23 novembre 2023
Cour d'appel de Metz
RG n° 22/02426

3ème Chambre

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





















A.R.I. N° RG 22/02426 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F2UD



Minute n° 23/00314





S.A.S. FRANCE PIERRE PATRIMOINE, S.A.S. COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RESTAURATION

C/

[L]



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Juge des contentieux de la protection de METZ

16 Septembre 2021

22/00414

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COUR D'APPEL DE METZ



3ème CHAMBRE

A.R.I.



ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023



APPELANTES :



S.A.S. FRANCE PIERRE PATRIMOINE

[Adresse 1]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Carolina CUTURI-ORTEGA, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX



S.A.S. COMPAGNIE IMMOBILIERE DE RESTAURATION

[Adresse 1]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Carolina CUTURI-ORTEGA, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX



INTIMÉE :



Madame [M] [L]

[Adresse 4]

Représentée par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ





COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.



A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :



PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre



ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller

M. KOEHL, Conseiller



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX, Greffier



ARRÊT :



Contradictoire



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;



Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




EXPOSÉ DU LITIGE :



Par acte sous seing privé du 23 avril 2001, la fédération Caritas a consenti un bail à Mme [M] [L] sur un appartement situé [Adresse 3] à [Localité 2]. En cours de location, par acte authentique du l4 octobre 2020, l'immeuble a été acquis par la SAS France Pierre Patrimoine qui a fait appel à la SAS Compagnie Immobilière de Restauration pour le restaurer.



Le 10 mai 2022, la SAS Compagnie Immobilière de Restauration a adressé une convention d'intervention pour travaux à Mme [L] qui a refusé de la signer.



Par acte d'huissier du 10 août 2022, la SAS France Pierre Patrimoine (ci-après FPP) et la SAS Compagnie Immobilière de Restauration (ci-après CIR) ont fait assigner Mme [L] en référé d'heure à heure devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Metz aux fins de :

- les autoriser à effectuer ou faire effectuer par les entreprises de leur choix des travaux dans l'immeuble et l'appartement, sous le contrôle du maître d''uvre, le cabinet d'architecte Schatzle-Weitling, sous astreinte de 100 euros par jour en cas de refus et/ou d'opposition à compter de la décision à intervenir,

- ordonner à Mme [L] de permettre l'accès des entreprises mandatées par la société CIR après avoir été prévenue 48 heures avant le début des travaux par cette dernière, sous astreinte de 100 euros par jour en cas de refus et/ou d'opposition aux travaux

- condamner Mme [L] à leur verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens



Mme [L] a soulevé une exception d'incompétence et demandé subsidiairement au juge des référés de constater son accord pour la réalisation de certains travaux et l'inutilité d'une astreinte, de débouter les deux sociétés de l'ensemble de leurs prétentions et de les condamner au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ordonnance du 16 septembre 2022, le juge des référés a':

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme [L]

- autorisé les sociétés FPP et CIR à réaliser ou faire réaliser par les entreprises de leur choix et sous le contrôle du cabinet d'architecture Schatzle-Weitling, maître d''uvre, les travaux suivants, impliquant d'accéder au logement de Mme [L] :

' suppression du compteur d'eau actuel et installation d'un nouveau compteur dans une gaine palière AEP (alimentation en eau potable) situé dans le hall du RDC, conformément à la législation. Un abonnement spécifique à celui-ci sera pris par le locataire à la fin des travaux de rénovation,

' campagne de sondages au niveau des faux plafonds existants afin de contrôler si le degré CF (coupe-feu) entre logements est respecté. Si le complexe existant des faux plafonds ne répond pas au degré CF imposé, la réalisation de nouveaux plafonds CF sera nécessaire, y compris la mise en peinture et toutes sujétions de mise en 'uvre. A priori, les faux plafonds de la cuisine et de l'entrée devront être refaits à neuf

' remplacement de la porte d'entrée qui doit répondre au degré CF imposé

' un visiophone, relié à la platine d'appel de l'immeuble, sera installé à proximité de la porte d'entrée du logement

