25 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-16.920

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C300040

Titres et sommaires

SERVITUDE - Servitude conventionnelle - Passage - Assiette - Déplacement - Conditions - Commodité égale pour le propriétaire du fond dominant - Méconnaissance des prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles (non)

Si le propriétaire du fonds assujetti entend transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée, il ne peut, en vertu de l'article 701, alinéa 3, du code civil, proposer comme nouvelle assiette qu'un endroit aussi commode et ne peut donc méconnaître les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles prévu par l'article L. 562-1 du code de l'environnement

Texte de la décision

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2024




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 40 FS-B

Pourvoi n° W 22-16.920







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024

1°/ M. [K] [R], domicilié [Adresse 5],

2°/ M. [F] [R], domicilié [Adresse 4],

3°/ la société Vista Piana, société civile immobilière,

4°/ la société Altu Sole, société civile immobilière,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° W 22-16.920 contre l'arrêt rendu le 9 février 2022 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [I] [Z], domicilié [Adresse 4],

2°/ à Mme [N] [G], domiciliée [Adresse 5],

3°/ à M. [S] [T], domicilié [Adresse 6],

4°/ à M. [W] [V], domicilié [Adresse 3],

5°/ à la société Abricor, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], C/O M. [K] [R], [Localité 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [R], des sociétés civiles immobilières Vista Piana et Altu Sole, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 9 février 2022), MM. [R], [T], [V], Mme [G] et les sociétés civiles immobilières Vista Piana, Altu Sole et Abricor (les SCI), se prévalant d'une servitude conventionnelle de passage, ont assigné M. [Z], propriétaire du fonds servant, en rétablissement de la servitude, dont celui-ci avait déplacé l'assiette.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

2. MM. [R] et les SCI Vista Piana et Altu Sole font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors « que le plan de prévention des risques naturels prévisibles « incendies de forêt » de la commune de Lumio limite la pente en long à 20 % en zone rouge ; qu'en considérant, pour rejeter la demande tendant à voir condamner M. [Z] à la remise en état et à l'ouverture de la servitude conventionnelle primitive, que l'assiette originelle de cette servitude n'avait pas été mise en conformité avec le plan de prévention des risques naturels prévisibles « incendies de forêt » de la commune de Lumio par les propriétaires des fonds dominants auxquels cette charge s'imposait au titre de leur obligation d'entretien et que la production des pages concernant les projets nouveaux de construction ne justifiait pas l'applicabilité dudit plan à une servitude ancienne existant antérieurement au mois de décembre 2014, après pourtant avoir constaté que la nouvelle assiette de la servitude litigieuse datant de 2017 comporte une pente de plus de 20 % et qu'elle n'est donc pas conforme, la cour d'appel a violé l'arrêté n° 2272015 du 11 août 2015 portant approbation du plan de prévention des risques naturels « incendies de forêt » sur le territoire de la commune de Lumio, ensemble l'article 1er du titre 3 du règlement de ce plan. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 701, alinéa 3, du code civil :

3. Selon ce texte, si l'assignation primitive de la servitude est devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêche d'y faire des réparations avantageuses, il peut offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne peut le refuser.

4. Pour rejeter la demande de MM. [R], [T], [V], Mme [G] et des SCI, l'arrêt relève que, si la nouvelle assiette comporte une pente de plus de 20 %, en méconnaissance des prescriptions du plan de prévention des risques naturels « incendie de forêt » de la commune de Lumio, ni la nouvelle, ni l'ancienne assiette ne sont conformes à ce plan en ce qui concerne la largeur du passage.

5. En statuant ainsi, alors que si le propriétaire entend transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée, il ne peut proposer comme nouvelle assiette qu'un endroit aussi commode et ne peut donc méconnaître les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [Z] à payer à MM. [R] et aux sociétés civiles immobilières Vista Piana et Altu Sole la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.

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