18 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-60.159

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO01065

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - conventions et accords collectifs - accords collectifs - accords d'entreprise - accord d'entreprise non majoritaire - validation - consultation des salariés - régularité - contestation - modalités - détermination - portée

Il résulte de l'application combinée des articles L. 2232-12, R. 2232-5 et R. 2314-24 du code du travail, R. 211-3-15, 1°, R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire et des articles 761, 2°, et 817 du code de procédure civile que les contestations relatives aux consultations des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise, qui se déroulent dans le respect des principes généraux du droit électoral, sont formées par voie de requête, les parties étant dispensées de constituer avocat. Viole ces textes le jugement qui, pour déclarer irrecevable une requête, retient que la procédure de contestation, prévue par l'article R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire, est écrite avec représentation obligatoire et que le tribunal judiciaire ne pouvait être saisi que par voie d'assignation ou de requête conjointe

Texte de la décision

SOC. / ELECT

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2023




Cassation


M. SOMMER, président



Arrêt n° 1065 FS-B

Pourvoi n° Z 21-60.159




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 OCTOBRE 2023

Le syndicat Union générale des travailleurs de la Guadeloupe, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-60.159 contre le jugement rendu le 21 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Guadeloupe,

2°/ au syndicat SUNICAG-SUDCAM,

3°/ au syndicat SNECA-CFE-CGC,

4°/ au syndicat CGTG,

ayant tous les quatre leur siège à [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, Mmes Ott, Sommé, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, 21 mai 2021) et les productions, deux syndicats représentatifs ont sollicité de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Guadeloupe (la caisse) l'organisation d'une consultation du personnel de la caisse afin de valider deux accords collectifs signés le 31 décembre 2020 par des organisations syndicales représentant plus de 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles et ont informé les autres organisations représentatives, le SUNICAG-SUD-CAM et le syndicat Union générale des travailleurs de la Guadeloupe (UGTG), de cette demande de consultation.

2. Un protocole d'accord relatif à l'organisation de la consultation du personnel a été signé le 1er mars 2021 entre la caisse et les quatre organisations syndicales représentatives. Le vote s'est déroulé du 17 au 19 mars 2021 par voie électronique.

3. Par requête du 1er avril 2021, invoquant l'existence d'irrégularités dans le déroulement du scrutin, le SUNICAG-SUD-CAM a saisi un tribunal judiciaire d'une contestation de cette consultation et les trois autres organisations syndicales sont intervenues à l'instance.

4. A l'audience de renvoi du 18 mai 2021, le SUNICAG-SUD-CAM a déclaré se désister de ses demandes. L'UGTG a soutenu oralement à l'audience, à titre reconventionnel, l'annulation du processus de consultation.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. L'UGTG fait grief au jugement de dire irrecevables la requête introductive et la demande soutenue à l'audience en annulation de la procédure de consultation des salariés, alors « que cette procédure est légalement assimilée à une élection professionnelle et relève de ce fait de la procédure sans représentation non obligatoire ; qu'en conséquence, le tribunal, qui a déclaré irrecevable la requête alors qu'elle l'avait régulièrement saisi de l'affaire, a méconnu les articles R. 211-3-12 à R. 211-3-23 du code de l'organisation judiciaire, R. 2232-5 du code du travail, 761 et 817 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2232-12, R. 2232-5 et R. 2314-24 du code du travail, R. 211-3-15, 1°, R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire et les articles 761, 2°, et 817 du code de procédure civile :

6. Selon l'article L. 2232-12 du code du travail, la consultation des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise non majoritaire, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l'employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique. L'accord est valide s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

7. Aux termes de l'article R. 211-3-17 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît des contestations relatives :
1° Aux modalités d'organisation, à la liste des salariés devant être consultés et à la régularité des procédures de consultation sur les accords d'entreprise prévues par les articles L. 2232-12, L. 2232-23-1, L. 2232-24 et L. 2232-26 du code du travail ;
2° A la liste des salariés devant être consultés et à la régularité des procédures de consultation prévues par les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail.

8. Selon l'article R. 2232-5 du code du travail, les contestations relatives à la liste des salariés devant être consultés et à la régularité de la consultation sont de la compétence du tribunal judiciaire qui statue en dernier ressort.

9. En application de l'article R. 2314-24 du même code, le tribunal judiciaire est saisi par voie de requête des contestations portant sur l'électorat et la régularité des opérations électorales ainsi que sur la désignation de représentants syndicaux.

10. En vertu de l'article 761, 2°, du code de procédure civile, les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et notamment dans les matières énumérées par l'article R. 211-3-15, 1°, du code de l'organisation judiciaire, portant sur les contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection des membres de la délégation du personnel au comité social et économique.

11. Aux termes de l'article 817 du même code, lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat conformément aux dispositions de l'article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées.

12 Il résulte de l'application combinée de ces textes que les contestations relatives aux consultations des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise, qui se déroulent dans le respect des principes généraux du droit électoral, sont formées par voie de requête, les parties étant dispensées de constituer avocat.

13. Pour déclarer irrecevable la requête, le jugement retient que le litige ne relève pas de l'une des hypothèses pour lesquelles les parties sont dispensées de constituer avocat, que la procédure est la procédure écrite avec représentation obligatoire et que, dans ces circonstances, le tribunal ne pouvait être saisi que par voie d'assignation ou de requête conjointe.

14. En statuant ainsi, alors qu'il avait été régulièrement saisi par voie de requête, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions du jugement déclarant « irrecevable » la requête saisissant la juridiction entraîne, par voie de conséquence, la cassation des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Pointre-à-Pitre autrement composée ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse régionale du crédit agricole mutuel de Guadeloupe à payer au syndicat Union générale des travailleurs de la Guadeloupe la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.

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