' le logement sera relié à la nouvelle colonne VMC collective et à la nouvelle colonne fibre collective

- donné acte à Mme [L] de son accord pour la réalisation de ces travaux au sein de son logement et, en tant que de besoin, condamné Mme [L] à laisser pénétrer au sein de son logement les entreprises mandatées par les sociétés FPP et CIR en vue de la réalisation des travaux susvisés, planifiés du lundi 10 octobre 2022 au vendredi 21 octobre 2022, la présente condamnation étant assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du lundi 10 octobre 2022 (astreinte globale valant pour l'ensemble des travaux autorisés)

- autorisé les sociétés FPP et CIR à réaliser ou faire réaliser par les entreprises de leur choix et sous le contrôle du cabinet d'architecture Schatzle-Weitling, maitre d''uvre, les travaux suivants, impliquant d'accéder au logement de Mme [L] :

' passage de réseaux à l'étage : passage vertical dans la surface du logement de réseau EU et VMC Ø 100 (diamètre susceptible d'être moindre en fonction du résultat des sondages à réaliser en début de chantier avec encoffrement coupe-feu réalisé en placo-plâtre puis mise en peinture pour finitions (choix de la couleur par le locataire). Il y aura quatre descentes à passer. La première se situe dans la cuisine, la deuxième se situe dans l'entrée du logement contre la cloison de la salle à manger, la troisième se situe dans la chambre du fond dans l'angle donnant contre la cage d'escalier hélicoïdale de l'immeuble et la quatrième se situe dans le bureau dans l'angle de la façade avant

- condamné Mme [L] à laisser pénétrer au sein de son logement les entreprises mandatées par la société CIR en vue de la réalisation des travaux susvisés, planifiés du lundi 10 octobre 2022 au vendredi 21octobre 2022, la présente condamnation étant assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du lundi 10 octobre 2022 (astreinte globale valant pour l'ensemble des travaux autorisés)

- débouté les sociétés FPP et CIR de leurs demandes tendant à être autorisées à réaliser les travaux suivants':

' suppression complète de la colonne de gaz dans l'immeuble et suppression de la chaudière actuelle y compris les radiateurs existants. Remplacement à neuf du système de chauffage du logement par des radiateurs électriques et un gestionnaire de chauffage, installation d'un ballon d'eau chaude sanitaire électrique, reprise du tableau électrique du logement, et de toutes les finitions de parfait achèvement. Le nouveau réseau électrique du logement sera distribué sous goulotte PVC en apparent. Le compteur électrique sera supprimé, l'abonnement pourra donc être résilié par le locataire, et le logement sera raccordé au coffret provisoire de chantier jusqu'à la réception de la colonne électrique par Réséda et la pose du nouveau compteur définitif qui sera situé dans la gaine palière électrique dans le hall du RDC, conformément à la législation. Le compteur d'eau actuel sera supprimé et un nouveau compteur sera installé dans une gaine palière AEP situé dans le hall du RDC, conformément à la législation. Un abonnement spécifique à celui-ci sera pris par le locataire à la fin des travaux de rénovation'

et à voir Mme [L] condamnée à laisser pénétrer au sein de son logement les entreprises mandatées par la SAS Compagnie Immobilière de Restauration en vue de la réalisation des travaux susvisés, ce sous astreinte

- invité les sociétés FPP et CIR à mieux se pourvoir s'agissant de ces demandes

- condamné Mme [L] à verser aux sociétés FPP et CIR la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



Par déclaration déposée au greffe de la cour le 17 octobre 2022, les sociétés FPP et CIR ont interjeté appel de l'ordonnance en ce qu'elle les a déboutées de leurs demandes tendant à être autorisées à réaliser les travaux en lien avec le passage du gaz à l'électrique, à voir Mme [L] condamnée à laisser pénétrer au sein de son logement les entreprises mandatées en vue de la réalisation de ces travaux sous peine d'astreinte et les a invitées à mieux se pourvoir s'agissant de ces demandes.



