14 décembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.598

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300826

Titres et sommaires

SOCIETE COOPERATIVE - Coopérative agricole - Liquidation - Créance née antérieurement - Compensation - Créances connexes - Cas

La contribution au capital social d'une société coopérative agricole donne au coopérateur, conformément à l'article L. 521-3 du code rural et de la pêche maritime, le droit d'utiliser un matériel déterminé et la facturation rémunère son temps d'utilisation, de sorte que la dette de la coopérative liée au remboursement des parts sociales et la créance souscrite par le coopérateur auprès de la coopérative pour l'utilisation du matériel sont connexes, ce qui autorise un paiement par compensation après l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire au profit du coopérateur en application de l'article L. 622-7 du code de commerce

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement et liquidation judiciaires - Créance née antérieurement - Compensation - Créances connexes - Cas

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 826 FS-B

Pourvoi n° J 22-15.598




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023

La coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon (CUMA), dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 22-15.598 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2021 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [L] [X],

2°/ à Mme [L] [X],

3°/ à M. [H] [X],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon, de Me Bertrand, avocat de la société Actis mandataires judiciaires, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon (la CUMA) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [H] [X].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 16 novembre 2021), Mme [N], agricultrice, adhérente de la CUMA, a été placée en liquidation judiciaire et la société Actis a été désignée comme mandataire-liquidateur.

3. Par ordonnance du 24 juillet 2020, le juge-commissaire a retenu que la connexité n'était pas établie entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès de la coopérative, et rejeté la demande de compensation formée à ce titre.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La CUMA fait grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à ce que soient constatées la connexité et la compensation entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès d'elle, alors « que la Coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon - Cuma se prévalait de la nature des créances réciproques des parties pour conclure à leur connexité, précisant à cet égard que les parts sociales détenues par Mme [X] correspondaient à des fractions d'équipements et de matériels agricoles et que la facture dont le paiement par compensation était poursuivi correspondait précisément à l'utilisation de ces équipements et matériels agricoles pour lesquels Mme [X] détenait des parts sociales ; que, pour écarter la connexité des créances invoquées, la cour d'appel a retenu que « s'il est exact que la coopérative aux termes de l'article 12, présente un capital social variable, réparti entre les associés coopérateurs comme égal à 52 % du montant du chiffre d'affaires estimé à la souscription sur la base du bulletin d'engagement, il n'en résulte pas, contrairement à ce qu'elle soutient, un lien direct entre le contrat de société et les obligations de l'associé au titre des prestations réalisées, dès lors qu'elles ne sont pas défraies à titre d'avances de trésorerie ou encore de répartition du fonctionnement des achats ; au contraire, l'obligation de paiement des prestations fournies par la coopérative n'est pas prévue au titre de l'apurement des comptes résultant de la cessation des droits d'associés, et d'autre part le remboursement des parts intervient au terme de l'adhésion à hauteur de leur valeur nominale, telle que définie ci-dessus, et réduit à due concurrence de la contribution de l'associé aux pertes inscrites au bilan lorsque celles-ci sont supérieures aux réserves. Il en résulte qu'il n'est défini aucune interdépendance entre ces deux contrats » ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la nature des créances réciproques des parties, ayant trait au remboursement de parts sociales afférentes à du matériel agricole et dans la dépendance de la facturation de l'utilisation de ce même matériel, ne révélait pas leur lien de connexité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-7 du code de commerce et L. 521-3 du code rural et de la pêche maritime :

5. Aux termes du premier de ces textes, le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.

6. Selon le second, ne peuvent prétendre à la qualité et à la dénomination de coopérative que les coopératives dont les statuts prévoient l'obligation pour chaque coopérateur d'utiliser tout ou partie des services de la société pour une durée déterminée, et corrélativement, de souscrire une quote-part du capital en fonction de cet engagement d'activité.

7. Pour rejeter la demande tendant à ce que soient constatées la connexité et la compensation entre la dette du coopérateur et le capital social souscrit auprès de la coopérative, l'arrêt retient, après avoir relevé que la coopérative présentait un capital social variable, réparti entre les associés coopérateurs comme égal à 52 % du montant du chiffre d'affaires estimé à la souscription sur la base du bulletin d'engagement, qu'il n'en résultait pas un lien direct entre le contrat de société et les obligations de l'associé au titre des prestations réalisées, dès lors que celles-ci n'étaient pas définies à titre d'avances de trésorerie ou encore de répartition du fonctionnement des achats.

8. Il énonce, ensuite, que l'obligation de paiement des prestations fournies par la coopérative n'est pas prévue au titre de l'apurement des comptes résultant de la cessation des droits d'associés, et, enfin, que le remboursement des parts intervient au terme de l'adhésion à hauteur de leur valeur nominale, et se trouve réduit à due concurrence de la contribution de l'associé aux pertes inscrites au bilan lorsque celles-ci sont supérieures aux réserves.

9. En statuant ainsi, alors que la contribution au capital social donne le droit d'utiliser un matériel déterminé et que la facturation rémunère son temps d'utilisation, de sorte que la dette de la coopérative liée au remboursement des parts sociales et la créance souscrite par le coopérateur auprès de la coopérative pour l'utilisation du matériel sont connexes, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de compensation de la coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon, l'arrêt rendu le 16 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ;

Condamne la société Actis mandataires judiciaires aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Actis en qualité de mandataire liquidateur de Mme [N] à payer à la coopérative d'utilisation de matériel agricole de Lambon la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes.




Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois.

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