8 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.764

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02003

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Cession de l'entreprise - Cession dans le cadre d'une procédure collective - Redressement judiciaire - Indemnités - Congés payés - Acquisition pendant la période d'observation - Effets - Fixation au passif de la société cédée - Portée

Lorsque la modification de la situation de l'employeur intervient dans le cadre d'une procédure collective, l'indemnité de congés payés, qui s'acquiert mois par mois et qui correspond au travail effectué pour le compte de l'ancien employeur, est inscrite au passif de ce dernier et est couverte par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) dans la limite de sa garantie

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Domaine d'application - Indemnités de congés payés - Condition - Acquisition pendant la période d'observation - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Effets - Fixation de créance au passif de la société cédée - Portée

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 novembre 2023




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2003 F-B

Pourvoi n° S 21-19.764




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023

1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS CGEA de [Localité 5], [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° S 21-19.764 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [F] [S], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur de la société Cleannet industrie et propreté,

3°/ à la société BDR & associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [T] [R] [G], pris en qualité de mandataire ad'hoc de la société Cleannet industries et propreté,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC-CGEA [Localité 5], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 mai 2021), Mme [S] a été engagée en qualité d'agent de propreté le 1er juillet 2015 par la société Cleannet industries et propreté (la société Cleanet).

2. Par jugement du 6 octobre 2016, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Cleanet. Le 24 mai 2017, une cession de l'entreprise est intervenue dans le cadre de cette procédure collective au profit de la société Thomer, avec reprise du contrat de travail de la salariée à compter du 9 juin 2017.

3. Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Cleanet.

4. Le 20 octobre 2017, la salariée a été licenciée par la société Thomer.

5. Après le refus du liquidateur judiciaire de la société Cleanet de lui verser une somme au titre des congés payés acquis entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la société Cleanet une certaine somme au titre des congés payés.



Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. L'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] font grief à l'arrêt de fixer la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de la société Cleanet au titre du solde de son indemnité de congés payés à la somme de 2 389,20 euros et de rappeler que l'AGS doit sa garantie dans la limite fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code, alors :

« 1°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; qu'il n'était pas contesté en l'espèce que la salariée avait fait sa demande d'indemnisation postérieurement au prononcé de son licenciement de sorte que l'indemnité réclamée était une indemnité compensatrice de congés payés qui avait la nature d'une indemnité de rupture et ne pouvait être garantie par l'AGS en dehors des délais prévues à l'article L. 3253-8 2° du code du travail ; qu'en retenant la garantie de l'AGS après avoir considéré que la salariée était créancière d'un solde d'indemnité de congés payés et non d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 3141-24, L. 3141-28 et L. 3253-8 du code du travail ;

2°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; que s'agissant d'une indemnité de rupture, la garantie de l'AGS ne peut être recherchée que par application de l'article L. 3253-8 2° du code du travail ; qu'elle ne couvre, dans le respect du plafond de garantie, que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation ou dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, et à la condition que l'employeur fasse l'objet d'une procédure collective ; qu'en considérant que l'AGS devait garantir l'indemnité réclamée par la salariée, quand la créance litigieuse résultait d'un licenciement prononcé le 20 octobre 2017 par une société in bonis devenue l'employeur du salarié dans le cadre d'un plan de cession intervenu à la suite du redressement judiciaire de l'employeur initial à l'encontre duquel une procédure collective avait été ouverte, et que la liquidation judiciaire de l'employeur initial était intervenue le 22 juin 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail ;

3°/ que, subsidiairement, les congés payés acquis au cours de la période de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; qu'en retenant un droit à indemnité de la salariée, sans constater que les congés litigieux avaient été pris ou avaient donné lieu à une demande effective de congés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-24 et L. 3253-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Ayant relevé que la cession d'entreprise était intervenue dans le cadre d'une procédure collective et que les droits à congés payés de la salariée avaient été acquis entre 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, soit avant l'ouverture de la procédure collective et pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société Cleanet, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance d'indemnité de congés payés de la salariée, qui n'était pas une indemnité compensatrice de congés payés née de la rupture du contrat de travail par le nouvel employeur, devait être fixée au passif de la société Cleanet et qu'au regard des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, l'AGS devait sa garantie dans la limite des plafonds légaux.

8. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] et les condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.