12 janvier 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 20/12449

Chambre 4-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 12 JANVIER 2024



N° 2024/001





Rôle N° RG 20/12449 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGUQW





[K] [M]





C/



G.A.E.C. [Adresse 3]









Copie exécutoire délivrée

le :



12 JANVIER 2024



à :



Me Christine CASABIANCA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE



Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE



































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE LES BAINS en date du 11 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00091.





APPELANTE



Madame [K] [M]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001963 du 28/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 7]



comparante en personne, assistée de Me Christine CASABIANCA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE





INTIMEE



G.A.E.C. [Adresse 3], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Flore SCHINTONE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE







*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Véronique SOULIER, Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller



Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2024.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2024



Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***































































[K] [M], alors âgée de 16 ans, a été engagée par contrat de travail à durée déterminée conclu pour 36 mois à compter du 1er septembre 2015 jusqu'au 31 août 2018 par le Groupement Agricole d'Exploitation en Commun (GAEC) [Adresse 3] en tant qu'apprentie afin de préparer un bac professionnel (conduite et gestion d'entreprise hippique).



Le 1er septembre 2016, elle a été victime d'un accident du travail ayant chuté de cheval.

Placée en arrêt de travail, elle n'a repris ni son activité au sein de l'entreprise ni sa formation théorique au lycée.



Au terme du contrat d'apprentissage, le GAEC [Adresse 3] lui a fait parvenir ses documents de fin de contrat.



Contestant les conditions de la rupture du contrat d'apprentissage et sollicitant la condamnation du GAEC [Adresse 3] au paiement de diverses sommes de nature indemnitaire, [K] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Digne les Bains le 18 juillet 2019 lequel par jugement du 19 novembre 2020 a :

- débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté Mme [M] et le GAEC [Adresse 3] de leur demande d'article 700 du code de procédure civile;

- dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire;

- rejeté le surplus des demandes.



Mme [M] a relevé appel de ce jugement le 14 décembre 2020 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.



Aux termes de ses conclusions d'appelante rectifiées notifiées par voie électronique le 12 mars 2021 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Mme [M] a demandé à la cour de :

- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée ;



Infirmer le jugement entrepris.

- juger que le GAEC [Adresse 3] a manqué à son obligation de sécurité ;

- juger que le refus de mi-temps thérapeutique par le GAEC [Adresse 3] est fautif et ne repose pas sur un motif légitime lié à l'intérêt de l'entreprise ;

- juger que la rupture du contrat de Mme [M] par le GAEC [Adresse 3] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

- faire droit intégralement aux demandes de Mme [M] ;

- condamner le GAEC [Adresse 3] au paiement des sommes suivantes :

- 8.000 € de dommages-intérêts pour refus du mi-temps thérapeutique;

- 15.000 € de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat d'apprentissage;

- 30.000 € de dommages-intérêts pour atteinte à la santé;

- 15.000 € pour exécution fautive du contrat de travail;

- 1.500 € pour perte de la possibilité de passer le baccalauréat;

- 5.000 € pour préjudice matériel lié à l'interruption des études;

- 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- ordonner la capitalisation des intérêts;

- condamner le GAEC [Adresse 3] au paiement des intérêts de droit à compter de la demande;

- condamner le GAEC [Adresse 3] au droit de recouvrement ou d'encaissement en application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996;

- débouter le GAEC [Adresse 3] de toutes ses demandes;

- condamner le GAEC [Adresse 3] aux entiers dépens.



