8 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-81.039

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01303

Titres et sommaires

PEINES - Peines correctionnelles - Peines d'emprisonnement sans sursis prononcées par la juridiction correctionnelle - Partie ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois - Possibilité - Exclusion

L'article 132-19 du code pénal interdit le prononcé de tout emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois, même s'il constitue la partie ferme d'une peine d'emprisonnement partiellement assortie du sursis. Le principe d'autorité de la chose jugée, même de manière erronée, s'oppose à ce qu'une décision de justice devenue définitive soit remise en cause, sinon par le pourvoi prévu aux article 620 et 621 du code de procédure pénale, et impose l'exécution de la peine prononcée par une telle décision

CHOSE JUGEE - Autorité - Cas - Illégalité d'une peine dont la partie ferme est inférieure ou égale à un mois

Texte de la décision

N° M 23-81.039 F-B

N° 01303


GM
8 NOVEMBRE 2023


CASSATION



M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 NOVEMBRE 2023



Le procureur général près la cour d'appel de Besançon a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre des mineurs, en date du 13 février 2023, qui a prononcé sur un aménagement de peine.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. [V] [D] a fait l'objet des condamnations suivantes par le tribunal pour enfants :

- quinze jours d'emprisonnement avec sursis, prononcée le 25 janvier 2017;

- quinze jours d'emprisonnement avec sursis, prononcée le 10 octobre 2017;

- trois mois d'emprisonnement dont deux mois assortis du sursis probatoire pendant deux ans, prononcés le 15 juillet 2020.

3. Par cette dernière décision, le tribunal a également prononcé une autre peine d'un mois d'emprisonnement pour usurpation d'identité, et ordonné la révocation des deux peines précédentes de quinze jours d'emprisonnement avec sursis.

4. Par jugement du 5 octobre 2022, à l'issue du débat contradictoire sollicité par le ministère public, le juge des enfants a rendu un jugement de non-lieu à aménagement de peine, en raison de l'illégalité des peines d'emprisonnement prononcées le 15 juillet 2020 par le tribunal pour enfants.

5. Le procureur de la République a relevé appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le moyen proposé par le procureur général

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation de l'article 132-19 du code pénal.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a retenu que la partie ferme de la peine prononcée le 15 juillet 2020 était illégale, les dispositions de l'article 132-19 du code pénal proscrivant le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à un mois, et qu'en conséquence, elle n'entraînait pas la révocation des deux peines de quinze jours d'emprisonnement avec sursis précédemment prononcées, alors que ces dispositions ne prohibent que les courtes peines d'emprisonnement ferme, sans accompagnement, considérées comme inutilement désocialisantes, mais n'interdisent pas le prononcé d'une peine pour partie assortie du sursis ou du sursis probatoire, comprenant une partie ferme d'une durée inférieure à un mois, ni la révocation partielle d'un sursis pour une durée de seulement un mois.

Réponse de la Cour

8. Pour dire que la peine de trois mois d'emprisonnement dont deux mois assortis du sursis probatoire, prononcée par le tribunal pour enfants le 15 juillet 2020, est illégale, l'arrêt attaqué retient que l'article 132-19 du code pénal prohibe les peines d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois, l'objectif poursuivi par le législateur étant de mettre fin aux emprisonnements très courts considérés comme désocialisants.

9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte visé au moyen, lequel interdit le prononcé de tout emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois, même s'il constitue la partie ferme d'une peine partiellement assortie du sursis.

10. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat

Vu le principe de l'autorité de la chose jugée :

11. Ce principe qui s'attache à la chose jugée, même de manière erronée, s'oppose à ce qu'une décision de justice devenue définitive soit remise en cause, sinon par le pourvoi prévu aux articles 620 et 621 du code de procédure pénale, et impose l'exécution de la peine prononcée par une telle décision.

12. Pour dire n'y avoir lieu à l'aménagement des peines prononcées par le tribunal pour enfants le 15 juillet 2020, l'arrêt attaqué retient que la peine de trois mois d'emprisonnement dont deux mois assortis du sursis probatoire, est illégale au regard des dispositions de l'article 132-19 du code pénal, et qu'elle ne pouvait donc entraîner la révocation des sursis précédemment prononcés, quand bien même elle aurait acquis autorité de la chose jugée, une telle illégalité, de nature à faire grief au condamné, ne permettant pas l'exécution de la peine.

13. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé.

14. En effet, la condamnation du 15 juillet 2020, définitive, avait acquis autorité de la chose jugée, et ne pouvait être remise en cause, de sorte qu'elle permettait la révocation des sursis antérieurs, et que la possibilité de son aménagement pouvait être examinée.

15. La cassation est, par conséquent, encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 13 février 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.