMM.

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 février 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 83 F-D

Pourvoi n° Y 22-22.557




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 FÉVRIER 2024

La société ESQ, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-22.557 contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2022 par la cour d'appel de Versailles (16ème chambre), dans le litige l'opposant à la société ML Conseils, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [V] [J], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Espace Wok, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gury & Maitre, avocat de la société ESQ, et l'avis de M. de Monteynard , avocat général, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 octobre 2022), le 24 juillet 2019, la société Hammerson, aux droits de laquelle vient la société civile immobilière ESQ (la société ESQ), a délivré à la société Espace Wok, exploitant un fonds de commerce dans des locaux qu'elle lui avait donnés à bail, un commandement de payer visant la clause résolutoire en raison d'impayés de loyers. Le 4 novembre 2020, la société ESQ a pratiqué, en exécution d'un arrêt du 24 septembre 2020 ayant condamné sa locataire à lui payer diverses sommes, une saisie-attribution sur les comptes de sa locataire, qui s'est révélée partiellement fructueuse. Par jugement du 3 décembre 2020, la société Espace Wok a été mise en liquidation judiciaire, la société ML Conseils étant nommée liquidateur, et la date de cessation des paiement étant fixée au 4 novembre 2020.

2. Le liquidateur a assigné la société ESQ pour voir prononcer la nullité de la saisie-attribution du 4 novembre 2020.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société ESQ fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation de la saisie-attribution pratiquée le 4 novembre 2020 pour recouvrement à l'encontre de la société Espace Wok de la somme de 410 282,94 euros, alors :

« 1°/ qu'une saisie-attribution pratiquée pendant la période suspecte ne peut être annulée que si le créancier saisissant avait personnellement connaissance de la cessation des paiements du débiteur au moment de la saisie ; que cette connaissance ne saurait résulter de la seule constatation d'impayés de loyers réguliers depuis plusieurs années et systématiques depuis 11 mois ; que pour juger que la bailleresse avait connaissance de la cessation des paiement de sa locataire, la société Espace Wok, au moment où elle a pratiqué la saisie-attribution du 4 novembre 2020, la cour d'appel s'est fondée sur le "défaut de paiement systématique des loyers depuis 11 mois et de façon irrégulière à compter d'octobre 2015 au vu des décomptes produits, portant la totalité de la dette locative à plus de 400 000 euros" ; qu'en se déterminant uniquement au regard de l'existence d'impayés de loyers réguliers puis systématiques depuis 11 mois, quand cette circonstance traduisait seulement l'existence de difficultés financières, la cour d'appel, qui a statué par une motivation impropre à caractériser la connaissance personnelle par la SCI ESQ de la cessation des paiements de la société Espace Wok, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-2 du code de commerce ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI ESQ soutenait, preuve à l'appui, qu'antérieurement aux 11 mois pendant lesquels la société Espace Wok avait cessé de régler les loyers, elle avait procédé, en l'espace de 4 mois, au règlement d'une somme totale de 92 116,77 euros, ce qui excluait que la société bailleresse ait pu soupçonner qu'elle soit en état de cessation des paiements ; qu'en jugeant que la SCI ESQ avait connaissance de la cessation des paiements de sa locataire au moment où elle a pratiqué la saisie attribution du 4 novembre 2020, au seul constat du "défaut de paiement systématique des loyers depuis 11 mois et de façon irrégulière à compter d'octobre 2015 au vu des décomptes produits, portant la totalité de la dette locative à plus de 400 000 euros", sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt constate d'abord que, le 24 juillet 2019, la société ESQ a délivré à la société Espace Wok un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme principale de 111 342, 09 euros, puis a obtenu, par un arrêt du 24 septembre 2020, l'expulsion de la société Espace Wok et sa condamnation à lui payer la somme provisionnelle de 208 311,56 euros au titre de loyers, charges et indemnités contractuelles arrêtés au 12 mai 2020. Il relève ensuite que, le 4 novembre 2020, la société ESQ a, en exécution de cette condamnation, pratiqué la saisie-attribution en litige pour le recouvrement de la somme totale de 410 282,94 euros, saisie qui s'est révélée fructueuse à hauteur de 141 759,78 euros. Il retient enfin que le paiement irrégulier des loyers à compter d'octobre 2015 et le défaut systématique de leur paiement depuis onze mois ont porté la totalité de la dette locative à plus de 400 000 euros.

5. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir la durée et l'ampleur des impayés ainsi que l'absence de liquidités de la société Espace Wok, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions visées à la seconde branche qui ne tendaient qu'à établir la mauvaise foi de la société locataire, a pu retenir que la bailleresse avait une connaissance personnelle de l'état de cessation des paiements de sa locataire à la date de la saisie-attribution.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société ESQ aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ESQ ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-quatre.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.