Elle fait valoir en substance :

- que le Gaec [Adresse 3] a manqué à son obligation de sécurité et que ce manquement est à l'origine du grave accident de cheval qu'elle a subi le 1er septembre 2016 , alors que bien que mineure elle était seule et exécutait l'ordre qui lui avait été donné de monter l'animal en dehors du centre dans la carrière, un pur sang acquis afin qu'elle le débourre, que celui-ci porteur d'un licol sans mors est parti au galop sans qu'elle puisse l'arrêter, qu'aucun responsable du Gaec ne se trouvait à proximité, l'employeur ne pouvant valablement se prévaloir de son degré d'autonomie résultant de ce qu'elle était titulaire du Galop 5, ce niveau ainsi que l'APB lui ayant été donnés afin de lui permettre d'aider à faire des cours de cheval poney avec la monitrice, qu'elle ne disposait pas du matériel adéquat, qu'elle a été déplacée avant l'arrivée des secours;

- qu'en août 2017, l'employeur a refusé de la reprendre à mi-temps thérapeutique alors que la mise en place de celui-ci était préconisé par la MSA lui causant un préjudice qu'elle n'a pu ni poursuivre son contrat d'apprentissage ni passer son bac professionnel,

- que la rupture du contrat d'apprentissage est dénuée de cause réelle et sérieuse étant intervenue en violation des règles de l'article L.6222-18 du code du travail prévoyant cette rupture en cas de force majeure, de faute grave ou d'inaptitude alors que son contrat de travail était suspendu et que le Gaec [Adresse 3] lui a adressé au terme du contrat d'apprentissage ses documents de fin de contrat sans avoir consulté la MSA afin de connaître l'éventuelle aptitude de la salariée ni respecté aucun formalisme légal.



Par conclusions d'intimé notifiées par voie électronique le 07 juin 2021 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, le GAEC [Adresse 3] a demandé à la cour de :



- débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes.



Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Digne du 19 novembre 2020 en toutes ses dispositions.



- condamner Mme [M] aux entiers dépens ainsi qu'à une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Le GAEC [Adresse 3] soutient :

- qu'il n'a pas failli à ses obligations alors que titulaire d'un galop 5 de cavalier, [K] [M] disposait des compétences requises validées par des diplômes fédéraux pour monter la jument Angelika seule en toute sécurité, qu'elle cumulait 8 années de pratique et participait à des concours d'endurance avec cette même jument qui était débourrée depuis plus d'un an, qu'elle n'avait jamais signalé aucun comportement dangereux, anormal ou agressif de l'animal, qu'elle était munie de son casque et avait été soumise aux visites médicales d'aptitude, que le fait de monter l'animal avec un licol plutôt qu'un mors ne présentait pas de danger, que M. [L], le gérant du Gaec [Adresse 3], était intervenu avec son épouse, infirmière dans les minutes qui avaient suivi l'accident et avait alerté les secours qui avaient pris en charge son apprentie dans les meilleurs délais, que les mesures prescrites par le plan d'action sécurité avaient été respectées,la pratique de l'équitation comportant un risque inhérent à l'animal dont les réactions pouvaient être imprévisibles y compris à l'égard de cavaliers confirmés;

- que Mme [M] considère à tort que la présente juridiction pourrait se substituer au Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Digne pour statuer en matière de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur souhaitant ainsi contourner les conséquences de son inaction alors qu'il verse aux débats de nombreux témoignages du professionnalisme de M. [L] et du calme de la jument Angelika de sorte que la demande d'indemnisation du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité doit être rejetée,

- qu'il ne peut lui être reproché d'avoir refusé le 30 août 2017 la mise en oeuvre d'une reprise de l'apprentie à mi-temps thérapeutique, l'arrêt de travail de celle-ci ayant été constamment prolongé jusqu'au terme de son contrat d'apprentissage, aucune visite de reprise n'ayant été organisée non du fait d'un refus de sa part mais en raison de l'état de santé de [K] [M];

- que le contrat d'apprentissage n'a pas été rompu pour l'un des motifs de l'article L.6222-18 du code du travail mais est arrivé à son terme alors qu'il était toujours suspendu du fait de l'accident du travail du 1er septembre 2016 ce qui ne fait pas obstacle à l'échéance de celui-ci, l'employeur n'ayant nullement l'obligation de consulter le médecin du travail pour une quelconque inaptitude de l'apprentie.