Aux termes de leurs dernières conclusions du 14 septembre 2023, elles demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance et de':

- les autoriser à effectuer ou faire effectuer par les entreprises de leur choix, et sous le contrôle du maître d''uvre, les travaux suivants dans l'appartement occupé par Mme [L] sous astreinte de 100 euros par jour en cas de refus et/ou d'opposition à compter de la décision à intervenir :

«'Suppression complète de la colonne gaz dans l'immeuble, et suppression de la chaudière actuelle y compris les radiateurs existants. Remplacement à neuf du système de chauffage du logement par des radiateurs électriques et un gestionnaire de chauffage, installation d'un ballon d'eau chaude sanitaire électrique (fiches techniques des produits jointes en pièce n° 3), reprise du tableau électrique du logement, et de toutes les finitions de parfait achèvement. Le nouveau réseau électrique du logement sera distribué sous goulotte PVC en apparent. Le compteur électrique sera supprimé, l'abonnement pourra donc être résilié par le locataire, et le logement sera raccordé au coffret provisoire de chantier jusqu'à la réception de la colonne électrique par Réséda et la pose du nouveau compteur définitif qui sera situé dans la gaine palière électrique, dans le hall du RDC, conformément à la législation.'»

- condamner Mme [L] à laisser exécuter lesdits travaux dans l'appartement qu'elle occupe en tant que locataire

- ordonner à Mme [L] de permettre l'accès des entreprises mandatées par la société CIR, après avoir été prévenue par cette dernière, 48 heures avant le début desdits travaux, sous astreinte de 100 euros par jour en cas de refus et/ou d'opposition auxdits travaux

- confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus et notamment en ce qu'elle a autorisé les travaux suivants : « Le compteur d'eau actuel sera supprimé et un nouveau compteur sera installé dans une gaine palière AEP (Alimentation en Eau Potable) situé dans le hall du RDC, conformément à la législation. Un abonnement spécifique à celui-ci sera pris par le locataire à la fin des travaux de rénovation'»

- débouter Mme [L] de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes

- en tout état de cause, la condamner à leur verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Sur le projet de réhabilitation, elles exposent que les bâtiments sont dans un état d'extrême vétusté ne répondant pas aux normes de sécurité et d'hygiène, que les travaux diligentés obéissent à des normes et règles de l'art strictes contrôlées par les architectes des bâtiments de France, que les travaux visent à livrer à la locataire un appartement réhabilité et remis aux normes contribuant à la sécurité, au confort et à la définition de logement décent qui s'imposent au propriétaire/bailleur et qu'aucun occupant n'a été forcé à quitter les lieux, contestant la valeur probante des attestations produites par l'intimée et ses allégations.



Sur l'appel incident, les sociétés FPP et CIR affirment que d'une part, l'urgence est parfaitement justifiée puisque la réhabilitation de l'immeuble est entièrement bloquée du fait du refus des travaux entraînant un retard du projet et des problèmes de mise aux normes et de sécurité importants, l'urgence n'étant pas qu`économique, que d'autre part, le référé est également fondé sur l'article 835 du code de procédure civile et les notions de trouble manifestement illicite et d'obligation non sérieusement contestable, concluant au rejet de l'appel incident et à la confirmation du jugement ayant retenu la compétence du juge et autorisé les travaux qui ont été réalisés.



