25 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-22.201

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200060

Titres et sommaires

FONDS DE GARANTIE - Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) - Indemnisation - Etendue - Détermination - Portée

Selon l'article L. 421-1, III, du code des assurances, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) paie les indemnités dues aux victimes ou leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation. Selon l'article L. 421-3 du même code, le FGAO est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident ou son assureur. Il en résulte que le FGAO, qui n'intervient qu'à titre subsidiaire, ne peut être tenu au-delà de la dette du responsable de l'accident. Dès lors, viole ces textes la cour d'appel qui, après avoir déclaré irrecevable l'appel de la victime contre le responsable de l'accident, fixe, dans les seuls rapports entre la victime et le FGAO, les indemnités réparant son préjudice à une somme qui excède le montant de celles qui avaient été irrévocablement mises à la charge du responsable du dommage

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 60 F-B

Pourvoi n° R 21-22.201






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° R 21-22.201 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [T], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Mme [X] [M], épouse [J], domiciliée [Adresse 3],

3°/ à M. [O] [J], domicilié [Adresse 5],

4°/ à la société [J], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9],

5°/ à la société Thélem assurances, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 8],

6°/ à M. [C] [U], domicilié [Adresse 6],

7°/ à M. [V] [T], domicilié [Adresse 4],

8°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant elle-même aux droits de la caisse du régime social des indépendants d'Auvergne,

9°/ à M. [O] [J], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de liquidateur de la société [J],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [J], Mme [J], la société [J] et la société Thélem assurances, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 19 avril 2021), le 6 janvier 2005, M. [J], assuré auprès de la société Thélem assurances (l'assureur), a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [V] [T] qui, circulant en sens inverse, s'était déporté dans sa voie de circulation pour procéder à un dépassement.

2. Le véhicule conduit par M. [T], propriété de M. [U], n'étant pas assuré, M. [J], Mme [J], son épouse (les consorts [J]), la société [J] et l'assureur ont assigné M. [T], M. [U], la caisse du régime social des indépendants du Centre et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) devant un tribunal de grande instance afin d'être indemnisés de leurs préjudices.

3. Le FGAO a relevé appel du jugement. Les consorts [J], la société [J] et l'assureur ont formé un appel incident dirigé contre le FGAO et MM. [T] et [U].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui, pour le deuxième, est irrecevable, et pour les autres ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen, pris en première branche

Enoncé du moyen

5. Le FGAO fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel incident des consorts [J] seulement en ce qu'il a été formé à l'encontre de MM. [T] et [U] et de fixer, dans les rapports entre le FGAO et M. [J], les indemnités réparant son préjudice à diverses sommes pour un montant total de 511 866,84 euros, alors « que l'intervention volontaire du FGAO dans les instances engagées entre les victimes d'accidents corporels ou leurs ayants droit, d'une part, et les responsables ou leurs assureurs, d'autre part, n'a d'autre objet que de rendre opposable au FGAO la décision à intervenir contre ces derniers, de sorte que le montant de l'indemnité opposable au FGAO s'inscrit dans les limites de la dette du responsable et ne peut donc lui être supérieur ; qu'en jugeant, en l'état de l'irrecevabilité de l'appel incident en tant qu'il était formé contre les responsables – la conduisant à confirmer la condamnation prononcée par les premiers juges à l'égard de ces derniers – qu'elle pouvait « fixer » à un montant supérieur à celui retenu par les premiers juges, le montant de l'indemnité opposable au FGAO, la cour d'appel a violé les articles L. 421-1, R. 421-14 et R. 421-15 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 421-1, III, alinéa 2, et L. 421-3 du code des assurances :

6. Selon le premier de ces textes, le FGAO paie les indemnités dues aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation.

7. Selon le second, le FGAO est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident ou son assureur.

8. Il en résulte que le FGAO, qui n'intervient qu'à titre subsidiaire pour payer les indemnités dues aux victimes ou à leurs ayants droit, est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident et ne peut être tenu au-delà de la dette de cette dernière.

9. Pour infirmer le jugement en ce que, d'une part, dans les rapports avec le FGAO, il a évalué les préjudices de M. [J] à la somme de 338 824,32 euros, d'autre part, il a dit que seule la condamnation au titre d'un préjudice d'affection subi par Mme [J] est opposable au FGAO, et fixer, dans les seuls rapports entre M. [J] et le FGAO, les indemnités réparant le préjudice de M. [J] à la somme totale de 511 866,84 euros, l'arrêt retient, d'abord, qu'à défaut d'avoir procédé à la signification de leurs conclusions d'appel incident à MM. [T] et [U], intimés défaillants, les consorts [J], la société [J] et l'assureur sont irrecevables en leur appel incident à leur encontre.

10. Il énonce, ensuite, que si la cour d'appel saisie d'un appel du FGAO ne peut, en l'absence de recours du responsable du dommage, diminuer le montant des indemnités mises à la charge de ce dernier au profit de la victime, elle peut statuer à nouveau sur l'évaluation de ces indemnités dans les rapports entre le FGAO et la victime.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, déclare irrecevable l'appel incident de M. [J], Mme [J], la société [J] et de la société Thélem assurances, formé à l'encontre de M. [V] [T], M. [F] [T] et M. [U] et déclare M. [F] [T] hors de cause, l'arrêt rendu le 19 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. [J], Mme [J], la société [J] et la société Thélem assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.

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