La clôture de l'instruction a été ordonnée le 09 novembre 2023.




SUR CE :



A titre liminaire, la cour rappelle que l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du Pôle social du Tribunal judiciaire.



Cependant bien que le Gaec [Adresse 3] l'indique expressément en page 12 et 13 de ses conclusions en rappelant que par application des dispositions de l'article L.451-1 du code dela sécurité sociale la reconnaissance d'une faute inexcusable ne relève pas de la compétence de la juridiction prud'homale, il ne soulève aucune exception d'incompétence dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour de sorte que celle-ci , qui ne peut la relever d'office, est tenue de statuer sur les demandes de Mme [M] d'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à sa santé, du refus de l'employeur du mi-temps thérapeutique, de la perte de la possibilité de passer le baccalarauréat, du préjudice matériel lié à l'interruption de ses études.



Sur l'indemnisation de l'atteinte à la santé et de l'exécution fautive du contrat de travail:



Par application des dispositions de l'article L.6222-30 du code du travail, il est interdit d'employer l'apprenti à des travaux dangereux pour sa santé ou sa sécurité.



Par ailleurs, l'article 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique des travailleurs.



Mme [K] [M] reproche ainsi au Gaec [Adresse 3] de l'avoir laissée monter seule le 1er septembre 2016 une jument impulsive Anjelika, qu'elle débourrait avec [X] [P] apprentie à la même période sans personne pour les aider ou les sécuriser, qui était équipée d'un licol et non d'un mors ainsi que d'une selle du centre et non d'une selle attitrée, le débourrage n'étant pas achevé, laquelle est partie au galop, qu'elle n'est pas parvenue à la stopper et que celle-ci l'a faite chuter provoquant un traumatisme crânien. Elle ajoute avoir fait deux courses avec ce cheval qui n'était pas totalement dressé .



Elle produit :

- un témoignage du [Z] [C], Directeur départemental des services d'incendie et de secours attestant que 'les sapeurs-pompiers du Corps Départemental des Alpes de Hautes Provence sont intervenus le 01 septembre 2016 à 11h28, centre équestre [Adresse 3] commune de [Localité 2] pour un blessé par animal. La victime qui a fait une importante chute à cheval et qui présentait de multiples douleurs à la tête aux cervicales au dos, au bassin ainsi que des vomissements a été transportée sur le centre hospitalier de [Localité 5].

L'intervention s'est terminée le 01 septembre 2016 à 13h58.'

- son dossier médical complet comportant outre l'arrêt de travail initial du 1er septembre 2016 (Pièce n°35) mentionnant un traumatisme crânien, des certificats médicaux de prolongation de l'arrêt de travail du 30/09/2016 jusqu'au 28/02/2018, celui-ci mentionnant 'reprise impossible' ainsi qu'un compte-rendu d'hospitalisation du 01/09/2016 au 09/09/2016 dans le service de neurochirurgie du Professeur [B] lequel mentionne au titre de l'histoire de la maladie : 'chute de cheval à haute cinétique avec perte de connaissance initiale, le bilan lésionnel à l'arrivée au centre hospitalier de [Localité 5] retrouvant un hématome sous-duréal hémisphérique gauche associé à une hémorragie sous arachnoïde occipitale gauche nécessitant son transfert au service de réanimation de l'hôpital [6] où un scanner a mise en évidence également une fracture de la voute occipitale droite, une fracture de la paroi antérieure et postérieure de la selle turcique...ne nécessitant pas d'opération mais une poursuite de l'hospitalisation, un nouveau scanner de contrôle le 7 septembre 2016 ayant retrouvé une majoration de l'hématome sous dural hémisphérique gauche et des lésions de contusions basi-frontales bi-latérales...';