Sur le remplacement du système au gaz par une installation électrique, les appelantes soutiennent que les travaux correspondent à ceux que la locataire s'est engagée à laisser exécuter dans le contrat de location. Elles expliquent que ces travaux remplissent les critères de la loi du 6 juillet 1989 en termes d'amélioration et sont nécessaires au renforcement de la performance énergétique, à la sécurité et au maintien en l'état du logement et de l'immeuble, qu'ils sont d'une durée extrêmement limitée (10 jours) et qu'ils exigent pour des raisons de sécurité évidentes, la suppression de la colonne de gaz de l'immeuble. Elles indiquent produire outre une attestation du maître d'oeuvre, un rapport du bureau d'étude technique mettant notamment en lumière les risques réels que fait courir l'installation au gaz actuelle ainsi qu'un rapport du contrôleur technique émettant un avis défavorable quant au réseau gaz et contestent la valeur probante du constat d'huissier effectué en présence d'un expert produit par l'intimée qui contient selon elles, une analyse superficielle du réseau. les sociétés FPP et CIR précisent qu'elles produisent également une évaluation énergétique émanant d'une société indépendante faisant apparaître qu'avec le nouveau système de chauffage, la consommation de Mme [L] serait à proportion et selon les usages drastiquement inférieure à sa consommation actuelle en énergie et que le logement ne répond pas aux obligations en termes de performances énergétiques (classé F en termes de DPE).Elles concluent que le refus injustifié de l'intimée constitue une violation des obligations légales et d'ordre public et que la demande d'autorisation d'effectuer les travaux est caractérisée au titre des articles 834 et 835 du code de procédure civile.



Les appelantes observent enfin qu'une erreur matérielle affecte l'ordonnance en son dispositif qui les autorise notamment à procéder à la suppression du compteur d'eau actuel ainsi qu'à l'installation d'un nouveau compteur et qui les déboute également de ce chef de prétentions. Elles demandent à la cours de confirmer la décision en ce qu'elle a autorisé ces travaux auxquels Mme [L] ne s'était pas opposée et de l'infirmer en ce qu'elle les a déboutées de cette même prétention.



Aux termes de ses dernières conclusions du 25 mai 2023, Mme [L] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en ce que le juge des référés s'est déclaré compétent et l'a condamnée à payer les dépens ainsi que 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de :

- déclarer qu'il n'existe aucune urgence et qu'il existe une contestation sérieuse

- déclarer irrecevables les demandes des sociétés FPP et CIR

- débouter les sociétés FPP et CIR de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

- subsidiairement confirmer l'ordonnance à l'exception de sa condamnation à payer une indemnité de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

- débouter les sociétés FPP et CIR de leurs demandes

- condamner les sociétés FPP et CIR à lui payer chacune une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens.



Elle rappelle que le régime des baux d'habitation est fondé sur le principe du droit au logement depuis la loi du 6 juillet 1989 qui est un droit fondamental, et la définition de l'habitat indigne prévu par la loi Molle du 25 mars 2009, précisant que le régime des immeubles en péril ou insalubre préserve le principe du droit au logement.



Elle expose que la société FPP a une activité de marchand de biens spécialisé dans la vente de biens immobiliers de prestige, qu'il s'agit pour elle de 'réhabiliter' l'immeuble litigieux en vue de réaliser une opération de promotion immobilière juteuse, son appartement de 100 m2 ayant vocation à être transformé en deux appartements de 50 m2 selon le permis de construire déposé le 27 octobre 2020, que l'urgence est purement économique et que la demande des sociétés FPP et CIR se heurte à une contestation sérieuse.



L'intimée soutient que les travaux réalisés par les appelantes ont entraîné des sinistres (inondation dans son logement, absence d'électricité dans les communs, trous dans le plafond, panne de chaudière et absence d'eau chaude pendant une année), que par ordonnance de référé du 7 avril 2022, la société FFP a été condamnée à remettre en état de bon fonctionnement le système de chauffage et de production d'eau chaude, que la consommation en électricité ne serait pas moindre que sa consommation de gaz et que tous les travaux n'ont pas été effectués alors qu'elle avait permis aux entreprises de pénétrer dans son logement.



