7 décembre 2023
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 23/00353

2ème chambre section A

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







ARRÊT N°



N° RG 23/00353 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IWJL

et

N°RG 23/00634 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IXDI



JONCTION



AD



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER

19 février 2021 RG: 18/03961



S.A.R.L. ENERGIE RENOUVELABLE DU LANGUEDOC

C/

Association VIGILANCE PATRIMOINE PAYSAGER ET NATUREL (VPPN)

Association PROTECTION DES PAYSAGES ET RESSOURCES DE L'ESCANDO RGUE ET DU LODEVOIS (APPREL)

Association SOCIETE POUR LA PROTECTION DES PAYSAGES ET DE L'ES THÉTIQUE DE LA FRANCE (SPPEF) - SITES ET MONUMENTS









Grosse délivrée

le

à Selarl Lexavoue

Me André





COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



SUR RENVOI DE CASSATION





ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Montpellier en date du 19 Février 2021, N°18/03961



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, et M. André LIEGEON, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Mme Virginie HUET, Conseillère

M. André LIEGEON, Conseiller



GREFFIER :



Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision



DÉBATS :



A l'audience publique du 10 Octobre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Décembre 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.



APPELANTE :



S.A.R.L. ENERGIE RENOUVELABLE DU LANGUEDOC inscrite au RCS sous le n° 439 800 871, Poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité en son siège social



[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Alexia ESKINAZI de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉES :



ASSOCIATION VIGILANCE PATRIMOINE PAYSAGER ET NATUREL (VPPN), représentée par son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Nicolas GALLON, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Camille ANDRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES



ASSOCIATION PROTECTION DES PAYSAGES ET RESSOURCES DE L'ESCANDORGUE ET DU LODEVOIS (APPREL), représentée par son Président en exerice, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 8]

[Localité 5]



Représentée par Me Nicolas GALLON, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Camille ANDRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES



ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES PAYSAGES ET DE L'ESTHÉTIQUE DE LA FRANCE (SPPEF) - SITES ET MONUMENTS, prise en la personne de son Président en exercice

[Adresse 6]

[Localité 7]



Représentée par Me Nicolas GALLON, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Camille ANDRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES



Avis de fixation de l'affaire à bref délai suite à renvoi après cassation (art.1037-1 et s. du CPC)





ARRÊT :



Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 07 Décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour






Exposé':



Vu le jugement, rendu par le tribunal judiciaire de Montpellier le 19 février 2021, ayant statué ainsi qu'il suit':

- reçoit l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) - Sites et monuments en son intervention volontaire ;

- condamne la SARL Energie renouvelable du Languedoc à remettre les lieux en leur état antérieur par la démolition de toutes les éoliennes et de toute installation y attachée ou nécessaire à l'exploitation ;

- dit qu'à défaut d'exécution dans le délai de quatre mois à compter de la signification et passé ce délai, la SARL Energie renouvelable du Languedoc sera tenue de payer à l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel, l'association Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois et l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF)-Sites et monuments une astreinte de 3 000 € (trois mille euros) à chacune, soit 9'000'€ (neuf mille euros) au total, par jour de retard, laquelle courra pendant un délai de 180 jours après quoi il sera à nouveau statué ;

- dit n'y avoir lieu à nous réserver le pouvoir de liquider l'astreinte ou d'en prononcer une nouvelle ;

- dit irrecevable la demande à titre de dommages et intérêts ;

- ordonne l'exécution provisoire ;

- condamne la SARL Energie renouvelable du Languedoc à payer à l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel, l'association Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois et l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF)-Sites et monuments la somme de 2 000 € à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la SARL Energie renouvelable du Languedoc aux dépens.



Vu l'appel interjeté le 12 mars 2021 par la SARL Energie renouvelable du Languedoc (ERL).



Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 3 juin 2021, ayant statué ainsi qu'il suit':

- infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de l'association Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France (SPPEF) ;

Statuant à nouveau,

- déboute l'association Vigilance Patrimoine Paysager et Naturel (VPPN), l'Association Protection des Paysages et Ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) et l'association Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France (SPPEF) de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamne l'association Vigilance Patrimoine Paysager et Naturel (VPPN), l'Association Protection des Paysages et Ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) et l'association Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France (SPPEF) à payer, chacune, à la SARL Energie renouvelable du Languedoc (ERL) la somme de mille euros (1 000 euros) d'indemnité représentative des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne in solidum l'association Vigilance Patrimoine Paysager et Naturel (VPPN), l'Association Protection des Paysages et Ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) et l'association Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France (SPPEF) aux dépens de première instance et d'appel.



Vu le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt par l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel (VPPN), l'Association protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) et l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) - Sites et monuments. (Pourvoi n°H 21-19.778).





Vu l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 11 janvier 2023, ayant statué ainsi qu'il suit':

- casse et annule, sauf en ce qu'il confirme le chef de dispositif du jugement ayant reçu l'intervention volontaire de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier;

- remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

- condamne la société Energie renouvelable du Languedoc aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Energie renouvelable du Languedoc et la condamne à payer à l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel, l'Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodèvois et l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France la somme globale de 3 000 euros.



Vu la saisine de la cour d'appel de céans, cour de renvoi, le 31 janvier 2023 par la SARL Energie renouvelable du Languedoc. (RG 23/00353).