- une attestation de [E] [G] témoignant de ce qu'en 2015, elle a effectué un stage de découverte lors de sa classe de 3ème au collège aux [Adresse 3] début décembre d'une durée de 5 jours. Durant ce séjour, je n'ai rencontré M. [L] [I] seulement pour mon accueil du lundi mon premier jour. Il m'a annoncé que je ferai le plus souvent du nettoyage. J'ai aidé Mme [W] durant les cours de poney le mercredi. Malgré que je n'ai aucun diplôme dans ce domaine on m'a proposé de monter un poney hors carrière avec une cliente ayant son cheval en pension... En faisant le tour des chevaux pour les nourrir je constatais que la jument Angélika était plutôt brusque ce pourquoi je n'osais pas rentrer. Durant mon rôle d'assistance pour la course d'endurance de [M] [K] et d'Angelika, j'ai également remarqué que Messieurs [I] [L] et [A] [L] n'étaient pas présents pour assurer la sécurité de Mme [M] [K]';

- une photographie non datée de sa main présentant des égratignures destinée à établir qu'elle avait antérieurement au 1er septembre 2016 été légèrement blessée par la jument;

- un certificat médical du médecin du travail de la MSA (pièce n°83) rédigé le 16/09/2019 indiquant '....l'état de santé de [K] n'a pas permis de faire une telle reprise (mi-temps thérapeutique), l'arrêt de travail a été prolongé, je n'ai donc pas reçu [K] dans le cadre d'une reprise du travail. D'autres mesures ont été mises en place pour la réinsertion professionnelle de [K].'



En réponse, le Gaec [Adresse 3] verse aux débats :

- le contrat d'apprentissage établi entre les parties, [I] [L] étant désigné en qualité de maître d'apprentissage et [K] [M], mineure dont la représentante légale était Mme [V] pour trois années entre le 1er/09/2015 et le 30 juin 2018;

- les diplômes de la Fédération Française d'équitation des Galop 1 (30/06/2008), Galop 2 (14/06/2009), Galop 3 (14/06/2010), Galop 4 (28/06/2016) et Galop 5 (03/06/2016) remis à [K] [M] les deux derniers lui ayant été délivrés par Mme [W];

- un référentiel de la Fédération Française d'équipation précisant que le galop 4 valide l'autonomie du cavalier qui peut utiliser seul un cheval dressé en sécurité (pièce n°3),

- un document justifiant que [K] [M] a passé des concours inter régionaux avec la jument Angelika les 29/05/2016 et 27/08/2016;





- un témoignage de Mme [W] (pièce n°25) indiquant être monitrice d'équitation , être indépendante depuis 7 ans, avoir toujours délivré tous les diplômes en fonction des compétences des cavaliers et n'avoir jamais validé un galop à une personne n'ayant pas répondu à tous les critères;

- le document d'évaluation des risques professionnels (pièce n°11) à jour au 13/06/2016 mentionnant au titre des mesures existantes que le personnel a l'obligation de porter une bombe, avec attache trois points dès qu'il est à cheval, des bottes ou des chaussures adaptées et une selle adaptée au cheval et qu''il n'y a pas d'actions à mettre en place';

- deux fiches médicales d'aptitude correspondant le 21/12/2015 à la visite d'embauche et le 26/08/2016 à une visite périodique;

- un témoignage de Mme [R] maréchal-ferrant indiquant n'avoir jamais constaté de comportements dangereux de la jument Angelika, calme, respectueuse qu'elle a monté le 08/04/2018;

- plusieurs témoignages de personnes (pièces n°20, 21, 26, 35, 36, 37, 38 ) laissant leur chevaux depuis 1995 ou ayant réalisé des stages, ou été apprentis ou en formation affirmant que M. [L] a toujours été présent sur le site auprès d'eux , qu'il est très intransigeant sur les règles de sécurité qui étaient rigoureuses et adaptées et présent au quotidien à leur côté (pièces n°27 à 33) que le débourrage des poulains s'est toujours déroulé dans le calme et la sérénité, que le gérant s'occupait du débourrage des chevaux difficiles, que la jument Angelika n'a jamais présenté aucun danger;

- un témoignage de Mme [F] (pièce n°34) vétérinaire traitant depuis l'année 2015, indiquant soigner la jument Angelika Passion lors de visites médicales réalisées en oct 2016, juillet 2017, 2018, 2019 comportant notamment une prise de température rectale et une injection vaccinale musculaire au niveau de l'encolure.