Elle rappelle que le bail prévoit que l'appartement est relié à une installation de chauffage collectif au gaz et que le bailleur est tenu pendant toute la durée de vie de ce contrat à une obligation de délivrance consistant à lui fournir un système au gaz en bon état de fonctionnement, sans pouvoir le modifier unilatéralement. Elle fait valoir que ce système n'est ni vétuste, ni défectueux, que rien ne démontre que le chauffage électrique serait adapté au logement et que les appelantes ne peuvent lui imposer une modification substantielle de l'appartement qu'elle occupe depuis plus de 21 ans. Elle conteste les deux rapports produits par les appelantes qui manquent d'objectivité et dont le contenu est faux. Elle indique produire un constat d'huissier accompagné de photographies reprenant point par point les éléments du rapport du bureau d'étude technique et souligne que lors de la réalisation du constat, l'huissier était assisté par un chauffagiste expert auprès de la cour d'appel de Metz. Elle déduit de ce document qu'il n'existe aucun défaut de conformité ni de péril induit par l'installation actuelle de gaz et soutient que la société GRDF qui contrôle les installations n'a émis aucun rapport de non conformité ou de péril, concluant à la confirmation de l'ordonnance ayant rejeté la demande des appelantes.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2023.




MOTIFS DE LA DÉCISION :



Sur l'irrecevabilité des demandes



Selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation, ainsi qu'un bordereau récapitulatif des pièces annexé.



Il est constaté que si figure au dispositif de ses conclusions une demande tendant à l'irrecevabilité des demandes des appelantes, Mme [L] ne fait valoir aucun moyen à l'appui de cette fin de non recevoir et la cour ne relève aucun motif d'irrecevabilité, de sorte que la demande est rejetée.



Sur l'exception d'incompétence



Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.



Si l'intimée a formé appel incident de la disposition de l'ordonnance ayant rejeté son exception d'incompétence, il est constaté qu'elle ne reprend pas cette demande au dispositif de ses conclusions, de sorte que l'ordonnance doit être confirmée.



Sur la demande de réalisation de travaux



L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.



Sur l'urgence, il résulte des pièces versées aux débats, notamment de la convention pour la réalisation de l'opération et du calendrier des interventions, que le refus opposé par Mme [L] à la réalisation de travaux dans son appartement constitue un obstacle à l'évolution du chantier de restauration de l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 2]. C'est en vain que l'intimée fait valoir que cette 'urgence économique' n'est pas celle qui justifie la saisine du juge des référés. En effet, les dispositions de l'article 834 du code de procédure civile ne contiennent aucune distinction ou restriction quant à la nature de l'urgence qui conditionne le recours à la procédure de référé et celle-ci est caractérisée dès lors qu'un retard dans la prescription de la mesure sollicitée est préjudiciable aux intérêts du demandeur. En l'espèce, la temporisation des travaux cause un dommage à la société FPP en différant la vente ou la location des logements de l'immeuble dont elle est propriétaire et qui restent inoccupés dans l'attente de l'achèvement de la rénovation. Le premier juge a donc exactement estimé qu'il y urgence à statuer.



Sur la contestation sérieuse, le premier juge a relevé que Mme [L] acquiesçait aux demandes ayant pour objet d'autoriser les société FPP et CIR à pénétrer dans son logement pour effectuer certains travaux, respectivement les changements de compteurs de gaz et d'eau, les sondages des faux plafonds, la réalisation de nouveaux plafonds si nécessaire, le remplacement de la porte d'entrée, la mise en place d'un visiophone, et le reliement de l'appartement aux nouvelles colonnes VMC et fibre collectives. Devant la cour l'intimée ne développe aucun moyen de nature à remettre en cause cet accord ou à contester la réalisation de ces travaux et indique uniquement que depuis lors, ils n'ont pas tous été effectués. L'ordonnance est donc confirmée sur ce point.



Pour les autres travaux, il résulte de l'article 7 (e) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 que le locataire est obligé de permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l'entretien normal des locaux loués, de travaux d'amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et des travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l'article 6.



Le contrat de location liant les parties dispose par ailleurs en son article 9 que le locataire a l'obligation de laisser exécuter sans indemnité tous travaux ou réparations, bouchements de jours de souffrance, reconstructions de murs mitoyens que le bailleur ferait exécuter quel qu'en soient les inconvénients et la durée, sous réserve de l'application de l'article 1724 du code civil, et de laisser traverser ses locaux par toutes canalisations nécessaires.