Vu la déclaration rectificative de saisine de la cour d'appel de céans, cour de renvoi, le 17 février 2023 par la SARL Energie renouvelable du Languedoc. (RG 23/00634).



Vu les conclusions de la SARL Energie renouvelable du Languedoc en date du 4 octobre 2023, demandant de':

Vu l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Statuant sur renvoi de cassation sur l'appel formé par la société Energie renouvelable du Languedoc à l'encontre du jugement rendu le 19 février 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier,

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu le 19 février 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier, en ce qu'il a condamné la société Energie renouvelable du Languedoc à remettre les lieux en leur état antérieur par la démolition du parc éolien de Bernagues, en ce qu'il a assorti cette condamnation d'un délai de seulement quatre mois, en ce qu'il a prononcé une astreinte de 9.000 euros par jour de retard à compter de la fin de ce délai et en ce qu'il a condamné la société Energie renouvelable du Languedoc aux dépens et à payer la somme de 2.000 à chacune des demanderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- débouter l'Association Vigilance patrimoine paysager et naturel ; l'Association Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois et l'Association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- débouter l'Association Vigilance patrimoine paysager et naturel, l'Association Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois et l'Association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France de leur demande de démolition de l'intégralité du parc éolien, en ce qu'elle apparaît disproportionnée et, en tout état de cause, limiter toute mesure de démolition à l'éolienne E2 ;



En tout état de cause,

- assortir toute condamnation à démolir tout ou partie du parc éolien de Bernagues d'un délai d'au moins 26 mois à compter de la signification de l'arrêt à venir, et limiter toute astreinte à une somme journalière de 500 euros ;

- débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, outre appel incident ;

- condamner l'Association Vigilance patrimoine paysager et naturel et l'Association Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois ainsi que l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France à payer à la société Energie renouvelable du Languedoc la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que tous les dépens.



Vu les conclusions de l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel (VPPN), l'Association protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) et l'association Sites et monuments, en date du 26 septembre 2023, demandant de':

Vu l'article L 480-13 du code de l'urbanisme,

Vu l'article 1240 du Code civil,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et interêts des concluantes,

Statuant à nouveau,

- condamner la SARL Energie renouvelable du Languedoc à verser à l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,

- condamner la SARL Energie renouvelable du Languedoc à verser à l'association pour la Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,

- confirmer le jugement pour le surplus,

En toutes hypothèses,

- condamner la SARL Energie renouvelable du Languedoc à verser à l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel (VPPN) la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Energie renouvelable du Languedoc à verser à l'association Sites et monuments (SPPEF) la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Energie renouvelable du Languedoc à verser à l'association pour la Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.



Vu l'avis du 15 mars 2023 fixant l'affaire à bref délai à l'audience du 10 octobre 2023 en application des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile.






Motifs



A titre liminaire, la cour précise qu'il y a lieu de procéder à la jonction des deux procédures d'appel distinctement enrôlées sous les numéros 23- 353 et 23-634 sous le numéro 23-353.





Dans son arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation censure l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en retenant, sur les faits, que le préfet de l'Hérault a délivré, le 24 avril 2013, à la société Energie renouvelable du Languedoc un permis de construire pour édifier sept aéro générateurs et un poste de distribution sur la commune de Lunas ; que la société a déposé une déclaration d'ouverture de chantier en mairie le 30 juin 2015 et une déclaration d'achèvement des travaux et de leur conformité avec le permis de construire le 26 février 2016 ; que le préfet de l'Hérault a délivré un certificat de conformité le 19 juillet 2016, mais que par un arrêt du 26 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le permis en raison d'une insuffisance de l'étude d'impact, le pourvoi contre cette décision ayant été rejeté ; que c'est dans ces conditions que l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel et l'association pour la Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodevois ont assigné la société Energie renouvelable du Languedoc en dommages et intérêts, l'association pour la Protection des paysages et de l'esthétique de la France étant intervenue aux débats.



En droit, la Cour de cassation, au visa de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme et de l'article 1240 du Code civil, retient, sur le premier moyen, qu'il résulte de ces textes que toute méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé pour excès de pouvoir dès lors que le demandeur démontre un préjudice personnel en lien de causalité directe avec la violation de la règle ; que la cour administrative d'appel a considéré qu'il y avait une insuffisance d'étude d'impact relativement à la présence d'un couple d'aigles royaux dans le massif de l'Escandorgue et qu'en considérant que la construction du parc n'avait pas été édifiée en méconnaissance des règles d'urbanisme ou de servitudes d'utilité publique, règles de fond et non simples règles de procédure, la cour d'appel a violé ces textes.



Sur le second moyen, la Cour de cassation considère, également au visa de l'article L 480-13, que la condamnation à démolir une construction, dont le permis a été annulé en méconnaissance d'une règle d'urbanisme ou d'une servitude d'utilité publique, est subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l'intérieur de l'une des zones visées à l'article L 480-13 1°sans qu'il soit nécessaire que la construction ait été édifiée en violation du régime particulier de protection propre à cette zone ; que l'arrêt :

- qui constate que le parc éolien a été édifié dans un espace du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionné aux articles L 122-9 et L 122-26-2 du code de l'urbanisme identifié dans le périmètre d'une servitude relative aux installations classées pour la protection de l'environnement en application de l'article L 515-8 du code de l'environnement et dans un secteur délimité par le plan local d'urbanisme en application des articles L 151- 19 et 151 ' 23 du code de l'urbanisme, c'est-à-dire, dans une zone relevant de l'article L 480 ' 13 ' 1 du même code,

- et qui retient qu'il n'est pas précisé les dispositions spécifiques notamment des zones 'j' et 'n' visées à l'article L 480-13 qui seraient contraires à la construction du parc éolien,

viole le texte de l'article L 480- 13.



