16 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.360

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300735

Titres et sommaires

BAIL RURAL - statut du fermage et du métayage - domaine d'application - convention pluriannuelle de pâturage - action en requalification - prescription - prescription quinquennale - point de départ - détermination - portée

Il résulte de l'article 2224 du code civil que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet

Texte de la décision

CIV. 3

VB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 735 FS-B

Pourvoi n° R 21-18.360






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023

1°/ M. [N] [I],

2°/ Mme [U] [K], épouse [I],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° R 21-18.360 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant à la société du [Adresse 1], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société du [Adresse 1], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 4 septembre 2009, la société civile immobilière du [Adresse 1] (la SCI) a conclu avec M. et Mme [I] (les preneurs) un contrat dénommé « convention pluriannuelle de pâturage » portant sur des biens agricoles et un bâtiment d'habitation, pour une durée de cinq ans à compter du 1er avril 2009, tacitement reconduit à son terme.

2. Par acte d'huissier du 25 août 2016, les preneurs ont assigné en référé la SCI afin d'obtenir sa condamnation à réaliser des travaux.

3. Le 25 septembre 2017, la SCI leur a délivré un congé.

4. Après renvoi de l'affaire devant le tribunal paritaire des baux ruraux pour qu'il soit statué au fond, les preneurs ont demandé, à titre additionnel, la reconnaissance d'un bail rural, la condamnation de la SCI à leur rembourser diverses sommes, dont les loyers réglés au titre du bâtiment d'habitation, et l'annulation du congé.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 2224 du code civil :

7. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

8. La Cour de cassation juge, de façon constante, que le bail tacitement reconduit est un nouveau bail, distinct du bail initial (3e Civ., 10 juin 1998, pourvoi n° 96-15.626, Bull. n° 119). Cette règle est désormais consacrée, depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux articles 1214 et 1215 du code civil.

9. Il en résulte que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet.

10. Pour déclarer prescrite l'action en reconnaissance d'un bail rural, laquelle s'analyse en une action en requalification de la convention en cours, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le délai de prescription court, sauf fraude, à compter de la date de la conclusion du contrat initial, nonobstant sa tacite reconduction.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de requalification entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande en annulation du congé, ordonnant l'expulsion des preneurs, les condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation et rejetant leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de requalification entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande en annulation du congé, ordonnant l'expulsion des preneurs, les condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation et rejetant leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de requalification, rejette la demande en annulation du congé, ordonne l'expulsion de M. et Mme [I], les condamne au paiement d'une indemnité d'occupation, rejette leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société civile immobilière du [Adresse 1] aux dépens ;

En application de l'article 700 du

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de requalification, rejette la demande en annulation du congé, ordonne l'expulsion de M. et Mme [I], les condamne au paiement d'une indemnité d'occupation, rejette leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société civile immobilière du [Adresse 1] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière du [Adresse 1] et la condamne à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.