28 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.690

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200958

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - rente - rente prévue à l'article l. 434-2 du code de la sécurité sociale - objet - indemnisation du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent

Par deux arrêts d'assemblée plénière rendus le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et n° 21-23.947), la Cour de cassation, revenant sur sa jurisprudence, juge désormais que la rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Il en résulte que la victime d'une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées que la rente ou l'indemnité en capital n'ont pas pour objet d'indemniser

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2023




Rejet


Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 958 F-B

Pourvoi n° G 21-25.690




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023

La société [8], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5], venant aux droits de la société [7], elle-même venant aux droits de la société [6], a formé le pourvoi n° G 21-25.690 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2021 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, dont le siège est [Adresse 9], [Localité 3],

2°/ à M. [E] [B], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [G] [B] et de [M] [B],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [8], venant aux droits de la société [7], elle-même venant aux droits de la société [6], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [B], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [G] [B] et de [M] [B], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 15 novembre 2021), [G] [B] (la victime), employée de 1964 à 1991, en qualité de piqueuse, par la société [6], aux droits de laquelle vient la société [8] (l'employeur), a adressé une déclaration de maladie à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme qui a pris en charge la pathologie au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. La victime est décédée des suites de sa maladie le 23 janvier 2017.

2. L'ayant droit de la victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme l'indemnisation des préjudices personnels de la victime, alors « qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle la rente majorée versée par la CPAM à la victime d'une maladie professionnelle en application des articles L. 431-1 et L. 452-2 du Code de la sécurité sociale indemnise le déficit fonctionnel permanent ; que l'indemnisation de ce poste de préjudice comprend les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales endurées par elle après la consolidation ; que, dès lors, en l'absence de préjudice professionnel, le salarié peut uniquement réclamer, au titre de la faute inexcusable, la réparation des préjudices personnels qui n'ont pas été indemnisés par le capital qu'il a perçu ; qu'au cas présent, l'employeur exposait que la victime était déjà à la retraite depuis plusieurs années lors de l'apparition de la maladie de sorte que son affection n'avait eu aucune incidence professionnelle ; que dès lors la rente qui lui était versée au titre de la maladie indemnisait nécessairement son déficit fonctionnel permanent ; qu'en se bornant à affirmer, pour fixer le montant des réparations au titre des souffrances endurées que la victime avait subi des soins médicaux, sans expliquer en quoi ces souffrances constatées, résultant des suites normales de la maladie, étaient au moins partiellement distinctes du déficit fonctionnel permanent déjà réparé par le versement d'une rente majorée, la Cour d'appel a violé les articles L. 431-1, L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu par l'article R. 434-1 du même code est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

6. Selon l'article L. 452-3 du même code, indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit de demander à celui-ci devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

7. La Cour de cassation jugeait depuis 2009 que la rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. Crim. 2009, n° 97 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvois n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; pourvoi n° 07-21.768, Bull. 2009, II, n° 153 ; pourvoi n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154). Elle n'admettait que la victime d'une faute inexcusable percevant une rente ou une indemnité en capital d'accident du travail ou de maladie professionnelle puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales qu'à la condition qu'il soit démontré que celles-ci n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 28 février 2013, pourvoi n° 11-21.015, Bull. 2013, II, n° 48).

8. Par deux arrêts d'assemblée plénière rendus le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947), la Cour de cassation, revenant sur sa jurisprudence, juge désormais que la rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

9. Il en résulte que la victime d'une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées que la rente ou l'indemnité en capital n'ont pas pour objet d'indemniser.

10. L'arrêt relève que la victime était consciente de sa perte totale d'autonomie jusqu'à son décès prématuré dont elle a redouté la survenue et ressentait un sentiment d'injustice en raison du lien entre la maladie et l'activité professionnelle. Il en déduit l'existence de souffrances morales. Il ajoute que la nature de la pathologie, particulièrement douloureuse, les soins chimiothérapiques, les hospitalisations subies, la dyspnée sévère et l'altération de l'état général de la victime justifient l'indemnisation accordée au titre des préjudices physiques.

11.

Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, après avis donné aux parties, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [8], venant aux droits de la société [7], elle-même venant aux droits de la société [6], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [8], venant aux droits de la société [7], elle-même venant aux droits de la société [6], et la condamne à payer à M. [B], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [G] [B] et de [M] [B], la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-trois par Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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