Au soutien de son appel, la société Energie renouvelable du Languedoc expose essentiellement que le tribunal a ordonné la démolition, mais qu'il n'a pas établi le préjudice résultant du manquement consistant dans l'insuffisance de l'étude d'impact ; qu'il est désormais produit une étude d'impact complète et qu'il n'y a donc plus de méconnaissance de l'obligation de ce chef, la faute devant être appréciée en matière judiciaire au jour où le juge statue et la jurisprudence admettant que la méconnaissance d'une règle d'urbanisme ayant été à l'origine d'une annulation de permis cesse même en l'absence de régularisation du permis de construire ; qu'il n'y a pas de lien de causalité entre la méconnaissance de l'obligation ayant été à l'origine de l'annulation du permis de construire et le préjudice allégué et que si l'absence d'information suffisante a pour conséquence une information incomplète du préfet, cela ne signifie pas que la construction porte atteinte au site ; que le préfet a finalement reconnu la conformité du projet aux règles d'urbanisme en délivrant un certificat le 19 juillet 2016 ; que c'est le juge administratif qui contrôle l'atteinte à l'environnement et la nécessité d'une demande de dérogation ; qu'il n'y a pas d'atteinte disproportionnée prouvée à la biodiversité, la mort d'un sujet ne caractérisant pas la nécessité d'une dérogation ; que la démolition serait disproportionnée ; que le tribunal a retenu que le parc éolien se situait dans une zone susceptible de relever du 'a' et 'n' de l'article L 480-13, mais que le classement en zone de montagne ne suffit pas car il faut une délimitation réglementaire des espaces du patrimoine naturel et culturel montagnard par DTA ou décret en Conseil d'État et qu'en l'espèce, de tels documents ne sont pas produits ; que la simple classification en zone nature ne suffit pas à faire entrer le parc dans l'alinéa 'n' de l'article L 480-13-1.

La société conclut par ailleurs à la confirmation du jugement en ce qui concerne la prescription y retenue de l'action indemnitaire des associations, soulignant que la prescription de 2 années est acquise et que la prescription de droit commun ne peut être invoquée s'agissant ici de l'application d'un texte spécial.

À titre subsidiaire, elle demande, en cas de destruction ordonnée de l'installation, de prévoir un délai supérieur à 4 mois.



Les associations Vigilance patrimoine paysager et naturel, Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodevois, Sites et monuments rappellent l'exigence de la double condition de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme, à savoir, la violation de règles d'urbanisme ou de servitude d'utilité publique ayant entraîné un préjudice personnel et la localisation de la construction litigieuse dans l'une des zones énumérées à cet article.



Elles concluent qu'il y a bien eu violation d'une règle d'urbanisme dès lors que l'instruction du permis de construire s'est faite au vu d'une étude d'impact insuffisante, cette étude constituant une pièce du dossier d'ensemble de la procédure administrative en vue de l'autorisation du projet avec pour but d'éclairer l'administration sur les suites à donner au regard des enjeux environnementaux et de santé humaine ainsi qu'à informer le public de sorte qu'il s'agit non pas d'une règle de forme, mais d'une véritable règle de fond, soulignant donc que la société a ignoré la présence du couple d'aigles royaux, ce qui l'a dispensée de demander la dérogation à la réglementation relative aux espèces protégées au titre de l'article L 411 ' 2 du code de l'environnement et dès lors également qu'il y a un préjudice personnel subi par elles dans la mesure où leur objet consiste à préserver les patrimoines naturels culturels et touristiques ainsi que la biodiversité, ce qui inclut la préservation de la faune et la défense du patrimoine environnemental dont font partie les aigles royaux ; que le préjudice personnel s'apprécie au regard des demandeurs à la démolition, qu'il a été nui à leur parfaite information ce qui ne leur a pas permis de formuler leurs observations auprès du commissaire enquêteur et que le préjudice résulte aussi de l'atteinte au site , les incidents pour la faune n'ayant cessé de se répéter.

Elles ajoutent que le caractère incomplet de l'étude d'impact n'est pas régularisable, que la légalité d'une décision administrative d'octroi du permis de construire s'apprécie à la date à laquelle elle est prise de sorte qu'il ne peut être soutenu que des études complémentaires effectuées postérieurement à l'obtention du permis de construire ont conduit le préfet à édicter des prescriptions prenant en compte les incidences du projet sur le couple d'aigles royaux, celles-ci ne pouvant pallier l'annulation du permis de construire ; que l'appréciation de la nécessité de démolir le parc éolien s'apprécie au regard de l'impact du projet sur les espèces protégées et que l'enjeu de leur protection n'est pas disproportionné au regard de la demande de démolition, soulignant que le Conseil d'État a admis qu'un parc éolien pouvait apporter une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement des énergies renouvelables et ce d'autant que le projet s'inscrit dans une zone comptant déjà de nombreux parcs éoliens, ce qui est le cas en l'espèce ; que la production du groupe sur le site litigieux n'atteint que 26'000 Mwh alors que la consommation annuelle du département de l'Hérault s'élève à 2,9 millions de Mwh ; que la société a, au demeurant, déjà exploité son parc et qu'elle a commis de nombreuses fautes ; que seule, est exigée la localisation géographique de la construction dans l'une des zones visées à l'article L 480 ' 13 1 et qu'il n'est pas nécessaire de démontrer une violation du régime de la protection propre à la zone.

