22 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-80.772

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01376

Titres et sommaires

PEINES - peine correctionnelle - peine d'emprisonnement sans sursis prononcée par la juridiction correctionnelle - aménagement de peine - aménagement ab initio - impossibilité - placement en détention provisoire du prévenu dans une procédure distincte

Fait une juste application des dispositions de l'article 132-25 du code pénal la cour d'appel qui retient que le placement en détention provisoire du prévenu, dans une procédure distincte, rend impossible l'aménagement de la peine

Texte de la décision

N° W 23-80.772 F-B

N° 01376


SL2
22 NOVEMBRE 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 NOVEMBRE 2023



M. [G] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 2023, qui, pour non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [I], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [G] [I] a été poursuivi des chefs de non-représentation de son enfant mineure, la prévention visant la méconnaissance d'une ordonnance de non-conciliation rendue le 15 décembre 2019, en réalité 2014, et de soustraction de l'enfant, à l'occasion du prononcé d'une ordonnance de placement provisoire.

3. Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal correctionnel l'a relaxé et a rejeté les demandes des parties civiles.

4. Le procureur de la République a relevé appel, ainsi que Mme [H] [T] et [1], parties civiles.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen


5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable du délit de non-représentation d'enfant à une personne ayant le droit de le réclamer, fait commis du 29 avril 2021 au 12 mai 2021 en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, M. [I] était cité à comparaître devant le tribunal correctionnel sur le fondement d'une méconnaissance de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, et il ne pouvait donc être jugé sans qu'il l'ait expressément accepté sur le fondement d'une violation des dispositions du jugement de divorce prononcé le 27 mai 2016, cet acte reprendrait-il les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation s'agissant du régime des droits de visite et d'hébergement du père sur les enfants mineurs ; en l'absence de tout accord le prévenu pour être jugé au regard d'un titre de représentation totalement nouveau, qui ne constitue pas le fondement initial des poursuites, la cour d'appel a violé les articles 388 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les droits de la défense et excédé son pouvoir ;

2°/ qu'il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que la substitution de jugement de divorce à l'ordonnance de non-conciliation ait fait l'objet d'une discussion contradictoire ; la cour d'appel a encore violé les textes et principes précités ;

3°/ qu'en outre, les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu contre le même prévenu à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré M. [I] à la fois coupable de non-représentation d'enfant mais aussi de soustraction d'enfant par ascendant des mains de la personne chargée de sa garde, s'agissant des mêmes faits de non-représentation d'enfant et de la même intention coupable, méconnaissant ainsi le principe non bis in idem et les articles 227-5 et 227-7 du code pénal. »

Réponse de la Cour

7. En condamnant le prévenu pour non-représentation d'enfant, fait commis du 29 avril au 12 mai 2021, en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014 relatives à l'exercice du droit de visite et d'hébergement, l'arrêt attaqué n'a pas retenu à l'encontre du prévenu un fait nouveau, non visé par l'acte de poursuite, mais s'est borné à rectifier l'erreur contenue dans ce dernier à propos de l'élément préalable à la constitution de l'infraction, en s'assurant que la décision applicable était exécutoire.

8. Par ailleurs, il résulte des pièces de procédure que le tribunal ayant relaxé le prévenu au motif que la décision méconnue n'était pas celle visée à la prévention, le ministère public ayant relevé appel, la substitution critiquée a été mise dans le débat et a fait l'objet d'une discussion contradictoire devant la cour d'appel, ainsi que le confirment les notes d'audience.

9. Ainsi, les griefs tirés de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 388 du code de procédure pénale ne sont pas fondés.

10. En outre, en déclarant le prévenu coupable, d'une part, de non-représentation d'enfant, s'agissant de faits commis du 29 avril au 12 mai 2021, à l'égard de Mme [H] [T], d'autre part, de soustraction d'enfant commise le 17 mai 2021, au titre d'une ordonnance de placement provisoire et au préjudice du président du conseil départemental, l'arrêt attaqué s'est prononcé sur deux faits distincts et n'a pas méconnu le principe invoqué par le moyen.

11. Celui-ci doit, dès lors, être rejeté.


Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en qu'il a condamné M. [I] à la peine de deux mois d'emprisonnement sans aménagement, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; dans le cas où la peine n'est pas supérieure à six mois, le juge qui décide de ne pas l'aménager doit en outre motiver spécialement sa décision en établissant que la personnalité ou la situation du condamné ne permet pas cet aménagement, ou en constatant une impossibilité matérielle ; en considérant en l'espèce que seule une peine d'emprisonnement est adéquate sans même envisager une mesure alternative, tel un prononcé avec sursis, ni motiver le refus d'aménagement de la peine prononcée autrement que par l'état actuel de détention du condamné, la cour d'appel a violé l'article 132-19 du code pénal et les articles 132-25 du même code, 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

13. Pour condamner le prévenu à une peine de deux mois d'emprisonnement, l'arrêt attaqué expose d'abord sa situation familiale, sociale, ses antécédents judiciaires, relève qu'il est placé en détention provisoire depuis le 21 janvier 2022 à l'occasion d'une information relative à des faits criminels et souligne la gravité des infractions commises.

14. Les juges ajoutent qu'il est sans ressources, ce qui exclut le prononcé d'une amende, voire de jours-amende, que sa situation actuelle et la gravité des faits ne permet pas d'envisager le recours à une peine de travail d'intérêt général ou l'exécution d'un stage, que seule une peine d'emprisonnement est adéquate en ce qu'il convient de donner au prévenu un signal clair, ferme et simple.

15. Ils énoncent encore que M. [I] est actuellement détenu, ce qui ne permet pas d'envisager un quelconque aménagement de la peine dès son prononcé.

16. En statuant ainsi la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

17. En effet, d'une part, elle a indiqué en quoi la peine prononcée était indispensable et toute autre sanction manifestement inadéquate.

18. D'autre part, elle a justement retenu que la situation du condamné, placé en détention provisoire à l'occasion d'une autre procédure, rendait impossible l'aménagement de la peine.

19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.

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