7 décembre 2023
Cour d'appel de Nancy
RG n° 22/02479

Chambre sociale-2ème sect

Texte de la décision

ARRÊT N° /2023

PH



DU 07 DECEMBRE 2023



N° RG 22/02479 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCGC







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00173

29 septembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2











APPELANT :



Monsieur [C] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Sarah FORT, substitué par Me LYON, avocats au barreau de NANCY



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/009375 du 25/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)







INTIMÉE :



S.A.R.L. BOULANGERIE PATISSERIE SEVERINE ET CHRISTOPHE BENO IST Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric SEGAUD de la SELARL FILOR AVOCATS, substitué par Me NAUDIN , avocats au barreau de NANCY





COMPOSITION DE LA COUR :



Lors des débats, sans opposition des parties



Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : STANEK Stéphane



Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)



Lors du délibéré,



En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 21 Septembre 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 07 Décembre 2023 ;



Le 07 Décembre 2023 , la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :


EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.



M. [C] [P] a été engagé sous contrat d'apprentissage à temps complet, par la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst pour la période du 01 août 2018 au 31 juillet 2020, en qualité d'apprenti boulanger en vue de l'obtention d'un brevet professionnel de boulanger.



La convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie, entreprises artisanales s'applique au contrat de travail.



Par courrier du 26 avril 2019, M. [C] [P] s'est vu notifier un rappel à l'ordre.



Par courrier du 17 mai 2019, M. [C] [P] a sollicité la rupture anticipée de son contrat d'apprentissage, devenue effective le 18 mai 2019 après acceptation de l'employeur.



Par requête du 15 avril 2021, M. [C] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de voir requalifier son contrat d'apprentissage en contrat à durée indéterminée,

- de voir condamner la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst à lui verser les sommes de:

- 7 632,59 euros à titre de rappel de salaires sur la période du 02 juillet 2018 au 18 mai 2019,

- 1 500,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de prévis, outre 150,00 euros de congés payés afférents,

- 311,25 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 4 000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8 739,27 euros à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires pour la période du 02 juillet 2018 au 17 mai 2019, outre 873,92 euros de congés payés afférents,

- 9 000,00 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 1 782,00 euros au titre des heures de nuit

- 1 372,00 euros à titre d'indemnité de frais professionnels,

- d'ordonner l'exécution provisoire.



Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 29 septembre 2022 qui a:

- déclaré irrecevables les demandes de M. [C] [P] car prescrites,

- débouté la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] [P] aux dépens.



Vu l'appel formé par M. [C] [P] le 27 octobre 2022,



Vu l'article 455 du code de procédure civile,



Vu les conclusions de M. [C] [P] déposées sur le RPVA le 30 mai 2023, et celles de la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst déposées sur le RPVA le 21 mars 2023,



Vu l'ordonnance de clôture rendue le 05 juillet 2023,



M. [C] [P] demande à la cour:

- de dire bien fondé son appel,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes rendu le 29 septembre 2022 en toutes dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de requalifier le contrat d'apprentissage en contrat de travail de droit commun et dire qu'il [P] a subi un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst à lui payer les sommes de:

- 7 632,59 euros à titre de rappel de salaires sur requalification sur la période du 02 juillet 2018 au 18 mai 2019,

- 763,20 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 500,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de prévis,

- 150,00 euros au titre des congés payés afférents,

- 311,25 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 4 000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* Au titre des heures supplémentaires :

- de condamner la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst à lui payer les sommes de:

- 8 739,27 euros à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires pour la période du 02 juillet 2018 au 17 mai 2019,

- 873,92 euros au titre des congés payés afférents,

- 9 000,00 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* Au titre des autres demandes :

- de condamner la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst à lui payer les sommes de:

- 1 782,00 euros au titre des heures de nuit

- 1 372,00 euros à titre d'indemnité de frais professionnels.



La société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst demande à la cour:

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 29 septembre 2022,

Statuant à nouveau :

- de juger irrecevable car prescrite la demande de requalification du contrat d'apprentissage en contrat à durée indéterminée ainsi que la demande au titre de l'indemnité de requalification,

- de juger irrecevable la demande nouvelle tendant à voir requalifier la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes indemnitaires qui en découlent :

- 1 500,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de prévis, outre 150,00 euros de congés payés afférents,

- 311,25 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 4 000,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de débouter M. [C] [P] de l'ensemble de ses prétentions,

- de condamner M. [C] [P] à lui verser la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [C] [P] aux entiers dépens.








SUR CE, LA COUR ;



La cour renvoie pour plus ample exposé des preétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par M. [C] [P] le 30 mai 2023 et par la société S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst le 21 mars 2023.



- Sur la demande relative à la requalification du contrat.



M. [C] [P] demande de voir requalifier le contrat d'apprentissage en contrat de travail à durée indéterminer et de voir dire que la rupture des relations contractuelles présente le caractère d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs:

- que la date de début du contrat d'apprentissage est erronée et qu'en réalité la relation contractuelle a débuté un mois avant la date figurant sur le contrat d'apprentissage ;

- qu'il n'a pas bénéficié de la formation prévue dans le cadre de son apprentissage.



