23 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-15.729

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C201297

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Les dispositions de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, doivent s'entendre en ce sens que les sanctions qu'elles prévoient sont applicables lorsqu'a été constatée l'une des infractions mentionnées aux 2° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, commise postérieurement au 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 23 décembre 2016. Ne présentent donc pas de caractère sérieux les questions prioritaires de constitutionnalité contestant ces dispositions au regard des principes de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère et de garantie des droits

Texte de la décision

CIV. 2

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 23 novembre 2023




NON-LIEU À RENVOI


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1297 FS-B

Pourvoi n° X 23-15.729







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023


Par mémoire spécial présenté le 12 septembre 2023, la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° X 23-15.729 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans une instance l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Aquitaine, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. À la suite de l'établissement à son encontre d'un procès-verbal pour travail illégal par emploi de salarié en situation irrégulière, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) un redressement relatif à l'annulation des réductions et exonérations de cotisations dont elle a bénéficié de janvier 2014 à juillet 2018.

2. La société a formé opposition à l'encontre de la contrainte qui lui a été décernée le 4 avril 2019 pour le recouvrement de ces sommes devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

3. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux, la société a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel des questions prioritaires de constitutionnalité, reçues et enregistrées au greffe de la Cour de cassation le 12 septembre 2023, ainsi rédigées :

« 1°/ L'article 24, IV de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 et l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016) sont-ils contraires à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe de non-rétroactivité de la loi répressive d'incrimination plus sévère, en ce que « ces dispositions s'appliquent aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2017 », si bien qu'un cotisant peut se voir supprimer le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale et des contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13, en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, pour la période antérieure au 1er janvier 2017, dans la limite de la prescription quinquennale non acquise ? »

« 2°/ L'article 24 IV de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 et l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016) sont-ils contraires à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe de la garantie des droits, en ce que « ces dispositions s'appliquent aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2017 », si bien qu'un cotisant peut se voir supprimer le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale et des contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13, en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, pour la période antérieure au 1er janvier 2017, dans la limite de la prescription quinquennale non acquise ? »

« 3°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main d'?uvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? »

« 4°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire aux articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et au droit de propriété, en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main-d'?uvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? »

« 5°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la garantie des droits en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main-d'oeuvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

4. En premier lieu, les dispositions contestées par les troisième, quatrième et cinquième questions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2018-776 DC du 21 décembre 2018 rendue par le Conseil constitutionnel. Aucun changement de circonstances de droit ou de fait n'est intervenu qui, affectant la portée de cette disposition, en justifierait le réexamen.

5. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

6. En second lieu, les dispositions contestées par les première et deuxième questions sont applicables au litige, qui concerne la suppression du bénéfice de toute mesure de réduction et d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, appliquée par un employeur, en cas de constat d'une infraction mentionnée à l'article L. 8211-1, 4°, du code du travail.

7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

9. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

10. En effet, la Cour de cassation a déjà jugé, à propos des sanctions prévues par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, qu'elles sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle effectué après la date d'entrée en vigueur du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé par son sous-traitant, commis postérieurement au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur des dispositions de cette loi (2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.185, publié au Bulletin ; 2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-14.403, publié au Bulletin).

11. Dès lors, il convient de considérer que les dispositions l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, doivent s'entendre en ce sens que les sanctions qu'elles prévoient sont applicables lorsqu'a été constatée l'une des infractions mentionnées aux 2° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, commise postérieurement au 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 23 décembre 2016.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.

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