11 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-20.391

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00646

Titres et sommaires

IMPOTS ET TAXES - enregistrement - redressement et vérifications - polynésie française - remise en cause du régime fiscal d'un acte de vente par l'administration - procédure contradictoire - nécessité

En application de l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978 modifiant et complétant la procédure de redressement et les pénalités applicables en cas d'insuffisance de prix constatée dans l'évaluation des biens en matière de droits d'enregistrement, lorsque l'administration remet en cause le régime fiscal applicable à l'enregistrement d'un acte de vente et constate, par là même, une inexactitude dans les éléments servant de base au calcul du droit d'enregistrement, elle doit mettre en oeuvre la procédure contradictoire préalable à la mise en recouvrement

Texte de la décision

COMM.

SMSG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 octobre 2023




Cassation sans renvoi


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 646 FS-B

Pourvoi n° Y 21-20.391




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 OCTOBRE 2023

M. [R] [V], domicilié [Adresse 6], cadastré BK[Cadastre 1], [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Y 21-20.391 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Polynésie française, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au procureur général près la Cour d'appel de Papeete, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [V], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la Polynésie française, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 août 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fevre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, M. Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [V] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Papeete.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 mai 2021), le 29 mai 2015, M. [V] a acquis auprès de la société civile immobilière Moehau un bien immobilier situé dans la commune de [Localité 4] (Polynésie française). La vente a été soumise au droit fixe de 10 000 F CFP prévu à l'article LP. 2 de la loi du pays n° 2009-8 du 6 mai 2009.

3. Le 22 janvier 2018, soutenant que cette vente devait être soumise au droit d'enregistrement au taux de droit commun prévu à l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 88-111 du 29 septembre 1988, le receveur conservateur des hypothèques a émis contre M. [V] un avis de mise en recouvrement (AMR) d'un rappel de droits dont celui-ci s'est acquitté.

4. Après le rejet implicite de sa réclamation, M. [V] a assigné la Polynésie française en annulation de l'AMR et en restitution des droits supplémentaires payés.

Examen du moyen

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande visant l'annulation de l'AMR pour violation du principe du contradictoire puis de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'en application de l'article 1er de la délibération n° 78-3 du 20 janvier 1978 et de l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française, une procédure contradictoire s'impose en cas d'insuffisance, d'inexactitude, d'omission ou de dissimulation affectant les éléments servant de base au calcul des droits ; que cette formule inclut l'erreur qui a pu être commise quant au taux applicable eu égard aux caractéristiques de l'opération ; que tel était le cas en l'espèce ; qu'en écartant l'application du principe du contradictoire, les juges du fond ont violé l'article 1er de la délibération n° 78-3 du 20 janvier 1978 et l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978 modifiant et complétant la procédure de redressement et les pénalités applicables en cas d'insuffisance de prix constatée dans l'évaluation des biens en matière de droits d'enregistrement :

6. Aux termes de ce texte, lorsque le service de l'enregistrement constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul du droit d'enregistrement et du droit de transcription, le receveur de l'enregistrement fait connaître au redevable la nature et les motifs du redressement envisagé. Il invite en même temps l'intéressé à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de cette notification.

7. Pour rejeter les demandes de M. [V] en annulation de l'AMR et en restitution des droits supplémentaires payés, l'arrêt retient que l'AMR ne résulte pas du constat par l'administration d'une insuffisance, d'une inexactitude, d'une omission ou d'une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt, puisque ceux-ci sont constants, à savoir le prix de vente de l'immeuble cédé par la société civile immobilière Moehau à M. [V]. Il ajoute que l'administration n'a jamais remis en cause les éléments servant de base au calcul de l'impôt, mais qu'après avoir constaté qu'un droit d'enregistrement dérogatoire avait été appliqué à tort à ces éléments, elle a procédé à la mise en recouvrement des sommes dues en vertu du droit d'enregistrement de droit commun. Il en déduit que la procédure contradictoire préalable n'avait pas à être appliquée, de sorte que la procédure engagée est régulière.

8. En statuant ainsi, alors que l'administration qui remettait en cause le régime fiscal applicable à l'enregistrement de l'acte de vente litigieux constatait, par là même, une inexactitude dans les éléments servant de base au calcul du droit d'enregistrement et devait, par conséquent, mettre en oeuvre la procédure contradictoire préalable à la mise en recouvrement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Faute de mise en oeuvre par le receveur conservateur des hypothèques, préalablement à la mise en recouvrement des droits d'enregistrement supplémentaires en litige, générés par la remise en cause du régime fiscal applicable à l'acte de vente, de la procédure contradictoire prévue à l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978, la procédure engagée contre M. [V] est irrégulière.

12. En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'AMR n° 917/VP/RCH du 22 janvier 2018 et a condamné la Polynésie française à payer à M. [V] la somme de 150 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance, et de prononcer la décharge des droits.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 20 novembre 2019 par le tribunal civil de première instance de Papeete n° RG 18/00461 en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement n° 917/VP/RCH du 22 janvier 2018 et a condamné la Polynésie française à payer à M. [V] la somme de 150 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les dépens de première instance ;

Prononce la décharge des droits objet de cet avis de mise en recouvrement ;

Condamne la Polynésie française aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Polynésie française et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.

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