11 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.857

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00997

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 octobre 2023




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 997 F-D

Pourvoi n° C 21-24.857

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 5 mai 2022.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

La société Laboratoires dermatologiques d'Uriage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 21-24.857 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [H], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à l' UNEDIC, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.


M. [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Laboratoires dermatologiques d'Uriage, de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi et l'Unedic

1. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.

2. La société Laboratoires dermatologiques d'Uriage s'est pourvue en cassation le 30 novembre 2021 contre une décision rendue le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Grenoble dans une instance dirigée contre M. [H], Pôle emploi et l'Unedic.

3. Pôle emploi et l'Unedic n'ont pas constitué avocat et le mémoire en demande ne leur a pas été signifié.

4. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre Pôle emploi et l'Unedic.




Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 septembre 2021), M. [H] a été engagé par la société Laboratoires dermatologiques d'Uriage le 1er juin 2007 en qualité de préparateur de commandes.

5. Le salarié a été licencié le 23 avril 2018.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ; qu'en retenant, dès lors, le contraire, pour écarter en l'espèce l'application du barème, fixé par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour condamner en conséquence l'employeur à payer au salarié la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et de l'article 24 de la charte sociale européenne révisée. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :

8. Aux termes de ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

9. Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

10. L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, permettant d'allouer au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

11. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne sont d'application et d'effet direct dans le système juridique français s'agissant des modalités qu'elles prévoient pour réparer le licenciement injustifié d'un travailleur, et qu'en application de ce texte, il appartient toujours au juge d'apprécier souverainement l'étendue du préjudice constitué par la perte d'emploi injustifié et le cas échéant de laisser inappliqué le barème s'il considère au vu des éléments fournis par le salarié que celui-ci n'est pas de nature à en assurer une réparation appropriée.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention n° 158 sur le licenciement de l'organisation international du travail ; qu'il en résulte que les stipulations de l'article 10 de la convention n° 158 sur le licenciement de l'organisation international du travail ne permettent, en aucun cas, au juge d'écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, en ce qu'elles fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en énonçant, par conséquent, pour écarter en l'espèce l'application du barème, fixé par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et pour condamner en conséquence l'employeur à payer au salarié la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'en application des stipulations de l'article 10 de la convention n° 158 sur le licenciement de l'organisation international du travail, il appartient toujours au juge d'apprécier souverainement l'étendue du préjudice subi par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi et, le cas échéant, de laisser inappliqué le barème prévu par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail s'il considère, au vu des éléments fournis par le salarié, que celui-ci n'est pas de nature à assurer la réparation appropriée de la perte injustifiée de l'emploi et que le barème d'indemnisation prévu par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, fixant un maximum d'indemnité de dix mois de salaire, apparaissait insuffisant à indemniser le salarié de la perte injustifiée de son emploi imputable à l'employeur au vu de l'ensemble des justificatifs de préjudice subi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et les stipulations de l'article 10 de la convention n° 158 sur le licenciement de l'organisation international du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, et l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur :

14. Aux termes du premier de ces textes, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

15. En application du deuxième, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

16. Aux termes du troisième, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

17. Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.
18. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme supérieure au montant maximal prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail, l'arrêt retient qu'en application de l'article 10 de la Convention OIT 158, il appartient toujours au juge d'apprécier souverainement l'étendue du préjudice constitué par la perte d'emploi injustifié et le cas échéant de laisser inappliqué le barème s'il considère au vu des éléments fournis par le salarié que celui-ci n'est pas de nature à en assurer une réparation appropriée.

19. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

20. La cassation du chef de dispositif visé par le moyen du pourvoi principal n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre Pôle emploi et l'Unedic ;

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Laboratoires dermatologiques d'Uriage à payer à M. [H] la somme de 23 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 30 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.

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