25 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.897

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02000

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 octobre 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 2000 FS-D


Pourvois n°
Z 22-10.897
A 22-10.898
B 22-10.899
C 22-10.900
D 22-10.901 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 OCTOBRE 2023

L'association hospitalière [8], dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° Z 22-10.897 à D 22-10.901 contre cinq arrêts rendus le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile - sociale), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à Mme [B] [S], domiciliée [Adresse 7],

2°/ à Mme [D] [I], domiciliée [Adresse 1],

3°/ à Mme [C] [X], domiciliée [Adresse 3],

4°/ à Mme [U] [O], domiciliée [Adresse 5],

5°/ à Mme [G] [N], domiciliée [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, deux moyens communs de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association hospitalière [8], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Z 22-10.897 à D 22-10.901 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Riom, 23 novembre 2021), Mme [S] et quatre autres salariées ont été engagées en qualité d'aide soignante ou d'agent administratif par l'association [6]. Le 1er janvier 2018, leurs contrats ont été transférés de plein droit à l'association hospitalière [8].

3. Les contrats de travail sont soumis à la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde de nuit à but non lucratif du 31 octobre 1951.

4. Les salariées ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire au titre d'heures supplémentaires, de primes de nuit et d'indemnités pour jours fériés pour les années 2015, 2016 et 2017.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariées des sommes au titre de l'indemnité conventionnelle de nuit, alors :

« 1°/ que les primes prévues à l'article A3.2.1 et à l'article A3.2.2 de l'annexe n° 3 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ne sont pas cumulatives, la première étant versée aux salariés présents au moins cinq heures de nuit, la seconde, d'un montant supérieur, étant réservée aux salariés travaillant effectivement toute la nuit ; qu'en retenant au contraire que ces primes étaient cumulatives, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent pas méconnaître l'objet du litige ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, l'employeur contestait précisément tout droit conventionnel des salariées au cumul des primes prévues à l'article A3.2.1 et A3.2.2 de l'annexe n° 3 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, contestation qui saisissait la cour d'appel ; qu'en énonçant pourtant que l'association hospitalière Sainte-Marie ne "disconvient d'ailleurs pas vraiment" du caractère cumulatif des deux primes litigieuses "puisqu'elle verse les deux primes depuis le transfert des contrats de travail opéré le 1er janvier 2018", la cour d'appel, qui s'est affranchie de l'objet du litige tel qu'il avait été défini par les conclusions de l'employeur, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article A3.2.1 de l'annexe III attachée à la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, les salariés qui assurent totalement ou partiellement leur service normal entre 21 heures et 6 heures et ce pendant cinq heures au moins percevront une indemnité égale par nuit à la valeur de 1,03 point.

7. Aux termes de l'article A3.2.2 du même texte, les salariés qui assurent un travail effectif (intensif ou non) durant toute la durée de la nuit percevront en outre une indemnité égale par nuit à la valeur de 1,68 point.

8. La cour d'appel, qui a retenu à bon droit, par motifs propres, qu'il résultait de la combinaison de ces textes que tous les salariés travaillant de nuit, durant cinq heures au moins entre 21 heures et 6 heures, percevront l'indemnité prévue à l'article A3.2.1 et que, parmi eux, ceux qui assuraient un travail effectif durant toute la durée de la nuit devront percevoir en sus l'indemnité prévue à l'article A3.2.2, ces indemnités étant cumulatives, et qui a constaté, par motifs adoptés, que les salariées n'avaient pas perçu l'indemnité prévue à l'article A3.2.1. à laquelle elles pouvaient prétendre, en a exactement déduit, sans modifier l'objet du litige, que ces indemnités étaient cumulatives et que l'employeur devait être condamné à payer à chaque salariée une somme au titre des indemnités prévues à l'article A3.2.1 qu'elles n'avaient pas perçues.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariées des sommes à titre d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé d'office le moyen tiré de l'application de l'article 05.04.1 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 en ce qu'il énonce que "Les parties contractantes sont d'accord pour constater qu'en raison de l'évolution des techniques médicales et des modifications des conditions de travail la durée de présence correspond, sauf cas particuliers visés par le décret du 22 mars 1937, à la durée de travail effectif", pour en déduire que cette règle commandait de considérer les temps de pause comme du temps de travail effectif sans qu'il soit besoin de vérifier plus avant si les salariées étaient ou non à la disposition de l'employeur pendant ces temps de pause et pouvaient ou non vaquer à leurs occupations personnelles ; qu'en omettant d'inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

12. Pour condamner l'employeur à payer aux salariées des sommes à titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, les arrêts retiennent que les dispositions de l'article 05.04.1. précitées, prévoyant que la durée de présence correspond à la durée de travail effectif, commandent de considérer les temps de pause comme du temps de travail effectif, sans qu'il soit besoin de vérifier plus avant si les salariées étaient ou non à la disposition de l'employeur et pouvaient ou non vaquer à leurs occupations personnelles.

13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'assimilation par la convention collective des temps de pause à du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser aux salariées des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents n'emporte pas celle des chefs de dispositif des arrêts condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent l'association hospitalière [8] à payer à :
- Mme [S] les sommes de 249,65 euros au titre des heures supplémentaires et de 24,96 euros au titre des congés payés afférents,
- Mme [X] les sommes de 672,11 euros au titre des heures supplémentaires et de 67,21 euros au titre des congés payés afférents,
- Mme [O] les sommes de 891,61 euros au titre des heures supplémentaires et de 89,16 euros au titre des congés payés afférents,
- Mme [N] les sommes de 887,22 euros au titre des heures supplémentaires et de 88,72 euros au titre des congés payés afférents,
- Mme [I] les sommes de 158,25 euros au titre des heures supplémentaires et de 15,82 euros au titre des congés payés afférents,
les arrêts rendus le 23 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mmes [S], [X], [O], [N] et [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association hospitalière [8] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.