Elles font en substance valoir à ce sujet que la commune de [Localité 9], sur laquelle l'exploitation est implantée, est tout entière classée en zone de montagne par un arrêté du 20 février 1974, ce qui suffit à répondre à l'exigence de l'article L 122- 9 du code de l'environnement et observent, en outre, que le plan local d'urbanisme fait référence à cette appartenance de sorte qu'il est satisfait à l'exigence légale des articles L 480 ' 13 et L 122 ' 9; que le massif de l'Escandorgue dans lequel la commune de [Localité 9] est également incluse est classé parc naturel régional du Haut Languedoc ; qu'il est classé en zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique de type 2 ainsi qu'en zone de protection spéciale ; que le Conseil d'État admet en toute hypothèse que les juges du fond peuvent, par une appréciation motivée souveraine, décider qu'un territoire relève du patrimoine montagnard, ce qui est le cas en l'espèce vu les caractéristiques du site ; enfin, que le plan local d'urbanisme a créé une zone 'N' qui recouvre « les espaces naturels et forestiers, équipés ou non, à protéger de toute urbanisation en raison essentiellement de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages qui la composent' ; que les installations litigieuses sont bâties sur la zone 'N' de ce plan de sorte qu'elles se situent dans la zone visée au 'n ' de l'article L 480-13 et encourent également la démolition de ce chef.

Elles demandent de voir confirmer le jugement sur l'astreinte exposant que la société ne peut demander à être affranchie des conséquences de ses imprudences répétées et délibérées, qu'en outre, la société a versé une garantie financière pour le démontage de ses installations de 50'000 € par générateur, ce qui correspond au coût de démantèlement d'un site après exploitation et que cette somme est mobilisable en cas de démontage ; sur le calendrier des travaux, elles ajoutent qu'il s'agit d'éoliennes montées en kit et que le démontage pourrait se faire dans un délai de 3 mois, outre 2 mois pour remettre le site en état.

Elles critiquent, enfin, le jugement en ce qu'il a retenu la prescription de leur demande indemnitaire, faisant valoir qu'elles n'étaient fondées à agir sur le fondement de l'article L 480-13 qu'à compter de l'annulation du permis de construire qui est intervenue de façon définitive avec la décision du Conseil d'État du 18 novembre 2017 de sorte que le délai de prescription biennale n'a commencé à courir qu'à compter de cette date.





Sur les faits, il n'est pas contesté :

- que le préfet de l'Hérault a délivré, le 20 octobre 2004, à la société Energie renouvelable du Languedoc un permis de construire un parc éolien de sept aéro générateurs et d'un poste de distribution sur la commune de [Localité 9] ; que le tribunal administratif de Montpellier a annulé ce permis par un jugement du 23 mars 2006 et qu'après une procédure ayant conduit jusqu'au Conseil d'État, la cour administrative de Marseille, par un arrêt du 30 mai 2011, a annulé le permis de construire au motif notamment de l'insuffisance de l'étude d'impact au regard des effets du projet sur la sécurité publique en tant qu'elle porte sur les éoliennes 7 et 8 ; que par un nouvel arrêt du Conseil d'État du 7 novembre 2012, ce motif a été confirmé et le pourvoi de la société Energie renouvelable rejeté ;

- que le préfet de l'Hérault a délivré un nouveau permis de construire pour le même projet le 24 avril 2013 ;

- que par un arrêt du 26 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Marseille annulait le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2014 et l'arrêté du 24 avril 2013 en considérant que le projet était inclus dans le domaine vital d'un couple d'aigles royaux dont le cantonnement est connu depuis 2001 et la reproduction attestée en 2010 et pour lequel le site en cause fait partie des zones de chasse privilégiées, que les études faites à ce sujet sont postérieures à la date de la décision querellée, mais qu'elles démontrent une situation existant déjà à sa date;

- que le Conseil d'État a rejeté le pourvoi de la société Energie renouvelable du Languedoc par une décision du 8 novembre 2017 qui est définitive de sorte que le permis de construire est définitivement annulé ; que malgré les demandes du préfet sollicitant la société pour régulariser la situation administrative en déposant un dossier de demande d'autorisation environnementale, cette dernière ne s'est pas exécutée ; que le 12 mars 2020, le préfet de l'Hérault a ordonné l'arrêt du fonctionnement des éoliennes au motif de la non régularisation de la situation et de la mortalité aviaire ; que le 6 juillet 2022, le préfet a levé la suspension en édictant d'autres mesures pour l'exploitant .



C'est dans ce contexte que les associations ont donc saisi par une assignation du 27 juillet 2018 le tribunal de grande instance de Montpellier, demandant notamment la démolition des installations et la remise des lieux en leur état antérieur sous astreinte.



