12 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.555

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C201008

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 octobre 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1008 F-D

Pourvoi n° Q 22-11.555





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2023

Mme [D] [T], épouse [V], domiciliée [Adresse 6], a formé le pourvoi n° Q 22-11.555 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2021 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MACIF, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au Centre hospitalier général [5], dont le siège est [Adresse 8],

3°/ à la Caisse des dépôts et consignations, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Yvelin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

5°/ à la société Collecteam, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

6°/ à la mutuelle d'assurances Mutame et Plus, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [T], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MACIF, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [T] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Yvelin, Collecteam et Mutame et Plus.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 21 septembre 2021) et les productions, le 29 juin 2010, Mme [T] a été victime d'un accident de la circulation après avoir été percutée, alors qu'elle était piéton, par une motocyclette dont le conducteur était assuré auprès de la société MACIF (l'assureur).

3. Estimant l'offre d'indemnisation établie par l'assureur insuffisante, Mme [T] l'a assigné devant un tribunal de grande instance, en présence notamment de la Caisse des dépôts et consignations et du Centre hospitalier général [5], à fin d'indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à huitième branches, et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [T] fait grief à l'arrêt de condamner l'assureur à lui payer la somme de 423 576,17 euros seulement en réparation de son préjudice, alors « que le juge doit évaluer le préjudice au jour où il statue ; qu'en l'espèce, sur l'indemnisation du poste de préjudice afférent à la tierce personne la cour a limité l'appréciation du poste à la période échue au 31 décembre 2020 et non au jour de l'audience le 8 juin 2021, violant ainsi le principe sus-énoncé et l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est contraire aux conclusions d'appel de Mme [T], qui sollicitait la capitalisation du préjudice au titre de l'assistance par une tierce personne à compter du 31 décembre 2020.

7. Cependant, Mme [T], qui a précisé dans ses conclusions que la date du 31 décembre 2020 était la « date possible de l'arrêt », n'a pas expressément renoncé au bénéfice de l'évaluation de son préjudice, par le juge, au jour de sa décision.

8. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

9. En application de ce principe, il incombe au juge d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision en tenant compte de tous les éléments connus à cette date.

10. Pour fixer à la somme de 153 370,66 euros l'indemnisation allouée au titre de l'assistance par une tierce personne, l'arrêt liquide la période échue jusqu'au 31 décembre 2020.

11. En statuant ainsi, alors que la période échue avait pour terme le jour où elle statuait, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Mme [T] fait grief à l'arrêt de condamner l'assureur au paiement du doublement des intérêts au taux légal du 25 septembre 2015 au 5 octobre 2016, dans la limite des indemnités offertes par l'assureur dans ses écritures notifiées le 5 octobre 2016, alors « que dans ses conclusions d'appel, Mme [T] avait soutenu que le rejet par l'assureur dans son offre d'indemnité de nombreux postes de préjudice, finalement admis par le juge, consacrait le caractère incomplet de cette offre et ouvrait droit à l'application de la sanction du doublement des intérêts ; qu'en décidant que les écritures notifiées le 5 octobre 2016, par l'assureur avaient constitué une offre conforme aux textes même si la réparation de certains postes était rejetée, sans répondre aux conclusions d'appel de Mme [T] sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

14. Pour faire courir les intérêts au double du taux légal du 25 septembre 2015 au 5 octobre 2016, l'arrêt constate que l'offre émise le 25 septembre 2015 était incomplète puisque six postes avaient été réservés, non chiffrés ou laissés sous le titre « sur justificatifs », par l'assureur.

15. L'arrêt ajoute, qu'en revanche, il peut être retenu que les écritures notifiées le 5 octobre 2016 par l'assureur constituent une offre conforme aux dispositions des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances, sans que les montants proposés ne puissent être qualifiés de dérisoires, ceux-ci s'élevant à un peu plus de 110 000 euros.

16. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [T] qui soutenait que l'offre émise le 5 octobre 2016 n'était pas complète en l'absence d'indemnisation proposée par l'assureur pour les postes des dépenses de santé futures et des frais divers futurs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 153 370,66 euros l'assistance par une tierce personne et condamne en conséquence la MACIF à payer la somme de 423 576,17 euros à Mme [T], et en ce qu'il dit que cette dernière somme, dans la limite des indemnités offertes par la MACIF dans ses écritures notifiées le 5 octobre 2016, portera intérêts au double du taux légal du 25 septembre 2015 au 5 octobre 2016, l'arrêt rendu le 21 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société MACIF aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MACIF et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.