En ce qui concerne les travaux relatifs au passage de réseaux à l'étage, c'est à juste titre que le premier juge a autorisé leur réalisation et condamné Mme [L] à laisser les sociétés mandatées à cet effet pénétrer dans son logement. Il apparaît que ces réseaux ont pour objet d'assurer l'évacuation des sanitaires et la ventilation de plusieurs logements situés au-dessus de l'appartement de l'intimée. Il permettent ainsi de les améliorer et de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 relatif à la décence de ces logements et leur passage par l'appartement de la locataire est nécessaire au sens des dispositions contractuelles. Il est relevé en outre que dans ses conclusions d'appel, Mme [L] ne conteste plus formellement ces travaux, puisque ses critiques se limitent aux travaux sur le système de chauffage. L'ordonnance est confirmée de ces chefs.



S'agissant du remplacement du système de chauffage, l'intimée ne peut sérieusement contester la demande en faisant valoir que les travaux induisent une modification unilatérale du contrat de location prévoyant que l'appartement est relié à un système de chauffage collectif au gaz, et caractérisent un manquement à l'obligation de délivrance du bailleur. En effet, le bail indique au titre des équipements 'chauffage collectif' et il résulte des éléments de la précédente procédure ayant opposé les parties, notamment de l'ordonnance de référé du 7 avril 2022, que Mme [L] dispose en fait de sa propre chaudière et non d'un chauffage collectif comme en attestent également les factures de gaz versées aux débats. Le mode de chauffage n'est pas mentionné dans le contrat de location et s'il résulte des dispositions combinées des articles 6 de la loi du 6 juillet 1989 et 2 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 que le bailleur a notamment l'obligation de délivrer au preneur un logement comportant des équipements de chauffage et de production d'eau chaude conformes aux normes de sécurité et en bon état d'usage et de fonctionnement, elles ne lui interdisent pas pour autant de substituer un système de chauffage à un autre. En tout état de cause, tant les dispositions légales que contractuelles autorisent le bailleur à procéder à des travaux dès lors qu'ils remplissent les critères qu'elles énumèrent limitativement et ce alors même que ces travaux induisent des modifications, des changements et des substitutions notamment des éléments d'équipement.



S'agissant du critère tenant à l'amélioration énergétique, il ressort du rapport d'évaluation établi par la société RE-volution que les travaux envisagés par la SAS FPP relatifs au remplacement du système de chauffage, sont de nature à générer une diminution importante de la consommation d'énergie finale et à améliorer le diagnostique de performance énergétique de l'appartement qui passerait de la classe F à la classe E. Il n'est produit par Mme [L] aucun élément probant de nature à remettre en cause l'objectivité de ce diagnostique et la pertinence de ses conclusions. Les factures de gaz de l'intimée pour les années 2018, 2019 et 2020, ne contredisent en rien l'existence d'économies d'énergie induites par un passage au système électrique relevées par la société RE-volution et même si ce changement ne permet qu'un passage en classe E qui reste relativement énergivore, il n'en traduit pas moins une amélioration de la performance énergétique au sens de l'article 7 (e) de la loi du 6 juillet 1989, le texte ne conditionnant l'obligation d'accès aux locaux à aucun seuil minimum de progression.



La réalité de l'amélioration énergétique induite par les travaux n'étant pas sérieusement contestable, il est indifférent à la solution du litige de rechercher en outre si ces mêmes travaux ont également pour objet d'assurer le maintien en état ou à l'entretien normal des locaux en raison du risque que présenterait le système de chauffage du fait de sa vétusté. Les critères prévus par les dispositions légales sont alternatifs de sorte qu'il suffit qu'un seul d'entre eux soit rempli pour caractériser l'obligation du locataire de permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse est rejeté.



En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance, d'autoriser les appelantes à effectuer ou à faire effectuer les travaux de remplacement du système de chauffage dont le détail est précisé au dispositif du présent arrêt et de condamner Mme [L] à laisser pénétrer dans son logement les entreprises mandatées par la société CIR pour la réalisation des travaux après avoir été prévenue par cette dernière 10 jours avant qu'ils débutent, sous astreinte de 50 euros par jour en cas de refus ou d'opposition de sa part et ce pendant trois mois.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Les dispositions de l'ordonnance sur les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.