Sur la demande de démolition :



En droit, l'article L 480 ' 13 du code de l'urbanisme prévoit que lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme et des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative, que la méconnaissance de la règle d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique a causé un préjudice personnel direct au demandeur à la démolition et sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'État dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L 600-6, si la construction est située dans l'une des zones qu'il énumère et qui sont notamment les suivantes :

a/

Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionnés à l'article L 122 ' 9 et au 2 de l'article L 122 ' 26 lorsqu'ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols

......

n/

les secteurs délimités par le plan local d'urbanisme en application des articles L 151- 19 et L 151 -23 du présent code,

seules, celles-ci étant désormais invoquées par les associations au soutien de leurs demandes.



L'action en démolition doit être engagée dans le délai de 2 ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative.



Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative.

L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard 2 ans après l'achèvement des travaux, la prescription antérieure continuant à courir selon son régime lorsque l'achèvement est intervenu avant la publication de la loi du 13 juillet 2006.



Quand bien même il appartient au juge administratif de contrôler le respect par le pétitionnaire des textes sur les exigences des règles, notamment environnementales, le juge judiciaire tient donc distinctement et en application des textes sus-cités du code de l'urbanisme le pouvoir d'ordonner la démolition s'il est satisfait aux conditions y édictées et notamment celles prévues pour le cas d'espèce à l'article L 480-13- 1.

Il peut donc prononcer la démolition d'une construction à la condition que le permis a été préalablement annulé par la juridiction administrative pour excès de pouvoir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique et que le demandeur à l'action démontre subir un préjudice personnel en relation de causalité directe avec cette violation.

Par ailleurs, il convient que la construction à démolir se situe dans une localisation visée aux points 'a' à 'n' de l'article L 480-13.



Sur la première de ces conditions, l'insuffisance de l'étude d'impact dont l'exigence procède des textes applicables à la date de l'instruction de la demande de permis de construire, à savoir, l'article L553 ' 2 du code de l'environnement et L 122 ' 3 du même code, résulte des décisions prises par le juge administratif, lesquelles ne sauraient être remises en cause par le juge judiciaire, étant précisé que les études d'impact réalisées après la délivrance du permis de construire confirment non seulement que le terrain, objet de la demande du permis de construire, est le siège du domaine d'un couple d'aigles royaux reproducteurs, mais aussi que la situation existait déjà à la date de réalisation de l'étude d'impact et donc à la date de délivrance du permis du 24 avril 2013.

L'étude d'impact ainsi requise, qui fait donc partie des pièces de l'instruction préfectorale de la demande de permis de construire en application de l'article R 431-16 du code de l'urbanisme, permet d'analyser de façon préventive les effets sur l'environnement ou la santé d'un projet de travaux afin d'assurer notamment la mise en 'uvre des principes de prévention, de protection et d'information du public.

Son omission ou incomplétude est, par suite, de nature à nuire à l'information complète de la population, notamment au travers des associations dont il n'est pas contesté qu'elles ont pour objet de défendre notamment la bonne information de leurs adhérents sur les questions environnementales qu'elles cherchent à préserver, et également à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Il s'agit donc d'une règle de fond d'urbanisme dont l'inobservation a conduit au prononcé de l'annulation du permis de construire dans les conditions procédurales sus relatées .

La cour administrative d'appel, dans son arrêt du 26 janvier 2017 contre lequel le pourvoi a été rejeté, a au demeurant retenu en son paragraphe 10 que l'insuffisance de l'étude 'a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population' et était 'de nature à exercer une influence sur la décision du préfet ayant conduit à la délivrance du permis de construire et la société Energie renouvelable du Languedoc écrit, elle-même, que la situation a eu 'pour seule conséquence directe de nuire à la qualité et complétude de l'information transmise au préfet instruisant la demande de permis de construire'. (page 30 de ses conclusions).



Si l'arrêt de la cour administrative d'appel du 26 janvier 2017 a également considéré, en son paragraphe 12, ainsi que le cite la société Energie renouvelable du Languedoc :'considérant que pour l'application de l'article L 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est en l'état de l'instruction de nature à justifier l'annulation de l'arrêté contesté', il a néanmoins, pour conclure à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2013 par lequel le préfet a délivré le permis de construire précisément spécifié, en son paragraphe 10 sus-cité, que l'étude d'impact insuffisante avait conduit à une information incomplète du public et du préfet et rappelé que les études faites postérieurement démontraient en outre l'impact du projet sur les conditions de vie du couple d'aigles royaux vivant sur le site, notamment son territoire de chasse et sa nidification de sorte qu'il a également bien pris en compte cet élément.



Il résulte d'ailleurs des autres études d'impact ultérieurement menées la réalité des conséquences néfastes de l'installation du parc éolien sur les qualités environnementales du site et sur la faune y évoluant, notamment sur les espèces aviaires protégées.

En effet, le bureau d'études Altifaune a évalué en 2017 la mortalité consécutive aux éoliennes à 9 oiseaux et 36 chiroptères, l'étude précisant que les chiffres sont inférieurs à la réalité dans la mesure où les victimes sont très vite enlevées par les charognards.

L'étude effectuée par l'association Becot en novembre 2014 avait confirmé que le couple d'aigles était implanté dans le massif au sein duquel se trouve le projet et que le site de ce projet fait bien partie des zones de chasse de ce couple; une autre étude de cette même association renseigne encore au mois d'août 2017 la modification du domaine vital des aigles royaux depuis la construction des éoliennes et relève le décès d'un sujet à la date du 3 août 2017 au pied d'une éolienne du parc, malgré la mise en place de mesures de réduction tenant notamment au système DT bird.