La S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst soutient en premier lieu que la demande est irrecevable en ce qu'elle n'est présentée qu'en cause d'appel ; qu'en second lieu la demande est prescrite en ce qu'elle a été présentée plus de deux ans après le début du contrat.



- Sur la recevabilité de la demande.



Il ressort de la requête introductive que M. [C] [P] a présenté devant le conseil de prud'hommes une demande de requalification du contrat d'apprentissage en contrat de travail à durée indéterminée, et de voir dire que la rupture dela relation contractuelle s'analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;



Il présente la même demande en cause d'appel.



Dès lors, la demande est recevable sur ce point.



- Sur la prescription.



L'article L 1471-1 du code du travail dispose que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.



Il ressort des conclusions déposées par M. [C] [P] que celui-ci soutient que le contrat liant les parties doit être requalifié compte tenu du manquement de l'employeur à son obligation de formation ; la demande est donc liée à l'exécution du contrat et le délai de prescription est donc de deux années à la date de la rupture des relations contractuelles soit le 18 mai 2019 ;



M. [C] [P] a saisi le conseil de prud'hommes le 15 avril 2021.



Dès lors, la demande n'est pas frappée de prescription et elle est donc recevable.



La décision entreprise sera infirmée sur ces points.





- Sur la demande.



M. [C] [P] expose que l'employeur a manqué à son obligation de formation.



Toutefois, le seul fait que M. [P] ait été amené à effectuer des heures supplémentaires, à les supposer réellement accomplies, n'est pas de nature à démontrer le grief formulé à l'encontre du maître de stage.



En conséquence, la demande sur ce point sera rejetée.



- Sur la demande relative aux heures supplémentaires et des heures de nuit.



Il ressort des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail en sa rédaction applicable au litige qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.



M. [C] [P] apporte au dossier:

- des tableaux portant sur son activité quotidienne pour la période de juillet 2018 à mai 2019 (pièce n° 17 de son dossier) ;

- des relevés de téléphonie (pièce n° 18 id) ;

- des captures d'écran de son téléphone portable (pièce n° 19 id).



La S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst expose que les éléments apportés par M. [C] [P] sont incohérents entre eux, et ne permettent pas d'établir le bien fondé de la demande ; qu'elle apporte des attestations faisant apparaitre qu'il se présentait souvent en retard à son travail et ne travaillait pas sur la totalité de son temps de présence dans l'entreprise.



Toutefois, les tableaux constituant la pièce n° 17 du dossier de M. [C] [P] contiennent des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.



La S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst n'apporte aucun élément sur ce point.



Au regard des éléments du dossier, la cour trouve dans le dossier les éléments pour fixer le montant des sommes dues à M. [C] [P] au titre des heures supplémentaires et des heures de nuit à hauteur de 4500 euros.







La décision entreprise sera infirmée sur ce point.



- Sur la demande au titre du travail dissimulé.



Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.



Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.



Il ne ressort pas des éléments du dossier que la carence de l'employeur relève d'un comportement intentionnel ;



Dès lors, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a dit la demande irrecevable, et celle-ci sera rejetée.



- Sur la demande au titre des frais professionnels.



M. [C] [P] sollicite de voir condamner l'employeur à lui verser une somme au titre des frais professionnels telle que prévue par les dispositions de l'article 24 de la convention collective applicable à la relation contractuelle, les apprentis ne pouvant être exclus du bénéfice de cet avantage au seul motif de leur statut.



La S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst s'oppose à la demande, soutenant que cette indemnité n'est prévue que pour les ouvriers boulangers et ouvriers patissiers non nourris.



L'article 24 de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie, entreprises artisanales institue une indemnité réservée à une catégorie particulière de salariés-les ouvriers boulangers et les ouvriers pâtissiers non nourris- en raison des contraintes particulières inhérentes aux métiers de boulanger et de pâtissier.



Le statut d'apprenti jouit d'une protection légale particulière de telle sorte que l'apprenti,

même s'il peut faire partie du personnel de fabrication, ne partage pas les contraintes particulières inhérentes aux métiers de boulanger et de pâtissier, et bénéficie notamment de dérogations relatives à la durée quotidienne du travail, à la durée du repos quotidien, ou le droit à congé supplémentaire pour la préparation des examens ;ainsi, les contraintes particulières inhérentes aux métiers de boulanger et de pâtissier sont considérablement amoindries voire inexistantes pour les apprentis ce qui légitime l'exclusion des apprentis du bénéficie de l'indemnité pour frais professionnels.



Dès lors, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a dit la demande irrecevable, et celle-ci sera rejetée.



La S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst qui succombe partiellement supportera les dépens de première instance et d'appel.



La demande présentée par la S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.



PAR CES MOTIFS:



La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,



INFIRME le jugement rendu le 29 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Nancy ;



DIT les demandes présentées par M. [C] [P] recevables ;



CONDAMNE la S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst à payer à M. [C] [P] la somme de 4500 euros au titre de rappel de rémunération pour les heures supplémentaires et les heures de nuit ;



DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;



Y ajoutant:



CONDAMNE la S.A.R.L Boulangerie Pâtisserie Severine et Christophe Benoîst aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.





Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE





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