18 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-84.793

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01373

Texte de la décision

N° S 23-84.793 F-D

N° 01373




18 OCTOBRE 2023

SL2





QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC







M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 OCTOBRE 2023



M. [D] [J] a présenté, par mémoire spécial reçu le 28 juillet 2023, six questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 2023, qui, pour usage illicite de stupéfiants, l'a condamné à 1 000 euros d'amende dont 600 euros avec sursis et une confiscation.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.




Sur la première question prioritaire de constitutionnalité

1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 495-17 du code de procédure pénale qui excluent les situations visées par ce texte, et notamment celles tenant à la constatation simultanée de plusieurs infractions, dont l'une au moins ne peut donner lieu à une amende forfaitaire, du bénéfice de la procédure d'amende forfaitaire délictuelle prévue aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, sans que cette exclusion ne soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi ou de l'infraction, ne méconnaissent-elles pas le principe d'égalité devant la loi protégé par les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».

2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

4. Cette question ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que le principe d'égalité devant la loi pénale ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes.

5. La situation de la personne qui a commis le seul délit d'usage illicite de stupéfiants n'est pas identique à celle à l'égard de laquelle il a été constaté qu'elle a commis plusieurs infractions dont une ne peut donner lieu à l'application d'une amende forfaitaire.

6. L'application de règles de procédure différentes à ces personnes en situation différente est ainsi justifiée par la volonté du législateur de limiter la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle, qui ne permet pas le prononcé de peines privatives ou restrictives de liberté, aux seules infractions qu'il détermine. Cette limitation poursuit un but d'intérêt général.

7. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.



Sur les deuxième, troisième et quatrième questions prioritaires de constitutionnalité

8. La deuxième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 3421-1 alinéa 1 et 3 du code de la santé publique qui instaurent pour une même infraction une différence de traitement tant en terme de quantum des peines encourues qu'en terme de règles relatives à la récidive et de règles relatives à l'inscription sur le casier judiciaire, sans que cette différence ne soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi ou de l'infraction, ne méconnaissent-elles pas le principe d'égalité devant la loi protégé par les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».

9. La troisième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 3421-1 alinéa 1 du code de la santé publique qui instaurent pour l'incrimination d'usage illicite de stupéfiants, des peines manifestement disproportionnées au regard de celles encourues pour la même infraction par l'alinéa 3 de l'article L. 3421-1 du CSP, ne méconnaissent-elles pas les principes de nécessité et proportionnalité des peines protégés par les dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».

10. La quatrième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, en ce qu'elles instituent deux peines principales concurrentes pour une seule et même infraction, laissant ainsi aux autorités de poursuite le soin de déterminer les faits constitutifs du délit d'usage illicite de stupéfiants tels que réprimés par les dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 3421-1 des faits d'usage illicite de stupéfiants tels que réprimés par les dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, ne méconnaissent-elles pas les principes de la légalité criminelle et d'exigence de clarté de la loi protégés par les articles 34 de la Constitution du 4 octobre1958 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».

11. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

12. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

13. Ces questions ne présentent pas un caractère sérieux.

14. En effet, le recours à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle repose sur une décision du procureur de la République, dont le pouvoir de choisir les modalités de mise en oeuvre de l'action publique ou les alternatives aux poursuites ne méconnaît pas le principe d'égalité, ainsi que l'a décidé le Conseil constitutionnel (Cons. const., 26 septembre 2014, décision n° 2014-416 QPC).

15. Par ailleurs, les peines prévues par la disposition critiquée, que le juge a le pouvoir de moduler en fonction de la situation soumise à son appréciation, ont été considérées comme nécessaires par le législateur pour assurer la préservation de l'ordre public et la protection de la santé publique, et n'apparaissent pas manifestement disproportionnées entre elles au regard du but recherché de protection de la santé et de la sécurité publiques.

16. De plus, la rédaction des dispositions contestées obéit aux principes de clarté, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi pénale, dont elle permet de déterminer le champ d'application sans méconnaître le principe de la légalité des délits et des peines.