Le 14 janvier 2020, une aile de vautour moine a été retrouvée sur le site par le bureau d'études Altifaune, lequel a évalué, au titre du suivi environnemental de l'année 2020 et à partir d'un calcul d'extension compte tenu de la disparition des cadavres et de la fréquence des visites sur place, une mortalité de 147 oiseaux et 10 chiroptères par éolienne, soit pour l'ensemble du parc qui compte 7 éoliennes, une mortalité de 1099 sujets, cette situation étant notée en augmentation par rapport à 2019 où les visites s'étaient arrêtées en juillet, mais cohérentes avec celles de 2017 et 2018.

La mort du vautour a d'ailleurs conduit le préfet à prendre un arrêté le 12 mars 2020 ordonnant l'arrêt du fonctionnement diurne de toutes les installations en considération notamment de ce que les mesures de l'exploitant n'avait pas 'permis d'éviter la mortalité'.

Enfin, le cadavre d'un aigle royal a été retrouvé le 16 janvier 2023 sous l'éolienne numéro 2.



L'ensemble de ces éléments établit que les carences de l'étude d'impact ont conduit non seulement à un défaut d'information des associations mais également à la prise de la décision préfectorale dans des conditions non suffisamment éclairées, notamment sur les espèces aviaires protégées, d'où résulte directement l'impact du parc éolien dûment constaté sur le site quant aux conditions de vie et de développement de la faune, cet impact et ses conséquences sur le terrain ayant d'ailleurs conduit le préfet à ultérieurement édicter diverses mesures de limitation et d'encadrement de fonctionnement de celui-ci.



Il doit être par ailleurs observé sur ce débat :

- que l'arrêt du Conseil d'Etat du 1er juillet 2021,qui statue au seul visa des conditions d'application des articles L 553 -1 du code de l'urbanisme, ne peut être invoqué, ainsi que la société appelante le prétend, comme démontrant que le juge administratif aurait considéré que le préfet aurait été parfaitement informé de l'analyse des impacts du parc éolien ,

- que rien n'établit, contrairement à la position de la société Energie renouvelable du Languedoc, que le préfet, mieux informé, aurait délivré le même permis, étant rappelé que lorsqu'il a reçu des informations complémentaires, il a,le 18 juillet 2014, pris un arrêté de prescriptions propres à encadrer l'exploitation du parc éolien par rapport à la protection du couple d'aigles royaux, ce qui établit à tout le moins que son évaluation initiale des conséquences du projet a dû être reprise, et que si cet arrêté a été jugé suffisant par l'arrêt de la cour de Marseille du 17 décembre 2021, cette suffisance, qui ne concernait que la protection du couple d'aigles à l'exclusion des autres espèces protégées vivant également sur ce site, a ensuite été démentie par la prise de nouveaux arrêtés préconisant des mesures supplémentaires ;

- que le moyen tiré de ce que le préfet a délivré un certificat de conformité aux règles d'urbanisme le 19 juillet 2016 est inopérant sur le débat relatif à la caractérisation de la première condition , ce certificat étant au demeurant antérieur à la décision du Conseil d'état du 8 novembre 2017;



- que le nouveau régime ICPE n'a pas à interférer et que le judiciaire ne peut en toute hypothèse revenir sur l'annulation du permis de construire jugée définitivement par le juge administratif .



Le préjudice subi en conséquence du non-respect de l'exigence d'une étude d'impact suffisamment complète tient donc à la fois au défaut d'information des associations, de leurs adhérents et du public dont elles représentent les intérêts et à l'atteinte au site, que les associations ont précisément pour but de préserver, celles-ci ayant, en effet, pour objet statutaire la défense des intérêts du patrimoine environnemental, ce qui inclut la bonne information du public et de leurs adhérents et également la préservation des sites tant au niveau des paysages que de la faune.

Ce préjudice est donc à bon droit revendiqué par les associations comme résultant directement de la méconnaissance de la règle violée, la délivrance du permis de construire dans des conditions d'information insuffisante ayant à tout le moins conduit à ce que les éoliennes fonctionnent dans un cadre non suffisamment réglementé à l'origine d'un préjudice notamment pour la protection des oiseaux ainsi que cela résulte tant des études et observations faites depuis 2014 et que de la succession et multiplicité des mesures que le préfet a dû ensuite prendre pour tenter d'y remédier.

Il est dès lors vain de prétendre, sans en apporter aucune démonstration, que le préjudice serait pré-existant et indépendant de la réalisation des installations et également de faire état de ce que la démolition est la réparation en nature d'une construction illicite, l'illicéité en cause résultant précisément de la délivrance d'un permis dans des conditions d'information insuffisante avec les conséquences qui s'en sont suivies sur le site .



Le moyen tiré de ce que le préfet serait, désormais et par suite des compléments d'études réalisées, suffisamment informé est sans emport sur la situation dont la cour est saisie, assise sur l'annulation préalablement prononcée du permis de construire de 2013 délivré dans ces conditions, alors que cette annulation a été appréciée en fonction des exigences en vigueur à la date de la décision concernée par une décision dont il a été dit ci-dessus qu'elle s'impose au juge judiciaire et que quelle que soit l'information actuelle, le défaut initial d'information a causé les préjudices ci-dessus retenus.



