14 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.374

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00809

Titres et sommaires

SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE - Contrôle - Commissaires aux comptes - Demandes de confirmation auprès de tiers - Opposition de l'entité - Définition

Il résulte de la norme d'exercice professionnel n° 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, que le commissaire aux comptes a la maîtrise de la sélection des tiers à qui il souhaite adresser les demandes de confirmation, que si la direction de l'entité s'oppose aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, il examine si ce refus se fonde sur des motifs valables et collecte sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés. S'il considère que le refus de la direction est fondé, le commissaire aux comptes met en oeuvre des procédures d'audit alternatives afin d'obtenir les éléments suffisants et appropriés sur le ou les points concernés par les demandes. S'il considère que le refus de la direction n'est pas fondé, il en tire les conséquences éventuelles dans son rapport. S'analyse comme une opposition de la direction de l'entité, au sens de cette norme, toute déclaration ou tout comportement susceptible de conduire le commissaire aux comptes à ne pas adresser une demande de confirmation à un tiers qu'il avait sélectionné

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 novembre 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 809 F-B

Pourvoi n° S 22-13.374




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2023

La société La Maison de la peinture et du papier peint, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-13.374 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [B], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société Partner, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Mazars, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à la société Fid Sud audit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société La Maison de la peinture et du papier peint, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Partner et Mazars, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [B] et de la société Fid Sud audit, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 janvier 2022), la société Maison de la peinture et du papier peint (la société MPPP) avait pour expert-comptable la société Mazars, puis la société Michel Vaux et associés audit et conseil, aux droits de laquelle vient la société Partner. Elle avait pour commissaire aux comptes la société Fid Sud audit, dont l'un des associés, M. [B], était signataire des rapports certifiant les comptes.

2. A la suite de la révélation d'anomalies comptables et de détournements effectués par la comptable salariée de la société MPPP, notamment en procédant à des écritures fictives sur le compte ouvert au nom d'un fournisseur, la société Romus, la société MPPP a assigné ses experts-comptables et commissaire aux comptes en responsabilité.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le troisième moyen


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. La société MPPP fait grief à l'arrêt de rejeter son action en responsabilité formée à l'encontre de la société Fid Sud audit et de [E] [B] et de rejeter le surplus de ses demandes, fins et prétentions, alors « que le commissaire aux comptes est investi d'une mission permanente de contrôle ; qu'en considérant que le commissaire aux comptes n'avait pas à vérifier l'exactitude des états de rapprochement bancaire "à tout moment de l'exercice contrôlé", mais qu'il devait attester de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux et donc de celle des concordances des états de rapprochement bancaire "en fin d'exercice", la cour d'appel a violé les articles L. 823-10 et L. 823-13 du code de commerce, ensemble l'article L. 822-17 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Le commissaire aux comptes, s'il doit avoir accès à toute époque de l'année à toutes les pièces qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission, et notamment aux contrats, livres et documents comptables afin de procéder aux vérifications et contrôles qu'il juge opportuns, n'est pas pour autant tenu de vérifier, à tout moment de l'exercice contrôlé, l'exactitude de ces éléments.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. La société MPPP fait le même grief à l'arrêt, alors « que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; que la cour d'appel a, par motifs propres, admis l'existence d'"écarts de l'ERB" en juillet 2012 ; qu'en retenant cependant, par motifs expressément adoptés, que l'état des rapprochements bancaires (ERB) était équilibré et qu'il existait une concordance entre la comptabilité de la société et les comptes bancaires, la cour d'appel, (qui) a statué par des motifs contradictoires, a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel, ayant, par motifs adoptés, constaté de manière générale que l'état des rapprochements bancaires était équilibré et, par motif propres, retenu que les états de rapprochements bancaires en fin d'exercice n'avaient pas amené à découvrir d'anomalies ou d'irrégularités tout au long de la période, a pu, par des motifs exempts de contradiction, retenir que le commissaire aux comptes avait, sans manquer à ses obligations, attesté de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux et donc de celle des concordances de ces états de rapprochement bancaires en fin d'exercice, nonobstant le constat fait par ailleurs que l'état de rapprochements bancaires de juillet 2012 présentait des écarts.

9. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause ces constatations et appréciations souveraines, n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. La société MPPP fait le même grief à l'arrêt, alors « que les commissaires aux comptes exercent leur mission conformément aux normes internationales d'audit adoptées par la Commission de l'Union européenne dans les conditions définies par la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 et, en l'absence de telles normes, conformément aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes ; que la norme d'exercice professionnel 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, prévoit une procédure particulière en cas d'opposition de la part de la société contrôlée aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, prévoyant notamment d'examiner "si ce refus se fonde sur des motifs valables" et de collecter "sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés", outre la mise en oeuvre de procédures d'audit alternatives ou l'établissement d'un rapport ; qu'en se bornant à retenir que le commissaire aux comptes n'avait pas commis de négligence ou de faute, sans constater qu'il avait procédé, face à l'opposition de la comptable sur la circularisation du fournisseur Romus, à la procédure particulière prévue par la norme d'exercice professionnelle 505, comportement attendu d'un professionnel diligent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 821-13 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1278 du 8 décembre 2008, ensemble l'article L. 822-17 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 821-13 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016, et L. 822-17 du même code :

11. Il résulte du premier de ces textes qu'en l'absence de norme internationale d'audit adoptée par la Commission de l'Union européenne, les commissaires aux comptes se conforment aux normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et homologuées par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes.

12. Aux termes du second, les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la personne ou de l'entité contrôlée que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions.

13. Il résulte de la norme d'exercice professionnel n° 505, homologuée par arrêté ministériel du 22 décembre 2006, que le commissaire aux comptes a la maîtrise de la sélection des tiers à qui il souhaite adresser les demandes de confirmation, que si la direction de l'entité s'oppose aux demandes de confirmation des tiers envisagées par le commissaire aux comptes, il examine si ce refus se fonde sur des motifs valables et collecte sur ces motifs des éléments suffisants et appropriés, que s'il considère que le refus de la direction est fondé, le commissaire aux comptes met en oeuvre des procédures d'audit alternatives afin d'obtenir les éléments suffisants et appropriés sur le ou les points concernés par les demandes, tandis que s'il considère que le refus de la direction n'est pas fondé, il en tire les conséquences éventuelles dans son rapport.

14. S'analyse comme une opposition de la direction de l'entité, au sens de cette norme, toute déclaration ou tout comportement susceptible de conduire le commissaire aux comptes à ne pas adresser une demande de confirmation à un tiers qu'il avait sélectionné.

15. Pour rejeter la demande de la société MPPP, l'arrêt énonce que le fait de ne pas avoir vérifié auprès de la société Romus la réalité des opérations effectués sur le compte ouvert à son nom ne caractérise pas un défaut de diligence avéré dès lors qu'aucun élément ne permettait de cibler ce fournisseur très peu significatif et ne révélant aucune anomalie manifeste. Il ajoute que ce fournisseur était présenté mensongèrement par la comptable indélicate, comme une société du groupe auquel appartient la société MPPP et que la sophistication du stratagème des détournements mis en place depuis des années ne permettait pas de le déceler par le seul contrôle normal du commissaire aux comptes.

16. En se déterminant ainsi, sans chercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le commissaire aux comptes s'était conformé à la norme d'exercice professionnel susvisée, cependant qu'elle avait constaté que le commissaire aux comptes, bien qu'ayant prévu de procéder à la vérification auprès de la société Romus de la réalité des opérations effectuées sur le compte ouvert à son nom, s'en était abstenu après que la comptable salariée de la société MPPP lui avait mensongèrement indiqué que ce fournisseur faisait partie du même groupe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Mise hors de cause

17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les sociétés Mazars et Partner, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

MET hors de cause les sociétés Mazars et Partner ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes présentées par la société MPPP contre la société Fid Sud audit et M. [B], l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Fid Sud audit et M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maison de la peinture et du papier peint et la condamne à payer aux sociétés Mazars et Partner la somme globale de 3 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fid Sud audit et M. [B] et les condamne à payer à la société Maison de la peinture et du papier peint la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que, sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois et signé par lui et M. Mollard, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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