Cependant, le Gaec [Adresse 3] auquel incombe la charge de prouver qu'il a mis en place les mesures de prévention nécessaires afin d'assurer la sécurité et la protection de la santé physique de Mme [M] ne le démontre pas.



En effet, quand bien même, l'employeur justifie de l'existence d'un document d'évaluation des risques professionnels actualisé, de la mise en oeuvre générale de mesures de prévention des risques objectivées par des témoignages d'anciens élèves et de ce qu'en tant que titulaire du Galop 4, diplôme dont les modalités d'attribution à l'apprentie ne sont pas contestées, Melle [M] avait la faculté de monter seule un cheval dressé, aucune des pièces produites ne se rapporte précisément à la journée du 1er septembre 2016 et n'établit que la jument Angelika Passion était effectivement un cheval véritablement dressé à cette même date permettant à sa cavalière, toujours mineure, de sortir seule avec lui sans l'accompagnement à ses côtés de son maître de stage, dont l'absence est acquise celui-ci n'étant arrivé sur le lieu de l'accident que dans les minutes suivant l'accident alors que l'employeur a précisé en page 4 de ses écritures que la jument n'était arrivée au sein de l'écurie que le 24 novembre 2015 et qu'à cette date 'elle n'était pas encore débourrée ni dressée et découvrait un nouvel environnement débourrage a commencé à cette date' l'achèvement du dressage de l'animal à la date de l'accident n'étant ainsi pas prouvé.



En conséquence, le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité étant établi, il convient par infirmation du jugement entrepris, de faire droit à la demande d'indemnisation de Mme [M] d'atteinte à la santé en condamnant le Gaec [Adresse 3] à lui payer une somme de 8.000 € en réparation de ce manquement



Mme [M] n'arguant au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail d'aucuns moyens autres que ceux développés au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et ne justifiant de l'existence d'aucun préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de ce manquement, c'est à juste titre par des dispositions qui sont confirmées que la juridiction prud'homale a débouté celle-ci de cette demande.



Sur les demandes de dommages-intérêts pour refus de mi-temps thérapeutique:



Afin de fonder cette demande, Mme [M] produit aux débats les pièces suivantes :

- une attestation en pièce n°80, établie par sa mère, Mme [V], laquelle affirme qu'après un arrêt maladie de plusieurs mois, la médecine du travail l'autorise à reprendre son activité professionnelle en mi-temps thérapeutique, son patron a refusé de la reprendre justifiant, je le cite 'je ne vais pas te payer à rien faire, change de métier' [K] ne pouvant plus débourrer les jeunes chevaux et rester toute la journée debout';

- un certificat médical du Pr [B] neurochirurgien (pièce n°62) du 31/10/2016 lequel indique 'je n'ai pas de doute que les choses vont dans le bon sens et qu'elles vont s'améliorer, il faudra peut-être envisager à partir du mois de janvier (2017) une reprise dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique mais pour le moment cela me paraît un peu prématuré même si je ne vois pas d'obstacle à ce qu'elle aille au centre et qu'elle se mette en immersion progressivement de même que la reprise de ses cours...'



Cependant, il résulte de sa pièce n°83, également produite par l'employeur, dont la teneur a été évoquée dans le paragraphe précédent que le Dr [S], médecin du travail au sein de la MSA atteste le 16 septembre 2019 dans les termes suivants:

'Je soussigné certifie avoir reçu à plusieurs reprises Melle [M]...