Le caractère disproportionné de la sanction de démolition de l'intégralité des installations étant invoqué tant par la société Energie renouvelable que par les associations au titre de leurs développements précédant ceux relatifs au moyen tiré de la question des zones énumérées à l'article L 480-13 1 , il y sera répondu à ce stade.

La cour doit de ce chef apprécier si la démolition des ouvrages sollicitée constitue une sanction proportionnée ou non à la gravité des griefs et à leurs conséquences ou à l'existence d'un interêt ou droit fondamental, la preuve de ce chef incombant, en application de l'article 1353 du Code civil, à la société Energie renouvelable du Languedoc.



La société fait à cet égard valoir que dès lors que d'autres mesures que la démolition totale du parc permettent de réparer le seul préjudice moral qui pourrait résulter pour les associations du décès d'un aigle royal, la démolition est disproportionnée ; que le parc éolien contribue à la décarbonation et qu'il s'agit d'une construction temporaire qui doit être démantelée à l'issue de son exploitation, soit une période d'environ 25 ans ; qu'en toute hypothèse, la cour pourra limiter la condamnation à démolition à l'éolienne numéro 2, seule impliquée dans la mort de l'aigle royal.

Les associations lui opposent que le projet de construction est susceptible d'affecter 75 espèces d'animaux dont 9 à fort enjeu de conservation, qu'il convient d'apprécier la nécessité de démolir au regard de l'impact du projet sur les espèces protégées alors que la production annuelle d'énergie électrique du parc en cause est minime par rapport à la consommation annuelle du département, enfin, que le parc fonctionne depuis l'automne 2016 et que sur ce délai, la société a, en outre, été fautive à plusieurs reprises.



Le moyen tiré de l'exigence de la proportionnalité de la réparation doit donc être apprécié par l'évaluation des conséquences de la démolition en regard des intérêts à protéger .

À cet égard, les associations font valoir, sans être contestées par la société Energie renouvelable du Languedoc, d'une part, que les installations ont pu être exploitées et sont amorties pour près de moitié, d'autre part, que la contribution que ce parc éolien apporte au développement de la part des énergies renouvelables est modeste en regard de sa production annuelle et de la consommation annuelle du département de l'Hérault, également que d'autres parcs existeront dès la fin de l'année 2023 sur le département d'une puissance 4 fois supérieure à celle en cause.

Ces éléments ne sont donc nullement remis en cause par la société Energie renouvelable du Languedoc qui ne produit aucun élément ou analyse contraire.

La réalité des atteintes environnementales sérieuses est par ailleurs avérée, vu les considérations ci-dessus exposées et la société ne justifie pas de la mise en oeuvre d'une solution technique efficace d'aménagement afin de remédier à la mortalité aviaire constatée, étant considéré que le préfet avait édicté en 2014 des prescriptions spéciales pour l'exploitation de l'installation qui n'ont pas été mises en 'uvre par la société, que si la cour d'appel administrative de Marseille a au demeurant annulé ces prescriptions dans un arrêt du 12 juillet 2019 en considération de ce que cet arrêté ne pouvait être pris dès lors que le permis de construire avait été annulé le 24 octobre 2013 sans régularisation de la situation depuis, ce qui faisait obstacle à la prise de toute prescription par le préfet, elle a alors également suspendu l'exploitation du parc jusqu'à ce que le préfet prenne une décision sur la demande d'autorisation à déposer par la société; que le préfet, malgré la mise en demeure de régulariser qu'il a adressée à la société, a encore retenu le 12 mars 2020 qu'elle exploitait sans l'autorisation requise , qu'il a pris de nouvelles mesures et suspendu les activités diurnes ; qu'enfin, s'il a, ensuite, pris un arrêté le 6 juillet 2022 en considération de ce que les propositions de l'exploitant 'sont jugées satisfaisantes', un aigle royal est cependant ultérieurement décédé, ce qui l'amène désormais à envisager dans le projet d'arrêté (produit par la société Energie renouvelable du Languedoc en pièce 33) que le système de détection de l'avifaune n'a pas repéré la trajectoire de l'aigle lequel ' a percuté la pale de l'éolienne 2 alors même que la vitesse de l'éolienne était réduite puisqu'elle tournait à 1,2 tr/min' et à préconiser d'autres mesures, la société ne proposant cependant pas de démontrer dans le cadre de ces débats qu'elles seraient suffisantes alors que les études et avis produits par les associations mettent en doute l'efficacité des systèmes d'évitement, de détection et d'effarouchement et que l'impact sur l'environnement dénoncé au moins dès 2014 n'est toujours pas réglé à ce jour malgré les mesures déjà tentées.

La limitation de la démolition à l'éolienne 2 ne se justifie pas plus en regard de la mise en cause du parc en son ensemble dans les atteinte aviaires .

Le moyen sera donc rejeté.



En ce qui concerne la seconde condition prévue à l'article L 480-13, l'examen des éléments versés aux débats permet de retenir qu'il est suffisamment démontré que le terrain visé par l'opération litigieuse se situe dans une zone qui correspond aussi bien au 'a' qu'au 'n' de l'article susvisé, l'exigence édictée par cet article étant satisfaite dès lors que la seule exigence réside dans l'emplacement du site sur l'une de ces zones.