17. En outre, s'il appartient au procureur de la République d'exercer l'action publique dans les conditions prévues aux articles 40 et suivants du code de procédure pénale, le texte contesté ne lui donne pas compétence pour définir les éléments constitutifs du délit d'usage illicite de stupéfiants.

18. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Sur la cinquième question prioritaire de constitutionnalité

19. La cinquième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions des articles 222-37 du code pénal et L. 3421-1 du code de la santé publique, lorsqu'elles sont appliquées aux produits stupéfiants ayant fait l'objet d'une autorisation internationale (tableau I et II de la Convention de 1961) et d'une autorisation nationale légale ou réglementaire d'utilisation en médecine humaine, sont-elles conformes aux exigences des articles 6 et 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; et les dispositions des articles 222-37 du code pénal et L. 3421-1 du code de la santé publique sont-elles conformes aux exigences des articles 6 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que les substances inscrites aux tableaux IV, I, II et III de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 (ONU) soient ou non autorisées et effectivement utilisées en médecine humaine ? ».

Sur la question prioritaire de constitutionnalité, en ce qu'elle vise les dispositions de l'article 222-37 du code pénal

20. Les dispositions législatives contestées ne sont pas applicables à la procédure en ce que, le demandeur ayant été relaxé du délit prévu et réprimé par elle, elles ne constituent plus le fondement des poursuites, l'intéressé n'ayant désormais aucun intérêt à contester ce texte, dont une déclaration d'inconstitutionnalité, à la supposer encourue, serait dépourvue de toute incidence sur la solution du pourvoi.

21. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, en ce qu'elle porte sur les dispositions de l'article 222-37 du code pénal.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité, en ce qu'elle vise les dispositions de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique

22. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

23. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

24. Cette question ne présente pas de caractère sérieux.

25. En effet, d'une part, le principe d'égalité devant la loi pénale ne s'oppose pas à ce que le législateur adopte des dispositions qui aménagent de manière différente le régime des produits psychotropes selon leur degré de toxicité, en renvoyant au pouvoir réglementaire le classement de ces substances en catégories distinctes. Ce classement, qui relève de l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, n'institue, en lui-même, aucune incrimination et tient compte des connaissances scientifiques, ainsi que l'a décidé le Conseil constitutionnel (Cons. const., 11 février 2022, décision n° 2021-967/973 QPC).

26. D'autre part, aucune règle de nature constitutionnelle n'interdit au législateur de prévoir une définition des stupéfiants et un classement de ceux-ci en plusieurs catégories en droit interne, même en présence de conventions internationales ayant le même objet, si ces règles internes ne les contredisent pas.

27. Enfin, le principe constitutionnel de protection de la santé publique permet d'autoriser l'emploi d'une substance psychotrope dans le seul cas où elle est prescrite par un médecin, dans un but thérapeutique, et de sanctionner son usage en toute autre circonstance.

28. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Sur la sixième question prioritaire de constitutionnalité

29. La sixième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, en ce qu'elles apportent aux droits et libertés constitutionnellement garantis une atteinte inadaptée non nécessaire et disproportionnée à la réalisation des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé publique et de la sécurité publique, que l'incrimination de l'usage illicite de stupéfiants manque à satisfaire, ne méconnaissent-elles pas le principe de liberté individuelle et du droit de disposer librement de son corps et de sa personne protégé par les articles 2, 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; et les dispositions des articles 2, 4 et 5 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui protègent la liberté individuelle des intrusions répressives de l'Etat s'étendent-elles au droit de tout individu de choisir et de contrôler ses propres processus cognitifs ainsi que de modifier volontairement son niveau de conscience, droit auquel les dispositions de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique portent atteinte ? ».

30. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

31. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

32. Cette question ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que l'atteinte au droit de la personne de disposer d'elle-même qui résulte de l'interdiction, pénalement sanctionnée, de faire usage de produits stupéfiants, est justifiée par des impératifs de protection de la santé et de la sécurité publiques.

33. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.