Mme [L] partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et à verser aux appelantes la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme mise à sa charge à ce titre en première instance. Elle est déboutée de sa demande de ce chef.



PAR CES MOTIFS



LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



DEBOUTE Mme [M] [L] de sa fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes des appelantes ;



INFIRME l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- débouté les sociétés FPP et CIR de leurs demandes tendant à être autorisées à réaliser les travaux suivants':

' suppression complète de la colonne de gaz dans l'immeuble et suppression de la chaudière actuelle y compris les radiateurs existants. Remplacement à neuf du système de chauffage du logement par des radiateurs électriques et un gestionnaire de chauffage, installation d'un ballon d'eau chaude sanitaire électrique, reprise du tableau électrique du logement, et de toutes les finitions de parfait achèvement. Le nouveau réseau électrique du logement sera distribué sous goulotte PVC en apparent. Le compteur électrique sera supprimé, l'abonnement pourra donc être résilié par le locataire, et le logement sera raccordé au coffret provisoire de chantier jusqu'à la réception de la colonne électrique par Réséda et la pose du nouveau compteur définitif qui sera situé dans la gaine palière électrique dans le hall du RDC, conformément à la législation. Le compteur d'eau actuel sera supprimé et un nouveau compteur sera installé dans une gaine palière AEP situé dans le hall du RDC, conformément à la législation. Un abonnement spécifique à celui-ci sera pris par le locataire à la fin des travaux de rénovation'

et à voir Mme [L] condamnée à laisser pénétrer au sein de son logement les entreprises mandatées par la SAS Compagnie Immobilière de Restauration en vue de la réalisation des travaux susvisés, ce sous astreinte

- invité les sociétés FPP et CIR à mieux se pourvoir s'agissant de ces demandes ;



Statuant à nouveau,



REJETTE les moyens tirés de l'absence d'urgence et de l'existence d'une contestation sérieuse;



AUTORISE la SAS France Pierre Patrimoine et la SAS Compagnie Immobilière de Restauration à réaliser ou faire réaliser par les entreprises de leur choix et sous le contrôle du cabinet d'architecture Schatzle-Weitling, maitre d''uvre, les travaux suivants, impliquant d'accéder au logement de Mme [M] [L] :

' suppression complète de la colonne gaz dans l'immeuble, et suppression de la chaudière actuelle y compris les radiateurs existants

' remplacement à neuf du système de chauffage du logement par des radiateurs électriques et un gestionnaire de chauffage, installation d'un ballon d'eau chaude sanitaire électrique (fiches techniques des produits jointes en pièce n° 3), reprise du tableau électrique du logement, et de toutes les finitions de parfait achèvement

' le nouveau réseau électrique du logement sera distribué sous goulotte PVC en apparent. Le compteur électrique sera supprimé, l'abonnement pourra donc être résilié par le locataire, et le logement sera raccordé au coffret provisoire de chantier jusqu'à la réception de la colonne électrique par Réséda et la pose du nouveau compteur définitif qui sera situé dans la gaine palière électrique, dans le hall du RDC, conformément à la législation.'



CONDAMNE Mme [M] [L] à laisser exécuter ces travaux et permettre l'accès à son logement, appartement R+2 de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 2], aux entreprises mandatées par la société Compagnie Immobilière de Restauration en vue de la réalisation des travaux susvisés, après avoir été prévenue par cette dernière 10 jours avant le début des travaux, sous astreinte de 50 euros par jour en cas de refus ou d'opposition de sa part et ce pendant une durée de trois mois ;



CONFIRME l'ordonnance pour le surplus ;



Y ajoutant,



CONDAMNE Mme [M] [L] à payer à la SAS France Pierre Patrimoine et à la SAS Compagnie Immobilière de Restauration, la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



DÉBOUTE Mme [M] [L] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE Mme [M] [L] aux dépens d'appel .



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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