En effet, s'agissant du classement en zone de montagne ou du classement dans la zone prévue au 'n', la société Energie renouvelable du Languedoc prétend vainement qu'il faut que la première procède d'une délimitation réglementaire par DTA ou décret en conseil d'État et également que la simple classification en zone N ne suffit pas à faire entrer le parc dans l'alinéa 'n', dès lors :

' en droit, que la seule exigence légale consiste donc dans la localisation géographique de la construction dans l'une des zones visées à l'article L 480-13 1° sans qu'il soit nécessaire de démontrer une violation du régime de protection propre à la zone,

' en l'espèce, que le terrain en cause se situe sur la commune de [Localité 9], que cette commune est tout entière classée en zone de montagne par l'arrêté du 20 février 1974, ce qui répond au texte exigeant que la zone soit identifiée et délimitée par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols,

- qu'il est également satisfait aux exigences des articles L 151-19 et 151-23 visés au'n' de l'article L480-13

*au vu du plan local d'urbanisme qui contient en page 62 la zone N sur laquelle se situe le parc éolien et qui y est définie comme recouvrant les espaces naturels et forestiers, équipés ou non, à protéger de toute urbanisation en raison essentiellement de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages qui la composent,

*et au vu des dispositions de ces 2 textes, à savoir :

l'article L 151 ' 19, aux termes duquel le règlement du plan d'urbanisme peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique, ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à en assurer la préservation,

l'article L 151 ' 23 qui prévoit que le règlement peut identifier, localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques, et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation,

alors qu'il n'est pas contesté que les installations litigieuses sont effectivement bâties dans cette zone N du plan local d'urbanisme et qu'il s'avère que la délimitation ainsi faite correspond effectivement à des éléments de paysage à protéger pour des motifs tant paysagers que faunistiques.



Les conditions édictées par l'article L 480-13 du code de l'urbanisme étant jugées satisfaites et le caractère disproportionné de la démolition sollicitée n'ayant pas été retenu, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition des constructions constituant le parc éolien litigieux.



Sur les modalités de la remise en état :



La société Energie renouvelable du Languedoc ne conteste ni n'avoir pu exploiter ses installations, ni avoir répondu à l'exigence de consignation imposée pour le démontage des installations après exploitation, imposée par le code de l'environnement de sorte qu'il ne saurait être soutenu que la destruction prononcée sous astreinte la mettrait en péril .

Le principe de l'astreinte sera en conséquence confirmé, mais fixé à la somme de 1000 € par jour de retard pour chacune des 3 associations, soit au total 3000 € par jour de retard pendant un délai de 180 jours, après quoi il sera à nouveau statué.

Par ailleurs, l'importance des travaux, qui tiennent non seulement au démontage des éoliennes en kit, mais également à la remise du site en l'état conduit la cour à lui accorder de ce chef un délai de 15 mois, le jugement étant, par suite, infirmé sur le montant de l'astreinte et le délai d'exécution des travaux, mais confirmé pour le surplus .





Sur l'action indemnitaire des associations :



En application de l'article L 480-13, qui distingue clairement les conditions d'exercice de l'action en démolition des ouvrages de l'action indemnitaire, le constructeur ne peut être condamné à des dommages et intérêts que si préalablement le permis a été annulé, l'action en responsabilité civile devant être engagée au plus tard 2 ans après l'achèvement des travaux.



L'action en responsabilité civile fondée sur ce texte ,qui est un texte dérogatoire au droit commun, doit donc être engagée au plus tard 2 ans après l'achèvement des travaux, le bénéfice de la prescription de droit commun ne pouvant être revendiqué.



Il s'évince de la mise en perspective de ce texte et des éléments produits que la déclaration d'achèvement des travaux est en date du 23 février 2016 et que l'assignation à l'origine du présent litige est en date du 27 juillet 2018.

L'action de ce chef est donc jugée irrecevable comme prescrite, le jugement étant également confirmé sur ce point, peu important que le demandeur à l'action dispose dès lors qu'il a introduit son action en ce délai du mécanisme de renvoi au juge administratif sur la question de la légalité du permis de construire .



Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.



Par ces motifs



La cour, statuant par arrêt contradictoire, en matière civile en dernier ressort et sur renvoi de la Cour de cassation par mise à disposition au greffe,



Ordonne la jonction des deux procédures d'appel distinctement enrôlées sous les numéros 23- 353 et 23-634 sous le numéro 23-353,



Rejette toutes les demandes de la société Energie renouvelable du Languedoc, appelante, et confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Montpellier du 19 février 2021, sauf en ce qui concerne le montant et le point de départ de l'astreinte et statuant à nouveau de ces chefs :



Dit qu'à défaut d'exécution dans le délai de 15 mois à compter de la signification de la présente décision et passé ce délai, la société Energie renouvelable du Languedoc sera tenue de payer à l'association Vigilance patrimoine paysager et naturel, l'association Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois et l'association Sites et monuments une astreinte de 1000 € à chacune, soit 3000 € au total par jour de retard pendant un délai de 180 jours, après quoi il sera à nouveau statué,



Y ajoutant :



Condamne la société Energie renouvelable du Languedoc aux entiers dépens,



Condamne la société Energie renouvelable du Languedoc à verser à chacune des 3 associations Vigilance patrimoine paysager et naturel, Protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois, Sites et monuments la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile .



Arrêt signé par la présidente et par la greffière.



LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.