Le 8 août 2017 a été évoqué le souhait d'une reprise à temps partiel thérapeutique. Cette reprise étant envisagée pour septembre 2017.

Lors de notre rencontre du 15 novembre 2017 [K] est toujours en arrêt, j'évoque la possibilité d'une reprise en janvier 2018, assortie d'un mi-temps thérapeutique;

Pour que je puisse faire la reprise, il me fallait l'avis du médecin conseil de la MSA, des spécialites (+++) puis une rencontre préalable avec l'employeur accompagnée d'une étude du poste de travail et enfin la visite de reprise qui se fait à la demande de l'employeur à l'issue de l'arrêt de travail.

L'état de santé de [K] n'a pas permis de faire une telle reprise, l'arrêt de travail a été prolongé, je n'ai donc pas reçu [K] dans le cadre d'une reprise de travail et n'ai pas eu à rencontrer l'employeur. D'autres mesures ont été ensuite mises en place pour la réinsertion professionnelle de [K].'



De surcroît, l'employeur produit aux débats un échange de sms avec l'apprentie entre décembre 2016 et le 11 août 2017 afin de prendre de ses nouvelles dont il résulte qu'à cette dernière date, [K] [M] a décliné la proposition de se rendre bénévolement sur son ancien lieu de travail en indiquant 'je ne peux pas rester plus de 2 heures debout'.



Il se déduit de ses éléments que non seulement le refus de l'employeur de mettre en place au profit de son apprentie un mi-temps thérapeutique n'est pas démontré mais que surtout, l'état de santé de celle-ci, dont l'arrêt maladie pour accident du travail a été renouvelé sans interruption entre le 1er septembre 2016 et le terme de son contrat de travail, n'a permis ni visite de reprise ni reprise d'une activité à temps partiel.



En conséquence, à l'instar de la juridiction prud'homale il convient de débouter Mme [M] de sa demande de dommages-intérêts pour refus du mi-temps thérapeutique.



Sur les demandes de dommages-intérêts pour perte de la possibilité de passer le baccalauréat et l'indemnisation du préjudice matériel lié à l'interruption de ses études.



Mme [M] sollicite la réparation du préjudice résultant de la perte de la possibilité de passer le baccalauréat et de celui matériel lié à l'interruption de ses études.



S'il résulte des développements précédents que Mme [M] n'a pas démontré que le Gaec [Adresse 3] ait refusé la mise en place d'un mi-temps thérapeutique à son profit, pour autant l'accident du travail dont elle a été victime en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est à l'origine de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de reprendre sa formation tant pratique que théorique au sein du Lycée Agricole [4] du fait de son état de santé ainsi que l'objectivent les certificats médicaux produits (pièce n°59,60, 74) évoquant des céphalées rebelles, des vertiges récurrents, des difficultés de concentration, des difficultés à demeurer debout, des troubles du sommeil, une souffrance dépressive résultant de séquelles neuropsychiques sévères et invalidantes ainsi que ses relevés d'absence au titre des années 2016 à 2018 de sorte qu'il convient par infirmation du jugement entrepris de lui allouer une somme de 500 € en réparation de la perte de la possibilité de passer le baccalauréat.



En revanche, il convient de rejeter la demande de Mme [M] d'indemnisation du préjudice matériel lié à l'interruption de ses études dont l'existence et l'étendue n'est justifié par aucun élément.



Sur la rupture du contrat d'apprentissage et ses conséquences financières :



Pendant les périodes d'arrêt de travail, qu'elles soient provoquées par un accident du travail ou une maladie d'origine professionnelle (article L. 1226-7 du code du travail) ou non (article L. 1226-2 du code du travail), le contrat de travail est suspendu.



Selon l'article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.







Concernant le contrat à durée déterminée, l'article L. 1226-18 prévoit que l'employeur ne peut le rompre au cours des périodes de suspension en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle que s'il justifie soit d'une faute grave du salarié soit d'un cas de force majeure.



L'article L. 1226-13 sanctionne par la nullité les ruptures intervenues en méconnaissance des articles L.1226-9 et L. 1226-18.



S'il résulte de ces textes que le salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle bénéficie d'une protection particulière en matière de rupture de son contrat de travail qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, l'article L. 1226-19 du code du travail prévoit toutefois, pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée que :

« Les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ne font pas obstacle à l'échéance du contrat de travail à durée déterminée.'



Mme [M] soutient que le Gaec '[Adresse 3]' a rompu le contrat d'apprentissage à raison de son état de santé en violation des dispositions de l'article 1132-1 du code du travail interdisant toute discrimination directe ou indirecte en raison de son état de santé.



L'intimé le conteste en indiquant que le contrat litigieux étant un contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 31 août 2018, il n'a procédé à aucune rupture de la relation de travail s'étant borné à envoyer les documents de fin de contrat à Mme [M] à l'échéance de ce contrat, les périodes de suspension du contrat de travail ne faisant pas obstacle à la survenance du terme convenu.



Il résulte de l'examen des pièces produites que le contrat d'apprentissage a été signé des parties pour une durée déterminée de trois années du 1er/09/2015 au 31/08/2018 et qu'à l'échéance de celui-ci le Gaec [Adresse 3] a adressé à Melle [M] ses documents de fin de contrat; certificat de travail, dernier bulletin de salaire, deux exemplaires du solde de tout compte ainsi qu'un chèque correspondant au montant des congés payés (pièce n°15).



Or, contrairement aux affirmations de l'appelante en l'absence de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, lorsque le terme du contrat à durée déterminée, tel que le contrat d'apprentissage de Mme [M], prend fin alors que le salarié est en arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, la rupture du contrat de travail se situe bien à la date prévue du terme dans le contrat laquelle n'est pas modifiée de sorte, qu'elle ne peut reprocher à l'employeurune rupture illicite du contrat de travail, l'employeur n'ayant nullement rompu le contrat au cours de l'exécution de celui-ci de sorte que par confirmation des dispositions du jugement entrepris, il y a lieu de débouter Mme [M] de sa demande d'indemnisation pour rupture abusive du contrat d'apprentissage.



Sur les intérêts au taux légal :



Les créances de nature indemnitaires allouées porteront intérêts à compter de la date de la décision qui les prononce soit à compter du présent arrêt.



Le jugement sera de ce chef infirmé.



Sur la demande au titre des frais futurs d'exécution:



Mme [M] est déboutée de sa demande relative au frais d'huissier relevant de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 qui n'est plus applicable depuis un arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice ayant instauré l'article A 444-32 du code de commerce lequel ne s'applique pas aux créances nées de l'exécution du contrat de travail.



Sur les dépens et les frais irrépétibles :



Les dispositions du jugement entrepris ayant laissé à chaque partie la charge de ses dépens sont infirmées.



Le Gaec [Adresse 3] est condamné au dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés comme en matière juridictionnelle.



Les dispositions ayant débouté les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées, aucune demande n'étant formée par le conseil de Mme [M], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.



PAR CES MOTIFS :



La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,



Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [M] :

- de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail;

- de dommages-intérêts pour refus du mi-temps thérapeutique;

- de dommages-intérêts pour préjudice matériel lié à l'interruption des études;

- de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail;

ainsi que les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.



L'infirme pour le surplus.



Statuant à nouveau et y ajoutant:



Condamne le Gaec [Adresse 3] à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

- 8.000 € à titre de dommages-intérêts pour atteinte à la santé;

- 500 € en réparation de la perte de la possibilité de passer le baccalauréat.



Condamne le Gaec [Adresse 3] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière juridictionnelle.



Déboute Mme [M] de sa demande relative au frais d'huissier relevant de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.



LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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